Déclaration à la presse de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur l'opération d'évacuation des Français du Soudan en proie à la guerre civile, Roissy-en-France (Val d'Oise) le 26 avril 2023.

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Q - Comment s'est passé les neuf transferts de vols entre Khartoum et Djibouti, et l'arrivée à Charles-de-Gaulle ?

R - C'est toute une organisation très minutieuse, qui a permis tout d'abord de rassembler nos compatriotes sur place à Khartoum, puis de les emmener à l'aéroport qui a été utilisé pour faire les rotations vers Djibouti. Et je rends hommage à nos forces armées. Tout le monde a vraiment travaillé en pleine intégration, au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ministère des armées, ministère de l'intérieur, ministères spécialisés... Lorsque nos compatriotes ont été en sécurité à Djibouti et que nous nous sommes assurés qu'il n'y avait aucun ressortissant français désireux de quitter le Soudan qui soit resté sur place, nous avons organisé l'affrètement de cet avion de façon à ce qu'ils rentrent en France, où ils vont être accueillis, d'abord sur le tarmac, et puis ensuite avec un certain nombre de procédures, administratives d'une part, et pratiques d'autre part, pour les aider à, s'ils ont un logement, à le retrouver rapidement, ou sinon on va trouver des solutions temporaires. Les préfectures aussi ont été mobilisées. C'est un moment où on va basculer d'une opération qui a concerné l'extérieur vers une opération qui va continuer de se mener dans notre pays, pour qu'ils puissent retrouver une vie normale, progressivement, en attendant que sur place, au Soudan, la situation s'arrange.

Q - Est-ce que l'opération Sagittaire est terminée, ou est-ce qu'on attend que la frégate - la Lorraine, si je ne dis pas de bêtises - arrive ?

R - La frégate Lorraine est effectivement arrivée à quai à Port-Soudan, qui était un point d'acheminement de convois terrestres. Nos armées ont procédé aux enlèvements par voie aérienne, et l'ONU et quelques autres sont passé de Khartoum, par un convoi terrestre, jusqu'à Port Soudan. Nous avons décidé d'envoyer cette frégate qui est sur place, et qui va permettre elle aussi de ramener vers l'Europe, vers la France, un certain nombre de compatriotes.

Q - Ce sera la dernière étape de l'opération ?

R - Ce sera la dernière étape. Ceci dit, la crise du Soudan continue. Il a été possible d'obtenir une trêve qu'il va falloir transformer en cessez-le-feu, et si nous le pouvons, en processus politique de dialogue, de reprise des contacts visant à un retour à la normale entre les parties. Ce n'est pas gagné, c'est l'objet maintenant de tous nos efforts, avec également les Nations unies et nos partenaires les plus proches, notamment les Etats-Unis.

Q - Comment est-ce qu'on sait qu'il n'y a plus de Français qui souhaitent rentrer ? Comment avez-vous cette certitude ?

R - D'une part, lorsque nous sommes dans un pays étranger, nous demandons aux Français de s'enregistrer, c'est-à-dire de se signaler avec toutes leurs coordonnées, au consulat et à l'ambassade. Et ensuite, lorsqu'il y a une situation de crise, comme celle que nous avons connu, nous prenons contact, le centre de crise du ministère de l'Europe et des affaires étrangères prend contact, nuit et jour, avec les différents Français qui sont dans une zone donnée, pour prendre de leurs nouvelles, leur demander de se regrouper lorsque le regroupement est décidé, et en temps réel les suivre, savoir où ils sont, à tel point que nous avons même des cartographes spécialisés, professionnels, qui entrent les coordonnées GPS des familles que l'on doit regrouper, qui sont transmises aux armées, de façon à ce que chacun peut faire sa partie, nos armées sachent où se trouvent nos ressortissants et puissent aller les chercher. Voilà comment on maintient le contact. Ça peut être par moyens informatiques, ça peut être par téléphone, ça peut être par Whatsapp, ou tout autre moyen de contact, y compris physique, si c'est possible, en se déplaçant.

Q - Là vous êtes venue les accueillir, qu'est-ce que vous comptez leur dire ?

R - Bienvenue, voilà. Bienvenue chez vous. Et puis rendre hommage en particulier à notre ambassadrice, parce que la personne qui représente la France au Soudan est une femme. Raja Rabia a été formidable. Elle a été formidable de calme, de professionnalisme. Jusqu'au bout, on l'a eu nuit et jour pendant plus d'une semaine.

Q - Il y a eu des moments difficiles, périlleux, lors de cette évacuation ?

R - Oui ce sont des missions extrêmement difficiles qui se déroulent dans un pays qui est en guerre. Nous avons pu profiter d'accalmies dans les combats, mais il y a toujours eu des tirs, les combats n'ont jamais totalement cessés. Il faut procéder avec beaucoup de précautions, avec un environnement de sécurité, mais surtout, je dirais, un environnement diplomatique, qui suppose des contacts avec l'ensemble des parties. Je l'ai fait moi-même, d'un côté comme de l'autre. Et jusqu'au niveau local, puisque non seulement il faut s'assurer que les généraux ont donné les instructions de ne pas prendre à partie nos ressortissants et les convois qui les emmènent, mais il faut s'assurer que les différents checkpoints ont bien reçu l'ordre et que tout se passe bien. Il y a parfois des moments d'inquiétude oui. Mais bon, tout va bien.

Q - Ca n'était pas une opération gagnée d'avance.

R - C'est une opération extrêmement complexe, difficile, et je dirais même dangereuse. Je remercie une nouvelle fois les forces armées qui nous ont aidées à évacuer nos ressortissants.

Q - Il en reste combien ?

R - Il reste quelques Français certainement, dans d'autres régions : le Darfour, ou à l'est du pays - l'est du pays n'étant pas une zone de combat. Tous les Français qui se sont signalés, tous les Français que nous avons pu joindre, y compris encore hier, ont pu être évacués.

Q - Qui sont ces Français ? On a une idée de leurs profils ?

R - Il y a d'abord le personnel diplomatique et consulaire, et puis il y a beaucoup de franco-soudanais. Il y a également des Français dans des personnels humanitaires. Il y a quelques entreprises - un représentant d'une société française qui était là pour aller voir ses homologues, et qui s'est retrouvé coincé au Soudan, donc nous l'en avons sorti.

Q - Toutes les personnes évacuées sont des compatriotes, ou est-ce qu'il y a également quelques Soudanais ?

R - Il y a, pour ce qui nous concerne et dans cet avion, des compatriotes et leurs ayants droits, c'est-à-dire la famille, les enfants. Mais dans l'avion qui atterrit tout à l'heure, il y a également quelques ressortissants d'autres nationalités. J'avais tout à l'heure au téléphone mon homologue d'Australie, puisqu'il y a un ressortissant australien qui était sur place, à Khartoum, que nous avons sorti et amené à Wadi Seidna, et maintenant à Paris, puisque la liaison était plus simple à faire. On s'occupe d'autant de demandes que l'on peut.

Q - Il reste encore des évacuations aériennes ou c'est terminé ?

R - Non, pour nous c'est terminé. Les Allemands ont pris la suite opérationnelle de l'aéroport, je crois, hier ; et puis il y a un certain nombre de pays qui effectuent des rotations. Mais pour nous, c'est terminé.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 2023