Interview de M. Patrick Devedjian, délégué général et porte-parole du RPR, à RTL le 27 février 2002, sur la polémique sur les bilans du septennat de J. Chirac et du gouvernement de L. Jospin, les attaques de L. Jospin contre J. Chirac et sur l'intervention de F. Bayrou à Toulouse lors de la réunion de l'Union en mouvement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt D'où vient cette impression que L. Jospin accélère sa campagne, sans que J. Chirac réplique coup pour coup ?
- "Mais parce qu'au départ, J. Chirac, avec beaucoup de noblesse d'ailleurs, avait choisi de positionner sa campagne sur le thème du respect, respect pour l'adversaire notamment et que curieusement, L. Jospin a répliqué par l'agression personnelle et même par le mensonge, relayé en plus par ses lieutenants. Alors, cela crée un mauvais climat. Je comprends d'ailleurs que L. Jospin en soit là, parce qu'il n'a pas de bilan en définitive. Qu'est-ce qu'on voit ? C'est que pour le chômage la France est l'avant dernier pays de l'Union européenne au niveau du taux. Qu'est-ce qu'on voit ? C'est que le projet de M. Jospin a perdu toute crédibilité, parce que la situation économique ne permettra pas de faire ce qui n'a pas été fait dans une situation de croissance. Donc, il lui reste l'attaque personnelle."
Mais alors, c'est de l'attaque personnelle quand L. Jospin dit que J. Chirac a été finalement le représentant d'une présidence presque protocolaire, inactive mais critique ?
- "Oui, c'est de l'attaque personnelle. En plus ce n'est pas vrai. Par exemple, si je prends les seules deux années de J. Chirac, il en a fait plus que L. Jospin en cinq ans. Par exemple, si vous prenez la délinquance, dans ces deux ans, elle a baissé de 10% ; dans les cinq ans de L. Jospin, elle a augmenté de 16%. Si vous prenez le total des réformes qui ont été faites, y compris d'ailleurs dans ce qu'attaque L. Jospin, par exemple la loi sur l'exclusion : la première lecture a été sous le mandat d'A . Juppé, battue à l'Assemblée Nationale."
Mais elle a été arrêtée nette par la dissolution !
- "Elle a été arrêtée nette, mais le projet était lancé et repris par les socialistes, presque mots pour mots d'ailleurs, à la virgule près. Et donc, on ne peut pas dire que J. Chirac n'a pas tenu ses promesses, puisqu'il avait mis sur le chantier cette loi sur l'exclusion. Et dans le domaine de l'exclusion, M. Jospin est mal placé, parce que nous avons toujours le même nombre d'exclus - 7,5 % de la population -, le seuil de pauvreté reste ce qu'il est, le nombre de RMIstes reste stable. Donc, s'il y a un domaine dans lequel il n'a pas de leçon à donner après cinq ans de socialisme et cinq ans de croissance, c'est bien celui de la fracture sociale."
"Présider autrement" 'est l'un des slogans de la campagne électorale de L. Jospin. Vous pensez que L. Jospin, s'il était élu, présiderait autrement ?
- "Je voudrais savoir ce que cela veut dire, parce que si les Français, à notre détriment, et même si nous n'en sommes pas d'accord, choisissent une nouvelle cohabitation - cela peut arriver -, qu'est-ce que cela veut dire, "présider autrement" ? Si M. Jospin est élu président de la République et que la droite gagne les élections législatives, qu'est-ce que cela veut dire "présider autrement" ? Est-ce que cela veut dire que M. Jospin va démissionner, parce qu'il n'accepte pas une nouvelle cohabitation ? Il faudrait qu'il nous le dise. Ou est-ce que cela veut dire que comme président il ne va pas accepter que ses adversaires politiques puissent gouverner normalement, il ne va pas faire comme J. Chirac, jouer loyalement le jeu des institutions ? Il faudrait qu'il nous le dise."
On peut poser aussi la question : si J. Chirac est réélu, de son côté, vous pensez qu'il présidera autrement ?
- "Si J. Chirac est élu, pour qu'il préside autrement, il faut que nous gagnions les élections législatives, sinon, il y a une logique des institutions et on attend du président de la République qu'il la respecte, qu'il soit L. Jospin ou qu'il soit J. Chirac."
En fait, quand L. Jospin parle de présider autrement, je pense qu'il pense - il le dit d'ailleurs - au changement de cap de temps en temps, au début de son septennat, de J. Chirac, qu'il a changé souvent de convictions
- " J. Chirac a beaucoup moins changé..."
Il a fait le contraire de ce qu'il avait promis, voilà ce que dit Jospin.
- "C'est L. Jospin qui l'a fait. Qui est-ce qui avait dit qu'on ne fermerait pas Vilvoorde avant la campagne ? C'est bien L. Jospin. Qui est-ce qui avait dit qu'on n'ouvrirait pas le capital de France Télécom, qui avait signé avec SUD et défilé avec eux ? C'est bien L. Jospin. Qui est-ce qui a dit qu'on ferait la taxe Tobin ?"
C'est le virage de la rigueur...
- "Ah oui, d'accord ! Dans le cas de L. Jospin, c'est le virage de la rigueur, et pour J. Chirac, cela s'appellerait autrement, cela s'appellerait l'infidélité, nous dit M. Jospin ? Ecoutez, j'ai pointé dans la déclaration de politique générale du Premier ministre investi - pas du candidat Jospin, le Premier ministre investi -, M. Jospin, 19 juin 1997, qu'il y a 15 engagements pris par le Premier ministre qui n'ont pas été tenus dans un quinquennat qui pour M. Jospin a été complet et qui n'a pas été interrompu. Il nous avait même promis la suppression de la police politique - ce qui était idiot d'ailleurs -, des Renseignements Généraux, il n'a rien fait. Il nous avait promis par exemple que les ministres ne pourraient pas cumuler avec un mandat local : cela ne s'est pas fait. Il avait promis la réhabilitation d'un million de logements, cela ne s'est pas fait. Pour les promesses non tenues, M. Jospin est orfèvre."
On voit que vous êtes prêt à cogner ! Je voudrais poser une question plus calme au juriste que vous êtes : une révision du statut juridique du Président, pour éviter qu'il ne puisse pas ne pas aller témoigner, cela clarifierait le débat selon vous ? C'est une proposition de L. Jospin.
- "C'est encore une des malhonnêtetés intellectuelles de M. Jospin."
Décidément...
- "Il veut nous faire croire que le président de la République est dans une situation d'impunité : ce n'est pas vrai ! Les choses sont assez simples. Si le président de la République est poursuivi, cela ouvre une crise politique, c'est à peu près évident. Or, dans une démocratie qui peut ouvrir une crise politique ? Le Parlement. Et c'est pour cela que nos institutions prévoient que si on veut poursuivre le président de la République, c'est le Parlement qui doit le décider."
Vous reprochez à L. Jospin de ne pas l'avoir fait ?
- "Or, L. Jospin avait une majorité parlementaire, il n'a même pas essayé. Bon ! C'est donc qu'il n'avait rien à reprocher au président de la République. Donc, il est mal venu aujourd'hui de venir dire qu'il est dans une situation d'impunité, alors que lui, s'il a des reproches à faire au président de la République, avait le moyen de le faire. Donc, tout cela participe de cette campagne d'insinuations en même temps qu'elle correspond à une malice du personnage."
Parlons d'un autre personnage : F. Bayrou. Comment expliquez-vous sa démarche à Toulouse et est-ce qu'il a marqué un point ?
- "J'espère qu'il va récupérer un peu de consistance, parce que c'est une bonne chose pour l'opposition, le centre existe, c'est une famille politique traditionnelle et nous avons besoin d'elle au deuxième tour."
Il ne fallait pas le siffler alors !
- "Non mais attendez, il a un petit peu provoqué aussi et puis après tout, ce n'est pas grave. En tous les cas, il y a une chose que vous n'imaginez pas : c'est que par exemple M. Chevènement, qui réclame sans arrêt un débat, puisse aller à une convention du Parti socialiste et participer à un débat comme a pu le faire, avec nous, F. Bayrou. Finalement, l'opposition est un lieu où on débat, où on peut avoir des désaccords, c'est le propre de gens qui travaillent ensemble."
Effectivement, cela ne s'est pas très bien passé pour Bayrou à Toulouse !
- "Cela s'est plutôt bien passé, il a parlé très librement, d'un point de vue qui n'était pas évidemment celui de la plupart des gens qui étaient présents, mais qui représentait un vrai problème. J'espère d'ailleurs qu'encore une fois, cela va lui redonner un petit peu de tonus, parce qu'on compte sur lui au deuxième tour - et il l'a dit d'ailleurs très loyalement, qu'il serait là au deuxième tour."
C'est de l'apaisement ce que vous faites !
- "Non, ce que j'ai regretté un petit peu, c'est qu'il n'explique pas davantage sa différence, parce que finalement, je me demande si son faible score ne provient pas de la difficulté à identifier la réalité du centrisme, tel qu'il est porté aujourd'hui par F. Bayrou."
Vous lui conseillez de se marquer davantage alors? C'est gentil !
- "Je lui conseille - si je peux me permettre de lui donner un conseil, c'est à lui de conduire sa campagne -, c'est que nous réussissions à comprendre mieux ce qui fait sa différence. Il y a plusieurs sensibilités, a-t-il dit, à juste raison, dans la famille de l'opposition ; eh bien il faudrait pouvoir mieux comprendre celle qu'il représente."
Et donc, qu'il puisse faire un meilleur score ?
- "Et qu'il fasse un meilleur score naturellement, puisque nous avons besoin de réserves pour le deuxième tour, tout le monde nous le dit. Et donc, meilleur sera son score, meilleur sera le report au second tour."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 février 2002)