Texte intégral
Q - Bonjour, Chrysoula Zacharopoulou.
R - Bonjour.
Q - A 48 heures d'un déplacement en Afrique qui va le conduire au Gabon, en Angola, au Congo Brazzaville et en République démocratique du Congo, le Président de la République a présenté hier sa vision des relations entre la France et l'Afrique. L'Afrique est évidemment indissociable de la francophonie, puisque c'est sur ce continent que se trouvent 60% des francophones de la planète, et pourtant la francophonie n'a pas été, ne serait-ce qu'évoquée, hier, par Emmanuel Macron. Comment faut-il le comprendre ?
R - Comme vous l'avez dit, 60% des francophones vivent sur le continent africain. Vous avez bien noté que ce voyage se fait dans trois pays sur quatre qui sont des pays francophones, et en particulier on va en RDC qui est le plus grand pays francophone. Je pense que c'est un bon exemple pour souligner que la langue française crée des liens humains. Cela n'a pas été dit dans le discours, mais le voyage, le fait qu'il se fasse dans des pays francophones montre l'importance de cette francophonie. Je voulais vous dire aussi qu'en particulier la RDC, où j'ai été, il y a trois mois, la jeunesse me demandait d'utiliser davantage cet outil, la langue, et créer plus de liens humains, plus de collaboration, plus de coopération. Le Président a annoncé que le prochain sommet de la Francophonie sera en France, alors, je pense que vous voyez l'attachement qui est le sien à la francophonie, son engagement fort, et une francophonie moderne, c'est clair la francophonie on la vit.
Q - Pas besoin de le dire, c'est ça ? C'est une évidence, donc, pour vous. C'est le mot " partenariat " qui a été de loin le plus employé, hier, par Emmanuel Macron au cours de son discours. Plus de politique africaine de la France a-t-il répété, plus de pré carré, mais la volonté de passer d'une logique d'aide à une logique d'investissement solidaire, et donc de partenariat. Est-ce que tout cela est vraiment nouveau, au-delà des mots ? Est-ce que ça ne fait pas des années que la France répète : " on n'aide plus, mais nous sommes des partenaires sur un pied d'égalité " ?
R - Depuis 2017, je voulais vous rappeler que le Président a mis l'Afrique, le continent africain, comme priorité de sa politique extérieure, que ce soit en France, mais aussi comme un leader européen. Le mot " aide " est un mot qui n'est pas accepté aujourd'hui par la jeunesse africaine, et je comprends tout à fait. Moi-même, je discute beaucoup pendant mes déplacements. Le mot " aide " est asymétrique ; c'est comme si d'un côté il y a quelqu'un qui donne et de l'autre côté quelqu'un qui reçoit.
Q - Mais on l'emploie encore en France, on parle quand même d'aide publique au développement.
R - Oui, c'est un vieux mot, mais le mot qui est demandé, aujourd'hui, justement, et que le Président et moi-même nous partageons, c'est la question du partenariat. Le partenariat, c'est une question d'une relation d'égal à égal, d'une relation transactionnelle, d'une relation où chacun est gagnant, parce que chacun a des intérêts.
Q - Emmanuel Macron a parlé de ce nouveau partenariat. Et il a dit : " nous sommes au milieu du gué, aujourd'hui ; c'est-à-dire que nous sommes comptables du passé, mais sans avoir encore convaincu sur notre nouvelle politique ". Est-ce que c'est seulement un problème de conviction, ou est-ce que c'est un problème d'efficacité ?
R - C'est une histoire longue, avec beaucoup de réflexes du passé, et je pense que changer la posture, changer la vision, ça ne se fait pas d'un jour à l'autre. C'est cela qu'il essaye de faire depuis 2017, c'est cela que moi-même j'essaye de faire, et je vois qu'il y a beaucoup de travail. Mais l'envie, l'envie politique, elle est là. L'engagement, il est là. Le travail que l'on fait, il est là. Je pense qu'on est à un bon moment. Je le vois aussi en échangeant avec beaucoup de partenaires africains qui savent qu'à un moment il faut traverser le fleuve pour arriver de l'autre côté.
Q - Emmanuel Macron, veut renforcer, il l'a dit hier, renforcer l'envie d'Afrique en France. Quelle est cette envie d'Afrique, comment s'exprime-t-elle ? Comment se traduit-elle ?
R - Pendant toutes ces années, il a cherché à donner envie de France en Afrique. Mais en même temps, comme vous l'avez dit, son discours d'hier était adressé aux Français, car plusieurs millions de Français ont une histoire avec le continent africain.
Q - C'est là qu'on retrouve ce qu'il appelle la part d'africanité de la France ? C'est une façon de dire qu'il faut mieux prendre en compte et peut-être demander aux diasporas africaines, aussi, de se saisir de ce nouveau partenariat ?
R - Je pense que le Président, hier, avec cette phrase, l'africanité, comme vous dites, il reconnaît l'importance de ce qu'elle apporte, tout d'abord à notre société, mais aussi à notre relation avec le monde, à toutes ces personnes qui soit d'origine, soit de mariages, mais c'est très important de ne pas seulement valoriser, mais de reconnaître le rôle qu'ils ont.
Q - " Je n'ai aucune nostalgie de la France-Afrique, mais je ne veux pas laisser un vide, ou une absence à sa place ", a dit Emmanuel Macron, hier. Est-ce que ce n'est pas pourtant ce que certains pays africains veulent, aujourd'hui ?
R - Vous savez, l'Afrique, on a souvent parlé de la politique ...
Q - Politique africaine de la France.
R - Exactement.
Q - Expression qu'il a récusée une nouvelle fois, hier.
R - Oui. L'Afrique, ce n'est pas un pays, ce n'est pas un sujet cloisonné. Il faut que nous arrêtions de parler " de l'Afrique "... Il faut...
Q - Mais là, je vous demandais si certains pays ne souhaitent pas que la France disparaisse, en effet, de leur territoire, et peut-être de leur histoire, d'une certaine manière ?
R - Pas du tout. Pas du tout.
Q - Vous en êtes sûre ?
R - J'en suis sûre, parce que je passe beaucoup de temps sur le terrain, j'échange avec les personnes. Ils demandent une nouvelle France, ils veulent une France avec une nouvelle posture, humble, à l'écoute. Ça, c'est normal. Et je pense que c'est ça que nous devons tous faire. Mais l'envie, elle est là, de tous les deux côtés. Les liens humains sont là. Il faut les renforcer.
Q - Mais est-ce qu'il y a encore envie de France, au Mali, par exemple ?
R - Vous parlez de la junte ou vous parlez des personnes ?
Q - Je parle du peuple malien.
R - Je ne suis pas allée au Mali. Mais je parle beaucoup avec des ONG ou avec des personnes qui sont d'origine malienne, qui vivent ici. Oui.
Q - Et au Burkina Faso ?
R - Au Burkina Faso, où je suis allée...Oui.
Q - Où la France a été récemment sommée de retirer ses troupes militaires ?
R - Oui, le départ des troupes militaires... ce n'est pas la fin d'une relation. La fin d'une présence militaire ne veut pas dire la fin d'une relation. Il faut faire attention à ça. Car il y a tellement de liens et tellement de coopérations entre la société civile, les personnes, les scientifiques, alors, non. Je pense qu'il y a une envie de tous les deux côtés.
Q - Merci, Chrysoula Zacharopoulou. Bonne journée.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er mars 2023