Quels sont les enjeux de la politique publique du sport ?
Alors d'abord, je pense que ce qui est important de partager c'est que le sport est aujourd'hui un fait social.
On est tous à un moment ou à un autre concerné par le sport, soit parce que le sport se regarde beaucoup, même de plus en plus, soit parce qu'on le pratique, peut-être pas assez, j'y reviendrai, mais en tout état de cause, on observe que le sport concerne une grande majorité de nos concitoyens, puisque on a 16 millions de licences dans les fédérations sportives.
Et puis, selon une étude récente, 60 % du public de plus de 15 ans déclarent pratiquer une activité sportive chaque semaine.
Alors pourquoi une politique du sport puisque, finalement, beaucoup pratiquent déjà une activité physique et sportive ?
Alors d'abord, peut-être qu’il faut qu'on se dise que quand on parle de politique du sport et de sport en général, ce qui vient immédiatement à l'esprit, c’est plutôt la performance sportive, les résultats sportifs, les médailles.
Et effectivement, la politique sportive dédiée au sport de haut niveau est une politique nationale qui est portée par l'État puisqu'elle contribue, vous le savez bien, au rayonnement de la France à l'international.
Et donc, à cet égard, l'État mobilise des moyens qui vont permettre aux sportifs et aux sportifs d'être placés dans les meilleures conditions pour performer.
Et avec une spécificité de la politique sportive du haut niveau en France qui est que, bien sûr on va chercher des résultats sportifs, bien sûr, on va aller chercher des médailles, mais pas à n'importe quel prix puisque cette politique sportive est vraiment marquée par ce qu'on appelle le double projet.
On aide le sportif à performer, mais on l'aide aussi à devenir un citoyen et à être inséré. Ce qui nous invite finalement à mettre en place un certain nombre de dispositifs d'accompagnement dans le temps scolaire, de suivi socio-professionnel pour que le sportif, à l'issue de sa carrière sportive ait toute sa place dans la société.
Mais on ne peut pas résumer les politiques sportives au seul champ du haut niveau et de la performance sportive.
Le sport c'est, j'ai envie de vous dire, c'est beaucoup plus que ça puisque finalement, la politique publique du sport, elle croise d'autres politiques publiques dans un cadre qui est très interministériel.
Alors pourquoi je vous dis ça ?
C'est que on a des enjeux de politique publique dans lesquels le sport aujourd'hui a une place très importante.
Alors les politiques éducatives, parce qu'on sait bien ce que véhicule le sport en termes d'acceptation de la règle, du collectif, etc.
Tout le monde a bien ça en tête, mais aussi des enjeux très forts de santé publique. Nous sommes, comme toutes les sociétés occidentales, dans une société qui est de plus en plus sédentaire.
Aujourd'hui, la majorité des enfants font moins de 20 minutes d'activité physique par jour, ce qui a des conséquences très importantes, voire dramatiques sur leur état de santé.
Et on sait d'une manière générale qu'on a besoin, comme le préconise l'OMS (Organisation mondiale de la santé), d'une activité physique régulière pour être en bonne santé et garder son capital santé, en particulier quand on s'adresse aux plus jeunes.
Alors, on peut se dire finalement est-ce que c'est suffisant ?
On va dire non, parce qu'on observe qu'en dépit de ce développement extrêmement important de la pratique sportive, on a des inégalités d'accès très fortes dans notre pays.
Et ces inégalités, elles sont sociales, mais elles sont aussi, et ça se croise, des inégalités territoriales.
Ce qui nous amène dans la politique publique de l'État bien évidemment à croiser avec d'autres politiques publiques qui sont notamment mises en place par les collectivités territoriales.
Les deux tiers de la dépense sportive dans notre pays sont assurées par les collectivités territoriales.
L'État n'est pas le principal financeur et on a donc un axe fort en termes de politiques publiques pour voir comment est-ce qu'on met en place une offre qui va permettre de répondre à des besoins de publics qui, spontanément, ne vont pas aller à la pratique sportive ?
Quels sont les principaux acteurs du sport en France ?
On a beaucoup d'acteurs qui interviennent à un moment ou à un autre dans les politiques publiques du sport.
Alors, si on veut les citer, l'État évidemment.
Donc l'État, qu’est-ce que c’est l’État ?
C'est une direction d'administration centrale, la direction des Sports.
Ce sont des services sur les territoires qui sont aujourd'hui dans les rectorats, qui sont des délégations régionales académiques à la Jeunesse, à l’Engagement et aux Sports et des services départementaux au sein des services des directions de l'Éducation nationale.
Ce sont aussi des établissements publics dont certains sont connus.
Je pense en particulier au premier d'entre eux qui est l'INSEP, qui forme, on dit parfois à l'usine à champions, mais aussi un réseau d'établissements sur l'ensemble du territoire national, des écoles nationales : une école nationale des sports de montagne à Chamonix et à Prémanon, une école nationale de la voile et des sports nautiques à Quiberon, un Institut français du cheval et de l’équitation qui est sous la double tutelle du ministère de l’Agriculture et du ministère des Sports, et tout un réseau de CREPS qui sont à la fois des établissements qui accueillent des sportifs de haut niveau donc pour performer mais aussi qui sont des structures de formation aux métiers du sport.
Ça, c'est le champ État.
On a évidemment un champ très important qui est celui des collectivités territoriales. Je le disais tout à l'heure les collectivités, principal financeur du sport en France, pour différentes raisons et notamment parce que dans la très grande majorité des cas, les équipements sportifs, les installations sportives sont la propriété des collectivités territoriales.
Et parmi les collectivités territoriales, régions, départements, communes, ce sont les communes qui sont les premiers financeurs du sport.
Bien sûr, quand on parle de gouvernance du sport, on doit parler aussi de ceux qui font le sport et qui l'organisent, donc les fédérations sportives.
Donc plus de 100 fédérations qui ont un agrément délivré par l'État et qui sont elles-mêmes organisées jusqu'au plus près des usagers puisque avec un réseau de plus de 150 000 clubs qui rayonne sur l'ensemble des territoires métropolitain et ultramarin et qui évidemment sont des acteurs, je vais presque dire majeurs, quand on parle de politique sportive, puisque sans les fédérations sportives, sans les clubs, il n'y a pas d'activités sportives, il n'y a pas de compétition, il n'y a pas de médailles, etc.
Et puis le monde économique, les entreprises.
Il y a aussi une offre sportive qui relève du secteur commercial.
Vous avez tous en tête des salles de remise en forme, des salles d'escalade, etc. qui sont des entreprises qui proposent aussi des activités physiques et sportives.
Alors je vous présente finalement ces quatre grandes entités, parce que c'est aussi ce qui a justifié une réforme très importante en 2019 puisqu'a été créée l'Agence nationale du sport, qui est un groupement d'intérêt public, et dans la gouvernance de ce groupement d'intérêt public, et bien, on va retrouver des représentants de l'État, des représentants des collectivités, des représentants du mouvement sportif et des représentants du monde économique.
Quel sera l’héritage laissé par les Jeux olympiques et paralympiques ?
Alors d'abord, parce que c'est un événement international hors norme d'accueillir les Jeux olympiques et paralympiques sur le territoire national.
Peut-être pour vous dire qu'au-delà des Jeux olympiques et paralympiques, il y a une stratégie nationale en France qui est d'accueillir des grands événements sportifs internationaux dans différentes disciplines.
Et l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques à Paris a un effet accélérateur d'un certain nombre de politiques publiques.
Dès la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques, la question de l'héritage a été posée.
C’est-à-dire qu'il ne s'agissait pas seulement d'organiser un événement qui allait permettre aux athlètes du monde entier de performer et, on l'espère bien sûr, d'abord des Français.
Les Jeux olympiques et paralympiques vont donner à voir le sport et, on l'espère, vont donner envie de faire du sport.
Il y a un certain nombre d'éléments d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques à Paris qui sont des innovations.
On aura autant d'hommes que de femmes aux Jeux olympiques à Paris.
On aura des installations sportives, une organisation qui sera identique pour les Jeux paralympiques et pour les Jeux olympiques.
Donc, la question de l'inclusion des personnes en situation de handicap elle est absolument centrale dans cette notion d'héritage.
Alors quand on parle d'héritage des Jeux olympiques et paralympiques, ce sont évidemment les installations sportives.
Mais au-delà des installations sportives, vous le savez bien des aménagements urbains, des travaux qui vont être réalisés dans les transports qui vont rester, et qui vont profiter finalement, après les Jeux, à l'ensemble de nos concitoyens.
Alors, vous le savez, ce sont aussi des Jeux de la sobriété puisque le marqueur des Jeux olympiques et paralympiques à Paris était de ne pas construire beaucoup d'équipements sportifs et de s'appuyer sur un patrimoine d'équipements sportifs qui était déjà existant.
Donc finalement, il y a très peu d'équipements sportifs qui vont sortir de terre grâce aux Jeux olympiques et paralympiques.
Même si il y a évidemment le centre aquatique en Seine-Saint-Denis qui est assez emblématique de ces Jeux.
Mais ce sont aussi des installations provisoires qui vont, pour leur grande majorité, pour ne pas dire la totalité, être réutilisées après les Jeux et en particulier sur le territoire de la Seine-Saint-Denis.
Si on prend l'exemple des piscines, par exemple, c'est un territoire qui était très carencé en équipements sportifs et en particulier en piscine.
Grâce aux Jeux olympiques et paralympiques, on va rattraper un retard dans ce département.
Je pourrais citer aussi des réalisations comme le village olympique, avec des investissements qui vont se transformer en logements, notamment en logement social, etc.
Et puis, il y a tout un héritage immatériel.
Alors, cet héritage immatériel, il trouve aussi place en cette année 2024, qui est une année, que le président de la République a souhaité une année de Grande cause nationale dédiée à l'activité physique et sportive, c'est comment est-ce que ces Jeux contribuent à faire de la France une nation sportive ?
L'idée, c'est évidemment que, en donnant à voir le sport à ce plus haut niveau de performance, y compris pour des personnes en situation de handicap, c'est comment est-ce qu'on donne envie à tout un chacun de pratiquer régulièrement une activité physique, même si évidemment, on ne sera pas tous des champions olympiques ou paralympiques.
Vous le voyez, les Jeux olympiques et paralympiques, ce n'est pas que du sport.
Et ce qui est extrêmement important, c'est qu'évidemment, c'est un moyen de contribuer au rayonnement de la France à l'international et de son savoir-faire événementiel pour accueillir des événements sur notre territoire.
La politique publique du sport en France : trois questions à Fabienne Bourdais
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Quels sont les enjeux de la politique publique du sport ? Qui sont les principaux acteurs du sport en France ? Quel sera l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de Paris ?