Déclaration de M. Denis Kessler, vice-président délégué du MEDEF, sur l'avenir de la protection sociale, notamment les réformes des systèmes de retraite, la politique familiale et l'assurance maladie, Strasbourg le 20 novembre 2001.

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Circonstance : Forum sur la réforme de la protection sociale à Strasbourg le 20 novembre 2001

Texte intégral

UN MOMENT SOLENNEL
Ce rendez-vous à Strasbourg, ville où, à l'initiative d'Ernest-Antoine Seillière, fut créé le MEDEF, il y a quasiment trois ans jour pour jour, a un caractère solennel. Je dois vous avouer que je suis très ému d'être de retour dans ma région natale, avec tous mes amis entrepreneurs de l'Est de la France pour évoquer
l'avenir de la protection sociale
Je vais vous présenter, au nom du MEDEF, les propositions des entrepreneurs de France " pour une nouvelle architecture de la protection sociale ", des propositions attendues depuis que nous avons décidé de ne pas renouveler nos administrateurs des Caisses de Sécurité sociale, des propositions attendues par l'ensemble des salariés de nos entreprises, attendues par nos partenaires syndicaux, et par les Français qui s'interrogent à juste titre sur l'avenir de leur protection sociale
Le CNPF puis le MEDEF ont, vous le savez, pleinement participé au fonctionnement de la protection sociale tout au long des 55 dernières années. Des dizaines de milliers de mandataires représentant les entreprises ont contribué au développement de la sécurité sociale, des CPAM, des CRAM, des CAF, des URSSAF, ainsi que des autres organismes paritaires de protection sociale tels les régimes de retraite complémentaires ARRCO-AGIRC ou l'Unedic et les Assedic. Nous sommes fiers, très fiers, de ce que nous avons fait au service de la protection sociale, fiers de notre engagement dans ces organismes que nous avons animés, gérés et financés
C'est à tous les administrateurs, à tous ces militants bénévoles qu'il nous faut aujourd'hui rendre hommage, et notamment à ceux qui sont parmi nous. Au nom de toutes les entreprises de France, nous les remercions du fond du cur pour ce qu'ils ont accompli, et je vous propose, Mesdames et Messieurs, de les applaudir !
L'AVENIR DE LA PROTECTION SOCIALE SUSCITE DES INQUIETUDES CROISSANTES
L'avenir de la protection sociale suscite aujourd'hui beaucoup d'interrogations, beaucoup de questions L'inquiétude qui gagne un nombre croissant de Français est manifeste, patente, prégnante. Et celle des entrepreneurs est particulièrement forte, car ils mesurent à quel point son financement creuse un gouffre entre le coût du travail dont ils s'acquittent et le revenu réellement perçu par les salariés
Si l'on continue de ne rien faire, et de laisser la situation se dégrader, si l'on préfère repousser encore les décisions qui s'imposent et regarder les déficits se creuser, si l'on se résigne à simplement gérer à chaud les crises successives, si l'on se contente de multiplier les plans d'urgence dans l'improvisation la plus totale, si l'on continue de ne faire confiance qu'aux Bureaux des ministères sans jamais ni consulter ni associer les partenaires sociaux, oui, Mesdames et Messieurs, oui les Français ont raison d'être inquiets !
En effet, Mesdames et Messieurs, l'avenir de leur protection sociale ne sera pas assuré, car la solvabilité des régimes de retraite ne sera pas garantie, car la pérennité du système d'assurance maladie sera menacée, car les capacités de financement alimentant les régimes sociaux s'épuiseront, car le pouvoir d'achat stagnera.
En effet, nul ne peut aujourd'hui contester que le système actuel de protection sociale, mis en place au lendemain de la Seconde guerre mondiale et correspondant aux besoins d'alors, affronte des difficultés financières croissantes, nul ne peut nier que son avenir suscite de plus en plus de questions, d'interrogations
Nul n'ignore que la France va connaître un hiver démographique sans précédent, issu du double phénomène d'allongement de la durée de vie et de la baisse de la fécondité, qui va affecter les régimes de retraite par répartition et bouleverser l'équilibre entre les générations
Nul n'ignore la dérive permanente des dépenses d'assurance maladie que rien ne semble parvenir à enrayer, le malaise profond des professions médicales qui tour à tour ne cessent de se mettre en grève, l'insatisfaction d'un certain nombre de malades eu égard aux soins qu'ils reçoivent et leur inquiétude devant des rationnements futurs et des déficits récurrents qui n'ont été masqués que de manière transitoire par des recettes exceptionnelles issues de la croissance qui aujourd'hui s'étiole
Nul n'ignore que le coût global de la sécurité sociale française est de plus en plus lourd, comme le montrent le montant des cotisations sociales salariales et patronales qui figurent sur chaque fiche de paye, et le montant de la CSG qu'il faut acquitter à la fin de chaque année en plus de tous les impôts que l'on a déjà versés
Nul n'ignore que tous nos partenaires européens, aussi soucieux que la France de la protection sociale, individuelle et collective de leurs citoyens, sont d'ores et déjà parvenus à mener des réformes en profondeur de leurs systèmes de retraite ou d'assurance maladie qui les ont rendus plus performants, plus pérennes et moins coûteux
Nul n'ignore que si les charges collectives d'une nation ne sont pas maîtrisées, elles affectent sa compétitivité, sa croissance, et peuvent ainsi nuire à l'emploi, à la hausse du pouvoir d'achat, bref à la prospérité de toute la collectivité, et en fin de compte aux sommes qu'elle peut consacrer à sa protection
Le système de sécurité sociale français, qui a fait ses preuves pendant la période d'après-guerre, ne semble plus adapté à la situation et aux perspectives économiques, démographiques, technologiques qui sont celles de la France. Ce système doit être l'objet d'une réforme en profondeur, d'une réforme ambitieuse, d'une réforme innovante !
Et permettez moi de dire haut et fort que si la protection sociale est aujourd'hui menacée, ce n'est certainement pas par le MEDEF, mais bien par l'Etat qui, s'étant emparé de tous les leviers de commande, fait preuve d'une totale impéritie, n'assume pas ses propres responsabilités mais accapare en permanence celles des autres, d'un Etat qui évite, qui refuse, qui reporte sans cesse les réformes nécessaires. Et le pire, Mesdames et Messieurs, c'est que l'Etat met des bâtons dans les roues de ceux qui veulent procéder aux réformes nécessaires, comme l'ont montré la réforme réussie de l'Unedic ou la réforme avortée de la CNAM - je fais allusion au Plan Johannet, proposé par les partenaires sociaux et refusé dédaigneusement par Martine Aubry !
L'ESPRIT DE NOS PROPOSITIONS DE REFORME
Les propositions qu'avance le MEDEF en faveur d'une nouvelle architecture ont comme objectif de consolider, d'étendre, de renforcer, de garantir la protection individuelle et collective des Français, de la rendre plus équitable, plus efficace, plus performante, plus stable, de la rendre compatible avec le monde qui s'ouvre, compatible avec l'Europe, de la faire correspondre aux nouveaux risques, aux nouvelles aspirations individuelles et aux nouvelles exigences sociales
En raison de toutes les transformations que nous connaissons, géopolitiques, économiques, technologiques, scientifiques, sociales, sociétales, pour consolider la protection sociale, il ne faut pas seulement conserver, préserver, défendre et maintenir les choses en l'état. Bien au contraire, il faut réformer, anticiper, prévoir, provisionner. C'est bel et bien la protection sociale du XXIème siècle que nous avons à construire. Les risques individuels et collectifs ont changé, c'est pourquoi il faut procéder à une refondation de la protection sociale
Ces propositions, nous les livrons en toute clarté, en toute transparence, en toute responsabilité. Elles correspondent à une vision d'entrepreneurs, soucieux de l'avenir de leur pays
Oui, nous souhaitons que les Français bénéficient d'une protection sociale qui permette d'abord l'accès au travail, qui permette la meilleure insertion dans la vie professionnelle, qui permette de faire face aux aléas de l'existence, de bénéficier des meilleurs soins disponibles, de vieillir dans la dignité
Oui, nous souhaitons que les Français bénéficient d'une protection sociale efficace, qui recherche constamment, risque par risque, le meilleur rapport coût/efficacité
Oui, nous voulons mieux concilier protection individuelle et protection sociale pour mieux refléter la diversité des aspirations et la variété des situations
Oui, nous proposons des dispositifs de protection sociale qui reposent sur des contrats exprimant des droits et devoirs réciproques, seule approche permettant de maintenir l'esprit de responsabilité de tous et de chacun indispensable à la mise en uvre des dispositifs de solidarité
Les propositions que nous avançons, parce qu'elles clarifient les missions, les responsabilités, les financements, parce qu'elles sont en phase avec les transformations économiques et sociales, doivent être prises en compte dans le débat public qui s'ouvre avant les échéances électorales. Ces propositions formulent les termes d'un nouveau contrat social
Je voudrais, avant de vous présenter les grandes lignes de cette nouvelle architecture, les situer dans leur contexte, vous dire les valeurs que nous partageons, pourquoi nous, entrepreneurs, nous avons notre mot à dire
PENSER LE XXIEME SIECLE, SORTIR DU XIXEME SIECLE
Pour comprendre les réformes que nous proposons, replaçons-les dans l'histoire de la protection sociale française. Nos propositions, en effet, se basent sur une analyse, une vision et des valeurs
Comme vous le savez, la protection sociale a connu trois grandes transformations : son universalisation, son étatisation, son extension
Son universalisation
Son universalisation, car il faut rappeler que, à l'origine, la protection sociale a d'abord été le fait des entreprises. Elle ne concernait alors que les salariés de certaines industries. Puis, les protections ont été étendues à tous les salariés, pour devenir, dans l'après-guerre, un droit du citoyen. Longtemps on a pensé que devaient être protégés ceux dont la vie dépendait de leur travail ; aujourd'hui, nous considérons que ce sont des droits de tous. Ainsi pour la maladie. Nous ne voulons pas revenir sur cette évolution : nous prenons acte du mouvement d'universalisation de la protection sociale
Son étatisation
Cette universalisation s'est accompagnée d'une étatisation progressive. Si l'on comprend que, à l'origine, comme institutions du salariat, liées au contrat de travail, les organismes sociaux aient pu être gérés sous une forme paritaire, celle-ci est devenue de plus en plus obsolète à mesure que l'universalisation des droits progressait. En même temps, on est passé de co-financements contributifs, les fameuses "cotisations salariales et patronales", à des financements fiscaux, comme en témoignent la CSG ou la CRDS. Nous prenons acte de cette deuxième évolution
Son extension
Des risques nouveaux ont été pris en compte, qui n'étaient plus exactement les risques du salarié, mais les risques de l'existence, les risques de l'exclusion, les risques de l'insertion dans une société du chômage de masse qui a conduit à l'instauration du RMI ou de la CMU. Ces risques de l'existence, portés jusqu'alors par la commune ou la famille, ont été absorbés par l'Etat. C'est ainsi que les politiques familiales et la CNAV ont été amenées à financer de vastes programmes d'assistance au-delà du versement des allocations familiales
L'Etat n'a cessé d'encourager, d'accompagner, de favoriser ces évolutions parce qu'il veut être le grand prestataire de Sécurité sociale dans un contexte où ses autres fonctions se réduisent. Il a perdu le pouvoir monétaire, le pouvoir industriel ; quant au pouvoir budgétaire et au pouvoir fiscal, ils sont de plus en plus contraints. A cause de cet effet d'entonnoir, l'Etat veut donc intervenir dans le domaine social, impose à la fois les 35 heures et s'immisce dans tous les organismes sociaux. Mais l'Etat veut tout faire, il veut trop faire : à la fois définir les droits, servir les prestations, administrer les institutions
Ces évolutions ont trois conséquences :
o Une trop forte politisation de la protection sociale, qui conduit à privilégier systématiquement la dépense, et à ne jamais la contrôler. Plus on dépenserait, plus on serait social. Quelle hérésie ! Surtout pour un Etat qui n'ayant plus de vision, se borne à obéir aux mouvements de l'opinion. A preuve, l'assurance maladie, l'Ondam, systématiquement dépassée, la récente grève des cliniques, le recrutement massif d'infirmières ! Tout est politisé : les droits, les institutions, les services
o La plupart des institutions paritaires sont devenues des chambres d'enregistrement, sans responsabilité Le paritarisme, dans les institutions de la Sécurité sociale, est devenu une fiction. Il ne fonctionne bien qu'à l'Unedic ou à l'Agirc et à l'Arrco
o Il n'y a plus de pilotage économique du social. Il n'y a pas en France une vraie politique de la protection sociale, fondée sur une vision, une analyse des risques et de leurs transformations
CE QUE PROPOSE LE MEDEF
Les propositions du MEDEF reposent sur les principes suivants :
o Il faut bâtir une protection sociale moderne avant tout basée sur le travail, encourageant le retour au travail, protégeant le travail. Nous devons arrêter cette dérive qui consiste à faire de la protection sociale une sorte de substitut du travail, une machine qui pourrait permettre de mener une vie hors travail. La protection sociale ne doit pas se transformer en une assistance généralisée, enjolivée d'une
multitude de droits. Oui à la solidarité, mais non à l'assistance
o Il faut bâtir une protection sociale moderne à partir des nouveaux risques à couvrir. Or les risques ont changé depuis cinquante ans. A côté des risques sociaux traditionnels, il y a les risques de l'existence qui sont aujourd'hui premiers. Pour le MEDEF, la première protection est d'avoir un travail, de réussir son insertion professionnelle, de retrouver un emploi si l'on est au chômage. D'où l'importance de la réforme de l'éducation, de la formation professionnelle. D'où l'importance cruciale de la réforme de l'Unedic et du PARE qui favorise le retour à l'emploi
o Il faut bâtir une protection sociale moderne en privilégiant la prévention et ne pas se contenter de la simple réparation ou indemnisation. Prévention de l'exclusion, prévention du chômage, prévention de la maladie, prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. C'est d'ailleurs sur ce dernier point le sens de l'accord santé au travail que nous avons signé avec les syndicats il y a un an
o Il faut bâtir une protection sociale moderne qui soit pérenne. A force de "bricoler" les systèmes existants, d'aller de crises en plans d'urgence, on oublie que la protection sociale doit résister à l'épreuve du temps. Assurer dans le temps la stabilité, la solidité de la protection sociale est une nécessité. On en est bien loin aujourd'hui, car aucun des dispositifs existants n'apparaît pouvoir résister à l'épreuve du temps
o Il faut bâtir une protection sociale moderne qui identifie clairement les responsabilités de toutes les parties prenantes. Le Parlement doit jouer son rôle, le gouvernement le sien, les partenaires sociaux le leur, les entreprises et les salariés celui qui leur revient. Chacun a sa place dans la partition, chacun doit savoir quelles sont ses responsabilités, et à qui il rend des comptes. Nos propositions sur l'assurance santé permettent de sortir de la confusion absolue qui règne aujourd'hui dans l'assurance maladie et qui nous a conduit à en sortir
o Il faut bâtir une protection sociale moderne qui permette à chacun de disposer de davantage de degrés de liberté. La protection ne doit plus être uniforme, le traitement de cas différents identique, l'approche des problèmes unique. Il faut faire le contraire de ce qui a été fait pour les 35 heures, qui est d'imposer un régime unique. Comme nous l'avons décidé à l'Unedic, l'aide au retour à l'emploi doit tenir compte, pour chaque demandeur d'emploi, de la situation concrète dans laquelle il se trouve, de ses aspirations, de son trajet personnel. Et il faut, comme nous l'avons proposé, que chacun puisse partir à la retraite quand il le souhaite en fonction de sa situation de santé, de sa situation familiale, de son projet personnel. L'exposition aux risques varie d'une personne ou d'une famille à l'autre, les besoins ne sont pas les mêmes, il faut désormais en tenir compte
o Il faut bâtir une protection sociale moderne qui respecte le critère de l'équité. Comment peut-on justifier aujourd'hui, si la retraite est bien un droit universel, que coexistent autant de régimes spéciaux, avec autant de privilèges. Universalité implique égalité des contributions à situations égales, égalité des pensions à cotisations égales. Oui, il faut supprimer les privilèges sociaux indus, injustifiés dont bénéficie le secteur public, qui font porter une menace sur la pérennité de la protection sociale de tous les Français. Et si les fonctionnaires ont droit aux fonds de pension (la Prefon), alors ce doit être un droit ouvert à tous, sans exception
o Il faut bâtir une protection sociale moderne qui accorde la plus grande place aux services. C'est ce que nous avons fait avec le Pare. Mais cela doit se généraliser : en matière d'assurance maladie, se contenter de simplement rembourser des feuilles d'assurance maladie n'a plus aucun sens. La cotisation, l'affiliation doit d'abord et avant tout donner accès à des services, adaptés aux besoins de chacun. La règle de l'égalité des contributions doit s'accompagner d'une exigence d'équité dans la prestation des services. Il en va de même pour la dépendance. Il devrait en aller de même pour le RMI
Vous le voyez, Chers Amis, on doit refonder la protection sociale parce qu'on peut la rendre meilleure, mieux adaptée aux besoins, plus proche des aspirations de nos concitoyens, plus en phase avec les tendances et évolutions de notre société
REFONDER LA PROTECTION SOCIALE, OUI, MAIS AVEC QUI ?
Malheureusement le contexte est marqué par un divorce de plus en plus grand entre le monde économique et le monde politique. La loi des 35 heures en est la preuve funeste
Alors que l'organisation des entrepreneurs s'est transformée pour faire face à la nouvelle conjoncture, pour mieux exprimer les aspirations du monde de l'entreprise, alors que les syndicats réformateurs ont eu le courage de s'engager dans la voie de l'innovation, force est de constater que trop d'acteurs, trop d'observateurs ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre qu'il faut s'engager avec détermination dans l'adaptation de nos institutions sociales
L'Etat cherche sans cesse à occuper le terrain social, quitte à évincer, à marginaliser des partenaires sociaux auxquels il dénie toute initiative. Tentative de la dernière chance, nous avons proposé à nos partenaires syndicaux, qui sont de fait les plus menacés par ces politiques, d'engager avec nous les ambitieux chantiers de la "refondation sociale". Cette chance a été saisie par certains, pas par d'autres Nous avons pu aboutir sur certains chantiers. Et cela malgré tous les efforts du gouvernement pour nous faire échouer
Ainsi, nous avons montré que la voie de la réforme était possible, que plusieurs de nos partenaires syndicaux y croyaient. Nous avons réussi à transformer l'assurance chômage d'une manière profondément moderne, qui à la fois renforce la protection individualisée, offre une aide et un service et permet de réduire le montant des cotisations. Nous avons montré que la réforme était possible, souhaitable, même sila réussite tient toujours de l'exploit
POUR UNE NOUVELLE ARCHITECTURE DE LA PROTECTION SOCIALE
Cette architecture est résolument tournée vers l'avenir ; elle prend en compte les nouvelles aspirations. Le social ne doit pas être un musée, devenir le réservoir de tous les conservatismes, mais au contraire devenir le creuset de toutes les innovations. Nous devons réformer le domaine social avec une attitude d'entrepreneur !
Abordons successivement nos propositions relatives aux retraites, à la politique familiale, à l'assurance maladie, à l'assurance chômage
SOLVABILISER LE SYSTEME DE RETRAITE
S'agissant des retraites, nous souhaitons, dans la droite ligne de ce que nous avons proposé lors de l'accord du 10 février 2001, que l'on fixe les paramètres du système de retraite pour éviter d'augmenter les taux de cotisation au-delà des niveaux actuels, qui sont déjà très pénalisants pour les salariés et l'économie française
Chaque salarié français consacre déjà un quart de son salaire brut à des cotisations retraites, soit trois mois de sa production de richesse. Il serait inéquitable d'aller au-delà -cela amputerait de façon inacceptable le niveau de vie des générations à venir ; il serait dangereux d'aller au-delà -cela nuirait gravement à la compétitivité des entreprises de France. Nous considérons également qu'il ne faut pas que les retraités voient la valeur de leur pension diminuée. Il n'y a, dès lors, qu'une seule solution : la remontée progressive, lente, maîtrisée des âges de cessation d'activité
La fixation de l'âge de la retraite à 60 ans résultait d'une décision politique. Elle ne peut pas tenir devant les faits, qui s'imposent à tous, de la démographie. Et nous souhaitons que l'on instaure, dans les plus brefs délais, un système de retraite à la carte qui permette à chacun de cesser son activité quand il le souhaite, en accord avec son employeur
Oui, nous savons que ceci suppose d'inverser le cours d'une histoire qui fait de la France le pays où le taux d'activité des seniors est parmi les plus faibles au monde. Cette inversion incontournable concerne toutes les entreprises et tous les salariés
Et le MEDEF propose que l'on réunisse à terme les trois régimes de retraite -régime de base de la sécurité sociale, AGIRC et ARRCO-, les droits du nouveau régime étant constitués par points, système qui est en effet le plus souple, le plus équitable, le plus adaptable. Et nous sommes prêts à gérer avec les syndicats, dans le cadre d'un paritarisme renouvelé, ce grand système de retraite couvrant tous les salariés du secteur privé
Nous attendons des pouvoirs publics qu'ils réforment les régimes publics dont ils ont la charge pour les aligner sur le régime du secteur privé. Les inégalités dans ce domaine ont suffisamment perduré. Le MEDEF est fier de demander que soit respecté le principe d'égalité : salarié du public ou salarié du privé, "à salaire égal, cotisations égales ; à cotisations égales, retraites égales !"
REORIENTER LA POLITIQUE FAMILIALE
Par suite de décisions législatives successives, les politiques familiales ne sont plus liées au salariat. Les entreprises continuent de porter le poids des cotisations alors que les prestations ne sont ni de près ni de loin liées aux montants ou aux durées de cotisation. Une partie du financement de la "branche famille" est désormais assurée par la CSG, qui est une sorte d'impôt. Le gouvernement a mis à la charge de la Caisse nationale d'allocations familiales des dépenses croissantes ; il lui a confié des missions, telles que la gestion du RMI, fort éloignées des responsabilités traditionnelles des partenaires sociaux. Et plus récemment, le gouvernement a mis à la charge de la branche famille le congé paternité, qui rajoute aux quatre nouvelles semaines de congé dues aux 35 heures, deux semaines supplémentaires par an lors d'une naissance !
Le MEDEF considère que la politique familiale -entièrement décidée par l'Etat- doit être financée par la CSG. Supprimons les cotisations familiales. Que l'Etat assume seul sa politique, puisque, en ce domaine, le rôle des partenaires sociaux est réduit à la portion congrue
REFONDER L'ASSURANCE MALADIE
Dans ce domaine, la situation actuelle, celle d'un paritarisme de façade, d'une confusion noire n'est pas durable. Nous proposons une nouvelle architecture, qui permettra à chaque Français d'accéder, autant que de besoins, aux soins de la meilleure qualité, tout en assurant la maîtrise des coûts
Nous sommes sans réserve pour le respect des grands principes sur lesquels repose l'assurance maladie : universalité de la couverture, solidarité du financement, car les cotisations ne dépendent pas du risque et les prestations ne dépendent pas du revenu (en dehors des Indemnités Journalières), uniformité de la prise en charge sociale. Mais il est possible de mettre en uvre ces principes essentiels différemment d'aujourd'hui
Dans notre projet, l'universalité est assurée par la couverture de tous les Français ; la solidarité dans le financement est obtenue en remplaçant les cotisations sociales, salariales et patronales, par le recours à la CSG déductible, (avec un taux différent selon qu'il s'agit des revenus du travail et de ceux de l'épargne) ; quant à l'uniformité de la couverture, elle est garantie au travers d'un panier de soins auquel chaque Français aura accès, et qui sera défini chaque année par le Parlement
Dans notre proposition, relèvent des pouvoirs publics : la définition des priorités de santé publique, la couverture universelle des Français, le financement socialisé au travers de la CSG, la définition du panier de soins, l'accès aux professions médicales, la recherche médicale, l'évaluation et le contrôle du système
Voilà qui en principe assure le respect des principes d'universalité et de solidarité
En revanche, "l'offre" du panier de soins doit être laissée à des organisations dont ce sera la vocation unique : appelons-les opérateurs de soins. Ils seront en charge des moyens à mettre en uvre pour offrir le panier de soins aux Français sans pouvoir sélectionner les risques. Les Français pourront librement choisir leur opérateur de soins ; ils disposeront d'une garantie viagère tout au long de leur vie. Les opérateurs de soins auront en charge les relations avec les professions médicales, les laboratoires, les cliniques et hôpitaux. Bref, ce sont eux qui exerceront les responsabilités de gestion, que l'Etat n'est jamais parvenu et ne parviendra jamais à exercer
Notre proposition permet une régulation du système car les opérateurs de soins seront responsables de leur gestion : financés par un montant correspondant au nombre d'assurés, obligés d'offrir tous les services de santé figurant dans le panier de soins, étant choisis par les Français, on comprend qu'ils seront conduits à exceller dans la gestion, à élever sans cesse la qualité des soins, à être les plus performants possible. Et les professions de santé, que les entrepreneurs respectent profondément, auront enfin des interlocuteurs responsables avec lesquels dialoguer et élaborer des solutions contractuelles
Compte tenu du financement par CSG déductible, et compte tenu de cette architecture qui maintient les principes de la Sécurité sociale maladie mais décentralise sa gestion, le rôle des partenaires sociaux se situera avant tout au niveau de l'entreprise -pour le choix de l'opérateur de soins-, et au niveau de la branche -pour la définition des priorités à suivre afin de lutter contre les accidents du travail et les maladies professionnelles
REFORMER LA PRISE EN CHARGE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL
Le MEDEF propose de sortir du système actuel, en maintenant deux principes essentiels : l'obligation de la couverture pour toutes les entreprises, et l'imputation de la responsabilité des accidents et maladies professionnelles au chef d'entreprise
Et nous proposons, par souci d'équité, que l'indemnisation se fasse désormais dans les conditions de droit commun, qu'un cahier des charges public définisse les obligations des entreprises et que chaque entreprise ait la liberté de choix de son organisme assureur - mutuelles, institutions de prévoyance ou sociétés d'assurance
UNE ASSURANCE CHOMAGE REFORMEE
Nous avons signé avec trois organisations syndicales de salariés une nouvelle convention d'assurance chômage dont l'ambition est de favoriser au maximum le retour à l'emploi plutôt que la simple indemnisation de l'inactivité
Cette démarche de simple bon sens a suscité de la part des pouvoirs publics et de diverses organisations corporatistes et archaïques des réticences, voire des oppositions difficilement compréhensibles qui font douter de la capacité de notre pays à se réformer. Mais le bien-fondé de nos propositions est de plus en plus reconnu, y compris par les détracteurs d'hier
Nous souhaitons que l'autonomie de gestion du régime paritaire contractuel d'assurance chômage soit intégralement respectée et nous attendons des pouvoirs publics qu'ils apportent un concours constructif à des évolutions indispensables au progrès de notre société. Nous souhaitons aussi que l'Etat, dont l'appétit financier est insatiable, cesse à l'avenir de siphonner l'Unedic pour financer les 35 heures !
Nous serons attentifs à ce que les décisions que nous avons arrêtées avec les organisations syndicales de salariés ouvertes à la réforme et à la modernisation trouvent leur plein effet dans les mois qui viennent
Une réforme de dynamisation du régime de l'assurance chômage se poursuivra avec le souci permanent de mieux ajuster la demande et l'offre d'emplois, pour qu'au-delà des crises conjoncturelles, nous puissions continuer à faire baisser les cotisations d'assurance chômage, ce qui est, vous le savez tous, la meilleure façon de favoriser l'emploi en améliorant la compétitivité de nos entreprises
UNE PAGE EST TOURNEE, UNE EPOQUE EST REVOLUE
Non, Mesdames et Messieurs, chers amis, nous ne reviendrons pas en arrière. Forts de cette vision claire, de cette charte, fiers de ce nouveau contrat que nous proposons aux Français, à tous ceux qui contribuent, qui sont intéressés par la protection sociale, animés par l'esprit de la réforme, nous participerons au débat public nécessaire, et nous prendrons part à la mise en uvre de ces propositions. Mais pas à n'importe quel prix : à la condition sine qua non de pouvoir exercer pleinement nos responsabilités, au nom de nos entreprises, au nom de nos salariés !
Si nous avons tenu à exposer ce programme à Strasbourg, c'est aussi parce qu'il nous faut tous penser à l'Europe, à l'ouverture sur le monde, à une compétition toujours plus vive entre les nations. Et pour faire gagner la France dans la compétition européenne et mondiale, cette nouvelle protection sociale est une
exigence
En avant les entreprises, en avant la France !
(Source http://www.medef.fr, le 4 décembre 2001)