Déclaration de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur la recherche et le développement de la politique spatiale, notamment les vols spatiaux habités, la médecine spatiale et la coopération spatiale européenne (ESA), Paris le 28 juin 2000.

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Circonstance : Colloque "L'homme dans l'espace" organisé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques à Paris le 28 juin 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les députés,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Mesdames, Messieurs les députés européens,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d'ouvrir ce colloque "L'Homme dans l'espace" avec le Sénateur Henri REVOL, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui a pris l'initiative d'organiser cette manifestation.
Ayant été moi-même parlementaire au cours des quatorze dernières années, je suis particulièrement attentif au dialogue avec les élus et aux messages dont ils sont porteurs en raison de leur proximité avec nos concitoyens. Par ailleurs, en tant que ministre chargé de la recherche, j'examine avec attention les travaux de l'Office parlementaire qui sont d'une qualité remarquable.
Les vols habités sont au cur de la conquête spatiale depuis les débuts de celle-ci. Quatre années seulement après le lancement du premier Spoutnik, le russe Youri GAGARINE effectuait à bord de la capsule VOSTOK le 12 avril 1961 les premières orbites d'un homme autour de la terre, suivi en cela une année plus tard par l'américain John GLENN en février 1962.
Cette course à la conquête de l'espace entre les deux superpuissances mondiales allait conduire Neil AMSTRONG le 21 juillet 1969 à être le premier homme à poser le pied sur la Lune. Cette aventure restera l'un des grands évènements du XXème siècle, s'inscrivant dans la longue liste des découvertes de l'humanité, qui a conquis progressivement les endroits les plus reculés - les deux pôles, les océans, l'Everest - et qui repousse jour après jour les limites de la technologie.
Nombreux sont ceux qui ont suivi en direct cet événement avec une grande émotion. Mais au delà de son caractère exceptionnel, la conquête de la Lune a eu des retombées scientifiques majeures, nous apprenant tout simplement comment les planètes se sont formées.
La France a progressivement acquis une compétence incontestable en matière de vols habités. C'est le 24 juin 1982 que pour la première fois un Français, était envoyé dans l'espace. Il s'agissait de Jean-Loup CHRETIEN à bord de la station SALIOUT-7 dans le cadre d'une coopération avec la Russie. Douze autres missions ont été réalisées depuis, six avec les russes à bord de la station MIR et six à bord des navettes spatiales américaines DISCOVERY, COLUMBIA et ATLANTIS.
L'année 1999 a été particulièrement riche avec deux vols dont un de longue durée pour Jean-Pierre HAIGNERE, qui a réalisé le plus long vol dans l'espace d'un spationaute non russe à bord de la station MIR.
Les astronautes français ont ainsi pu acquérir des compétences reconnues par tous :
Jean-Pierre HAIGNERE est le directeur du Centre des astronautes de l'ESA situé à Cologne en Allemagne ;
Claudie ANDRE-DESHAYS, qui présente la particularité d'être également médecin, est désormais qualifiée pour être commandant de bord du Soyouz pendant la phase de retour sur Terre.
Peu de temps après ma prise de fonctions, j'ai reçu au Ministère de la Recherche le 29 avril Jean-Pierre HAIGNERE et Claudie ANDRE-DESHAYS, pour saluer le courage et la compétence de nos astronautes.
De même, j'ai eu le plaisir de rencontrer Jean-François CLERVOY à l'Assemblée nationale avec les membres du Groupe parlementaire sur l'espace.
Celui-ci est un grand spécialiste des manipulations robotiques spatiales, qui seront tout à fait primordiales dans le processus d'assemblage de la Station spatiale internationale. Il les a illustrées récemment dans la délicate mission de réparation du télescope HUBBLE.
Il ne m'est pas possible de citer ici les qualités de chacun des astronautes français qui à l'exception de Philippe PERRIN sont désormais intégrés au corps européen des astronautes de l'ESA mais je tiens ici à leur rendre hommage.
Ces missions ont également permis aux équipes du Centre national d'études spatiales, le CNES, de se spécialiser dans tous les domaines de la préparation puis de la réalisation d'un vol spatial habité de courte ou longue durée : conception et qualification des équipements et des expérimentations, rédaction des procédures de vol et validation des protocoles opérationnels, suivi des opérations, suivi médical des astronautes.
Le Centre de Toulouse a d'ailleurs été retenu par l'ESA pour abriter le centre de contrôle du cargo ATV (véhicule de transport automatique) de ravitaillement de la Station mais aussi le centre d'exploitation de plusieurs expérimentations scientifiques européennes qui seront réalisées à bord de la Station spatiale internationale.
Ces expérimentations ont également permis la création d'une communauté scientifique dans le domaine de la micro-gravité et de la médecine spatiale. Ces compétences il me paraît nécessaire de les maintenir et de les développer dans l'attente du début de l'exploitation de la Station spatiale internationale à l'horizon 2005. J'ai donc demandé au CNES de travailler en ce sens et d'offrir de nouvelles opportunités de vol à nos astronautes. Je souhaite aussi que la communauté scientifique française se mobilise pour la préparation des expérimentations qui seront réalisées à bord de la Station spatiale internationale.
Nous sommes en effet aujourd'hui engagés au niveau européen dans ce programme qui représente pour la France un investissement de près de 1 milliards de francs chaque année sur la période à venir. Il me paraît en conséquence souhaitable d'utiliser au mieux cette infrastructure publique.
Il faut se garder d'ouvrir une controverse théologique entre vols habités et vols automatiques. Les uns et les autres ont leur utilité.
Les vols habités permettent non seulement de réaliser des expériences en micro-gravité, mais aussi de fournir des informations sur le système cardio-vasculaire et sur les physiologies neurosensorielle, osseuse et musculaire.
Les vols habités doivent donc conserver une certaine place dans la politique spatiale et être considérés sur le long terme.
Par ailleurs, j'entends promouvoir le développement des applications de l'espace au service de la société et de l'avancement des connaissances. Je pense ici naturellement au programme Galiléo et au développement des télécommunications spatiales qui contribuent à l'entrée de l'Europe dans la société de l'information et qui représentent des enjeux stratégiques et économiques majeurs.
Les moyens spatiaux peuvent également apporter une contribution essentielle à la surveillance de l'environnement et à la gestion des ressources naturelles qui constituent un élément clé du "développement durable". L'Europe doit donc réfléchir activement au projet GMES : Global Monitoring for Environnement and Security.
Enfin les systèmes spatiaux contribuent à apporter des réponses aux questions fondamentales que sont l'origine de l'Univers et son évolution et ontrévolutionné bien des disciplines scientifiques. Comme vous le savez, la France souhaite participer à l'exploration martienne et au programme de retour d'échantillons martiens de la NASA (Mars Sample Return). Ce programme est essentiel pour la recherche. Mars est en effet la seule planète qui, avec la Terre, a pu réunir à un moment de son histoire les conditions propres à l'émergence de la vie.
La question de l'exploration martienne me conduit à revenir vers les vols habités. Comme vous le savez les Etats-Unis envisagent de plus en plus d'envoyer l'homme sur Mars. Il est prématuré de fixer la date d'une telle aventure, mais Mars constituera vraisemblablement la nouvelle frontière de l'humanité durant le XXIème siècle.
De telles expéditions, car c'est le bien le terme qui convient, ont naturellement une forte capacité de mobilisation du public. C'est une caractéristique plus générale des vols habités que je voudrais souligner pour terminer.
Ceux-ci constituent un formidable outil pédagogique pour l'éveil de la jeunesse aux sciences et pour la culture scientifique et technique du plus grand nombre. Dans ce domaine, nos astronautes, le CNES et l'Agence spatiale européenne ont su faire partager leur enthousiasme à nos concitoyens.
Votre colloque contribue à rapprocher le Ciel et la Terre, à rapprocher les acteurs du spatial et nos concitoyens. Il n'y a pas de tâche plus importante en démocratie que de débattre avec nos concitoyens et avec ceux qui les représentent, c'est-à-dire les parlementaires, des grands enjeux du futur.
L'Espace doit être l'affaire de tous. Car, en démocratie les grands choix doivent être l'affaire de tous.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 30 juin 2000)