Texte intégral
R. Elkrief .- Vous lancez votre campagne ce soir à Toulouse, ville touchée par l'explosion du pôle chimique AZF. Vous aurez à vos côtés D. Voynet et D. Cohn-Bendit. J.-P. Chevènement vous a grillé la politesse : il y était la semaine dernière. Cela vous a contrarié ?
- "Pas du tout, parce que J.-P. Chevènement a tenu ses propos qui sont une véritable insulte pour les Toulousains qui souffrent aujourd'hui dramatiquement de cette catastrophe du 27 septembre, qui a fait 31 morts, des centaines de blessés et beaucoup de sans-abris. Je pense qu'il y a une certaine forme d'obscénité à se déplacer sur le terrain pour dire qu'il faut rouvrir le pôle chimique, qu'il faut maintenir l'industrie sans appliquer le principe de précaution qui, paraît-il, selon M. Chevènement, n'est pas un principe scientifique. Je trouve que pour ratisser large, il en fait beaucoup et beaucoup trop."
Vous n'y allez pas de main morte : obscénité, indécence ?
- "Je trouve que cela a un caractère indécent que d'aller sur le terrain, là où des gens sont morts, pour des risques qu'ils n'ont pas choisis, et de dire qu'il faut continuer, rouvrir et que le principe de précaution n'est pas un principe scientifique. Ce sont exactement les mots de M. Chevènement. Cela s'appelle de la provocation purement et simplement."
Qu'est-ce que vous dites aux gens qui vont perdre leurs emplois ? Il y a des centaines d'emplois en jeu. C'était la préoccupation de J.-P. Chevènement aussi...
- "Avant la préoccupation de l'emploi, il y a la préoccupation de la santé des gens, du respect de leur vie et des orientations pour le développement durable. Ce n'est pas parce qu'on demande que le pôle chimique ne soit pas rouvert que pour autant on ne va pas se préoccuper de la reconversion. Le principal responsable de cette affaire est la société TotalFina-Elf. Jusqu'à maintenant, on ne les a pas fait payer et dans la conversion, la société TotalFina-Elf doit assumer sa responsabilité. C'est en fait le principe du pollueur-payeur. Je pense que l'Etat doit jouer son rôle. Aujourd'hui, il est un peu trop absent, notamment sur la question des assurances. Et je crois qu'il faut aussi s'engager dans une réforme profonde de la surveillance des établissements industriels à risques, rendre beaucoup plus indépendants les inspecteurs et renforcer, comme la très bien dit B. Thibault récemment, les comités d'hygiène et de sécurité qui sont aujourd'hui considérés par les responsables des sites industriels comme en quelques sortes des choses trop gênantes. Ces instruments de contrôle doivent être remis en place. Mais nous prenons, nous les Verts, le temps de la reconversion. C'est possible et on peut le faire."
Voilà donc l'adresse aux Toulousains que vous verrez ce soir. Mais plus généralement, vous annoncez votre slogan, "Les pieds sur terre". Cela veut dire que vous allez enfin vous préoccuper d'environnement, alors que certains vous reprochent plutôt de vous adresser à vos militants venus de l'extrême gauche, en parlant du social, de licenciement etc.
- "Il y a du social dans l'environnement. L'environnement, ce n'est pas seulement se contenter de tester la chlorophylle des fleurs et de regarder comment volent les oiseaux. L'environnement, c'est notre cadre de vie. Quand par exemple une société comme AZF explose, alors qu'on n'a pas pris la précaution de faire des études de danger. Qu'est-ce qu'on y faisait à AZF ? De l'engrais. Pourquoi ? Pour une agriculture industrielle productiviste qui fait quoi ? La mal bouffe ! Est-ce que ce n'est pas une question d'environnement ? Est-ce que ceux qui habitent à côté d'AZF, ce sont des riches ? Est-ce que ce sont des gens de Passy, d'Auteuil ? Est-ce que ce sont des gens comme moi ? Non, ce sont des prolos qu'on a entassés dans des HLM, qui sont déjà victimes d'injustice sociale et qui ont été victimes d'injustices environnementales. Effectivement, derrière l'environnement, il y a la condition sociale des gens, il y a leur cadre de vie. C'est là dessus que je veux mener campagne. C'est une campagne de projet. Ce n'est pas une campagne d'incantation. Si elle a les pieds sur terre, cela veut dire que je ne vais pas pratiquer de la politique hors sol."
Deux mots d'actualité, puisque vous parliez des agriculteurs. Ils ont perturbé dans l'Ouest et les viticulteurs dans le Sud-Ouest - votre région - le trafic ferroviaire. Vous comprenez la colère de L. Gallois, président de la SNCF ?
- "Ce n'est pas exactement dans le Sud-Ouest. Là-bas, la viticulture va très bien. C'est même un des premiers pôles d'exportation. C'est plutôt dans le Sud-Est. Je comprends la colère de agriculteurs. Ce que je ne comprends pas, c'est que les détériorations auxquelles ils se livrent sous l'effet de la colère sont considérées comme normales et quand J. Bové et ses amis de la Confédération paysanne démonte un McDo en construction ou vont arracher des plans d'OGM, dont personne ne veut parce qu'ils risquent de polluer l'ensemble de l'environnement, on trouve cela scandaleux ? Je crois qu'il ne peut pas y avoir deux poids et deux mesures. Je comprends aussi très bien la colère de M. Gallois. J'aimerais que M. Gallois nous dise comment il va s'y prendre pour mener une autre politique de la SNCF, qui s'oriente vers le transport des marchandises sur les trains."
On ne va pas parler de tout ce matin ! Juste un mot afin peut-être de nous donner une idée de votre programme : l'Observatoire sur la toxicomanie annonce que près d'un garçon sur deux de moins de 18 ans a déjà touché au cannabis. Vous, vous en proposez la légalisation. Vous ne craignez pas que ce soit bientôt tous les garçons de moins de 18 ans qui touchent au cannabis ?
- "Il faut sortir des tabous. Là, encore une fois, je pense que l'Observatoire a fait un travail formidable, tout comme B. Kouchner qui ne l'a pas assez dit. Je crois que le cannabis et les drogues douces doivent être, en effet, légalisées et je crois surtout que l'on doit mener une autre politique de santé, qui s'intéresse prioritairement à ce qui fait le plus de dégâts, c'est-à-dire le tabac et l'alcool. Il faut sortir de l'hypocrisie et réglementer d'une manière beaucoup plus proche de la société ce qui se passe avec les drogues douces et considérer les toxicomanes, c'est-à-dire les addictes à des drogues dures, comme des malades et les traiter comme tels."
Un mot de politique plus générale : vos sondages ont une petite tendance à la baisse : moins 1 ou moins 2 % selon les instituts. Vous êtes déçu ?
- "Les sondages sont une image à un moment donné. C'est un peu erratique et je crois que les sondages n'auront de réels significations qu'à un mois et demi des élections."
Quel est votre objectif ?
- "Il est de rester dans l'espace qui m'a été accordé par les Français depuis que je suis candidat."
C'est-à-dire ?
- "Entre 6 et 9 %. Et pourquoi pas 10%, on verra..."
Ce n'est pas une réponse très précise...
- "J'ai été journaliste pendant longtemps et je sais ce que c'est que d'être addicte à l'audimat. Je n'ai pas envie d'être addicte aux sondages. Ce ne sont pas les sondages qui conduiront mes discours et les orientations des Verts."
Comment cela se passe au sein des Verts ? Le week-end dernier, au Congrès, ce n'était pas formidable. Vous êtes sûr qu'ils sont tous avec vous, après l'éviction de Lipietz ?
- "Je pense que lorsqu'on réunit les Verts dans un même endroit pour discuter des accords avec nos partenaires, on retrouve nos vieux penchants. On a beaucoup reproché d'avoir prononcé le mot "irrévocable", quand j'ai hésité à être candidat. Si j'ai hésité à l'être, c'est parce que je pense que notre parti est encore fragile. Je crois que tout ce que j'ai déclaré au Monde peut rester vrai si les Verts ne se réveillent pas, si ils ne se ressaisissent pas en se disant que de toute façon, il faut un accord avec les socialistes, mais un bon accord. Je vais m'employer pendant la campagne présidentielle à faire un bon score pour obtenir un bon accord. Mais les socialistes sans les Verts, cela ne fera pas une majorité et les Verts sans les socialistes, ce sera revenir à l'isolement."
Ce soir, vous y allez avec votre moustache teinte en verte, comme dans le magazine Gala ?
- "C'est un clin d'oeil. Je n'achète pas souvent Gala donc, quand j'ai accepté de participer à la double page de Gala, je me suis peint les moustaches en vert. Il paraît que les Parisiens n'aiment pas beaucoup ça. On dit que cela ne fait pas sérieux et que ce n'est pas normal pour quelqu'un qui prétend être président de la République. Je pense qu'il faut savoir de temps en temps ne pas trop se prendre au sérieux. Les Français en ont un peu marre de ces hommes politiques si corrects, si guindés et si amidonnés."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 janvier 2002)
- "Pas du tout, parce que J.-P. Chevènement a tenu ses propos qui sont une véritable insulte pour les Toulousains qui souffrent aujourd'hui dramatiquement de cette catastrophe du 27 septembre, qui a fait 31 morts, des centaines de blessés et beaucoup de sans-abris. Je pense qu'il y a une certaine forme d'obscénité à se déplacer sur le terrain pour dire qu'il faut rouvrir le pôle chimique, qu'il faut maintenir l'industrie sans appliquer le principe de précaution qui, paraît-il, selon M. Chevènement, n'est pas un principe scientifique. Je trouve que pour ratisser large, il en fait beaucoup et beaucoup trop."
Vous n'y allez pas de main morte : obscénité, indécence ?
- "Je trouve que cela a un caractère indécent que d'aller sur le terrain, là où des gens sont morts, pour des risques qu'ils n'ont pas choisis, et de dire qu'il faut continuer, rouvrir et que le principe de précaution n'est pas un principe scientifique. Ce sont exactement les mots de M. Chevènement. Cela s'appelle de la provocation purement et simplement."
Qu'est-ce que vous dites aux gens qui vont perdre leurs emplois ? Il y a des centaines d'emplois en jeu. C'était la préoccupation de J.-P. Chevènement aussi...
- "Avant la préoccupation de l'emploi, il y a la préoccupation de la santé des gens, du respect de leur vie et des orientations pour le développement durable. Ce n'est pas parce qu'on demande que le pôle chimique ne soit pas rouvert que pour autant on ne va pas se préoccuper de la reconversion. Le principal responsable de cette affaire est la société TotalFina-Elf. Jusqu'à maintenant, on ne les a pas fait payer et dans la conversion, la société TotalFina-Elf doit assumer sa responsabilité. C'est en fait le principe du pollueur-payeur. Je pense que l'Etat doit jouer son rôle. Aujourd'hui, il est un peu trop absent, notamment sur la question des assurances. Et je crois qu'il faut aussi s'engager dans une réforme profonde de la surveillance des établissements industriels à risques, rendre beaucoup plus indépendants les inspecteurs et renforcer, comme la très bien dit B. Thibault récemment, les comités d'hygiène et de sécurité qui sont aujourd'hui considérés par les responsables des sites industriels comme en quelques sortes des choses trop gênantes. Ces instruments de contrôle doivent être remis en place. Mais nous prenons, nous les Verts, le temps de la reconversion. C'est possible et on peut le faire."
Voilà donc l'adresse aux Toulousains que vous verrez ce soir. Mais plus généralement, vous annoncez votre slogan, "Les pieds sur terre". Cela veut dire que vous allez enfin vous préoccuper d'environnement, alors que certains vous reprochent plutôt de vous adresser à vos militants venus de l'extrême gauche, en parlant du social, de licenciement etc.
- "Il y a du social dans l'environnement. L'environnement, ce n'est pas seulement se contenter de tester la chlorophylle des fleurs et de regarder comment volent les oiseaux. L'environnement, c'est notre cadre de vie. Quand par exemple une société comme AZF explose, alors qu'on n'a pas pris la précaution de faire des études de danger. Qu'est-ce qu'on y faisait à AZF ? De l'engrais. Pourquoi ? Pour une agriculture industrielle productiviste qui fait quoi ? La mal bouffe ! Est-ce que ce n'est pas une question d'environnement ? Est-ce que ceux qui habitent à côté d'AZF, ce sont des riches ? Est-ce que ce sont des gens de Passy, d'Auteuil ? Est-ce que ce sont des gens comme moi ? Non, ce sont des prolos qu'on a entassés dans des HLM, qui sont déjà victimes d'injustice sociale et qui ont été victimes d'injustices environnementales. Effectivement, derrière l'environnement, il y a la condition sociale des gens, il y a leur cadre de vie. C'est là dessus que je veux mener campagne. C'est une campagne de projet. Ce n'est pas une campagne d'incantation. Si elle a les pieds sur terre, cela veut dire que je ne vais pas pratiquer de la politique hors sol."
Deux mots d'actualité, puisque vous parliez des agriculteurs. Ils ont perturbé dans l'Ouest et les viticulteurs dans le Sud-Ouest - votre région - le trafic ferroviaire. Vous comprenez la colère de L. Gallois, président de la SNCF ?
- "Ce n'est pas exactement dans le Sud-Ouest. Là-bas, la viticulture va très bien. C'est même un des premiers pôles d'exportation. C'est plutôt dans le Sud-Est. Je comprends la colère de agriculteurs. Ce que je ne comprends pas, c'est que les détériorations auxquelles ils se livrent sous l'effet de la colère sont considérées comme normales et quand J. Bové et ses amis de la Confédération paysanne démonte un McDo en construction ou vont arracher des plans d'OGM, dont personne ne veut parce qu'ils risquent de polluer l'ensemble de l'environnement, on trouve cela scandaleux ? Je crois qu'il ne peut pas y avoir deux poids et deux mesures. Je comprends aussi très bien la colère de M. Gallois. J'aimerais que M. Gallois nous dise comment il va s'y prendre pour mener une autre politique de la SNCF, qui s'oriente vers le transport des marchandises sur les trains."
On ne va pas parler de tout ce matin ! Juste un mot afin peut-être de nous donner une idée de votre programme : l'Observatoire sur la toxicomanie annonce que près d'un garçon sur deux de moins de 18 ans a déjà touché au cannabis. Vous, vous en proposez la légalisation. Vous ne craignez pas que ce soit bientôt tous les garçons de moins de 18 ans qui touchent au cannabis ?
- "Il faut sortir des tabous. Là, encore une fois, je pense que l'Observatoire a fait un travail formidable, tout comme B. Kouchner qui ne l'a pas assez dit. Je crois que le cannabis et les drogues douces doivent être, en effet, légalisées et je crois surtout que l'on doit mener une autre politique de santé, qui s'intéresse prioritairement à ce qui fait le plus de dégâts, c'est-à-dire le tabac et l'alcool. Il faut sortir de l'hypocrisie et réglementer d'une manière beaucoup plus proche de la société ce qui se passe avec les drogues douces et considérer les toxicomanes, c'est-à-dire les addictes à des drogues dures, comme des malades et les traiter comme tels."
Un mot de politique plus générale : vos sondages ont une petite tendance à la baisse : moins 1 ou moins 2 % selon les instituts. Vous êtes déçu ?
- "Les sondages sont une image à un moment donné. C'est un peu erratique et je crois que les sondages n'auront de réels significations qu'à un mois et demi des élections."
Quel est votre objectif ?
- "Il est de rester dans l'espace qui m'a été accordé par les Français depuis que je suis candidat."
C'est-à-dire ?
- "Entre 6 et 9 %. Et pourquoi pas 10%, on verra..."
Ce n'est pas une réponse très précise...
- "J'ai été journaliste pendant longtemps et je sais ce que c'est que d'être addicte à l'audimat. Je n'ai pas envie d'être addicte aux sondages. Ce ne sont pas les sondages qui conduiront mes discours et les orientations des Verts."
Comment cela se passe au sein des Verts ? Le week-end dernier, au Congrès, ce n'était pas formidable. Vous êtes sûr qu'ils sont tous avec vous, après l'éviction de Lipietz ?
- "Je pense que lorsqu'on réunit les Verts dans un même endroit pour discuter des accords avec nos partenaires, on retrouve nos vieux penchants. On a beaucoup reproché d'avoir prononcé le mot "irrévocable", quand j'ai hésité à être candidat. Si j'ai hésité à l'être, c'est parce que je pense que notre parti est encore fragile. Je crois que tout ce que j'ai déclaré au Monde peut rester vrai si les Verts ne se réveillent pas, si ils ne se ressaisissent pas en se disant que de toute façon, il faut un accord avec les socialistes, mais un bon accord. Je vais m'employer pendant la campagne présidentielle à faire un bon score pour obtenir un bon accord. Mais les socialistes sans les Verts, cela ne fera pas une majorité et les Verts sans les socialistes, ce sera revenir à l'isolement."
Ce soir, vous y allez avec votre moustache teinte en verte, comme dans le magazine Gala ?
- "C'est un clin d'oeil. Je n'achète pas souvent Gala donc, quand j'ai accepté de participer à la double page de Gala, je me suis peint les moustaches en vert. Il paraît que les Parisiens n'aiment pas beaucoup ça. On dit que cela ne fait pas sérieux et que ce n'est pas normal pour quelqu'un qui prétend être président de la République. Je pense qu'il faut savoir de temps en temps ne pas trop se prendre au sérieux. Les Français en ont un peu marre de ces hommes politiques si corrects, si guindés et si amidonnés."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 janvier 2002)