Quelle est en France la définition de la pauvreté et qui sont les pauvres ?
Sont comptés comme pauvres les personnes et les ménages, leurs familles, qui vivent sous un seuil de pauvreté. Seuil de pauvreté en termes monétaires, en termes de revenus, qui est fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie. Plus concrètement, sont comptées comme pauvres ces dernières années les personnes qui vivent, pour une personne seule, avec moins de 1 000 € par mois ou, pour un couple avec deux enfants, avec moins de 2 500 € par mois. Les pauvres, sous cette approche qui est aujourd’hui la plus commune, étaient auparavant les personnes âgées. Quand on est en 1945-1950, quand on lance le projet de sécurité sociale, quand on met en place le projet de systématisation généralisation des retraites, les personnes qui meurent dans la misère sont celles qui n’ont plus de ressources après leurs activités professionnelles. Plus clairement les pauvres, c’étaient les personnes âgées. Aujourd’hui ce sont les jeunes. Vous avez un taux moyen de pauvreté en France, c’est-à-dire la part de la population française qui vit sous le seuil de pauvreté, qui est à peu près de 14 %. Cela fait près de 9 millions de personnes mais vous avez moins de 10 % des retraités qui sont concernés, ou plutôt les retraités sont pour moins de 10 % d’entre eux concernés quand, à l’inverse, pour les enfants, vous avez 20 % des enfants qui vivent dans des familles comptées comme pauvres. Les pauvres ce sont d’abord des jeunes, quand auparavant c’était d’abord des personnes âgées même s’il demeure des personnes âgées qui sont concernées. Les pauvres, auparavant, étaient dans des zones rurales. Comme il y a eu une urbanisation de la France, vous avez des pauvres qui sont d’abord dans les zones urbaines et souvent concentrés dans ce qu’auparavant on baptisait les zones urbaines sensibles. Autre et dernière transformation importante, avec beaucoup de transformations, mais qui est très significative, c’est qu’auparavant on trouvait d’abord des pauvres dans des familles nombreuses. Maintenant on trouve d’abord des pauvres dans des familles monoparentales. Pourquoi cela ? C’est parce qu’il y a de moins en moins de familles nombreuses et de plus en plus de familles monoparentales. Dans les approches les plus communes en France, les plus traditionnelles, on se concentre sur cette approche de pauvreté relative. On regarde ce qu’est le niveau de dénuement par rapport à ce qu’est le niveau de richesse générale en France. Les approches de pauvreté absolue, qui sont les approches utilisées aux États-Unis ou même à l’échelle internationale, font qu’on regarde un seuil sous lequel il est, sinon impossible, du moins extrêmement difficile de se vêtir, de se loger et de se nourrir.
Quels sont les principaux outils à la disposition des pouvoirs publics pour lutter contre la pauvreté ? Sont-ils efficaces ?
À l’échelle nationale, c’est quelque chose de neuf que d’avoir une politique parfaitement labélisée « lutte contre la pauvreté ». Cela date des années 1980, un sujet qu’à l’époque on avait baptisé « nouvelle pauvreté ». Les principaux instruments à la main des pouvoirs publics, donc en l’espèce de l’État, c’est un ensemble de prestations sociales que l’on baptise les minima sociaux. Que ce sont les minima sociaux ? Ce sont des prestations pour lesquelles vous ne cotisez pas, c’est financé par les impôts. Si cela s’appelle minima sociaux, c’est parce que ces prestations visent à vous amener à un niveau minimum de ressources. Il y en a une dizaine, parce que la France, parmi ses richesses, est riche de sa protection sociale. Sans faire un cocorico trop poussé en la matière, qui serait illégitime au regard du maintien de situations qui sont absolument inacceptables dans un pays d’abondance, cela c’est un jugement c’est vrai que quand on se compare à l’échelle de l’Union européenne et dans la zone des pays riches, la zone de l’OCDE, nous avons un des États providence les plus performants en matière de réduction de la pauvreté. Comment calcule-t-on cette performance ? On regarde ce qu’est le taux de pauvreté avant les transferts sociaux fiscaux, c’est-à-dire avant le paiement des impôts et avant le versement des prestations sociales et on a un taux de pauvreté qui est, grosso modo, divisé par deux.
D’autres approches existent-elles, notamment à l’étranger ? Sont-elles transposables en France ?
On regarde souvent en matière de politique sociale les pays scandinaves, c’est la voix du nord. On regarde le nord en cherchant à s’en inspirer. Ce ne sont pas des pays qui luttent très spécifiquement contre la pauvreté mais qui plutôt mettent l’accent sur la lutte contre les inégalités, donc, si on doit le dire d’une manière concrète, sur la prévention aussi. Peut-être davantage que dans le contexte français, même si c’est la volonté récente du gouvernement que de justement, dans le nouveau plan qui a été annoncé en 2018, de se centrer d’une part sur la logique de prévention, et la logique est évidente : il vaut mieux prévenir que guérir, et d’autre part de se concentrer sur le cas de la pauvreté des enfants. Ce plan qui est en cours de mise en œuvre contient à mon sens trois annonces importantes. La première, c’est que le président de la République s’est engagé c’est parfaitement ambitieux à, je cite, mettre fin à la pauvreté des enfants sur le temps d’une génération. Mettre fin, plus précisément et pour le citer, « à la grande pauvreté sur le temps d’une génération ». Deuxième dossier qui a été avancé, c’est la création d’un service public de l’insertion, terme barbare et bureaucratique pour désigner le fait qu’on cherche quand même à mieux organiser un système qui a ses vertus, je le répète l’ensemble des transferts sociaux fiscaux permet de diminuer considérablement la pauvreté, et qui n’est pas d’une totale efficacité puisqu’entre autres problèmes vous avez des gens qui passent à travers les mailles du filet. Et la dernière mesure, la troisième mesure qui me semble importante dans ce plan, c’est celle qui d’ailleurs a été la plus discutée, c’est l’annonce de la création d’un revenu universel d’activité, qui est un chantier qui vient de s’ouvrir, puisque cela consiste à fusionner une partie des prestations sociales et cela n’est jamais simple. L’ambition est de simplifier, tout le monde peut comprendre qu’il soit nécessaire de simplifier, mais c’est toujours compliqué de simplifier.