Texte intégral
Monsieur le Président de la République de Maurice,
Monsieur le Premier Ministre de la République de Maurice,
Mesdames,
Monsieur le Secrétaire général de la Commission de l'Océan Indien,
Monsieur le Secrétaire général de l'Association des États riverains de l'océan Indien,
Madame la Présidente de l'Assemblée nationale mauricienne,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le préfet de la Réunion,
Monsieur le commandant supérieur des FAZSOI,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Chers compatriotes,
Je suis très heureux de vous retrouver et d'être là parmi vous. Et je remercie le Premier ministre et le Président d'être à nos côtés, de nous faire l'amitié et d'être là pour ce moment très particulier. Le pessimisme nous a conduits à aller à l'intérieur, mais l'honnêteté face au climat mauricien aurait dû nous conduire à rester à l'extérieur, puisqu'il fait beau.
En tout cas, je suis heureux, en effet, de vous retrouver pour cette visite d'État qui est singulière à bien des égards. D'abord parce que cela fait 32 ans qu'un Président de la République française n'était pas venu. Ensuite, parce que nous vivons un moment singulier, et je vais y revenir, fait d'énormément de défis qui touchent notre monde et tout particulièrement la région. Aussi parce que la délégation qui m'accompagne, avec le Président du Conseil départemental de la Réunion, le Président du Conseil départemental de Mayotte, le préfet de la Réunion, plusieurs élus et représentants de nos territoires, général de Monicault est singulière et montre cette volonté de la France de s'engager dans l'océan Indien à travers ce territoire en partenariat avec Maurice et avec nos autres amis. Et puis, beaucoup de chefs d'entreprise sont ici à mes côtés, qui marquent aussi cette volonté, avec nos chercheurs, nos sportifs, nos artistes, de consacrer la relation. Parce qu'en effet, depuis trois siècles, cette relation entre Maurice et la France a quelque chose d'unique.
Elle est faite, cette relation d'amitié, de respect, de confiance. Elle a été balayée par le ressac du temps, et même si parfois cette amitié jalouse avec nos partenaires britanniques peut nous conduire à regarder de manière singulière ce qui s'est passé au XIXe siècle, vous nous avez fait, au fond, le plus beau des témoignages d'amour, en gardant plutôt en récupérant notre langue. Et nous sommes ici dans un des pays les plus francophones du monde qui, malgré le passage postérieur des Britanniques, a ramené Maurice au français. Et cette langue en partage est, je crois, le témoignage de cette amitié qui nous lie, très singulière, mais aussi de cette marque inspirante que représente Maurice, y compris pour la France dans beaucoup de défis, cette capacité à vivre en paix, cette capacité au respect entre les religions, les peuples, et à bâtir, au fond, un syncrétisme, une capacité de respect si unique.
Aujourd'hui, sur ce lieu symbolique, celui de notre future ambassade de France à Port-Louis, nous célébrons la vitalité de cette relation et affirmons notre volonté commune de bâtir un avenir partagé. Je veux d'abord remercier du fond du cœur les dirigeants et le peuple mauricien pour leur accueil, leur hospitalité, leur franchise et la qualité de nos échanges. Je veux remercier, je l'ai fait, notre délégation, celles et ceux qui m'accompagnent, mais aussi, Monsieur l'ambassadeur, Madame, à travers vous, vous remercier de votre accueil et dire ici la force que représentent les 15 000 à 18 000 Français qui vivent tout au long de l'année à Maurice et représentent ce lien, ancrent ce lien. Et ce, en plus des près de 400 000 touristes qui, chaque année, viennent dire leur amitié, leur attachement à Maurice et sont la première nation qui vient profiter de vos infrastructures touristiques, qui est une des grandes richesses de Maurice. Et je veux ici vraiment remercier cette communauté française, remercier également nos établissements, 6 établissements aujourd'hui, les enseignants, la communauté pédagogique, et nous tenons ô combien à ces établissements français et en langue française et à tout notre réseau. Remercier l'Institut de France et ses équipes, remercier également toutes les équipes de l'Ambassade, les équipes consulaires, notre consul honoraire, nos conseillers du commerce extérieur, nos conseillers élus, qui représentent justement l'ensemble de nos compatriotes ici, CCI France Maurice, la French Tech, toutes celles et ceux qui font vivre la relation, et puis plusieurs élus sportifs qui m'accompagnent, notre ministre, plusieurs sportifs qui sont là et qui tissent aussi ce lien franco-mauricien.
Fort de tout cela, cette visite, et c'est les quelques mots que je voulais vous dire, cette visite est aussi une promesse, la promesse d'un avenir fondé sur la confiance et la conscience d'un destin commun dans le sud-ouest de l'océan Indien, là où se forment des défis géopolitiques, climatiques, sécuritaires. La France est en effet, je le rappelais, par sa géographie, La Réunion, Mayotte, par ses ressortissants établis à Maurice, aux Seychelles, à Madagascar, aux Comores, par ces familles mêlées et ces liens humains, une des puissances de cet océan Indien. Mais nous l'abordons avec aussi beaucoup d'humilité et une volonté de travailler en partenariat. Et au fond, au-delà de la relation bilatérale, ce que je voulais ici vous dire, c'est qu'à travers nos liens linguistiques, culturels, commerciaux, militaires, à travers cette histoire dense, notre volonté est de participer au projet, qui est aussi celui de Maurice, de faire de l'océan Indien un trait d'union, et en aucun cas une frontière. Un horizon partagé, un espace de solidarité et de circulation, mais qu'il faut préserver.
Et pour cela, il nous faut répondre ensemble à plusieurs défis. Le premier d'entre eux, c'est la préservation de notre océan. À Nice, lors de la conférence des Nations unies sur l'océan, dans cette belle région sud, cher Renaud Muselier qui nous a accueillis avec générosité, je parle là devant plus qu'un amoureux de la République de Maurice, nous avons franchi une étape essentielle. Et je veux saluer votre engagement, Monsieur le Premier ministre, vous avez été aux avant-postes, pas simplement par votre présence, mais en faisant de votre pays un des premiers qui a signé et puis ratifié ce traité sur la protection de la biodiversité en haute mer, qui vraiment est une révolution pour le droit de la mer. Je veux saluer vraiment votre rôle moteur et dire que la bataille n'est pas finie, parce que maintenant, nous allons avoir à mettre en œuvre cela à travers nos partenariats.
La présence de l'IRD, ici dans cette délégation est un point important. L'IRD avec, on l'a vu hier, Plastic Odyssey, votre gouvernement travaille activement, et c'est une illustration très concrète de cette coopération pour protéger nos mers et nos océans contre ce fléau qu'est le plastique. Mais nous allons continuer le travail de coopération, mais aussi le travail de sécurité, de respect des aires marines protégées et de respect du droit international de la mer, y compris dans la haute mer. La COP Océan l'année prochaine sera un élément clé et nous allons continuer de renforcer notre travail commun pour protéger ces écosystèmes, protéger nos grands fonds marins, protéger notre mer, face au fléau du plastique, mais pas seulement, à travers des actions de recherche, d'éducation citoyenne, mais aussi des coopérations très concrètes pour l'économie circulaire et au-delà. Vous pouvez compter sur l'Agence française de développement, sur nos instituts de recherche pour continuer ces partenariats, avec la Commission de l'Océan Indien, l'Association des États riverains de l'océan Indien, et en lien très étroit, Monsieur le représentant, avec l'Union européenne et l'ensemble de nos partenaires et les financements de la Commission.
C'est, de manière très concrète, la préservation de nos océans et de notre mer, et en particulier de l'océan Indien, un témoignage de ce multilatéralisme efficace auquel Maurice et la France croient ensemble ; travailler main dans la main pour préserver un trésor commun. Le deuxième défi pour la France et Maurice, c'est l'intégration économique, culturelle, linguistique, éducative de toutes les rives pour renforcer la réponse collective. En effet, nos îles dépendent encore trop des importations. Elles recèlent pourtant des ressources naturelles et des savoir-faire exceptionnels. Et de La Réunion à Madagascar, de Mayotte au Comores, au Seychelles ou à Maurice, nous partageons une même ambition qui est de bâtir un espace intégré de production et d'échanges agricoles. Et on a vu ces dernières années la fragilité parfois de ces écosystèmes. Les soubresauts qui arrivent à Madagascar, qui sont arrivés dans les décennies précédentes, ont parfois menacé votre sécurité alimentaire.
Je veux ici saluer tous les représentants de ces territoires, et on l'a dit hier avec Monsieur le Premier ministre, notre volonté de travailler avec tous les territoires de la région, d'accompagner les transitions quand elles arrivent, parce qu'il y a une telle interdépendance que nous devons agir en commun. Et donc, en matière de sécurité alimentaire, volonté de faire davantage et de consolider les partenariats. Tous les acteurs de l'agroalimentaire qui sont ici présents le savent. On a signé des accords importants hier en matière de blé et de sucre, mais nous voulons renforcer ces partenariats.
Et ça correspond exactement avec la stratégie que poursuit La Réunion, par exemple, d'accroître sa souveraineté alimentaire, avec un des meilleurs plans que j'ai pu voir dans nos Outre-mer, de production locale renforcée, et nous avons besoin de renforcer sur toutes les îles de l'océan Indien une souveraineté alimentaire, une souveraineté énergétique bien plus importante. Mais en matière d'intelligence artificielle, en matière de numérique, de l'open source à l'IA en passant par beaucoup d'autres choses — et je salue encore les représentants de la French Tech — en matière de services financiers, en matière d'économie bleue, qui, je le sais, Monsieur le Premier ministre, est un de vos axes de développement, en matière touristique, nous voulons continuer de renforcer ces partenariats pour renforcer l'intégration économique régionale.
C'est la même chose que nous voulons faire en matière de recherche, de formation, de transformation locale, garantir des programmes de recherche dans la durée, ce qu'on a vu ce matin en matière, d'ailleurs, de botanique, est un exemple formidable de partenariats entre l'IRD, votre université et des partenaires de la région, ce que j'évoquais en matière de plastique. Mais on veut aussi, ce faisant, par ces partenariats, garantir des normes sanitaires exigeantes, sécuriser les investissements, engager le secteur privé, concilier rigueur et solidarité pour une prospérité durable dans toute la sous-région. Et à ce titre, ce que nous avons fait avancer ces derniers mois ensemble sur les questions de formation est clé. Et je vous remercie de votre engagement pour la filière d'enseignement bilingue, ce qui est une vraie petite révolution, je ne la sous-estime pas, dans le système éducatif mauricien. Et ce que nous avons fait en consolidant les BTS et en permettant justement d'en passer les examens à Maurice, je sais combien c'était important pour vous, est aussi un engagement de notre part pour poursuivre cette coopération. Tout ça nous permet aussi de continuer, dans la région, à intégrer nos échanges culturels, nos échanges linguistiques. Je rappelais le choix que vous avez fait pour la langue française. Eh bien, notre francophonie est une force et je veux ici prendre le temps de saluer deux grandes écrivaines mauriciennes, célébrées par la France, Nathacha Appanah, qui vient d'avoir le Prix Fémina cette année, comme Ananda Devi, qui incarnent ces nouvelles voix qui ajoutent au concert universel de la francophonie leurs mélodies singulières et qui sont si importantes pour la littérature française aussi.
Le troisième défi entre nos deux nations et pour toute la région, c'est d'agir pour la sécurité collective. La préservation de la paix et de la stabilité est essentielle pour nous tous et nous y veillons ensemble pour défendre nos intérêts et nos valeurs communes. Nous partageons ce même souci de stabilité, ce même attachement à la souveraineté de chacun. Et je pense à la situation de Madagascar sur laquelle nous œuvrons à un soutien bienveillant à la transition en cours. La sécurité maritime, dans ce contexte, est clé, la pêche illégale, les trafics, les actes de piraterie, les migrations clandestines, l'aide aux navires en difficulté, la prévention des marées noires, autant de menaces qui pèsent sur la stabilité de l'océan Indien. Or, cet espace, on vient de le voir un instant sur le Champlain avec Monsieur le Premier ministre, est traversé par à la fois des routes maritimes clés de l'économie mondiale et maintenant des routes de trafic terrible sur le plan migratoire, Mayotte le sait comme la Réunion, on est bousculé par ça, qui viennent depuis l'Afrique australe sur toute la région et des trafics de drogue qui descendent depuis l'Asie centrale.
Pour cela, la France et Maurice sont au cœur de ce nœud de connectivité dans la région qui est si important pour le commerce, pour l'énergie. Et ensemble, nous voulons renforcer ces liens. Avec nos partenaires de la COI, nos partenaires Est-Africains, nous nous sommes engagés depuis mai dernier à organiser davantage de patrouilles et d'exercices, à mutualiser les moyens de remorquage, à mener des opérations de surveillance conjointes, navales et aériennes, avec un appui en échange d'informations et de planifications par les centres régionaux de coordination. Cela, nous l'avons consacré par l'accord qui a été signé et que nous avons échangé ce matin, et qui va permettre de renforcer ces missions de sécurité. Et je veux remercier vraiment vos forces spéciales et vos forces de sécurité, Monsieur le Premier Ministre, et remercier nos FAZSOI qui ont travaillé pour cela. Remercier aussi le préfet de la Réunion et la bonne coopération avec ce qui est fait par toute la zone. Ce qui a été échangé ce matin est un témoignage absolument décisif de ce que nous voulons faire, à la fois échange de bonnes pratiques, formation, mais aussi opérations et exercices conjoints, ce qui nous permettra d'engager avec plus grande ampleur ce que nous avions déjà fait au mois de mai dernier et ce que nous voulons renforcer au sein de la COI. Ceci s'appuiera sur également nos structures régionales, puisque, comme vous le savez, nous avons créé une académie de l'Océan Indien à La Réunion, un Centre régional d'études maritimes à Colombo, dédié à la sécurité, à la stabilité, à la coopération régionale.
Et cette Académie de l'Océan Indien a vocation à former beaucoup des cadres de tous les pays de la zone qui permettront de participer à ces missions conjointes. J'ajouterai à tout ce que j'ai évoqué en termes de sécurité une mission qu'il ne faut pas oublier, la sécurité civile et la protection face aux risques naturels. Nous avons vécu dans notre chair, il y a près d'un an maintenant, le cyclone Chido, et je pense vraiment à tous nos compatriotes mahorais qui ont vécu des moments terribles, et le président sait notre solidarité. Puis Garance, qui a touché cruellement aussi la Réunion et toute la région, avec des conséquences pour les populations et l'économie. Et je n'oublierai jamais que vous avez été, Monsieur le Premier Ministre le premier à m'appeler, une fois que Garance nous avait touchés et a manifesté votre solidarité très concrète à l'égard de La Réunion. Mais nous le voyons, nous devons aussi renforcer au sein de l'océan Indien nos partenariats et nos actions communes en termes de sécurité civile, parce que l'insularité est une chance, un charme, mais c'est parfois une vulnérabilité aussi par l'isolement ou la rupture des relations, ce qui suppose encore plus de solidarité.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques mots que je voulais vous dire pour à la fois le partenariat franco-mauricien, mais une volonté entre la France et Maurice d'agir ensemble dans l'océan Indien pour ses priorités : nos océans, le renforcement de tous nos partenariats économiques, linguistiques, culturels, entrepreneuriaux et au service de la sécurité. Et vous le voyez, et je veux ici le redire devant vous, la France n'entend pas dominer, elle veut rassembler. Elle n'entend en rien imposer, elle veut coopérer. Et face à toutes les tentations parfois hégémoniques, dans un monde de désordre où vous voyez comme moi le retour des impérialismes, et la région n'y échappe pas, je veux que vous voyez dans la France et dans toute la communauté française qui est ici rassemblée, des partenaires de confiance, des familles qui sont souvent là depuis longtemps, fruit de l'histoire, des familles venues plus récemment, tombées amoureuses de Maurice, mais qui veulent ici un partenariat, un échange respectueux, ambitieux, amical. Et je sais que c'est l'esprit aussi qui préside à votre travail. Au fond, cet espace où la liberté s'éprouve d'île en île est le théâtre de tous nos défis : climatique, géopolitique et de civilisation. Et la seule réponse, celle que nous voulons apporter et que nous défendrons, c'est celle du respect de la souveraineté de chacun, du respect des peuples et d'un multilatéralisme efficace et de coopérations nouvelles. La construction de cette nouvelle ambassade en sera le symbole, un lieu ouvert, transparent, respectueux de l'environnement, au cœur d'une cité pensée selon les principes du développement durable. Un espace au service des Français de Maurice, mais aussi des Mauriciennes et des Mauriciens, et d'une relation bilatérale exemplaire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, Monsieur le premier ministre, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités, ce que je voulais vous dire et devant vous, chers compatriotes, la fierté que j'ai d'être à vos côtés, mes encouragements pour continuer de faire et d'aller loin, toutes et tous, et ma gratitude, parce que depuis hier, je veux vous dire combien je suis bien parmi vous. L'accueil qui m'a été réservé a été formidable, mais surtout il est fait d'amitié, de fraternité. Et il y a des sourires, il y a des regards, il y a des gestes spontanés qui disent beaucoup mieux parfois que les mots. Et la chaleur de cet accueil, le soin que vous avez toutes et tous mis à nous accueillir avec ma délégation, l'intensité de nos échanges, disent beaucoup de cette amitié, de cette fraternité. Et dans quelques heures, j'aurai à repartir malheureusement pour aller au G20, et je repartirai avec cette certitude, cette conviction d'une amitié vivante, et d'une volonté de faire beaucoup plus ensemble. Ensemble, oui, faisons de cet océan un espace de paix, de progrès et de solidarité, et servons cette amitié entre Maurice et la France.
Vive Maurice, vive la France et vive notre amitié !