Texte intégral
à EUROPE 1 - Emission EUROPE MIDI
le 16 novembre 2001.
André Dumas
Des lycées des métiers, dès la prochaine rentrée en France, le ministre de l'Enseignement professionnel vient de l'annoncer, Jean-Luc Mélenchon bonjour Comme toujours quand on lance un projet, on établit d'abord, auparavant un constat. Il y a déjà le Bac professionnel, le BTS. Ca ne marche pas bien ?
Jean-Luc Mélenchon
Si, çà marche bien. Mais ce n'est pas assez utilisé, en tout cas, pas au niveau auquel il faudrait que cela le soit. Je vais vous dire un chiffre qui va surprendre ceux qui nous écoutent. Aujourd'hui, on a un petit coup de blues parce qu'on a un creux d'emplois. Mais, sur les dix prochaines années, il faut que nous trouvions 5 millions de personnes pour remplacer ceux qui partent à la retraite. A ces 5 millions de personnes s'ajoutent des emplois qui seront mécaniquement créés par une croissance même moyenne, 2 750 000. Pour parvenir à pourvoir ces postes de travail, dont le niveau de qualification va forcément monter - parce que nous sommes dans un grand pays développé, puis c'est la loi du genre maintenant, il faut que nous prenions des mesures d'urgence. Sinon, ce que nous constatons déjà aujourd'hui , à savoir des pénuries de main d'uvres - ce qui paraît incroyable dans un pays où il reste tout de même un si grand nombre de chômeurs -, cela va être multiplié, dans toutes les professions. Ce n'est pas seulement d'infirmières espagnoles que vous allez entendre parler. Dans toutes les professions, il va manquer du monde.
André Dumas
Et votre idée de lycées des métiers, comment cela pourrait fonctionner ?
Jean-Luc Mélenchon
Le lycée des métiers est fait pour, d'abord, peut-être un peu en finir avec les préjugés à propos des métiers, parce qu'il y a encore trop de gens qui n'y connaissent rien, et qui croient que les métiers, c'est quelque chose qui s'improvise sur le tas. Ce n'est pas vrai. Pour faire un métier, aujourd'hui, le niveau d'exigence monte. Alors, qu'est-ce qu'on va trouver dans le lycée des métiers ? Déjà, on saura à qui on s'adresse. Ce sera un lycée des métiers dans une famille de métiers. On trouvera dedans la voie technologique, qui, aujourd'hui est enseignée seulement dans les lycées techniques, la voie professionnelle, qui mène jusqu'au bac professionnel ; on trouvera le centre des apprentis public, le centre de formation continue et le centre de validation des acquis de l'expérience, et, au bout de tout cela, on aura en plus le BTS et la licence professionnelle. Donc, chacun pourra clairement voir où il peut aller quand il la vocation pour un métier et quand il se trouvera dans l'établissement, il pourra soit changer de parcours en cours de route, soit savoir qu'il peut aller le plus loin possible.
André Dumas
Combien y aura-t-il de lycées de ce genre à la rentrée ?
Jean-Luc Mélenchon
Pour l'instant, j'ai fait faire une première liste, on me signale 150 lycées possibles. Tout cela doit être évolutif. C'est une ligne d'horizon, parce que pour créer le lycée des métiers, en réalité, qu'est-ce que j'a fait ? J'ai fait le tour de France, j'ai regardé ce qui marche un peu partout, c'est en mettant ensemble dans une même maquette tout ce qui marche un peu partout que je me suis dit : voilà ce que serait le beau lycée dont on a besoin pour produire les gens formés dont on a besoin pour ce pays.
André Dumas
Et pour les entreprises qui ont besoin de personnel de plus en plus formé. ?
Jean-Luc Mélenchon
Ca c'est sûr. Je peux vous dire qu'aujourd'hui, il en manque 30 000 dans le bâtiment tous les ans. Il en manque 40 000 dans l'informatique. Il manque dans tous les métiers, des gens qualifiés.
André Dumas
Jean-Luc Mélenchon, merci.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 11 janvier 2002)
à FRANCE INFO - En direct du Salon de l'Éducation
le 21 novembre 2001.
Emmanuel Davidenkoff
Jean-Luc Mélenchon qui a notamment sous sa responsabilité un jeune sur deux. Tous les jeunes qui dans ce pays, apprennent un métier. Alors Jean-Luc Mélenchon, vous avez coutume de dire que dans les dix ans à venir, 5 millions de personnes vont partir à la retraite. Et qu'en plus avec une croissance même lente, ça va créer de nouveaux emplois. Alors une question : Est-on aujourd'hui en mesure de relever ce défi ?
Jean-Luc Mélenchon
Non. Et c'est bien tout le problème. Donc il faut se mobiliser. Et pour se mobiliser, il faut déjà bien comprendre l'ampleur du phénomène. Vous avez dit 5 millions de personnes partent à la retraite dans les dix prochaines années. Ajoutez à ça, avec une petite croissance même molle, sur les disons, calculée sur la moyenne des dix dernières années, ça me donne 2 750 000 postes de travail supplémentaires qui vont être créer par rapport à l'an 2000. Bref, au total, ça fait entre le quart et le tiers de la population active qu'il va falloir changer. Ajoutez à ça, l'effet 35 heures et créateurs d'emplois et on peut dire que c'est à une véritable mobilisation pour le travail qu'il faut procéder dans ce pays. Alors je sais bien que quand je dis ça, on se demande si je vis bien sur la même planète que les autres. Parce qu'aujourd'hui ce que l'on voit, c'est ici des plans de licenciements et toujours un nombre de chômeurs qui reste malgré tout important. Mais je le redis, si nous ne sommes pas capables de faire face, nous allons au devant de très grandes déconvenues. Imaginez, il y a la moitié des cadres de l'industrie qui vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années. Et la France est un grand pays industriel et de services. Si nous ne sommes pas capables de remplacer les gens et donc d'accompagner en même temps, l'évolution de leur métier, oui, nous allons avoir de sérieux problèmes.
Emmanuel Davidenkoff
Alors premièrement, alerter au fond les Français sur l'ampleur, sur l'urgence du problème
Jean-Luc Mélenchon
Oui, les familles, les décideurs
Emmanuel Davidenkoff
Mais concrètement, concrètement ensuite ?
Jean-Luc Mélenchon
Concrètement, nous, ce que nous faisons c'est que nous essayons de redéployer complètement notre système éducatif autour du concept de la professionnalisation. Et en particulier nous créons le lycée des métiers. Un établissement qui va regrouper l'ensemble, des moyens dont nous disposons pour former. De la même manière, nous mobilisons tous nos rectorats, toutes les régions, pour qu'ensemble elles mettent au point des cartes de formation des jeunes, dans l'Académie ou dans le rayon de la région. Il faut vraiment s'y mettre, il faut retrousser les manches.
Emmanuel Davidenkoff
Ce lycée des métiers, ces lycées des métiers que vous avez crée, ils ne viennent pas de nulle part. J'imagine qu'on s'appuie sur l'existant quand même ?
Jean-Luc Mélenchon
Oui, on s'appuie évidemment sur l'existant et en plus moi je n'aime pas trop les expérimentations hasardeuses. Donc je pars de ce qui marche et j'essaie de le généraliser. Donc dans ces lycées, vous allez à la fois trouver les formations du secondaire et des formations du supérieur ainsi que de la formation continue et des centres d'apprentissage et des centres de validation des acquis de l'expérience C'est ça qu'on essaie de faire. De manière à ce que quand quelqu'un entre là, de toute façon, il trouve chaussure à son pied.
Emmanuel Davidenkoff
Mais alors qu'est-ce qui se passe en France, si on n'y arrive pas ? Comment on va faire pour mettre sur les postes de travail
Jean-Luc Mélenchon
Non, non, il ne peut pas être question qu'on n'y arrive pas. On est un grand pays riche, on a un bon outil de formation, il s'agit donc de l'optimiser. Parce que sinon on connaît l'alternative. L'alternative, il y a déjà quelques beaux esprits qui l'ont proposé, ça s'appelle "l'immigration sélective"
Emmanuel Davidenkoff
Donc on fait venir les plus compétents d'un certain nombre de pays où il n'y a pas beaucoup d'emploi, donc a priori des pays en voie de développement
Jean-Luc Mélenchon
Voilà. Et ça c'est un scandale, parce que ça accroît les inégalités entre le nord et le sud. C'est un vrai pillage de matière grise, que nous n'avons pas payé. Ce n'est pas nous qui avons payé leur formation. Et en même temps on a dans notre pays des gens qui restent sur le carreau, parce qu'ils n'ont pas de travail. Donc ça, c'est vraiment pour moi ce qu'il faut absolument refuser.
Emmanuel Davidenkoff
Donc responsabilité de la France au plan international. Jean-Luc Mélenchon, dernière question. Vous avez été le seul ministre européen à aller à Porto Alegre au Forum Mondial de l'Éducation. Vous craigniez ce que l'on appelle " la marchandisation de l'école " une école livrée au secteur privé. Livré aux marchands. Là on est quand même dans un salon de l'Éducation, il y a beaucoup d'exposants y compris privés ?
Jean-Luc Mélenchon
Oui, alors moi je trouve que cette année, les choses se présentent plutôt mieux. Pardon pour les organisateurs que j'aime beaucoup et qui sont mes amis. Parce qu'on voit mieux le service public. Alors moi je redis aux familles qui vont venir ici, (il y a beaucoup de monde qui vient), ne croyez pas, lorsque l'on vous tend un petit bout de papier, pour une formation professionnelle, payante, ne croyez pas que pour avoir un bon métier, il faut payer. Le service public est gratuit et il forme à tous les métiers, tous les métiers de pointes, les métiers traditionnels, comme les métiers de l'avenir. Ne l'oubliez jamais. L'école est à votre service, elle vous appartient.
Emmanuel Davidenkoff
Jean-Luc Mélenchon, merci. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'Enseignement Professionnel en direct du Salon de l'Éducation.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 11 janvier 2002)