Texte intégral
R. Arzt Vous appartenez à la catégorie dite des "petits candidats". Avez-vous les 500 signatures de maires qui vous permettront d'être effectivement candidate ?
- "Oui, je les ai quasiment, mais j'en veux davantage, parce qu'il peut y avoir des défections au dernier moments. J'essaye d'en avoir quelques autres en plus."
En plus de 500 signatures ? Il faut en avoir combien pour avoir un matelas confortable ?
- "Je pense entre 550 et 570."
Vous en êtes à combien ?
- "J'en suis à près de 500."
Votre rôle dans cette campagne présidentielle, comment le définissez-vous ? Quel rôle voulez-vous jouer ?
- "Je veux essayer de faire en sorte qu'il y ait un véritable débat dans cette campagne présidentielle, car j'ai l'impression que, pour l'instant, on est plutôt dans un tombereau d'ordures et qu'on est plus dans des réponses techniques que dans des problèmes de fond. Je propose de mettre la France au service de l'homme, dans sa globalité, de la conception à la mort naturel et en regardant toutes les conditions de vie - la précarité, l'exclusion - qui sont pour moi insupportables."
Quand vous dites "tombereau d'ordures", vous pensez à quoi ?
- "Je pense à tous les mots, toutes les violences que l'on peut entendre. Hier, on a entendu Madame Voynet devant ses militants, M. Juppé à propos de M. Schuller... On entend M. Le Pen qui lui aussi est très agressif dans ses propos. Je trouve que cela n'a aucun intérêt. Moi, je ferai une campagne qui n'attaque pas les personnes mais qui demande un véritable débat d'idées."
J.-M. Le Pen, hier, proposait de lancer une croisade contre le mensonge. Il vise J. Chirac en particulier. Que pensez-vous du mot "croisade" ?
- "C'est un mot qui est fort et qu'il n'a pas pris par hasard. Je pense que la vérité de M. Le Pen peut être relative aussi, comme celle d'autres. Quel est son programme ? C'est cela qui est important."
C. Clerc parlait de l'électorat féminin. Etre candidat et femme de nos jours, c'est un plus ?
- "Je pense que pour l'opinion, c'est un plus. Pour les observateurs j'en suis moins convaincue. J'ai l'impression qu'aujourd'hui être candidate à l'élection présidentielle n'est pas encore entré vraiment dans la tête des observateurs politiques."
C'est-à-dire ?
- "J'ai le sentiment d'être moins bien traitée que les hommes candidats, même dans les petits candidats. Je trouve cela stupéfiant et étonnant. Je suis une femme, je suis candidate, j'ai toujours dit que j'irai jusqu'au bout. J'irai jusqu'au bout et je trouve que je ne suis pas traitée d'une façon équitable."
En tout cas, vous êtes invitée ce matin ! Je vous pose la question sur le franc. Il n'a plus cours. Vous vous félicitez de l'arrivée de l'euro, sans réserve ?
- "Je souhaite la réussite de l'euro, même si pour moi ce n'était pas obligatoirement la première chose à faire. On n'est pas prêt de payer notre pétrole avec l'euro. Je souhaite qu'il réussisse, mais la question de fond qui se pose, aujourd'hui, est de savoir quelle Europe nous voulons ? Est-ce que c'est une Europe structurelle ou une Europe humaine ? Je propose des choses très concrètes en ce qui concerne la construction européenne, et en particulier de rajouter un cinquième critère pour lutter contre la pauvreté au plan européen, car aujourd'hui nous avons plus de 10 % de notre population qui se trouve en dessous du seuil de pauvreté. C'est insupportable."
Vous vous êtes faite connaître, il y a trois ans, en combattant résolument le Pacs à l'Assemblée. Depuis, les statistiques montrent que cela ne marche pas si mal. Cela n'a pas eu d'effets négatifs sur le nombre de mariage ni d'ailleurs sur le nombre des naissances. Votre objectif reste de supprimer le Pacs ?
- "Je supprimerai bien sûr le Pacs si j'étais élue, mais mon objectif n'est pas celui-là. Mon objectif est de dire que les responsables politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'ont pas voulu affirmer depuis des années et des années que le comportement familial n'était pas interchangeable et qu'il y avait des comportements familiaux qui avaient des conséquences positives pour la société et d'autres moins. En particulier, la stabilité de la famille. Je crois qu'il faut que nous encouragions la stabilité de la famille, car toutes les instabilités de la famille entraînent les violences, la précarité auquel je faisais allusion tout à l'heure. Il faut absolument dire que tout n'est pas équivalent dans ce pays."
Vous n'avez pas vraiment évolué sur la question ?
- "Ce n'est pas une question d'évolution. Quand vous dites que ce n'est pas si mal que cela le Pacs, je vous dis que c'est plutôt un échec. Par rapport aux 5 millions de Français qui l'attendaient comme nous le disait M. Guigou, on en voit 50.000. C'est tout de même très peu. Je pense que les Français sont intelligents car ils ont répondu à un ovni juridique par l'augmentation des mariages. "Vous avez voulu, vous les politiques, nous proposer quelque chose qui n'a pas de sens, eh bien, nous allons nous marier davantage". Bravo les Français !"
C'est votre interprétation du chiffre. Sur la précarité : dans votre programme, vous insistez beaucoup là-dessus. Vous voulez prendre le relais de la lutte contre la fracture sociale qui était le maître-mot de J. Chirac, il y a sept ans ?
- "On se rend compte que depuis sept ans, il n'y a pas eu du tout d'évolution de ce problème, quand on voit que la croissance a été de plus de 3 % et que nous avons plus de 4,5 millions personnes en France qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il y a 800.0000 personnes sur notre territoire qui, chaque matin, ne savent pas où ils vont dormir, ce qu'ils vont manger. C'est quelque chose qui ne peut pas continuer. En tous les cas, nous sommes en échec total."
Vous êtes précise, sur le droit au logement par exemple...
- "Absolument. Je crois qu'il est tout à fait normal d'assurer un droit au logement, car quand on n'a pas de logements, pas de toits, on va obligatoirement vers la précarité. Il suffit de prévoir une mutualisation des risques en particulier pour les propriétaires. Je suis convaincue qu'on arriverait ainsi à pouvoir donner ce droit au logement à tous."
Vous vous adressez aux propriétaires qui pourraient voter pour vous ?
- "Non, pas spécialement aux propriétaires. Le problème est de mettre l'homme au coeur du projet politique. On ne peut pas accepter de voir dans notre pays des gens qui vivent en dessous de ce seuil de pauvreté et qui ne peuvent pas être logés. On peut comprendre qu'un propriétaire n'ait pas envie de voir s'abîmer son logement ou que même s'il n'en a pas les moyens ne pas lui donner les conditions décentes de location. C'est inacceptable. Il faut permettre à tous d'être logés. S'il y avait une volonté politique, il y aurait la possibilité d'y répondre. Quand on n'a pas de logements, on est à la rue et donc, on est précarisé."
Finalement, politiquement, vous vous situez où ? On vous situe en général à la droite de la droite.
- "Je ne sais pas où on je me situe, mais moi, ce qui m'intéresse ce n'est pas de savoir si on est à droite ou à gauche. Quand on voit un système politique où il y a la cohabitation et où tout le monde se côtoie, mon positionnement n'est pas celui-là. Mon positionnement est de savoir quelle est la place de l'homme dans notre société."
C'est une bonne chose pour vous que P. de Villiers, finalement, ne se présente pas aux présidentielles ?
- "Les Français en décideront. Je n'en sais rien. Il a pris sa décision librement."
Cela vous arrange ?
- "Je ne sais pas. Oui, sans doute, vraisemblablement."
Au soir du premier tour de la présidentielle vous apporterez votre soutien à J. Chirac ?
- "Je ne donnerai pas de consignes de vote. Mais ce que je peux dire, c'est que chaque voix comptera pour peser dans la politique de demain sur la place de l'homme dans notre société."
Vous avez été suspendue de l'UDF. Qu'est-ce que vous pensez de F. Bayrou aujourd'hui ?
- "Je suis un peu triste pour lui. Mais au-delà de cela, je suis inquiète pour l'UDF."
C'est-à-dire ?
- "Je ne sais pas comment il va s'en sortir après l'élection présidentielle. Est-ce qu'il existera toujours ? Cette famille politique a pourtant raison d'exister sur notre territoire politique français."
(Source:Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 février 2001)