Texte intégral
La Lettre de Jean-Marie Le Pen : 1ère quinzaine de juillet 1993
Dénonçons le libre échangisme mondial
La question économique est désormais déterminante pour l'avenir. Elle l'est naturellement pour notre pays en raison de la montée inexorable du chômage et de l'accélération de la récession Mais elle l'est aussi pour l'avenir politique de la France. Car l'échec, ou le succès, des plans de M. Balladur joueront un rôle décisif pour le destin de l'UPF.
En effet, chaque famille politique est perçue par l'opinion publique comme efficace et crédible sur un domaine particulier.
Pour le Front National, il s'agit de la lutte contre l'immigration et contre l'insécurité. Pour la gauche, il s'agissait du social et de la morale. Et c'est précisément parce que le parti socialiste a échoué sur ce plan qu'il a été discrédité. L'Accroissement des inégalités, l'émergence de la nouvelle pauvreté, l'augmentation continue du nombre des chômeurs, de même que la multiplication des affaires de corruption et de concussion, ont disqualifié la gauche plus sûrement que ne l'ont fait l'échec économique ou la montée de la violence.
L'UPF jugée sur la gestion
Pour la droite institutionnelle, c'est sa prétendue capacité à la bonne gestion qui constitue son point fort. Et c'est sur ce terrain qu'elle sera jugée avant tout. Si elle y échoue, ce sera pour elle une disqualification aussi grave que ce le serait pour le Front National arrivant au pouvoir, s'il se révélait incapable de régler le problème de l'immigration. Si l'UPE manifeste son impuissance à juguler le chômage, à relancer la croissance et à rétablir l'équilibre des comptes publics, son discrédit pourra être aussi grand que celui de la gauche aujourd'hui.
Or, hélas pour la France, cet échec est plus que probable : le RPR et l'UDF tentent de résoudre la crise par des mesures économiques classiques et de surcroît, conjoncturelles, ils ne s'attaquent pas aux origines structurelles de la situation. Ils refusent de voir que la crise résulte directement de leur doctrine mondialiste, c'est-à-dire de l'ouverture inconsidérée de nos frontières. Ils refusent de voir que le chômage et la récession sont les conséquences inéluctables de l'immigration et du libre échangisme mondial.
Vraies causes du chômage
La crise dont ils nous parlent n'est en effet qu'un formidable transfert de substance économique de la France et de l'Europe vers d'autres régions du monde. Parce qu'on a ouvert les frontières, on a provoqué un mécanisme mondial de Vases communicants qui provoque la délocalisation des emplois et de la richesse hors d'Europe. Car ce n'est pas par hasard si l'Europe connaît la récession et des taux de chômage record pendant que le Sud-Est asiatique et même les USA ou l'Amérique du Sud connaissent des indicateurs d'emploi et d'activité infiniment meilleurs.
Le scandale des délocalisations
Or dans le même temps que les emplois quittent notre territoire, les chômeurs du tiers monde y pénètrent. La France subit donc un double mécanisme de tiers mondisation qui est, avec l'étatisme socialiste, la raison majeure de la crise.
L'Établissement refuse de voir cette réalité. Il reste attaché à l'ouverture des frontières, à l'intégration des immigrés et au libre-échangisme mondial. L'UPF ne pourra donc pas apporter de remèdes profonds et durables à la crise que nous traversons.
Le Front National doit donc, dans les mois qui viennent, expliquer inlassablement quelles sont les causes réelles du marasme économique dans lequel la France se débat. Il faut faire comprendre à nos compatriotes quelle est l'équation de leurs malheurs :
Immigration + libre échangisme = chômage + pauvreté.
Ils pourront alors comprendre que le Front National incarne aussi la solution aux problèmes économiques. Tout est lié !
De cette façon, lorsque le RPR et l'UDF se révéleront incapables de résoudre la crise, pourra alors se produire cette double mutation essentielle : l'UPF sera disqualifiée, le Front National deviendra crédible.
Nous aurons ainsi démontré la cohérence d'ensemble de nos positions, apporté la preuve du caractère nocif du mondialisme tant pour notre identité que pour notre prospérité et nous aurons rendu crédibles nos solutions, celles du rétablissement des nécessaires protections aux frontières, en premier lieu de l'Europe, mais aussi de notre pays.
Voilà quel doit être l'objet principal de notre action et de notre discours, afin de placer le Front National en situation de recours pour le salut de la France.
Pour un nouveau protectionnisme
Un certain nombre de chouchou politiques des média, tels MM. Séguin, de Villiers, Chevènement, Borloo, viennent de découvrir un des thèmes centraux du discours du Front National : la lutte contre le libre-échangisme mondial et la défense de nos productions nationales.
Comme d'habitude, le risque est grand de voir ces hommes seuls jouer avec l'idée, l'exploiter médiatiquement et la jeter d'ici à quelques semaines, pour passer à autre chose. C'est ce qui s'est passé avec Maastricht ou avec le débat récent sur la privatisation de la Banque de France : trop facile de dénoncer la politique du RPR ou de l'UDF et de continuer à en être des représentants en vue !
Pour une vraie critique du système
Alors il nous revient d'enfoncer le clou et de dire ce qu'implique une vraie critique du système économico-social français, responsable du chômage et de la misère grandissante.
Les gouvernements successifs, libéraux ou socialistes ont, tout accepté de Bruxelles et de Wall Street, des puissants lobbies et des grandes multinationales.
Aujourd'hui, l'internationalisation des marchés, le processus d'accroissement des flux financiers planétaires, la concentration économique et l'idéologie mondialiste érigeant en dogme la liberté absolue des échanges internationaux contribuent à supprimer, purement et simplement, la distinction admise par le sens commun entre l'intérieur et l'extérieur, le national et l'étranger.
L'enjeu est clair : le libre-échangisme mondial veut dépasser la réalité de la frontière, il veut l'abattre. C'est tout le sens des traités de Schengen et de Maastricht, des travaux de la Commission de Bruxelles, mais aussi de la PAC (politique agricole commune qui condamne la plupart des exploitations françaises) et des accords commerciaux du GATT (qui veut régenter les productions mondiales dans l'intérêt du commerce mondial et non des souverainetés nationales).
Les vraies questions
Alors il n'y a plus à transiger. Il faut dire aux Français : voulez-vous voir, d'ici à l'horizon 2000, vos salaires diminuer ? C'était le sens du projet de loi Giraud proposé il y a quelques semaines pour faire face à la marée des délocalisations qui s'annoncent. Le rapport sénatorial Arthuis, du 4 juin 1593, précise, par exemple, que dans le textile, le salaire d'un ouvrier Français équivaut à celui de 25 Thaïlandais, de 35 Chinois ou même de 70 Russes ou Vietnamiens ! Comment peut-on lutter sans nos frontières ? Ce qui est vrai pour le textile est progressivement vrai pour tous les secteurs d'activité de l'espadrille à la haute technologie : il faudrait être naïf pour croire que certains secteurs seront à l'abri des délocalisations car les transferts de technologie sont permanents et souvent encouragés par les gouvernements occidentaux.
Salaires et emplois menacés
Il faut aussi dire à nos compatriotes : voulez-vous voir diminuer votre protection sociale ? Sans barrières douanières renforcées, pour lutter contre les produits importés, certains vont proposer bientôt, au gouvernement ou au CNPF, de réduire la protection sociale et les coûts salariaux… Voulez-vous être remplacé à votre poste de travail par un ressortissant du tiers-monde ? L'immigration n'est pas près de s'arrêter en France, car elle offre une main-d'œuvre à bas prix qui peut permettre à certaines entreprises de lutter contre les importations. Mais à quoi bon lutter contre un produit fabriqué au Pakistan, si le produit concurrent « made in France » est fabriqué chez nous, par des immigrés pakistanais avec des matériaux asiatiques ?
Les immigrés entrent, les emplois sortent et la course au prix de revient s'effectue sur le dos des travailleurs français. Il y a donc urgence : il faut rompre avec cette spirale mortelle du « laissez faire, laissez passer ». Car sa logique est implacable : il s'agit de fabriquer là où c'est le moins cher, c'est-à-dire dans le tiers-monde, où avec la main-d'œuvre la moins coûteuse, c'est-à-dire chez nous avec de nouveaux immigrés, et dans un second temps de vendre là où il y a du pouvoir d'achat, c'est-à-dire en Europe.
À terme, la Chine réveillée, l'Inde et le Pakistan, avec leurs 3 milliards d'habitants, suffiront à produire ce dont la terre entière aura besoin : on voit là où peut conduire la logique ultra-libérale chère au RPR, à l'UDF et au PS.
Prendre son avenir en main
Il faut donc choisir la rupture : elle est possible, nos « 300 mesures pour la renaissance de la France » l'ont démontré. La défense de notre économie nationale implique un choix drastique : le protectionnisme. Non pas le choix étriqué du repli sur soi et de l'autarcie, mais la volonté politique ferme d'assurer la protection de nos produits et de nos emplois.
Le rétablissement des frontières françaises et le contrôle des importations, le retour à une politique de préférence nationale et communautaire pour nos produits, mais aussi pour nos emplois, l'application de taxes et règles susceptibles de protéger les productions françaises, la remise en cause des négociations de la PAC et du GATT, l'établissement de labels pour des productions françaises fabriquées par des Français, sont les premières mesures concrètes qu'implique le choix du nouveau protectionnisme, choix qui d'ailleurs s'apparente à celui fait depuis longtemps parle Japon.
Voilà dans quelle direction nous allons travailler dans les mois à venir afin de faire comprendre à nos compatriotes qu'il s'agit d'une urgence, urgence qui ne peut être prise en compte que par une force politique alternative : le Front National.
National Hebdo : 24 juin 1993
National Hebdo : Bruno Mégret, vous avez félicité M. Séguin pour sa critique de la politique économique menée par le gouvernement. Mais les thèses prônées par le président de l'Assemblée nationale ne sont-elles pas celles défendues par le Front National depuis longtemps ?
Bruno Mégret : C'est justement de cela dont j'ai félicité M. Séguin : d'avoir découvert enfin ce que le Front National affirme depuis longtemps et notamment dans son dernier programme des 300 mesures, approuvé en novembre dernier.
Le Front National est, en effet, hostile au libre-échangisme mondial, version économique de la théorie mondialiste. Il estime qu'il faut remettre en cause le GATT et le remplacer par un autre ordre économique international fondé sur les intérêts des peuples et qu'il faut enfin, pour la France et l'Europe, établir un nouveau protectionnisme.
C'est tout le sens de la campagne qui va être menée par notre mouvement dans les mois qui viennent, par tracts, dépliants, affiches et autocollants.
National Hebdo : Pourriez-vous en quelques lignes rappeler pour nos lecteurs les idées forces de cette politique ?
Bruno Mégret : Aujourd'hui, le chômage se développe de façon dramatique et la récession s'accélère. Comment s'en étonner, alors que les immigrés continuent d'entrer et que les emplois continuent de sortir.
La suppression des frontières est catastrophique pour l'industrie, mais aussi pour la prospérité de notre pays. Elle conduit à importer la misère en France et à exporter notre richesse. C'est tout le sens des réductions de salaires qui sont maintenant demandées ici ou là pour maintenir la compétitivité des entreprises. Mais la funestes spirale est sans fin car en mettant en concurrence l'entreprise française avec celle de Corée ou de Taïwan, on sera toujours perdant. Quelle que soit la qualité des chefs d'entreprise et des ouvriers français, ils produiront toujours plus cher que là-bas, parce que là-bas les salaires sont plus faibles, les charges sociales dérisoires. Les congés payés et la protection sociale dont nous disposons ici n'existent pas dans la majorité des pays du tiers-monde.
Jouer le jeu de ce libre-échangisme débridé, c'est donc organiser la destruction systématique de notre économie. Déjà des pans entiers, comme le textile, la sidérurgie ou la construction navale sont sinistrés, d'autres sont en train de suivre, comme l'agriculture et aucun ne pourra en réchapper si rien ne change. Il faut donc tourner le dos à cette politique absurde du laissez faire-laissez passer.
National Hebdo : Selon vous, pour sortir de la crise, sur quel point devrait porter l'effort majeur du gouvernement ?
Bruno Mégret : Il faut rétablir les frontières dans notre pays et en Europe. Les frontières sont bénéfiques comme le sont les membranes d'une cellule vivante. Elles doivent laisser passer ce qui est utile et empêcher de passer ce qui est néfaste.
Il faut donc établir la préférence nationale et communautaire pour les produits comme les emplois. C'est ainsi qu'il ne faut acheter à l'extérieur que ce qui ne peut pas être produit à l'intérieur, de même qu'il ne faut pas embaucher d'étrangers lorsque les Français restent au chômage. En effet il y a urgence ! Si l'on ne prend pas aujourd'hui conscience des dangers mortels que court notre économie nationale, lorsque nos gouvernants se réveilleront, il sera trop tard. Nous sommes donc partisans de rétablir les droits de douanes et de taxer le travail étranger. Il s'agit de renégocier avec nos partenaires commerciaux des accords qui soient fondés, non pas sur la suppression des obstacles aux échanges, mais sur le rétablissement d'une concurrence loyale et équilibrée, laquelle ne peut passer que par l'établissement des contrôles douaniers aux frontières de la France et de l'Europe, c'est tout le sens du nouveau protectionnisme qu'il faut opposer au libre-échangisme pour retrouver la prospérité dans notre pays.
Les immigrés entrent et, du fait des délocalisations, les emplois sortent : il est temps de rompre avec la politique ou PS poursuivie par le RPR et l'UDF. L'heure est à la protection de nos frontières, l'heure est au nouveau protectionnisme.
La Lettre de Jean-Marie Le Pen : 2ème quinzaine de juillet 1993
Pour un protectionnisme culturel
La campagne pour « un nouveau protectionnisme » lancée, il y a quelques semaines, par le FN a dénoncé le « laissez-faire, laissez-passer » qui régit de plus en plus les échanges internationaux.
Cette dérive libre-échangiste est responsable, au plan économique, de la ruine de pans entiers de notre économie nationale, ainsi que de l'aggravation du chômage. Or, cette dérive existe aussi au plan culturel…
Ne l'oublions pas, le sens du mot culture est plus vaste que le seul domaine des arts et des lettres : la culture commence avec nos comportements quotidiens qui nous font déjà être différents des autres Européens et a fortiori de tous les peuples qui n'habitent pas notre continent. On mesure là, la nature de l'enjeu culturel, car si aujourd'hui notre cinéma national est menacé par l'hégémonisme culturel américain et mondialiste, nos comportements sociaux le sont aussi.
Arts et comportements
Éduquer nos enfants à Disneyland, se restaurer dans un fast food, tolérer la pasteurisation progressive des mets et des goûts, subir la culture de banlieue véhiculée par des bandes ethniques singeant le Bronx, parler « franglais » ou suivre avec application les séries américaines proposées par la télévision, c'est déjà être, malgré soi, le jouet de l'invasion culturelle qui veut transformer le Français, l'Européen en simple consommateur parmi des milliards d'autres.
Le but des libre-échangistes et des cosmopolites est simple : il faut déraciner les hommes car leur culture est un frein, à la construction d'une société mondiale nouvelle, mais aussi au développement du commerce international. Il y a en effet beaucoup d'argent à la clef de l'uniformisation des hommes et des peuples.
La situation française est aujourd'hui très dégradée et l'immigration massive contribue à la déculturation et à l'invasion culturelle américaine car pour les déracinés la culture la plus basique est une aubaine, une façon d'acquérir une identité minimale.
Mais pour nous, quel avenir ?
Mort ou renaissance
Songeons à cette phrase édifiante de l'écrivain tchèque Milan Kundera : « Les peuples survivent aux changements de régime. Mais en vidant une nation de sa culture, c'est-à-dire de sa mémoire et de son originalité, on la condamne à mort ».
En effet, si pour Maurras, nous sommes avant tout « les héritiers » d'un formidable passé qui nous aide à aller de l'avant et à croire en un avenir de puissance, il faut bien admettre qu'en cas de renonciation à « l'héritage », nous diminuons nos chances de survie et d'action.
Cependant, il n'y a pas de fatalité à l'éclipse culturelle et si la renaissance passe par une volonté politique, la reconquête culturelle passe à notre niveau individuel par la prise de conscience au danger, la considération de nos comportements et surtout l'éducation de nos enfants : mieux vaut pour eux Astérix ou Tintin que Mickey, les héros de l'histoire de France plutôt que Superman, vaincre le difficile plutôt que d'ingurgiter du débilitant…
Là encore pourtant, seule l'arrivée au pouvoir du Front National pourrait vraiment changer les choses : il n'est que de voir l'influence de nos élus régionaux, champions de la défense de notre patrimoine, contre ceux qui ne pensent qu'à subventionner des concerts de rap !
Seule la puissance publique peut libérer la culture des conformismes gauchistes accumulés depuis 30 ans. Rappelons ici que le rôle de l'État consiste, en matière culturelle, à préserver la mémoire nationale, à encourager le rayonnement de la culture française et à garantir les conditions d'une création artistique libre, enracinés et populaire.
Or, avec les Lang, Léotard et autres Toubon, on a privilégié avec l'argent des Français, une culture déracinée, élitiste, coupée des conceptions nationales du Vrai, du Beau et du Bien.
Guerre culturelle
Défendre notre patrimoine, alors que se négocie avec les États-Unis le volet culturel du GATT, c'est dire haut et fort que notre culture est menacée et que nous ferons tout pour la préserver, à commencer par refuser que la culture soit considérée comme un simple enjeu commercial parmi d'autres : une raison supplémentaire pour en finir avec le GATT !
La culture aussi ne peut s'épanouir que derrière des frontières, à l'abri, non des échanges, mais de l'hégémonisme d'autres cultures, car comme le notait le prix Nobel Von Hayek : « pour la science de l'anthropologie, toutes les cultures peuvent être également bonnes, mais nous ne faisons durer la nôtre qu'en traitant les autres, comme moins bonnes que la nôtre ».
À l'heure où même la langue française expression par excellence de l'âme de notre peuple est menacée, jusque dans son berceau, par l'américain à prétention universelle, il est nécessaire de renouer avec de naturelles protections.
Notre renaissance culturelle passe par notre ressourcement à l'aide d'un nouveau protectionnisme culturel.
« Clore un espace, c'est ouvrir le temps. Vers l'arrière : par la retenue d'un patrimoine : vers l'avant : en débloquant un avenir (…). Impossible d'enclore sans exclure » a fort justement écrit Régis Debray, philosophe et homme de gauche engagé !
Ce débat pour un nouveau protectionnisme prôné par le Front National est une nécessité de survie nationale qui tolère les bonnes volontés patriotes, d'où qu'elles viennent…