Déclaration de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations entre la France et le Maroc, à Rabat le 26 février 2024.

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Circonstance : Déplacement au Maroc ; Conférence de presse conjointe avec M. Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la coopération internationale et des Marocains résidant à l'étranger

Texte intégral


Mesdames et Messieurs, mon homologue, M. Nasser Bourita, vient de le dire, l'échange que nous venons d'avoir, était très riche. Et je veux le dire ici, cet échange était empreint d'amitié, d'estime, mais également d'une grande sincérité entre nous. Nous nous sommes beaucoup parlé, beaucoup écoutés, également entendus, je peux le dire. Monsieur le Ministre, mes premiers mots seront donc pour vous, d'abord pour vous remercier vivement de cet accueil extrêmement chaleureux que vous m'avez réservé ici. Je veux travailler avec vous en m'appuyant sur cette relation personnelle, une relation nouvelle de confiance entre les ministres des Affaires étrangères de nos deux pays.

J'effectue aujourd'hui ma première visite officielle, vous l'avez rappelé, au Maghreb, en tant que ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Et j'ai choisi le Maroc. Il y a entre la France et le Maroc, entre les Français et les Marocains, un lien exceptionnel. Le Président de la République veut que ce lien reste unique et qu'il s'approfondisse encore dans les prochains mois. Il m'a donc demandé d'y travailler, de renouveler ce partenariat avec vous. Et nous allons commencer. Le renforcement de cette mission concernera d'ailleurs tous les domaines. J'ai demandé à la ministre de la Culture, Mme Rachida Dati, au ministre de l'Economie, M. Bruno Le Maire, de venir ici dans les semaines à venir. Et dans ce même esprit, nous serons très heureux d'accueillir en France des ministres marocains dans les prochains mois, dans ce souci de partage de cette nouvelle feuille de route.

Pour renouveler ce lien, notre feuille de route, justement, est claire et ambitieuse. Notre projet doit être à la mesure des nouveaux défis du siècle. Nous serons plus capables ensemble que séparément, avec respect, avec transparence, et avec une forme de fidélité collective. Nous nous sommes attelés ce matin à ce travail. Ces derniers mois, les diplomates de nos deux pays ont beaucoup échangé sur une grande diversité de sujets. Sur tous ces sujets, notre proximité est naturelle et nos intérêts sont également très convergents.

Et je voudrais peut-être insister sur quelques points ici, en conférence de presse avec vous, pour rendre un peu plus tangible l'exercice qui a été entrepris.

Notre objectif, peut-être, d'abord : nous voulons construire le partenariat qui unira nos deux pays pour les trente prochaines années. Le Maroc a profondément changé, je suis impressionné par les réformes engagées et les projets conduits à l'initiative de Sa Majesté le Roi, qui placent le développement humain au coeur du modèle de développement porté par le Maroc. La France aussi, en quelque sorte, Monsieur le Ministre, a changé, et nous devons regarder nos défis avec beaucoup de lucidité.

Nous devons répondre aux attentes de notre jeunesse, ce qui est un point de convergence entre nous ; transformer notre économie pour la tourner absolument vers l'avenir dans un monde qui change vite et un monde de plus en plus violent. Vous avez évoqué un certain nombre de crises et les défis sont immenses, qu'ils soient technologiques, environnementaux ou même sécuritaires pour nos deux pays. Nous aborderons ces réalités avec ambition et notre source sera ce lien ancien, exceptionnel, singulier. Il nous a permis de traverser déjà tant de défis, hier et aujourd'hui.

Alors, notre partenariat sera un partenariat d'avant-garde pour demain avec le Maroc, dans le domaine des énergies renouvelables, en matière de formation ou dans le développement de nouveaux écosystèmes industriels innovants et bien d'autres encore.

Le Maroc peut compter sur la France pour défendre ses priorités nationales aujourd'hui mais également demain, et je veux ici aborder sans détour une question que nous avons également abordée, il s'agit de la question du Sahara occidental. C'est un enjeu existentiel pour le Maroc, nous le savons, un plan d'autonomie présenté par le Maroc est sur la table depuis 2007 maintenant. Monsieur le Ministre, vous savez personnellement que depuis l'origine, le Maroc peut compter sur le soutien clair et constant de la France à ce plan. Nous l'avons dit et je le redis aujourd'hui, peut-être avec plus de force, il est désormais temps d'avancer et j'y veillerai personnellement.

En matière de partenariat, la relation de l'Europe avec le Maroc est également stratégique ; nous avons également abordé ce point. C'est une évidence parce que les échanges sont denses et dans tous les domaines : les échanges humains, académiques, commerciaux et industriels. Monsieur le Ministre, vous l'avez dit, la France a été à l'initiative dans la conclusion de l'accord d'association euro-méditerranéen entre le Maroc et l'Union européenne et nous avons voulu soutenir à cette occasion le choix historique et, j'ai envie de dire, visionnaire de votre pays, à ce moment-là, celui de s'arrimer à l'Europe. De même, la France continuera de se mobiliser pour préserver et approfondir ce partenariat. J'y veillerai également personnellement, fort de mon expérience et de mon engagement, vous le savez, au niveau européen.

Enfin, la France et le Maroc peuvent contribuer ensemble à la paix et à la sécurité, c'est d'autant plus précieux dans le monde actuel, face aux crises multiples. Nous avons longuement abordé la question de la guerre en Ukraine et à Gaza. Sur ce dernier point, j'observe un certain nombre de convergences, à la fois sur le contexte, l'état des lieux, mais également les possibles propositions. En tout cas, sur le continent africain aussi, le rôle du Maroc en faveur du développement et de la sécurité est remarquable et je tiens à le saluer. Nous aborderons également au déjeuner un certain nombre de points sur ce sujet. Je veux redire que la France est disposée à travailler avec le Maroc dans ce sens. Dans le même esprit, nous pouvons porter ensemble des initiatives pour relever les défis globaux qui requièrent des réponses collectives. Je pense notamment à la question de la transition climatique, la question du partage des richesses, l'éducation, la sécurité alimentaire également, la santé, la lutte contre le terrorisme, les droits de l'Homme. Et je tiens d'ailleurs à féliciter à cet égard le Maroc pour son élection récente à la présidence du Conseil des droits de l'Homme et, comme l'a dit M. le Ministre, la France avait soutenu cette candidature.

C'est avec détermination, enthousiasme, avec mon profond respect et toute mon amitié pour le Maroc et les Marocains que je veux travailler avec vous, Monsieur le Ministre, cher Nasser, pour refonder le partenariat stratégique franco-marocain, pour apporter également des réponses aux défis que nous avons à relever aujourd'hui et demain, pour nos deux pays bien sûr, je pense, dans l'intérêt général de nos deux pays, mais au-delà, en Méditerranée, pour le continent africain et vu l'état du monde, probablement pour le monde.

Voilà, Monsieur le Ministre, cher Nasser, l'idée d'ouvrir ensemble cette nouvelle page me réjouit. Je m'engagerai avec toute mon énergie. Merci à nouveau pour l'accueil chaleureux de ce matin et je vous attends également très vite à Paris. Merci.


Q - Je voudrais revenir sur le Sahara occidental. Vous avez dit que vous avez évoqué longuement cette question, vous avez rappelé la position de la France et du soutien clair et constant de la France au plan d'autonomie et vous avez également évoqué le fait que vous souhaitiez avancer. Concrètement qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que la France est prête à faire un geste en ce sens et quel geste cela pourrait prendre, quelle forme cela pourrait prendre, cette avancée, sur ce dossier ?

(...)

R - Merci beaucoup pour cette question. Pour être très précis, la question du Sahara occidental est existentielle pour le Maroc et pour tous les Marocains, et je l'ai redit à M. le Ministre tout à l'heure, la France le sait. Cela guide d'ailleurs notre position sur le sujet. Cette position, elle est claire et constante. Je veux la rappeler avec netteté. Comme le Maroc, la France veut une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous avons été le premier pays, je l'ai rappelé dans mon propos introductif, à soutenir le plan proposé par le Maroc en 2007. Dans la continuité logique de cet engagement, je le redis ici, il est temps d'avancer.

Alors, pour répondre à votre question sur l'avancement : avancer, c'est tout d'abord en vue d'une solution pragmatique, réaliste, durable et fondée sur le compromis. Pour cela, nous soutenons les efforts de l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies en vue de la reprise des tables rondes, et nous appelons toutes les parties concernées à s'y engager de bonne foi.

Avancer également en prenant en compte les intérêts et les besoins des habitants de ce territoire, notamment dans les domaines éducatif et culturel. Il existe deux écoles françaises à Dakhla et Laâyoune. L'Institut français a récemment déployé, d'ailleurs en étroite collaboration avec des partenaires locaux, un centre culturel itinérant dans les villes de Laâyoune, Boujdour et Dakhla, qui rencontre un vif succès.

Avancer enfin pour favoriser le développement économique et social de ces régions. Le Maroc a beaucoup investi dans des projets de développement au bénéfice des populations locales, c'est un fait. Et en matière de formation, d'énergies renouvelables, de tourisme ou d'économie bleue liée aux ressources aquatiques, nous accompagnerons le développement de cette région en appui des efforts marocains. Voilà la position aujourd'hui de la France et voilà notre position sur le Sahara occidental.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 février 2024