Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la coopération médicale entre la France et la République démocratique du Congo, à Kinshasa le 5 mars 2023.

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Circonstance : Discours sur la recherche scientifique

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les ministres,
Monsieur le Professeur,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs, Ambassadrices,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités.


Tout a été dit par Monsieur le ministre et le Professeur à l'instant. Je tenais à remercier le Professeur MUYEMBE pour l'accueil à l’INRB, ce fleuron de la recherche scientifique congolaise et le remercier pour les propos qu'il vient de tenir. La sérendipité, c'est le mariage, en effet, du hasard et de la ténacité. Et quand on voit votre parcours et celui de votre laboratoire, il y a peut-être eu des hasards. Mais on est convaincu d'une chose, il y a eu beaucoup de ténacité dans le temps, une obstination joyeuse et généreuse à marier les talents, à les former et à les faire grandir, à vous équiper, à tresser les coopérations et à réussir à bâtir ici ce véritable fleuron. Alors, je ne vais pas répéter ce qui a été dit. L'objectif premier était en effet de constituer une forme de l'Institut Pasteur. Et d'ailleurs, vous avez placé sous ces auspices votre propos, ce qui montre la fidélité à ce rêve.

Il y a eu ensuite la découverte d'Ebola. Le travail qui a été fait. Le travail qui ensuite a permis d'aller jusqu'à l’anticorps monoclonal et les expériences très concrètes des procédés. Puis, sur ce chemin, la coopération avec la France, la présence du Président MITTERRAND en 1984, dont nous avons vu la photo tout à l'heure, qui va sceller une amitié, une coopération inédite. Même s'il y a 30 ans maintenant, la France a cessé cette coopération du fait des événements politiques, jamais le lien n'a été rompu parce que beaucoup de vos chercheurs, de vos post-doc et de vos étudiants, même de quelques semestres, ont continué à être formés en France et en particulier à l'université de Montpellier. J'ai pu le constater tout à l'heure en visitant le laboratoire, une bonne partie était passée par Montpellier. Et donc ce lien a persisté à travers la formation, les échanges et la circulation des talents, mais avec cette volonté de revenir. Je n'ai pas vu que ni pour eux ni pour vous, ces ailes de géant vous empêchant de marcher. L’Albatros se porte bien quand il revient à l’INRB et au Congo.

Au-delà de cela, il y a cette formation aussi de nombreux chercheurs à travers tout le continent. On me dit qu'il y a au moins sept pays d'Afrique centrale ici représentés avec des femmes et des hommes qui sont passés par l'Institut national de santé publique et qui ont ainsi ici appris. C'est vrai qu'il y a eu un peu moins de coopération, en tout cas, sauf ces mécanismes de formation, une présence différente.

Alors nous avons commencé à changer les choses. Vous l'avez rappelé avec la feuille de route franco-congolaise en matière de santé signée en 2019 qui nous a permis d'engager ensemble des actions ambitieuses pour lutter contre Ebola, le renforcement du système de santé congolais et la création de nouveaux partenariats scientifiques. Et cette ambition partagée nous a permis de faire face ensemble d'ailleurs, à la crise de Covid-19, où vous avez été en première ligne et où on a pu ainsi contribuer à financer un laboratoire de séquençage qui vous a permis de travailler en temps réel et d'échanger des travaux avec l’ANRS et tant d'autres laboratoires à travers le monde.

Mais aujourd'hui, nous passons à une étape supérieure. C'est en effet une nouvelle page qui s'ouvre avec la Plateforme de recherche internationale en santé mondiale et cette convention PRISM. A travers elle, c'est un partenariat nouveau et ambitieux qui se met en place entre l’INRB, 4 institutions scientifiques françaises, l'IRD, l'Université de Montpellier, l’ANRS et l'Inserm, couvrant ainsi de nombreux domaines et les thématiques d'Ebola, la variole du singe, la Covid-19 et les essais thérapeutiques que vous avez vous même réévoqués.

Cette étape d'aujourd'hui et ce que vous allez en faire concrètement permet de revenir à la logique, si je puis dire originelle. En ayant toutefois beaucoup appris collectivement et donc en faisant encore beaucoup plus et plus fort, parce qu'au fond, nous avons appris quelques éléments qui, à mes yeux, au-delà de la signature d'aujourd'hui, doivent guider nos travaux.

D'abord, vous l'avez très bien dit, tous ces virus n'ont plus de frontières géographiques. Qu'ils soient régionaux ou à l'échelle du continent. Ces virus maintenant s'internationalisent en temps réel et nous l'avons encore vécu ces derniers temps. Et donc, une coopération internationale du meilleur niveau qui vient compléter les liens que vous avez avec la Belgique, le Japon et plusieurs autres pays est pertinente et vient renforcer le caractère international d'un laboratoire comme le vôtre.

La deuxième chose, c'est qu'il n'y a plus de frontières entre la nature, les espèces animales et les hommes. Là aussi, nous l'avons vécu. On en parlait tout à l'heure dans le laboratoire. Il y a fort à parier que des espaces d'interaction aussi vibrant avec une biodiversité si riche seront les épicentres d'épisodes à venir de zoonoses pathogènes, voire létales pour l'homme, et donc il est important d'y renforcer les lieux de recherche à la pointe avec les meilleurs équipements.

Cette philosophie - si je puis dire, de recherche - elle vous est familière parce que c'est votre quotidien, votre savoir - elle l'était peut-être moins dans les politiques publiques de la santé nationale et internationale. Et je crois que c'est un des éléments que nous avons appris pendant le Covid qui a conduit à ce qu'on a appelé « One Health ». Pour moi, ce qui sera fait sur la base du partenariat et de la convention PRISM est très illustratif de cette stratégie One Health que nous avons défendue depuis un peu plus de deux ans, qu'on a encore évoqué à Libreville dans le cadre du One Forest Summit. La compréhension de tous ces phénomènes sera clé notamment la capacité à faire travailler ensemble des disciplines qui se parlaient insuffisamment pour comprendre les interactions entre tel phénomène de biodiversité, telle espèce animale, tel virus.

À cet égard, comme je le disais, l'émergence ou la réémergence de zoonoses pathogènes, voire létales pour l'homme, sont directement liées à ce que nous traitons aujourd'hui et pour cela j’en suis très heureux. Vous l'avez évoqué, Monsieur le Ministre, que la RDC rejoigne l'initiative PREZODE que nous avons lancée en 2021 et qui vient concrétiser les travaux de ce type.

Dernier point, nous avons aussi appris qu'il ne fallait plus qu'il y ait de frontière entre la recherche clinique et la capacité à traduire les réponses les plus rapides possibles sur le terrain d'un point de vue épidémiologique afin de pouvoir diagnostiquer, traiter, soigner. C’est essentiel si on veut éradiquer les virus dès qu'on les a identifiés et le faire au bon endroit, au bon moment avec les bons instruments. C'est pourquoi, en scellant ce partenariat nouveau et en venant aussi consacrer vos travaux depuis tant d'années, je veux ici dire l'importance pour nous de deux choses qui viennent compléter ce qu'on est en train de se dire.

La première, c'est de continuer de renforcer le système de santé primaire de la RDC. Parce que faire tout ce qu'on fait avec vous aujourd'hui n'a de sens que si le jour où une nouvelle épidémie surgit, on ait les meilleures capacités à organiser une campagne de vaccination, à déployer des réponses. Et donc il nous faut en parallèle redoubler d'efforts pour partout sur le territoire, avoir un système de santé primaire qui permette d'apporter la réponse à la population au plus vite et au plus près. Il nous faut aussi avoir la bonne politique de prévention.

Deuxième chose, c'est évidemment de développer les capacités de production, des traitements, des éléments de diagnostic, des dispositifs médicaux et des vaccins sur le territoire africain. C'est le cœur de ce que nous avons lancé au printemps 2021 en Afrique du Sud, également dans plusieurs autres pays. Ce continent qui représente 20 % des besoins de vaccins à l'échelle de la planète, en produit 2 %. Dès qu'il y a une épidémie qui est à l'échelle mondiale, il se passe ce qu'on a déjà vécu : les gens qui les produisent les gardent pour eux. Ceux qui en produisent moins sont les derniers servis. Est-ce qu'on peut légitimement, considérer que c'est une fatalité, qu'on ne devrait rien faire ? Non.

Donc on doit aussi investir sur des capacités, pas simplement de recherche mais de production de tout ce qui est le fruit de la recherche partenariale à laquelle vous aurez contribué. Sinon, le risque, c'est que dans deux ans, cinq ans, dix ans, peut-être aurez-vous séquencé ici un virus ou aurez-vous contribué à le découvrir ? Les Européens, les Américains et les Asiatiques, les plus riches, auront la possibilité de produire très vite un vaccin et vous ne l'aurez que 6 ou 12 mois plus tard. Il faut donc aussi que nous nous mettions ensemble en capacité de produire sur le sol africain, dans des hubs de production des vaccins qui reposent soit sur la technique du virus mort, soit sur celle de l'ARN messager. Il n'y a pas de fatalité en investissant.

Voilà les quelques convictions que je souhaitais apporter au-delà de la convention PRISME d'aujourd'hui, sur ce qu'il nous reste à faire pour les mois et les années qui viennent, avec, je l'espère, la même ténacité de celle qui vous anime, cher Professeur, le même talent et la même humilité.


Vive la coopération entre la RDC et la France ! Vive cette coopération scientifique et l'excellence de vos travaux.