Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur la coopération énergétique entre la France et le Maroc, à Rabat le 25 avril 2024.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Discours à l'Université Mohammed VI Polytechnique à Rabat au Maroc

Texte intégral

Bonjour à tous,


Je viens ici porter une renaissance des relations économiques entre le Maroc et la France. Inutile d'insister sur la force des liens qui nous unissent, l'amitié et la fraternité qui unissent les peuples marocains et les peuples français. Inutile de revenir sur un passé récent où parfois il y a pu avoir, comme il arrive à la météo quelques petits nuages. Ce qui compte, c'est l'avenir. Et l'avenir est à une renaissance de ces relations économiques entre le Maroc et la France. Ce sera bon pour le Maroc, ce sera bon pour la France et je pense que ce sera décisif pour les continents africain et européen.

Il faut se retrousser les manches et il y a fort à parier, puisque je suis évidemment beaucoup plus âgé que vous, que vous serez les premiers bénéficiaires de cette renaissance des relations économiques entre la France et Maroc. C'est vous qui allez la réorienter au fur et à mesure des intérêts, des besoins des peuples marocains et des peuples français.

Dans cette renaissance, l'énergie va occuper une place fondamentale. Pourquoi ?

Parce que l'énergie, et en particulier l'énergie décarbonée, va décider de l'indépendance des grandes nations au XXIe siècle. Elle va décider de la puissance des grandes nations au XXIe siècle.

Qu'est-ce que nous avons appris à deux reprises dans notre histoire récente, en 1973, très précisément, puis en 2020 ? C'est que la dépendance en matière énergétique était une folie politique et conduisait à des situations intenables. En 1973, vous savez qu'à la suite du conflit au Proche-Orient, les pays producteurs de pétrole ont décidé d'arrêter les exportations de pétrole à destination des pays européens. Il s'en est suivi une crise économique majeure, une inflation que nous n'avions pas connue depuis plusieurs décennies et des difficultés politiques partout en Europe. Malgré cela, certains pays européens ont fait le choix de poursuivre dans la voie de la dépendance et se sont liés les mains, non plus avec les pays du golfe sur le pétrole, mais avec la Russie sur le gaz. Mêmes causes, mêmes effets.

Quand la guerre a éclaté entre la Russie et l'Ukraine et que nous avons décidé d'un embargo sur des importations de gaz russe, immédiatement, les prix ont flambé, multiplié par deux, par 3, par 5, ouvrant une crise économique majeure en Europe et à nouveau, une crise inflationniste qui a pesé très lourdement sur les populations européennes. La seule différence, c'est que cette fois-ci, nous avions l'euro. Et donc nous avons réussi, parce que nous avions une monnaie commune, une Banque centrale européenne, à maîtriser en deux ans une inflation qui avait duré pendant plus de 10 ans dans les années 1970.

La conclusion qu'il faut tirer de ces deux crises successives - car l'Histoire est toujours particulièrement importante pour comprendre comment bâtir l'avenir - c'est que nous devons être indépendants en matière énergétique. C'est le choix du président de la République, c'est le choix du Gouvernement français et c'est ce qui doit être au coeur du nouveau partenariat énergétique entre le Maroc et la France, qui sera une des épines dorsales de cette renaissance économique que j'appelle de mes voeux.

Je commence justement par le nucléaire. Le nucléaire, c'est ce qu'il y a de plus sensible, de plus stratégique. Vous savez que c'est un domaine d'excellence de la nation française depuis la fin des années 60 avec une décision du général de Gaulle, reprise ensuite dans le plan Messmer, et que le Président de la République vient de reprendre il y a deux ans dans son discours de Belfort en annonçant la création de 6 nouveaux réacteurs nucléaires en France. C'est peut-être la responsabilité la plus lourde qui est sur mes épaules comme ministre de l'économie et de l'énergie : garantir la réalisation de ces 6 nouveaux EPR qui vont commencer à être réalisés à partir de 2035. Eh bien, nous proposons, en fonction évidemment des libres décisions qui seront prises par le gouvernement marocain et par Sa Majesté le Roi, d'ouvrir la voie à une coopération scientifique et industrielle entre le Maroc et la France, notamment sur les SMR qui sont des réacteurs de petite et de moyenne puissance qui pourraient être particulièrement précieux dans le Royaume du Maroc où, comme vous le savez, l'énergie reste carbonée à 80%.

L'énergie nucléaire, elle est disponible, elle est disponible tout le temps, elle est disponible à un coût qui reste raisonnable, et les SMR, les réacteurs de petite puissance, permettent d'être parfaitement adaptés aux besoins d'une ville moyenne ou d'une industrie. C'est le premier sujet de coopération que je suis venu mettre à la disposition du gouvernement marocain en me rendant aujourd'hui à Rabat.

Deuxième sujet : l'hydrogène. L'hydrogène fait partie des choix stratégiques que nous avons faits dans le cadre de France 2030 avec le Président de la République. France 2030, c'est le programme qui a été décidé par Emmanuel Macron pour financer un certain nombre de grands investissements pour les 10 prochaines années. Parmi ces investissements, il y a l'hydrogène. Pourquoi est-ce que nous avons choisi l'hydrogène ? Pour une raison qui est simple. Nous avons des entreprises parmi les meilleures au monde en matière de production d'hydrogène.

Je pense à Air Liquide qui est une entreprise mondialement connue, mais je pense aussi à de plus petites entreprises comme Lhyfe qui est installée à Belfort, qui fait un travail formidable sur une partie très spécifique des électrolyseurs, travaillant ensemble sur la production et l'exportation d'hydrogène.

C'est la deuxième proposition que je suis venu faire ici à Rabat au gouvernement marocain en matière de coopération énergétique. Et je pense que ce sera particulièrement profitable parce que ce n'est pas une coopération où on arrive avec l'usine clé en main, vous la prenez, vous produisez, ça ce n'est pas intéressant comme coopération. Nous, nous voulons de coopération d'égal à égal, de grand peuple à grand peuple, de grande nation à grande nation. Vous avez ici des ingénieurs, des scientifiques parmi les meilleurs de la planète. Nous avons en France des ingénieurs, des scientifiques parmi les meilleurs de la planète.

Travaillons ensemble ! L'hydrogène, c'est compliqué à produire. L'électrolyse reste une science et une technologie particulièrement complexe. Mettons nos cerveaux et nos savoirs ensemble. Mettons nos ingénieurs ensemble. Mettons nos bâtisseurs ensemble pour faire de l'électrolyse ici au Maroc, en coopération avec les entreprises françaises.

Ensuite, il faut exporter cet hydrogène sous une forme ou sous une autre. Ça peut être de l'ammoniac, ça peut être de l'hydrogène. Là aussi, il y a des champs de coopération absolument formidables et des infrastructures à bâtir. Les infrastructures, ce sont des liens. Ce sont des ponts à grande distance. Quand vous bâtissez un gazoduc ou un transport d'hydrogène par gazoduc, depuis le Maroc jusqu'à la France, en passant par l'Espagne, en traversant les Pyrénées pour aller ensuite du côté de Fos-sur-Mer dans le sud de la France, et relier ensuite jusqu'à l'Allemagne ou jusqu'à l'Italie. Vous créez un réseau de dépendance économique et donc d'amitié et d'intérêts politiques. C'est vous qui allez le bâtir. Nous, on va commencer à le financer, mais c'est vous qui le bâtirez parce que ça prendra du temps. Mais c'est une des propositions sur lesquelles nous sommes prêts à travailler avec vous, avec le gouvernement marocain, avec les entreprises marocaines.

Enfin, dernier sujet de coopération, c'est évidemment l'énergie du soleil, l'énergie du vent, le solaire, les éoliennes. Je dois dire que lorsque j'ai rencontré le Premier ministre qui m'a fait l'honneur de me recevoir il y a quelques instants et qu'il m'a dit : le volume de fonciers qui était disponible pour les champs éoliens ou pour les champs solaires, un million d'hectares, pour moi qui peine à trouver quelques centaines d'hectares disponibles pour l'installation d'éoliennes ou de panneaux photovoltaïques en France, ça fait rêver. Utilisons, là aussi, cette production d'énergie décarbonée au Maroc pour instituer une coopération entre la France et le Maroc en matière de transport ou d'exploitation de cette énergie, ça doit être au coeur de ce nouveau partenariat franco-marocain.

Je donne un exemple très simple. Il y a un projet de liaison électrique entre Dakhla et Casablanca. La France est prête à participer au financement de cette infrastructure de transport électrique entre Dakhla et Casablanca. Je ne peux pas être plus concret sur notre disponibilité à travailler avec vous au développement d'énergies décarbonées entre la France et le Maroc, entre le continent africain et le continent européen.

Je ne suis pas plus long pour qu'on ait le temps d'échanger très librement aujourd'hui en profitant de cet endroit absolument exceptionnel. Mais je voulais commencer par vous présenter cette stratégie énergétique, parce que derrière ces choix économiques, derrière ces choix énergétiques, il y a - et je reprends ce que je vous disais au début de mon propos - un vrai choix politique. On ne se lie sur l'énergie qu'avec les pays avec lesquels on est intimes, proches et en confiance totale. Et c'est parce que nous sommes en confiance totale avec le Maroc, le peuple marocain, les ingénieurs, les scientifiques marocains et avec le gouvernement marocain que nous sommes prêts à ouvrir cette coopération énergétique entre nos deux mondes.


Merci à toutes et à tous.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 30 avril 2024