Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-nigériennes et la situation politique au Burkina Faso et au Mali, à Paris le 27 janvier 2022.

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Circonstance : Entretien avec M. Hassoumi Massoudou, ministre des affaires étrangères et de la coopération du Niger

Texte intégral

Je suis vraiment très heureux de m'entretenir aujourd'hui avec mon ami Hassoumi Massoudou. J'ai plaisir à l'accueillir et nous avons eu un échange approfondi sur la situation politique et sécuritaire au Sahel et j'ai noté une très grande convergence de vues entre nous. Nous avons, comme vous le savez, une relation extrêmement étroite avec le Niger. Il est d'ailleurs utile de rappeler que l'expérience démocratique au Niger, qui a vu un président élu succéder à un autre président élu, est une expérience exemplaire dans la région et au-delà. Il est utile de le rappeler et de rappeler que ça marche !

Nous avons évoqué la situation au Burkina Faso, et je réitère, à l'instar des organisations africaines et des Nations unies, notre préoccupation et notre condamnation du renversement de l'ordre constitutionnel. Je voulais rappeler aujourd'hui notre appui à la CEDEAO qui doit se réunir demain pour examiner la situation. Le retour à l'ordre constitutionnel. Nous souhaitons ici que la préservation de l'intégrité physique du Président Kaboré et des autres personnalités détenues soit garantie. Nous appelons à leur libération immédiate et nous faisons confiance à la CEDEAO pour les initiatives indispensables qui doivent être prises à l'égard de la situation au Burkina Faso.

Concernant le Mali, l'engagement collectif de la communauté internationale, qui y déploie des ressources considérables au seul profit du peuple malien, a pour objectif de lutter contre les groupes terroristes qui y sévissent et d'éviter leur expansion en Afrique de l'Ouest.

Je rappelle que cet engagement collectif se fait parfois au prix du sang, et je souhaite ici rendre hommage au brigadier Alexandre Martin, mort pour la France dans l'accomplissement de sa mission, samedi dernier.

Mais cet engagement international, nous en avons parlé, s'inscrit aujourd'hui dans un contexte nouveau. Il est marqué par une double rupture. Une double rupture du fait de la junte, rupture du cadre politique et rupture du cadre militaire.

Il y a une rupture du cadre politique d'abord. La volonté de la junte, issue d'un double coup d'Etat, la volonté de confisquer le pouvoir pendant cinq ans est inacceptable. Et la CEDEAO a pris des mesures fortes à cet égard. L'Union européenne, lors du dernier conseil des affaires étrangères de lundi dernier a décidé d'appuyer l'action de la CEDEAO en adoptant, dans les jours prochains, des sanctions individuelles contre les dirigeants de la junte qui font obstruction au processus de transition. Et l'Union européenne est sur ce point très unie, très solidaire vis-à-vis de la CEDEAO.

Il y a une rupture militaire ensuite. Par le déploiement, désormais effectif, de centaines de mercenaires de Wagner avec le seul objectif de protéger une Junte avide de pouvoir.

À la fin du mois de décembre, nous avons condamné, avec l'ensemble des partenaires engagés au Mali, le déploiement de ces mercenaires. L'Union européenne a pris ses responsabilités en adoptant des sanctions contre Wagner, contre ses dirigeants et contre les entités qu'ils contrôlent. Nous faisons tous le constat collectif que Wagner est une force de déstabilisation et de prédation et d'exaction. Et nulle part au monde elle n'a été une solution à apporter dans la lutte contre le terrorisme.

Maintenant la junte depuis hier remet en cause, sur des allégations infondées, le déploiement des forces danoises dans la force Takuba, alors que ce déploiement s'appuie sur une base juridique solide et a fait l'objet du consentement antérieur des autorités maliennes. C'est un nouveau signe de fuite en avant. Et je voudrais dire ici avec beaucoup de force que cette Junte est illégitime et qu'elle prend des mesures irresponsables.

Avec 15 autres partenaires européens, nous avons hier soir exprimé notre solidarité avec le Danemark dont la contribution à la lutte contre le terrorisme est déterminante. Mais la junte, au mépris des engagements donnés, porte l'entière responsabilité du retrait des forces danoises et s'isole davantage encore de ses partenaires internationaux. J'ajoute qu'il y a en plus, dans la rupture militaire, l'obstruction sur l'accomplissement par les Nations unies de leur mandat.

Et donc il nous faut une réponse unanime, ferme et déterminée par les partenaires régionaux et internationaux du Mali.

Il faudra tirer des conséquences de cette situation et nous voulons aujourd'hui poursuivre des discussions avec l'ensemble de nos partenaires, poser cette question dans un cadre collectif pour garder notre objectif initial qui est fondamental. C'est-à-dire combattre le terrorisme.

Rester déterminés à être engagés au Sahel dans ce combat mais tirer les conséquences de cette double rupture marquée par la junte à la fois politique et militaire. Nous avons commencé à nous entretenir de ce sujet et ces discussions vont se poursuivre dans les prochains jours dans différents formats, dans différentes instances, avec le même objectif : lutter contre le terrorisme au Sahel et marquer l'illégitimité de l'action de la junte.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 janvier 2022