Déclaration de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit au Soudan, à Paris le 15 avril 2026.

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Circonstance : Conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins ; Conférence de presse des coprésidences française, allemande et européenne

Texte intégral


Madame la Ministre, chère Annalena,
Monsieur le Haut Représentant, cher Josep,
Monsieur le Commissaire, cher Janez,
Mesdames et Messieurs,


En ce triste anniversaire qui marque le début, jour pour jour, du conflit au Soudan, je tiens tout d'abord à exprimer ma solidarité aux Soudanaises et aux Soudanais. Depuis un an, les Soudanais sont victimes d'une guerre terrible, une guerre qu'ils n'ont pas voulue, une guerre qui ne produit que le chaos et la souffrance. Les Soudanais sont aussi victimes de l'oubli et de l'indifférence, d'où nos initiatives, aujourd'hui, dans les différentes réunions, auxquelles nous assisterons à un très haut niveau.

C'est donc le sens de ces réunions, comme je le disais : briser le silence qui entoure ce conflit et mobiliser l'ensemble de la communauté internationale pour que le monde regarde, pour que le monde agisse. La France, l'Allemagne, l'Union européenne organisent donc aujourd'hui trois réunions pour l'avenir du Soudan et des Soudanais. Ce matin, une réunion politique à huis clos pour renforcer la coordination de la communauté internationale pour soutenir les initiatives de médiation. Cet après-midi, une conférence pour mobiliser des financements humanitaires pour la population soudanaise, au Soudan et dans les pays voisins. Enfin, toute la journée, une troisième réunion avec des acteurs de la société civile soudanaise issus d'univers assez variés, qui se retrouvent à l'Institut du monde arabe pour débattre de l'avenir du Soudan. Nous les retrouverons d'ailleurs ce soir, avec le Président de la République française, pour clôturer la conférence humanitaire.

Peut-être, pour introduire cette conférence de presse, vous dire quels sont les objectifs de cette journée.

D'abord, notre premier objectif est de mobiliser les financements humanitaires. Il y a une urgence, car le plan de réponse des Nations unies n'est pas financé. Il n'est financé qu'à 5% aujourd'hui parce que, notamment, les accès humanitaires sont trop souvent entravés. La tâche, d'ailleurs, est colossale. Si je donne quelques chiffres de cette crise, nous avons 27 millions de Soudanais - soit plus de la moitié de la population - qui ont besoin aujourd'hui d'aide humanitaire. Près de 15 millions d'entre eux sont des enfants. 18 millions d'entre eux sont en situation d'insécurité alimentaire aiguë et la famine menace. Plus de 8 millions de personnes ont été d'ailleurs forcées de fuir leur foyer, avec des déplacements forcés. Donc je tiens aussi à rendre hommage à tous les acteurs de ce soutien, au personnel humanitaire, mais aussi à la jeunesse soudanaise qui s'est mobilisée, dont les organisations et l'entraide agissent en première ligne pour l'acheminement et l'évacuation des civils des zones d'affrontements. Certains seront d'ailleurs présents avec nous cet après après-midi.

Notre deuxième objectif est de soutenir les initiatives de médiation et d'améliorer la coordination de la communauté internationale. Nous réunirons ce matin les Etats et les organisations internationales et régionales impliquées dans ces initiatives de paix, afin de soutenir leurs efforts et de contribuer à la coordination entre nous. Au terme de cette réunion, nous adopterons d'ailleurs une déclaration de principe, qui a déjà été discutée, pour réaffirmer nos objectifs communs : permettre un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, obtenir un cessez-le-feu durable et garantir la reprise d'une transition démocratique menée par un gouvernement civil.

Le troisième et dernier objectif de cette journée consiste à accompagner les civils soudanais. Leurs voix doivent être entendues dans ce moment important. Nous accueillerons d'ailleurs - et nous accueillons peut-être même en ce moment - des acteurs de la société civile soudanaise dans le cadre d'un séminaire à l'Institut du monde arabe, je le disais à l'instant. Cela doit contribuer aussi aux efforts des civils pour bâtir un Soudan fait de liberté, de paix et de justice. C'est ce que scandent d'ailleurs insatiablement les acteurs de la révolution de décembre 2018. À la suite de cette révolution, nous, d'ailleurs, les Européens, avons également voulu répondre à ces aspirations démocratiques du peuple soudanais et, depuis le début de cette guerre, nous, Européens, restons mobilisés pour leur avenir et leur venir en aide.

Et donc je voudrais d'abord remercier Annalena, Josep, l'ensemble de la Commission européenne et également Janez de leur participation à cette conférence de presse et plus généralement à l'organisation de cette journée. Et aux Soudanais, leur dire une nouvelle fois que la France et l'Europe, en tout cas, ne les oublient pas et que cette journée leur est consacrée, dans cette crise qui aujourd'hui est oubliée, que nous remettons à l'agenda international et qui mérite beaucoup d'efforts diplomatiques.

Je vais donner la parole à Annalena et je vous remercie également de votre présence ici, parmi nous.


Q - Madame la Ministre, vous avez annoncé l'aide humanitaire pour le Soudan qui devait être renforcée aujourd'hui. Vous avez expliqué combien c'était difficile, combien on était éloigné d'une trêve. Comment est-ce que vous allez vous assurer que l'aide humanitaire puisse être acheminée vers les gens qui en ont tant besoin, alors que les accès à ce pays sont bloqués actuellement et, comme l'on fait remarquer beaucoup d'observateurs, alors que la faim est utilisée comme arme de guerre. Madame Baerbock, vous avez également dit que le conflit au Proche-Orient doit être mentionné. Vous avez parlé d'une contre-offensive : quand et dans quelle mesure cette contre-offensive sera lancée par Israël à l'encontre du territoire iranien, à votre avis ?

R - D'abord, dire que nous avons plusieurs objectifs, et je l'ai dit, dans cette journée. L'un des premiers objectifs c'est la coordination, notamment politique, puisqu'un certain nombre d'initiatives sont prises. Et nous avons aussi comme objectif de coordonner ces initiatives pour que les belligérants ne jouent pas sur toutes les initiatives qui sont en cours et qu'ils nous permettent d'obtenir dans les prochaines semaines et dans les prochains jours une vraie entrée humanitaire et l'accès sans entrave à nos points de passage, pour permettre cette aide humanitaire. Les ONG soudanaises seront d'ailleurs présentes à cette conférence humanitaire. Et donc c'est la coordination, la pression politique et notre capacité à pouvoir mettre ce sujet en haut de la pile de l'agenda international qui donnera l'efficacité que vous évoquez, sur le volet humanitaire notamment. Encore une fois, cette conférence n'a pas vocation non plus à se substituer aux médiations qui sont en cours. Et donc je souhaite faire le distinguo entre les deux. C'est d'ailleurs pour ça que nous avons fait le choix de ne pas inviter les belligérants. Cette conférence de Paris est avant tout une conférence humanitaire.

(...)

Q - Vous l'avez dit, Monsieur le Ministre, les belligérants soudanais sont absents de cette conférence. Néanmoins, est-ce qu'on peut aller un peu plus loin ? Quel médiateur, quelles entités, quels pays peuvent servir de médiateur pour enfin ramener la paix dans ce pays ? Par ailleurs, comment expliquez-vous cette indifférence à l'égard de ce pays, alors que d'autres conflits suscitent beaucoup plus de compassion ? On pense à Gaza aujourd'hui, à l'Ethiopie hier. Comment expliquez-vous cette indifférence ? Et comment faire pour que l'indifférence ne l'emporte pas une fois cette conférence terminée ?

R - Une partie de la réponse est dans notre initiative. Et donc c'est en mobilisant la communauté internationale, c'est en mobilisant également l'ensemble des ONG et puis en organisant une initiative de ce type coprésidée par l'Union européenne, la France et l'Allemagne, que nous arriverons à remettre à l'agenda international cette crise. J'évoquais dans mon introduction les chiffres : le risque de famine, les 8 millions de populations déplacées, les plus de 10 millions de personnes en vrai risque humanitaire. Donc cette crise a besoin d'un coup de projecteur médiatique. Et donc c'est ce que nous faisons également aujourd'hui.

Vous l'avez dit, nous avons fait le choix de ne pas inviter les belligérants pour justement rester sur une conférence qui a vocation à mettre le doigt sur la question humanitaire. Ça n'empêchera pas d'avoir une réunion politique juste avant cette conférence, pour pouvoir également coordonner les initiatives et puis adopter une déclaration qui doit aller dans le sens de la résolution du conflit. Je l'ai dit, les ONG soudanaises sont invitées. Une quarantaine d'acteurs de la société civile nous rejoindront également et cela nous permettra justement de mettre en valeur l'ensemble des acteurs - et la diversité des acteurs - qui agissent à la résolution de cette crise. Mais c'est une évidence que les crises successives - et je pense notamment à Gaza, la guerre en Ukraine - ont éclipsé en quelque sorte cette crise soudanaise. À nous, responsables politiques, aussi, de dire ce qu'il en est, de mettre des mots, de mettre des chiffres, de mettre du factuel pour pouvoir remettre sur le devant de la scène l'urgence humanitaire et remettre de la pression politique pour une résolution politique et civile de ce conflit.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 avril 2024