Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations entre la France et le Maroc, à Rabat le 16 décembre 2022.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec M. Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger

Texte intégral

Merci beaucoup, Monsieur le Ministre.

Monsieur le Ministre, cher Nasser,
Mesdames et Messieurs,

Je voudrais dire tout d'abord que je suis très heureuse d'être ici, aujourd'hui, au Maroc, un grand pays, un pays ami, et pour la France, un partenaire d'exception. Un pays avec lequel nous avons tissé au fil des siècles, le ministre le disait, une relation d'une densité et d'une qualité exceptionnelle. Je crois même pouvoir dire qu'entre Français et Marocains, il y a quelque chose, on dit souvent, de singulier, d'unique, spontanément, et c'est une relation qui ne se compare à aucune autre.

Je voudrais commencer, chers amis marocains, par dire mon respect et mon amitié pour le Maroc, mais aussi par adresser mes félicitations à l'équipe marocaine. Elle a fait un remarquable parcours et elle a fait aussi, mercredi soir, un très beau match. Je suis sûre que ce n'est que le début de nouvelles et belles aventures pour le football marocain. Donc, faites comme nous : vivez vos rêves ! Tous nos vœux vous accompagnent. Je suis sûre que c'est une équipe qui ira très loin.

Certains d'entre vous le savaient, mais le ministre vous l'a dit, je suis souvent venue dans votre pays, dans des fonctions officielles diverses, ou à titre privé, et toujours avec joie. C'est en effet la première fois que je me rends au Maroc en tant que ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Je veux dire à quel point j'ai été touchée par l'accueil amical, chaleureux, que m'a réservé mon homologue, M. Nasser Bourita. Je le remercie.

Nous sortons tout juste de consultations très riches, approfondies, au cours desquelles nous avons échangé sur de très nombreux sujets, et nous continuerons. J'ai pu constater notre très grande proximité de vues sur beaucoup de dossiers, mais je voudrais devant vous, pour me concentrer sur l'essentiel, retenir surtout les deux grands principes qui, je crois, résument bien là où nous en sommes, aujourd'hui, dans cette relation, et là où nous voulons aller. C'est d'abord une volonté commune qui est de se projeter vers l'avenir. C'est ensuite l'existence, nous l'avons constaté, une nouvelle fois, de très fortes convergences entre nos deux pays, qui seront autant de points d'appui vers cet avenir en commun.

Quelques mots sur chacun de ces deux grands principes. Projection vers l'avenir, tout d'abord. Le ministre vous l'a dit, ma visite aujourd'hui acte la volonté commune du Maroc et de la France de se projeter, ensemble, vers l'avenir, conformément à la volonté exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Président de la République française. Ils l'ont fait à nouveau, lors de leur entretien téléphonique, de substance, le 1er novembre ; ils l'ont fait également, sachez-le, mercredi soir. Je ne trahis aucun secret, puisque je crois que cet entretien est déjà connu de vous, mais je voulais le citer devant vous. L'étape suivante, ce sera la visite d'État du Président de la République française au Maroc, à une date qui reste à finaliser, mais qui sera proche, disons, au premier trimestre de l'année qui va s'ouvrir dans très peu de temps.

Cette projection vers l'avenir, c'est de notre responsabilité commune, pour forger des relations qui soient bénéfiques à nos deux pays ; mais les forger- nous en avons beaucoup parlé avec le ministre - pour les 10 ou 20 ans qui viennent, et pas seulement pour aujourd'hui. Il nous faut voir loin et nous voulons voir loin. Cette projection sur l'avenir, elle se fera grâce à un dialogue de la même qualité que celui que nous avons eu aujourd'hui, c'est-à-dire un dialogue respectueux, des échanges nourris, ouverts. Nous sommes tous deux, le ministre et moi, dans un esprit très constructif à cet égard.

Je souhaite d'ailleurs, et pour illustrer peut-être mon propos, mentionner devant vous un sujet qui nous a occupés, un peu, ces derniers mois. Sachez que nous avons pris des mesures avec nos partenaires marocains pour la reprise de l'activité consulaire normale ; et j'ajoute que c'est fait, pour restaurer une relation consulaire complète entre nos deux pays. Notre objectif est bien de rehausser les échanges humains entre le Maroc et la France, de favoriser encore davantage cette imbrication profonde de nos sociétés qui fait que cette relation est si singulière. Le capital humain qui existe entre nous est un atout pour notre pays. Ces échanges sont et resteront le socle de notre relation bilatérale, son moteur pour l'avenir, puisque je veux vous parler d'avenir. J'ajoute que je suis heureuse d'avoir pu y prendre ma part.

Plus généralement, et au-delà de ce sujet, la densité du partenariat franco-marocain ne s'est jamais démentie, ni tarie, ces dernières années, dans tous les domaines : économique, culturel, éducatif, sécuritaire, universitaire. Il y en aurait bien d'autres à citer. Nous sommes convenus d'approfondir encore notre travail conjoint pour lancer de nouvelles pistes de coopérations, allant au-delà de celles qui nous unissent, aujourd'hui, dans des domaines clés pour le Maroc, comme pour la France. Comme le ministre vous l'a dit, nous souhaitons progresser à bon rythme pour permettre à la visite d'État du Président de la République de marquer cette ambition que nous avons pour nos deux pays.

Voilà pour le premier point. Je vous parlais de convergences que nous avons pu constater, à nouveau, ce matin. Elles sont réelles, elles sont importantes, elles sont grandes, même, dirais-je, sur de nombreux sujets.

Sur les questions internationales, nous en parlerons encore tout à l'heure, nous avons commencé de les aborder, le Maroc et la France sont à l'unisson. Le partenariat franco-marocain peut d'ailleurs être un moteur dans le traitement de certains des défis qui sont devant nous : tout ce qui a trait aux questions globales. Nous avons des visions et des ambitions très proches, et pouvons agir en commun, sur aussi tout ce qui a trait au continent africain. Nous avons abordé un certain nombre de situations.

Sur la lutte contre le changement climatique, sur l'amélioration de la sécurité alimentaire dans le monde, sur les questions énergétiques, sur les questions si importantes désormais de croissance durable et inclusive, nous y sommes attachés, des deux côtés, de lutte aussi contre le terrorisme, la radicalisation, sur tous les enjeux de transition écologique. Je pourrais en citer beaucoup d'autres, nous faisons le constat que nous avons énormément à apporter l'un à l'autre. Nous souhaitons donc utiliser ces convergences dans le cadre de la préparation de la visite d'État et pour que la visite d'État permette de se situer au niveau d'ambition que nous souhaitons pour nos deux pays. J'ajoute que, au-delà des simples relations franco-marocaines, dans ce monde complexe, pour ne pas dire dangereux, incertain, qui est la réalité du monde dans lequel nous évoluons, ces convergences sont importantes. Nous devons les utiliser. Nous devons nous appuyer l'un sur l'autre et nous avons décidé de le faire. Ce partenariat franco marocain est profondément ancré dans une vision du monde que nous partageons. Un attachement au respect de nos valeurs, au respect du multilatéralisme, au droit international. Et c'est là aussi un atout dont nous devons nous servir.

En résumé, je dirais que notre volonté est simple : c'est d'être dans une relation de partenariat - je reprends le qualificatif - exemplaire avec le Maroc, un partenariat 'exception, un partenariat fraternel, et un partenariat moderne. Nous savons, le ministre en disait quelques mots tout à l'heure, que cela suppose, des deux côtés aussi, de nous adapter aux attentes légitimes du Maroc, qui s'est profondément transformé, qui continue de se transformer, et qui joue un rôle majeur, aujourd'hui, en Méditerranée, en Afrique. Et de lui proposer ce que la France, qui elle-même se réforme, s'adapte, se transforme, qui elle aussi a changé, profondément, lui proposer ce que nous avons de meilleur pour construire un partenariat où nous pouvons agir ensemble. C'est bien cela le sens de la visite d'État sur laquelle nous allons travailler, le ministre et moi-même, mais aussi toutes nos équipes, des deux côtés de la Méditerranée. Nous sommes déterminés à aller plus loin et écrire ensemble une nouvelle page, où le Maroc et la France s'appuient l'un sur l'autre, puisqu'ils ont besoin l'un de l'autre, nous le savons aussi bien pour nos relations économiques que pour notre sécurité, pour promouvoir nos valeurs et pour répondre aux attentes de nos citoyens, de nos jeunesses, de nos deux pays.

Voilà, en quelques mots, et je suis bien sûr, comme le ministre, à votre disposition si vous avez des questions.


Q (AFP) - Bonjour, ... une question pour vous deux. Je voulais savoir si vous aviez abordé la question du Sahara occidental, et si oui, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Est-ce que la France est prête à reconnaître la marocanité du Sahara occidental ?

R - Je vois que M. le Ministre me laisse répondre la première, mais il complétera puisque vous avez adressé votre question, Madame, aux deux ministres. La position de la France est bien connue du Maroc, comme de tous nos amis, au demeurant. J'ai tenu à la rappeler ce matin auprès de l'un de vos confrères : c'est une position qui a le double mérite d'être à la fois claire et constante. Nous soutenons le cessez-le-feu, nous soutenons les efforts de l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies. Et nous souhaitons - ce n'est pas nouveau non plus - la reprise des négociations entre les Parties en vue d'une solution juste et réaliste.

Dans ce cadre, et on l'a mesuré les années passées, avec constance, je le redis, la position de la France aux Nations unies, en particulier pour le renouvellement mandat MINURSO, a été - je crois pouvoir le dire - apprécié du Maroc. Si votre question porte, en complément, Madame, sur le plan d'autonomie proposé par le Maroc, depuis quelques années, là aussi, je crois que notre proposition est parfaitement connue de notre partenaire et ami marocain : c'est une position, dont je peux dire qu'elle est favorable au Maroc, nous l'avons démontré en particulier aux Nations unies, même lorsque nous étions un peu seuls à vouloir faire progresser quelques idées. Donc nous ne changeons pas. Le Maroc sait qu'il peut compter sur l'appui de la France, en particulier dans un moment où les tensions étant revenues, et quelques entorses au cessez-le-feu ayant été constatées, il faut donner clairement cette direction. Nous le faisons et nous le répétons. J'ai tenu à le répéter, encore aujourd'hui.

(...)

Q (Media 24) - Bonjour, j'ai une question, si vous le voulez bien, pour chacun d'entre vous. Madame Colonna, vous nous avez dit que votre visite, en quelque sorte, signait un retour à la normale sur la question des visas. Est-ce que les consulats français, concrètement, vont se remettre à délivrer des visas sans aucune... sans restriction, comme c'est le cas depuis septembre 2021 ? Pardon... Je vais en profiter pour... Ma question pour M. le ministre. Monsieur le Ministre, un petit mot sur cette crise qui empoisonne les relations depuis un an ? Un petit mot, juste, un an après ? Est-ce qu'il y a eu une contrepartie pour faire évoluer les choses ? Merci.

R - Monsieur le Ministre, avec votre autorisation, je répondrai à la première question, puisqu'elle m'était adressée. Je vous ai dit tout à l'heure et je le confirme volontiers, Monsieur, que nous avons fait ce qu'il fallait pour reprendre une activité consulaire normale. Je crois même avoir ajouté "c'est fait" ! Donc, je vous le confirme volontiers, c'est fait ! Et donc, pour faire encore plus court et encore plus clair, mais je pensais avoir été claire -, la réponse à votre première question est "oui". Je ne peux pas faire mieux !

(...)

R - Je l'ai dit, et vous voyez qu'on aborde cette adaptation, nécessaire, au demeurant, dans un esprit positif, constructif, et je dirais même volontariste. Oui, c'est un atout de voir que le Maroc a pu évoluer, a pu développer, aussi, dans la région et au-delà, un rôle qu'il n'avait pas, il y a quelques années. Nous-mêmes, nous nous transformons, nous nous réformons. Il faut évidemment s'adapter, c'est un phénomène naturel et c'est ce qui permet de placer notre relation pour les décennies - disons déjà pour les 10 ans qui viennent - sur un haut niveau de qualité, plus moderne, tels que la situation d'aujourd'hui le requiert et les défis d'aujourd'hui le requièrent.

Merci beaucoup, merci de votre intérêt.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 décembre 2022