Tribune de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, dans "Le Monde" du 26 octobre 2001, sur la volonté de créer des débats sur la croissance économique, l'emploi, la compétitivité et la réforme sociale dans le cadre des échéances électorales de 2002.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

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Incertitudes, inquiétudes, doutes. De lourdes préoccupations ont fait irruption depuis le 11 septembre dans notre quotidien. Le terrorisme international s'installe. Le ralentissement économique, déjà très marqué à la rentrée, s'approfondit. Une guerre sourde s'installe dans un monde devenu d'un seul coup instable et dangereux.
Dans ce climat tendu, l'opinion française prend ses distances avec les questions que nous avons, nous autres les entrepreneurs, la volonté constante de mettre en débat : croissance, emploi, compétitivité, réforme sociale. L'Etat l'y incite. N'est-il pas tout naturellement là pour intervenir, rassurer dans ces périodes troublées ? Se taire, tirer sur les déficits et laisser les responsables politiques manuvrer à court terme en vue des élections. Voilà ce qu'il nous recommande.
Nous sommes bien décidés au contraire à faire tout notre possible pour ouvrir le débat car plus le monde devient incertain et périlleux autour de nous, plus l'exigence d'adaptation et de réforme devient impérieuse pour notre pays. Si nous ne connaissons pas l'ampleur et la durée de la crise, nous tenons en revanche pour certain que l'environnement économique et financier sera bientôt plus dur pour tous. Ceux qui auront tardé à conduire le changement, notamment pour assurer des conditions favorables à l'initiative entrepreneuriale et au développement des entreprises, se retrouveront avec moins de croissance, moins d'emploi, moins de pouvoir d'achat, moins de solidarité sociale et moins d'opportunités pour leur jeunesse. Il est essentiel de conduire la réforme. C'est un devoir national.
Quelle part les entrepreneurs, et en leur nom le MEDEF, doivent-ils prendre dans le débat qui s'ouvre à notre pays avec les échéances électorales capitales du début de 2002 ? Je réponds sans hésitation : la part la plus large possible. Notre Mouvement entamera dès cette semaine une action en profondeur, pour lancer, en union étroite avec sa base territoriale, les thèmes de la refondation économique et sociale. Nous voulons, nous les hommes et les femmes d'entreprise, contribuer pleinement à faire connaître aux Françaises et aux Français ce qui peut assurer leur emploi et l'amélioration de leur niveau de vie par de meilleurs salaires et une meilleure protection sociale dans les cinq ans qui viennent.
Pour le faire, nous rassemblerons d'ici Janvier prochain, des milliers d'entre nous dans sept forums nationaux afin d'élaborer ensemble nos propositions. Les lieux et les thèmes sont choisis. Les équipes en place. A Angoulême, nous débattrons jeudi, du travail dans notre société avec l'objectif de lui rendre sa place dans notre pays. A Clermont-Ferrand, nous approfondirons les thèmes déjà abordés par l'Université d'été du MEDEF sur l'homme, la nature et l'entreprise que l'explosion de Toulouse a mis si dramatiquement dans l'actualité. A Lille, nous parlerons avec les entrepreneurs du Nord de l'esprit d'entreprise, indispensable dans notre société, mais ignoré par l'enseignement national et combattu au nom d'idéologies surannées. A Strasbourg, nous présenterons nos propositions sur la réforme de l'ensemble de la protection sociale. A Nantes, nous préciserons notre vision d'un approfondissement de la démocratie sociale. A Marseille, nous indiquerons comment renforcer l'attractivité de la France dans un monde global. A Marne-la-Vallée, enfin, nous débattrons de l'entreprise face aux nouveaux risques. Tout sera donc prêt pour que nous arrêtions le 15 janvier 2002 à Lyon, au cours d'un Congrès exceptionnel du MEDEF, les propositions des entrepreneurs sous le titre " En avant l'Entreprise, en avant la France " ! Nous les soumettrons ensuite aux candidats à la Présidence de la République et à tous les candidats aux élections législatives. Ces propositions comporteront la vision des entrepreneurs pour une France à son rang ainsi que l'ensemble des mesures à mettre en uvre pour assurer croissance, emploi et protection sociale. Ce ne sera pas le programme idéal, mais des pas en avant dans le chemin à parcourir.
Telle est notre ambition dans les mois qui viennent. Faire entendre la voix des entrepreneurs dans la cité, au nom de la société civile à laquelle nous appartenons et dont nous sommes un élément essentiel. Inspirer et encourager les futurs élus à prendre énergiquement le chemin de la refondation avec courage et hauteur de vue. Ainsi, le MEDEF qui a conduit sa propre réforme, mené le combat contre les 35 heures et ouvert le dialogue de la refondation sociale, présentera les propositions des entrepreneurs à l'heure où s'ouvre le débat sur l'action à conduire pour le prochain quinquennat.
Quatre années de croissance économique viennent de s'écouler et notre pays n'a rien fait pour adapter ses structures sociales, rien fait pour réformer l'Etat. Les pouvoirs publics ont préféré harceler l'entreprise de mesures négatives et improvisées plutôt que d'entreprendre la modernisation de nos structures, l'adaptation de notre fiscalité et la refonte de notre système de couverture sociale.
Ils ont opté pour les sujétions administratives nouvelles, les raffinements procéduriers et réglementaires autour de l'absurde loi des 35 heures, coûteuse pour tous. Ils ont choisi la société bloquée et figée dans laquelle l'avantage acquis est un culte, l'immobilisme une valeur politique, l'embauche de fonctionnaires la panacée. Oui, les entrepreneurs ressentent un intense besoin d'ouverture et de changement.
Le MEDEF a déjà pris sa part de cet immense travail en lançant avec les partenaires sociaux les chantiers de la refondation sociale. En dépit des difficultés, des hostilités, nous avons fait du chemin avec les syndicats réformateurs : réforme de l'assurance chômage, adaptation de la santé au travail, accords de principe sur les retraites complémentaires et sur les voies et moyen de la négociation collective, rupture dans les modes de gestion de la Sécurité sociale en vue de la reconstruire et de la rénover. Et nous négocions des avancées dans le domaine de la formation professionnelle si capitale pour chaque salarié, chaque entreprise. Depuis deux ans, la négociation n'a pas cessé entre partenaires sociaux malgré les efforts systématiques des ministères et des administrations pour en gêner, en empêcher le développement..
Faire connaître aux Françaises et aux Français les propositions des entrepreneurs pour amplifier le dialogue et décider sans tarder la réforme des retraites, la rénovation de la sécurité sociale, la modernisation des règles de la démocratie sociale, l'adaptation de notre système fiscal et l'essor de la formation professionnelle : voilà le sens de notre initiative pour lancer le débat dans les prochaines semaines, voilà pourquoi nous faisons état de notre droit d'ingérence dans le débat public. Jusqu'à présent, les entrepreneurs se gardaient d'intervenir dans les débats électoraux, laissant le champ libre aux candidats et aux partis. Nous rompons avec cette tradition et nous ferons entendre la voix de ceux du terrain. On connaît les privilèges qui assurent à ceux du service public le quasi-monopole de la représentativité politique dans notre pays. Il nous appartient de faire connaître directement aux Françaises et aux Français, nous qui avons choisi de nous mettre à risque pour créer des emplois, nos idées et nos propositions. Le MEDEF invite, comme je l'ai fait dans plus de soixante dix rencontres avec les entrepreneurs de terrain sur tout le territoire, les hommes d'entreprise à s'exprimer, communiquer, intervenir, se faire entendre et comprendre pendant les prochains mois, en un mot à militer pour l'entreprise et faire gagner notre pays.
Pour la réforme de la France, en avant l'Entreprise !
(source http://www.medef.fr, le 26 octobre 2001)