Texte intégral
Nous sommes ici à Adré, aux confins du Tchad et du Soudan, où plus de 200.000 personnes fuyant les atrocités et les combats au Soudan ont trouvé refuge, dans une situation de dénuement absolu, vivant à même le sable, dans des abris de fortune qu'ils ont construits eux-mêmes avec de la paille et des bâches et survivant grâce aux rations de sorgho, de haricots, d'huile et de sel qui leur sont délivrées par les organisations humanitaires, par les organisations des Nations unies. Nulle part ailleurs, dans le monde, n'y a-t-il une crise aussi grave que celle qui se déroule ici. Et jamais, depuis le début du 21ème siècle, autant de personnes ont-elles été exposées à la famine et à la faim. C'est plus de onze millions de personnes qui ont dû fuir leurs foyers au Soudan et c'est 26 millions de personnes qui aujourd'hui souffrent d'insécurité alimentaire ou de sous-nutrition.
Tout cela ce sont des chiffres, mais pour ma part je n'oublierai jamais les visages et les regards que j'ai croisés ici, à Adré. Et si je suis venu, c'est pour faire le suivi des engagements qui ont été pris lors de la conférence internationale que la France a tenue le 15 avril dernier, un an après le début des hostilités au Soudan, qui a permis à l'initiative du Président de la République de lever 2 milliards d'euros d'engagements de soutien humanitaire pour les populations réfugiées du Soudan. La France y a pris toute sa part avec 110 millions d'euros, dont l'essentiel a été décaissé. Mais la situation est trop grave et j'ai décidé d'allouer 7 millions d'euros supplémentaires pour soutenir l'action des organisations onusiennes et des organisations non gouvernementales dans la lutte contre le choléra, dans l'accompagnement des femmes et des enfants en bas âge et puis dans les efforts qui sont consentis ici pour le rapprochement familial.
Je suis venu ici aussi pour porter un plaidoyer et pour exhorter les belligérants de cesser les hostilités et d'entrer dans les négociations de paix. J'exhorte les forces armées soudanaises à maintenir ce passage qui est juste derrière nous, le passage d'Adré, ouvert. Et de lever toutes les entraves bureaucratiques à l'acheminement de l'aide humanitaire. Et puis j'exhorte les forces rapides de soutien, l'autre partie belligérante, à cesser le pillage, le racket ou le détournement des convois humanitaires, pour qu'ils puissent arriver à destination. J'enjoins aussi les forces, ou en tout cas les puissances étrangères qui sont alliées avec les belligérants, en leur demandant de cesser de jeter de l'huile sur le feu en soutenant sur le plan militaire, avec de l'équipement et des munitions, une guerre qui plonge le Soudan et sa population dans une tragédie absolument terrible. Et je veux dénoncer l'attitude de la Russie la semaine dernière, aux Nations unies, à New York. La Russie a tout simplement abandonné les Soudanais en mettant son veto sur un projet de résolution visant à soutenir l'effort humanitaire à destination du Soudan. La Russie a dévoilé ce qu'est sa relation à l'Afrique, une relation fondée sur la cupidité, sur le cynisme et sur l'hypocrisie.
Je suis venu aussi saluer, au nom de la France, les travailleurs humanitaires et saluer les pays frontaliers, au premier rang desquels le Tchad, qui accueille plus d'un million et demi de réfugiés sur son territoire. C'est pourquoi l'aide de la France ne se limite pas à l'aide humanitaire. Nous soutenons aussi les projets de développement et d'intégration des populations réfugiées dans la région d'Adré et plus généralement du Soudan. C'est en ligne avec les ambitions du gouvernement du Tchad. Car il ne suffit pas de permettre à ces populations de survivre. Il faut leur permettre de retrouver leur dignité. Dans cette période si sombre de l'histoire du Soudan, c'est une part de notre humanité qui est en question.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2024