Texte intégral
Monsieur le Président, cher Félix, merci beaucoup.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs, Commissaires Européens,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités.
Beaucoup de choses ont déjà été dites et avec le Président, nous arrivons à la fin. Donc on va essayer de ne pas répéter ce qui a été dit. Mais d’abord, je dirais que par son existence même, ce forum me paraît constituer un succès, en tout cas, un bon rendez-vous. J’avais interpellé un peu l'écosystème français en début de semaine en disant : " j'en ai assez quand je vais voir un Président sur le continent africain d'avoir les N-9, N-10 des entreprises qui viennent comme si l'Afrique ce n'était pas important ". Là aujourd'hui, je veux remercier les chefs d’entreprise pour leur présence parce que c'est un signe de respect, d'engagement, de sérieux. C’est d'ailleurs, pour ça qu'ils ont signé des contrats avec leurs partenaires ce matin. L'engagement est là. Merci pour le sérieux et la mobilisation. Donc vous avez des entreprises françaises qui sont pleinement mobilisées au plus haut niveau parce que c'est un marché important et compétitif. On veut être présents, on prend les choses au sérieux.
Le deuxième élément : j'ai dit en début de semaine, " il faut que quand on se déploie, qu'on va travailler les grands pays africains, on essaie de jouer groupés, c'est-à-dire Européens ", et c'est exactement ce qu'on fait. Je remercie les commissaires d'être ici présents. On a 50 entreprises françaises, mais elles ont, grâce à l'effet de levier européen, attiré avec elles 50 entreprises européennes qui sont ici présentes aussi. Je remercie tous les dirigeants.
Puis on est venu avec les ministres et les commissaires européens qui portent l'ambition, l'initiative, les financements des projets du Global Gateway :150 milliards d'euros pour l'Afrique afin d’accélérer l'intégration régionale et venir décliner l'agenda qu'on a pensé ensemble lors du sommet Union africaine et Union européenne, il y a maintenant un peu plus d'un an à Bruxelles.
Le troisième élément : c’est toujours mieux de bâtir des partenariats en répondant à des besoins. Il se trouve que c'est la RDC qui a défini les trois priorités sur lesquelles vous nous avez présenté la restitution de vos travaux et la signature des accords. Je remercie nos trois rapporteuses et rapporteurs et les organisateurs de ce forum pour avoir mis au cœur des sujets et des thèmes importants. Je dois dire que la discussion qu'on a eue tous les deux ce matin concorde assez bien avec ce que vous avez décidé de mettre sur la table. Et donc pour ces trois raisons, c'est d'ores et déjà un succès.
Alors, au-delà de ces sujets, nous avons ces dernières années, réengagé avec le Président massivement les choses et c'est un peu le sous-jacent en engageant l'Agence française de développement avec 500 millions d'euros entre 2021 et 2025 qui sont déployés ici et des conventions signées aujourd'hui permettant d'aller plus loin dans d'autres thèmes. Mais ils sont à mes yeux aussi importants : souveraineté alimentaire, santé et énergie. Là-dessus, on a déjà cette base et on l'a accélérée aujourd'hui.
Maintenant, de manière très rapide, au-delà de ce qui a été signé, je vais vous dire pourquoi je considère que nous avons à être des partenaires de la RDC, Français et Européens, et nous pouvons l'être. En matière d'infrastructures et de villes durables, nous avons un savoir-faire réel savoir-faire. Ça a été très bien rappelé tout à l'heure, des grands groupes publics et privés aux start up. Nous avons un savoir-faire à peu près dans toute la chaîne de conception, de production des services de la ville durable et des grandes infrastructures, à la fois pour les bâtir, pour les opérer et pour en avoir les prestataires. Donc il y a une offre complète et une capacité. Il y a une vraie équipe française qui sait produire à la fois les structures et les services de la ville durable et des grandes infrastructures, ainsi que les financements qui vont avec. C'est un savoir-faire qu'on a construit et qu'on a gardé chez nous. Dieu sait que la France, parfois, a désindustrialisé dans certains secteurs, celui des infrastructures et de la ville durable demeure un point fort de l'offre française.
Je pense que quand on voit les défis qui sont les nôtres aujourd'hui sur le continent africain et les défis qui sont les vôtres, nous parlons depuis une de ces mégalopoles africaines qui est en train de se développer de manière formidable, mais qui a besoin d'injecter du service, de l'or, de la gestion de déchets, vous l'avez dit, du numérique pour que cette ville durable soit aussi une smart city. Une ville avec la capacité à développer des services durables en matière de transport, d'eau et d'énergie. Nous avons toutes ces capacités aux meilleurs standards internationaux, et je veux qu'on puisse les déployer ici parce que c'est, là aussi, un partenariat qui est positif des deux côtés. Donc l'équipe de France a vraiment vocation à être un partenaire en la matière y compris sur le grand financement des infrastructures, au-delà des grandes villes : le financement des ponts, des infrastructures modulaires - ça a été signé ce matin - et le financement également des grandes infrastructures énergétiques que vous souhaitez déployer, en particulier en matière d'hydroélectricité.
Je sais vos ambitions, Président, nous les partageons. Derrière nous, qu'est-ce qu'on doit faire ? D'abord, concrétiser ce qui a été signé aujourd'hui, mobiliser le meilleur de l'équipe de France. Ça, c'est la responsabilité de l'équipe qui est là pour venir continuer de mettre en face de vous nos solutions les plus performantes. Ensuite mobiliser des financements compétitifs. Et ça, je crois qu'on a très bien reçu le message, vous l'avez redit ce matin. Si on veut être au rendez-vous, on a besoin d'avoir des conditions de financement qui sont celles, évidemment de l'OCDE.
Mais malgré tout, on n'est pas toujours les meilleurs de la classe en la matière, donc il faut qu'on se bouge pour améliorer les choses et être très compétitifs par rapport aux autres. De l'autre côté, je crois que ce qui est attendu, c'est que vous continuiez le travail commencé sur le cadre d'affaires pour permettre, sur des projets qui sont souvent très longs, où il y a des prestataires multiples, où il y a du public et du privé afin de réussir à bâtir un cadre solide qui permette de rassurer les prestataires, et de notre côté engager les banques et donner de la profondeur de champ et de la visibilité pour être au rendez-vous. Parce que si le cadre d'affaires n’est pas là, ce qui est parfois le reproche qui est fait en RDC, de l'autre côté, les financements ne sont pas là et les banques ne suivent pas les entreprises, qui est le reproche.
Donc si on veut un partenariat gagnant des deux côtés, il faut qu'on fasse cet effort des deux côtés. Ça, c'est sur le premier pilier qui me semble essentiel, là où on a, encore une fois, beaucoup d'avancées et ça a été très bien dit. L'idée n'est pas, et je le dis avec beaucoup de force, de déployer des infrastructures énergétiques ou de gestion de ville qui sont celles d'hier ou d'avant-hier, mais le meilleur des innovations. Celles qui permettent de passer des étapes et gérer la complexité. Celles qui sont le fruit de nos innovations incrémentales françaises ou européennes, qu'on peut déployer ici et qui vont permettre de gérer une ville qui va manifestement passer de 15 à 20 puis d'ici 2050 40 à 50 millions d'habitants comme à Kinshasa. Ce sont des services à déployer, sinon ce sera une véritable difficulté économique, forte d'inégalités et de déséquilibres.
Deuxième élément, c'est le numérique. Là, on peut vous apporter à mes yeux 3 choses. La première, c'est la formation. Tous les métiers du numérique comme tous les autres, supposent évidemment une formation d'excellence. Le fait que vous ayez signé à nouveau une École 42 ce matin, mais qu'on ait aussi développé des prestations avec notre formation première universitaire et professionnelle sur les métiers du numérique et qu'on veuille rebâtir un cadre de coopération, comme on l'a défini ensemble ce midi en matière de formation et d'enseignement supérieur est clé pour tous les métiers du numérique.
La deuxième chose - le commissaire BRETON l'a rappelé - ce sont les infrastructures. Et il se trouve que le choix que nous avons fait à l'occasion du sommet Union africaine-Union européenne, il y a un an, c'est de dire : " on veut bâtir une infrastructure numérique pour nous Européens, qui est cette constellation ". Mais il suffit de regarder une carte. Si cette constellation est organisée d'une telle façon, elle peut couvrir un axe euro-africain, c'est le choix que nous avons fait. Donc c'est une constellation publique avec des partenaires privés. C'est une constellation qui se fait aux meilleurs standards internationaux. C'est une constellation avec des garanties qui sont les standards que nous voulons pour nous-mêmes et que nous voulons aussi pour le continent africain, c'est-à-dire de respect de la donnée individuelle, un cadre loyal et pas prédateur en matière numérique.
On a décidé de partager cette infrastructure. Pourquoi ? Il y a deux raisons. Premièrement, ça ne coûte pas plus cher parce qu'il se trouve que ça tourne. Ensuite, c'est que c'est notre intérêt parce que ça consolide, par l'infrastructure numérique, l'axe euro-africain dans lequel nous croyons et ce partenariat que nous voulons sceller. La troisième chose - et vous avez continué de le faire ce matin et par vos propositions, vous proposez de l’accélérer - c'est de déployer des coopérations entrepreneuriales qui permettent de donner de la vitalité dans le segment numérique et dans l'ensemble des métiers du numérique. Et pour ça, ce que nous souhaitons faire, c'est embarquer le numérique et tous les métiers et secteurs associés dans un cadre, là aussi, d'affaires et de financement beaucoup plus puissant.
C'est ce qui sera au cœur de Choose Africa 2 que nous allons préparer avec l'Agence française de développement, la Banque publique d'investissement et Business France, qui va nous permettre d'avoir une plateforme pour tous les entrepreneurs pas simplement du numérique, mais également de l’agritech et des industries culturelles et créatives. L'idée, c'est qu'avec cette plateforme, on va permettre de démultiplier les projets, de permettre à des entreprises qui sont parfois trop fragiles ou parfois n’osent pas aller sur le continent africain de venir ici faire des projets avec leurs homologues congolais. Tout ça s’appuiera et démultipliera ce qu'on a commencé à faire avec Digital Africa et je remercie toutes celles et ceux qui ont commencé à s'y impliquer.
Puis, le dernier axe : le secteur minier. Qu'est-ce qu'on veut faire ? Les mines, c'est un sujet de compétition, de concurrence internationale terrible. On sait bien qu'il n'y a pas que les Européens et à fortiori les Français qui sont là. Il y a d'autres puissances qui veulent, pour sécuriser leurs propres minerais, leurs propres métaux critiques ou terres rares pour leur filière. Simplement, nous, on vous propose de le faire d'une manière différente et je crois que c'est ça qui fonde aussi le partenariat qu'on souhaite et qui correspond à l'esprit stratégique qu'on a défini avec le Président TSHISEKEDI.
D'abord, on veut que ça repose sur une connaissance partagée commune et un partenariat scientifique équilibré. C'est pourquoi l'implication du BRGM, de nos chercheurs garantira qu’on ait aux meilleurs standards des acteurs qui vont vous permettre de connaître ce qu'il y a dans le sol et le sous-sol et pas simplement d'en rester à ce qui avait été exploré pour la quasi-totalité avant l'indépendance. Cela permettra ensuite de dépendre simplement de projets commerciaux ou d'acteurs qui ne sont pas du tout coordonnés avec la puissance publique congolaise.
Deuxième élément, c'est vous aider à restaurer la pleine souveraineté sur vos ressources minières au sens large. Parce qu'on l'a dit ensemble ce matin. Qu'est-ce qui se passe ? Les mines, c'est votre chance mais c'est aussi votre malheur. C'est ce qui fait que tant de puissances régionales, tant de groupes rebelles depuis presque 30 ans maintenant, sont dans une situation de prédation de ces ressources en RDC parce qu'elles sont mal protégées, parce qu'elles sont insuffisamment connues et qu'au fond, ils viennent vous faire les poches pour pouvoir finir leur mois. C'est ça la réalité.
Donc le deuxième élément que je veux pour cette stratégie minière est de Gouvernement à Gouvernement. Nous voulons vous aider à restaurer la pleine souveraineté de l'État dans toutes ces zones et bâtir un cadre de loyauté et de sécurité en vous aidant à former, à équiper, à bâtir une stratégie opérationnelle qui est militaro sécuritaire pour préserver un cadre d'exploitation au service des Congolaises et des Congolais en matière de mines. C'est une condition indispensable. Et donc ça, c'est un axe qu'on a défini ensemble ce matin et dans lequel on va impliquer et consolider le partenariat militaire, la France étant déjà le premier partenaire en matière de formation, de défense.
Et puis le dernier élément, quand on parle des mines, c'est de pouvoir le valoriser et je veux faire la comparaison avec ce qu'on veut faire sur le plan de l'économie forestière et de l'agriculture. Qu'est-ce qu'on a fait pendant très longtemps ? Les Européens pendant plusieurs décennies, parfois quelques années se sont engouffrés et continuent de le faire. Si c'est une économie de prédation, je vous peins très franchement, il y a beaucoup d'autres puissances qui le font maintenant beaucoup mieux que les Européens. Ils sont plus efficaces, ils ont des normes encore plus basses que les nôtres, ils ne respectent pas les critères de l'OCDE, ils massacrent encore plus l'environnement, donc franchement, l'économie de prédation qui a été appliquée il y a des décennies par les Européens, maintenant il y a des gens bien meilleurs que nous.
Donc je ne vous propose pas de continuer sur cette philosophie. Mais qu'est-ce que c'est, en effet, ce dont Félix parle souvent, Monsieur le Président, ce partenariat gagnant-gagnant ? C'est de dire au fond le seul truc qui marche, qui permet d'arrêter la prédation, qui limite la corruption, qui permet que les populations s'y retrouvent parce qu'elles ont en retour. C’est qu’on crée des opportunités économiques et qu'on sorte les économies de l'informel, c'est de permettre la valorisation sur place. Au fond, c'est de se dire, on ne doit pas simplement extraire les métaux critiques mais on doit au maximum les transformer, sécuriser leur transformation et leur commercialisation.
Ainsi, ce que nous voulons faire avec vous sur le plan des mines, c'est une plateforme de transformation et de commercialisation qui permette de pleinement mesurer ce qui sort de vos mines, le valoriser en aval jusqu'au maximum de ce qui peut être fait sur place et d'assurer une traçabilité. C’est le meilleur moyen de lutter contre toutes les formes de contrebande et d'éviter que l'or, ici, le cobalt, là, le cuivre encore là, se retrouvent parfois à des milliers de kilomètres. On sait très bien d'où ça vient, mais personne ne sait vraiment le tracer. Nous avons la possibilité de le faire, c'est cela sur quoi nous voulons nous engager avec vous en matière de mines.
Voilà, je ne serai pas plus long. C'est ce que je voulais simplement dire de manière très concrète. Mais je voulais vraiment vous remercier toutes et tous d'avoir, au fond, donné un contenu à l'interpellation que je faisais en début de semaine à Paris sur ce qu'est, ce que doit être le partenariat économique entre nos pays. C'est ce qu'on est en train de faire. Il est exigeant, il doit être loyal, il doit être bénéfique aux deux, parce qu'on défend chacun nos intérêts et c'est le propre d'un partenariat. On ne fait pas de cadeaux, mais on se respecte. Il doit permettre aussi d'aider à construire l'avenir de la RDC.
Pour toutes ces raisons, je pense que les travaux que vous avez conduits aujourd'hui et que nous sommes en train de conclure sont des travaux plus qu’utiles et ils vont me permettre de reprendre un fil qui, pour certains secteurs, avait été abandonné. Ils vont me permettre de réévoquer des questions qu'on n'osait plus évoquer de manière saine et sincère, de le faire dans l'intérêt respectueux de nos deux pays.
Merci beaucoup.