Déclaration à la presse de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations entre la France et l'Égypte et la situation au Proche-Orient et en Afrique de l'Est, au Caire le 7 avril 2025.

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Circonstance : Déplacement en Égypte du 6 au 8 avril 2025

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi avant toute chose de remercier chaleureusement le président Sissi pour son accueil et son hospitalité dès hier soir dans un quartier, qui vous est cher, monsieur le président, et merci de la délicatesse et la générosité de ce geste et aujourd'hui avec nos délégations.

Je suis très heureux d'être à vos côtés en Égypte, dans ce grand pays qui est un partenaire historique et stratégique pour la France. Je souhaite, à travers cette visite dans votre pays, honorer les liens d'amitié qui unissent l'Egypte et la France et réaffirmer notre volonté de faire encore davantage et de vous accompagner dans le chemin de stabilité et de prospérité que vous avez choisi pour l'Egypte, mais aussi dans votre agenda régional.

L'Égypte est, je le redis, un partenaire stratégique de notre pays, et je me félicite que ce lien étroit se soit matérialisé aujourd'hui par la signature d'un accord de partenariat stratégique que nous venons de signer. Je continuerai pour ma part à m'employer personnellement, à porter ce partenariat et à le renforcer à vos côtés.

Je souhaite aussi ici réaffirmer l'attachement de la France à la stabilité de l'Égypte, en particulier dans un contexte régional dégradé, et alors que l'économie égyptienne est mise à l'épreuve. À cet égard, Monsieur le président, la France continuera de soutenir le dialogue de l'Égypte avec le Fonds Monétaire International, la Commission européenne, pour la mise en oeuvre de l'assistance macro-financière, ainsi, aussi que la facilitation d'une mise en place de toutes les réformes qui sont nécessaires.

Nos longs échanges ce matin avec le président ont permis d'évoquer les très nombreux domaines de coopération bilatérale denses et historiques et les multiples crises qui secouent l'environnement régional et nous préoccupent.

S'agissant d'abord de la coopération bilatérale, vous en avez rendu compte un instant, Monsieur le président, elle est nourrie par une volonté constante de contribuer au développement et à la prospérité de l'Égypte et du peuple égyptien. À cet égard, la France se tient aux côtés de l'Égypte pour soutenir son agenda de 2030 et le développement à travers les investissements de ces entreprises et son aide bilatérale européenne et multilatérale.

Ce matin, nous avons réitéré notre engagement à poursuivre une coopération financière bilatérale riche pour la réalisation de projets prioritaires pour l'Égypte, qui contribuent à sa stabilité et à son développement. À ce titre, je salue le rôle de l'Agence française de développement, premier partenaire financier bilatéral de l'Égypte, avec 4 milliards d'euros d'engagement dans le pays depuis 2006. À l'occasion de cette visite, l'AFD signera plus de 260 millions d'euros de prêts et dons associés aux bénéfices de la population égyptienne dans des secteurs aussi variés que le transport, l'énergie, l'eau, l'assainissement. Nous aurons tout à l'heure un forum d'affaires franco-égyptien que nous conclurons et qui témoigne aussi des liens économiques étroits qui existent entre nos deux pays. À titre d'exemple, la France est le premier investisseur européen hors hydrocarbures en Égypte, avec un stock de 7 milliards d'euros d'investissement et plus de 50.000 emplois créés par nos entreprises.

Nos domaines de coopération, je le disais, sont nombreux, mais je souhaite ici en mentionner quelques-uns, prioritaires. Il y a bien sûr les transports urbains, vecteurs de croissance, en particulier dans une ville comme Le Caire. Nous emprunterons cet après-midi la ligne 3 du métro du Caire. Nous sommes engagés aux côtés de l'Égypte en matière de construction de métro depuis 1984. Et cet engagement se poursuit à travers, d'une part, la modernisation du matériel roulant de la ligne 1, dont le financement a mobilisé un montant exceptionnel de 777 millions d'euros en prêts concessionnels, et d'autre part, le projet de construction de la ligne 6, qui constitue une priorité pour l'Égypte et pour la France. Nos entreprises sont mobilisées et elles seront à nos côtés cet après-midi.

Il y a également la coopération en matière de santé, qui s'inscrit dans le cadre des efforts qui sont les nôtres, et de la signature du partenariat en matière de lutte contre le cancer avec l'IGR, à des signatures industrielles avec Sanofi et d'autres groupes français. Ceci marque un renforcement de notre partenariat bilatéral, mais également des efforts humanitaires et sanitaires que nos deux pays font en faveur de la population civile de Gaza, qui vient d'être renforcée avec la signature d'un nouveau protocole. Il y a de nombreux domaines que je pourrais ici convoquer, l'agroalimentaire, l'énergie, les services, tout ce que nous signerons cet après-midi aussi avec Capgemini, une mobilisation exceptionnelle pour l'embauche des jeunes talents et des ingénieurs égyptiens.

Évidemment, le domaine de la défense est au coeur de la relation bilatérale de confiance. Vous avez été le premier, à l'export, à faire confiance aux Rafale français. Beaucoup vous ont suivis ensuite. Et en effet, de l'aérien au maritime, dans toutes les catégories, nous avons un partenariat très étroit que nous allons encore renforcer à l'occasion de cette visite avec l'Egypte, au jour même où les deux Rafale du deuxième lot arrivent sur votre sol et au moment où nous nous exprimons, ils sont dans les airs. Il y a également notre coopération éducative et universitaire.

La tenue des assises franco-égyptiennes de l'enseignement supérieur et de la recherche aujourd'hui, à laquelle j'assisterai, constitue une étape importante dans le rapprochement des établissements de nos deux pays. La refondation de l'Université française d'Egypte et la construction en cours de son nouveau campus participent directement à ces efforts. Et nous sommes engagés à promouvoir le développement des écoles francophones en Egypte avec un objectif de 100 écoles fixées et améliorer l'enseignement du français comme deuxième langue. Nous en avons longuement parlé.

Et puis, il y a la coopération en matière culturel, évidemment, notre coopération archéologique qui est au coeur de cette relation. J'aurai l'occasion, ce soir, de rencontrer beaucoup d'artistes qui tressent la relation entre nos deux pays, mais de nos musées, nos ballets, nos orchestres et nos artistes, nous souhaitons en effet faire, là aussi, davantage pour renforcer le lien entre l'Egypte et la France.

Au-delà de cette relation bilatérale, c'est évidemment notre vision commune de la situation dans la région qui nous unit. Et je me souviens, comme d'hier, de l'automne 2023, où j'étais à vos côtés quelques semaines après l'attaque terroriste lancée par le Hamas contre Israël, et alors que la situation tragique humanitaire à Gaza avait déjà commencé, et nous nous exprimions d'une même voix, cher président. Et merci de nous accueillir demain à El-Arich, et je suis très heureux d'être à vos côtés dans cet avant-poste du soutien humanitaire aux populations civiles gazaouies. L'Égypte et la France partagent une convergence de vues qui rend notre travail en commun essentiel.

Nous condamnons la reprise des frappes israéliennes à Gaza, qui constitue un recul dramatique pour la population civile, les otages, leurs familles et l'ensemble de la région. Nous appelons à un retour immédiat au cessez-le-feu, à la libération de tous les otages encore détenus par le Hamas à Gaza. Les négociations doivent reprendre sans délai et de manière constructive, et à cet égard, je veux saluer les efforts inlassables déployés par l'Égypte en faveur justement du cessez-le-feu et de la libération des otages.

La France rejoint aussi l'Égypte sur un point majeur, et je veux le redire ici avec force : nous nous opposons fermement aux déplacements de population et à toute annexion de Gaza comme de la Cisjordanie. Il s'agirait d'une violation du droit international, d'une menace grave pour la sécurité de toute la région, y compris celle d'Israël. Je réitère également mon plein soutien au plan de reconstruction pour Gaza endossé par la Ligue arabe le 4 mars dernier, et je salue ici le travail crucial de l'Égypte sur ce plan, qui offre une voie réaliste à la reconstruction de Gaza et qui doit aussi ouvrir la voie à une nouvelle gouvernance palestinienne dans l'enclave dirigée par l'Autorité palestinienne. Le Hamas ne doit avoir aucune part à cette gouvernance, ne doit plus constituer une menace pour Israël. Nous en avons parlé encore ce matin et hier soir avec le président, et nous aurons l'occasion dans un instant d'être rejoints par le roi de Jordanie pour évoquer plus longuement ce sujet essentiel pour toute la région et au-delà. Mais nous avons la conviction profonde que c'est en effet seule la réponse politique qui permettra d'assurer la stabilité et la sécurité à Gaza et dans toute la région. Et c'est en ce sens que nous allons oeuvrer, c'est-à-dire dans la perspective de la conférence internationale pour les deux Etats, que la France coprésidera dans quelques mois avec l'Arabie saoudite, et que nous souhaitons travailler en détail avec vous.

Au-delà, la France partage avec l'Égypte un agenda plus général de stabilité régionale. Nos deux pays sont préoccupés des risques d'escalade en mer Rouge, où la liberté de navigation doit être préservée. Et le passage de notre groupe aéronaval dans le canal de Suez illustre la mobilisation de la France à cet égard. Nos deux pays souhaitent également une solution diplomatique à la crise nucléaire iranienne, nous l'avons évoqué avec le président hier, qui risque sinon d'aggraver sérieusement l'insécurité dans toute la région. La France y travaille avec ses partenaires pour limiter drastiquement le programme nucléaire iranien, mais aussi traiter la question des missiles et de l'interférence régionale.

Le Président a évoqué la Syrie. Je sais que vous avez eu l'occasion d'échanger avec le président de transition. J'ai eu à deux reprises ce dernier, et longuement ces dernières semaines. La France soutient la transition vers une Syrie unie, stable, souveraine et inclusive, dans le respect de toutes les composantes de la société syrienne, en refusant tout entrisme étranger, toute déstabilisation, mais avec une Syrie pleinement engagée dans la lutte contre le terrorisme et dans la stabilisation de la région. C'est en particulier une nécessité pour le Liban. Vous avez eu des mots forts à l'instant en soutien du président Aoun et du Premier ministre Nawaf Salam. Je les partage. Nous sommes attachés à la souveraineté du Liban et à sa stabilité. Là aussi, le cessez-le-feu doit être respecté et, le Liban pleinement recouvrer sa souveraineté pour que les forces armées libanaises, aidées par le mécanisme de suivi et par les Nations unies et de la Finul, puissent assurer la sécurité sur son sol et la lutte contre tous les mouvements terroristes.

Nous avons évoqué également le Soudan et l'Éthiopie avec le Président. Au Soudan, à quelques jours du deuxième anniversaire du déclenchement de ce terrible conflit, nous n'oublions pas les souffrances du peuple soudanais, ce grand peuple ami de la France et frère de l'Égypte qui subit aujourd'hui l'une des pires crises humanitaires au monde. L'un comme l'autre, nous agissons pour y répondre. Nous n'abandonnerons pas le Soudan et nous continuerons à agir ensemble en faveur d'un règlement négocié et du retour de la paix, fidèle en cela aux engagements pris lors de la conférence de Paris il y a bientôt un an. Et quant à l'Éthiopie, pays ami de la France également, nous ferons tout notre possible, je l'ai dit au président, pour que les questions les plus sensibles et les plus vitales, quand on parle de l'eau et de ce fleuve central pour la région et pour l'Égypte, pour que les accords qui s'imposent soient trouvés et que le voisinage, que le partage de ce fleuve puisse être harmonieux.

Enfin, j'aimerais ajouter un dernier mot sur l'Ukraine. Nous soutenons l'objectif de mettre fin à la guerre, objectif poursuivi par le Président Trump, et nous souhaitons une paix solide et durable qui garantisse, vous le savez, la sécurité de l'Ukraine et celle de tous les Européens. Cette paix sera bénéfique pour tous, car nous mesurons, et ici pleinement, les conséquences de la déstabilisation, et en particulier en termes agroalimentaires, que l'agression russe en Ukraine a pu faire vivre à de nombreux peuples, l'Égypte et beaucoup d'autres dans le continent africain. C'est pourquoi il est désormais urgent que la Russie cesse les faux-semblants, et les tactiques dilatoires et accepte le cessez-le-feu sans condition, qui a été la proposition du président Trump, proposition agréée par le président Zelensky à Djeddah le 11 mars dernier. Cela fait presque un mois que non seulement la Russie y impose une fin de non-recevoir, mais qu'elle accroît les bombardements contre les civils avec encore des pertes tragiques il y a quelques jours en Ukraine, et je veux redire ici au peuple ukrainien notre amitié. Et je veux ici saluer la constance de vos prises de position internationales, de vos votes aux Nations unies et la clarté et la fermeté avec laquelle vous tenez cette voix. Et je le dis ici alors qu'il y a pu avoir parfois beaucoup de commentaires, nous avons en commun avec le président Sissi qu'il s'agisse de Gaza ou qu'il s'agisse de l'Ukraine eu une même voix, celle de la paix. Et il y a une chose qui unit l'Égypte et la France, il n'y a pas de double standard. Et la position que vous tenez sur l'Ukraine est très forte. Et vous savez la position que nous tenons sur Gaza. Quand on défend la paix, on la défend partout. Quand on défend la souveraineté, on la défend partout. C'est la position qui unit l'Égypte et la France.

Merci infiniment, monsieur le président, de votre accueil. Et au fond, l'histoire nous dépasse, qui a lié nos deux grands peuples. Elle est au quotidien nourrie par les coopérations que nous avons signées ce jour. Et je crois aussi pouvoir dire qu'elle est nourrie par l'amitié qui nous lie. Alors à nous de continuer à faire de grandes choses. Merci, Président.