Texte intégral
Le système de santé français doit être revu en profondeur. Avez-vous des propositions concrètes pour réaliser cette réforme ?
Notre système de santé, crée après-guerre, n'est plus adapté. Il doit effectivement être revu en profondeur. Les pathologies comme le cancer ou l'asthme, par exemple, son devenues dominantes. Le rapport à la maladie en a été changé. Les attentes de la population aussi. L'enjeu est également de permettre un meilleur accès aux soins aux populations défavorisées, et de refonder le paritarisme, qui a perdu sa légitimité depuis le départ du MEDEF. Pour toutes ces raisons, notre système de santé doit être refondé. Nous sommes pour un système :
plus efficace (pour atteindre les objectifs de santé)
plus démocratique (création d'agences régionales élues)
plus proche des citoyens (création de maisons de santé au niveau local pour un meilleur service aux assurés et de meilleures conditions de travail pour les professionnels de la santé)
plus soucieux de l'environnement (réduire le poids des nouvelles pathologies)
Nous sommes pour la création d'un ministère unique de la Santé et de la Sécurité Sociale. L'échelon régional étant le plus pertinent pour organiser le nouveau système de santé, nous souhaitons par ailleurs créer des agences régionales de santé, organisées en quatre pôles : soins primaires, hospitalisation, santé environnementale et santé au travail, promotion de la santé. Leurs administrateurs seraient élus sur leurs objectifs de santé et les moyens d'y parvenir, c'est à dire sur les choix à faire en termes de dépense, d'équipement et de remboursement.
Concernant la situation actuelle en matière de dépenses de santé, force est de constater qu'elle est paradoxale. La France n'a jamais autant dépensé pour sa santé (10 % du PIB). Pourtant, les bénéfices de cette augmentation sont limités pour la santé publique. Le mécontentement est général. L'insatisfaction augmente dans l'opinion publique, mais aussi chez les professionnels de la santé (infirmières, sages-femmes, urgentissimes, internes,). A travers ces conflits s'exprime une demande de reconnaissance et de clarification des missions. On ne peut plus aujourd'hui raisonner uniquement en termes budgétaires. Il faut véritablement fixer les objectifs de la politique de santé.
Quelle sera la place de l'hôpital dans cette réforme ?
En trente ans, l'hôpital public s'est métamorphosé. Mais les citoyens, les médias et les hommes politiques en restent au stade des clichés, avec, comme seule image, l'hôpital universitaire, structure la plus conservatrice mais de loin la plus minoritaire. Les problèmes restent nombreux actuellement. Les grèves se multiplient, le plus souvent à juste titre et touchent toutes les catégories de soignants (infirmières, cadres, médecins, internes...). Concernant les infirmières, le problème concerne les salaire, encore trop faibles, la charge de travail, leur place dans l'institution et leur reconnaissance. Il y a aussi la question des médecins. La crise touche tous les hôpitaux et principalement les hôpitaux généraux. Le malaise est moins lié à un problème de salaire, de charge de travail que de reconnaissance et de rôle dans l'institution. A cela il faut ajouter le départ anticipé à la retraite, le départ à la retraite de la génération du baby-boom, le numerus clausus appliqué de façon aveugle depuis vingt ans et l' augmentation de la demande de soins du fait du vieillissement de la population. Bref, on a ici tous les éléments d'une crise grave annoncée.
Pour l'éviter, je propose de :
- Reconsidérer l'organisation des conseils d'administration : réduire le pouvoir du maire, augmenter le pouvoir des citoyens et des acteurs médico-sociaux.
- Mieux répartir à l'intérieur de l'hôpital les pouvoirs entre direction, médecins et personnels soignants. Décentraliser réellement le pouvoir. Reprendre l'idée des " Départements de soins " à direction tripartite administrative, médicale et infirmière (exemple de l'institut Montsouris, hôpital de Genève, hôpital de Bruxelles).
- Créer des groupes d'experts conseils à l'intérieur des hôpitaux et entre hôpitaux pour conseiller les directions et éviter le gâchis.
- Mieux former économiquement les soignants. Assurer au médecin une vraie formation en économie de santé. Imposer à chaque nouvelle recrue sur un poste définitif de suivre un stage de connaissance administrative des lieux où il va travailler.
- Revoir totalement la formation des directeurs d'hôpitaux : inscrire au programme des bases théoriques de connaissances médicales, imposer un stage sur le terrain d'un an pour étudier sur place toutes les composantes (unités de soins, bloc opératoire, réanimation, laboratoire, urgences, archives, cuisines, informatique...)
Il faut également :
- Décloisonner les hôpitaux.
- Revoir la nomination aux postes de praticiens universitaires. Sélectionner sur des critères objectifs et reconnus les candidats aux postes universitaires. Ouvrir ces postes à tous. Surtout : faire fonctionner l'université par contrats à durée déterminée comme aux Etats-Unis et non par des nominations à vie jamais remises en question.
- Créer des passerelles entre hôpital général et hôpital universitaire, entre hôpital local (où travaillent surtout des médecins généralistes) et hôpital général. Créer des passerelles interprofessionnelles : entre profession infirmière et profession médicale, entre profession médicale et profession administrative. Préciser les rôles de l'hôpital public.
Il ne peut plus être le lieu de tous les soins et de solution à tous les problèmes sociaux. Recréer des liens entre décideurs-sociaux et décideurs sanitaires. Créer des structures sociales libérant l'hôpital de contraintes qu'il ne sait pas bien gérer et qui coûtent très cher.
- Arrêter la privatisation rampante actuelle. On est le pays européen qui a cédé la plus grande part au secteur privé à but lucratif. Redynamiser les équipes par la recherche de la qualité. Démarche d'accréditation prévue par la loi, et surtout accréditation entre services. Une nouvelle forme d'auto-contrôle riche d'avenir.
- Favoriser la transparence. Participation du citoyen (non élu) au conseil d'administration, création de lieu d'échanges entre professionnels, soignants et administratifs, affichage des réalisations de l'hôpital...
(source http://www.noelmamere.eu.org, le 22 mars 2002)