Interview de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à TF1 et France TV le 1er août 2023, sur la situation politique au Niger et l'évacuation des ressortissants français.

Prononcé le 1er août 2023

Intervenant(s) : 

Média : TF1 - France Télévision

Texte intégral

Q - Bonjour Madame la Ministre. Merci beaucoup de nous accueillir pour cette interview, quelques heures après l'évacuation des ressortissants français au Niger. D'abord, première question, avant de passer aux modalités techniques : pourquoi est-ce que cette évacuation a été décidée ?

R - Compte tenu du coup d'Etat qui se déroule au Niger et de la persistance d'une situation préoccupante, la décision a été prise de permettre aux Français qui le souhaitent de quitter le Niger. Ils ne peuvent plus le faire par leurs propres moyens puisque l'espace aérien a été fermé par les auteurs du coup d'Etat. Et donc nous mettons en place des moyens aériens à partir d'aujourd'hui, de cet après-midi vraisemblablement, pour permettre à ceux qui le souhaiteraient, et qui sont contactés par le centre de crise du ministère des affaires étrangères, de partir par l'aéroport, en lien, bien sûr, avec le ministère de la défense, qui met des moyens aériens, mais ce ne sont pas des avions militaires, des moyens aériens, pour permettre cette évacuation.

Q - Comment ça va se passer, très concrètement ? Combien de Français et d'étrangers sont à évacuer ? Et est-ce que ça va se faire par un pont aérien avec d'autres pays voisins ou directement vers Paris ?

R - Pour les avions français : directement, retour sur Paris. Combien de personnes y a-t-il à évacuer ? Nous sommes en train de les contacter, nous l'avions déjà fait hier pour les mettre en préalerte. On estime à quelques centaines de Français ceux qui souhaiteraient partir et qui ont exprimé clairement cette intention. Quelques centaines d'Européens aussi, puisque vous savez que la tradition, entre pays européens, eh bien, c'est d'être solidaires. Et si d'autres pays européens - ce qui est possible - mettent également des moyens aériens à disposition, on prendra, en se répartissant les choses, les uns et les autres, ceux qui souhaiteraient partir.

Q - Il y a aussi près de 1500 soldats postés au Niger. Est-ce qu'ils ont vocation à rester dans les prochaines semaines ou est-ce qu'eux aussi peuvent être concernés par un retour ou un repositionnement ?

R - Là, nous parlons vraiment d'une opération permettant aux Français qui le souhaitent de partir du Niger, compte tenu du fait qu'il n'y a plus de liaison aérienne normale. Voilà ce sur quoi nous sommes concentrés.

Q - Vous aviez eu des informations particulières sur des risques éventuels à l'approche notamment de la Fête de l'indépendance ? C'est jeudi, le 3 août.

R - Oui, les risques existent. La situation n'est pas stabilisée, même si elle est en ce moment un peu plus calme. Il y a eu des incidents graves, violents, organisés, préparés, contre notre ambassade dimanche. Nous ne voulons pas prendre de risques pour la sécurité des Français. C'est normal. Et comme toujours, nous avons pris les précautions d'usage. Puis, le Président de la République a décidé cette nuit de procéder à cette opération.

Q - Dernière question : combien de vols sont affrétés pour rapatrier les Français et aussi les ressortissants d'autres pays européens ?

R - Le premier avion est en vol. Il y en aura d'autres vraisemblablement, de façon à permettre une rotation. Nous espérons pouvoir faire ça dans les 24 heures.

Q - Vous parlez d'évacuation coordonnée avec les forces nigériennes : est-ce que ça signifie que ça a été organisé avec l'armée, qui soutient le putsch ?

R - Toujours, dans ce cas de situation et pour la sécurité de nos compatriotes, comme pour la sécurité des Européens qui, comme eux, voudraient quitter le pays, il faut prendre contact avec les forces sur le terrain, de façon à ce que ça se passe le mieux possible. Ces conversations se sont déroulées ; ça ne signifie pas, évidemment, dois-je le dire, une reconnaissance des auteurs du putsch, condamné par l'ensemble de la communauté internationale, condamné également par les pays de la région.

Q - Vous dites que les Français doivent rejoindre seuls les points de rassemblement : est-ce que c'est sans danger pour eux ? Comment ça va se passer ?

R - La situation, ces dernières heures, est suffisamment calme pour que nous procédions de cette façon. Ils sont en train d'être prévenus, ils ont été prévenus pour la plupart d'entre eux. Et donc ils se dirigeront vers l'aéroport, dès qu'ils le peuvent, et ensuite l'opération se déroulera.

Q - Une dernière question : combien ça va se passer, l'évacuation, étant donné que l'espace aérien est fermé ?

R - Je l'ai dit, une opération de ce type, pour se dérouler dans de bonnes conditions de sécurité, suppose d'avoir pris des contacts avec qui tient le terrain. Ça a été le cas, et donc les choses se passeront bien, en coordination, comme il le faut, avec tous ceux qui ont, sur place, les moyens de faciliter ou de contrarier cette évacuation. Nous avons eu les accords nécessaires.

Q - Des conditions de sécurité, du coup, qui sont réunies pour tous les Français ?

R - Nous avons eu les accords nécessaires, oui, même si nous restons, bien sûr, extrêmement vigilants, extrêmement prudents.

Q - Merci beaucoup, Catherine Colonna.

R - Merci beaucoup.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 août 2023