Déclaration de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le lancement de l'Année francophone internationale 2002, à Paris le 14 février 2002.

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Circonstance : Lancement de l'Année francophone internationale 2002, à Paris, au secrétariat d'Etat à l'outre-mer le 14 février 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Léopold Senghor, à qui je veux rendre hommage aujourd'hui, a défini en 1969 la Francophonie comme, je le cite, " une volonté humaine sans cesse tendue vers une synthèse et toujours en dépassement d'elle-même pour mieux s'adapter à la situation d'un monde en perpétuel devenir ".
Définition pleine de sens, plus de trente ans après, dans un monde où dominent les flux davantage que les appartenances rigides et exclusives et où les identités ne peuvent plus être aussi rigoureusement délimitées. C'est bien l'enjeu de la francophonie et de l'espace, linguistique, culturel, politique, qu'elle dessine : une synthèse qui n'est pas un nivellement des différences et des singularités, mais qui les laisse vivre, qui les laisse s'épanouir sur un terreau commun. C'est le sens de la politique que ce gouvernement a souhaité pour la francophonie ; c'est en ce sens qu'agit Charles Josselin, le ministre qui en a la responsabilité.
La langue française, en effet, est un bien commun, c'est-à-dire, et c'est la définition du commun, un bien qui n'appartient à personne en propre, dont personne ne peut dire qu'il en détient la substance et la vérité. C'est un bien ouvert aux nuances et aux enrichissements régionaux, plus encore, c'est un bien qui n'est pas séparable de la totalité de ses variations, accents et inflexions. Et c'est un bien, en cela, qui appelle, comme vous le soulignez, M. Tétu, au dialogue des cultures, aux échanges, aux rencontres, à la solidarité, à la coopération.
La Francophonie est une aventure commune, culturelle, politique, économique, qui permet, comme l'a dit encore Senghor, de " s'ouvrir aux pollens fécondants de l'Autre ". Une aventure dans laquelle, évidemment, les outre-mers ont toute leur place. Ne sont-ils pas des espaces de métissage, où se marient les styles, où se conjuguent les influences ? Ne sont-ils pas des carrefours où les civilisations n'ont cessé de se croiser, se s'interpénétrer et de montrer ainsi la fécondité de ce qu'Edouard Glissant, qui préside votre comité scientifique, appelle la Relation ?
Les relations y sont en effet multiples. Elles transcendent les frontières, elles se jouent des uniformités : relations entre des imaginaires, relations entre des histoires, entre des destins, que nourrit d'ailleurs le multilinguisme et qui nous rappelle que l'essence même de la culture, c'est de ne pas être identique à elle-même, mais d'être toujours différente d'elle-même, d'être toujours au-delà d'elle-même - Senghor disait : " dépassement de soi ".
Ce que je retiens aujourd'hui, dans la richesse que recèle l'idée de francophonie, c'est cela : cette promesse d'apports mutuels par delà les frontières, cette élaboration d'un espace où les peuples se touchent les uns les autres par delà ce qui les sépare. Dans la francophonie, des femmes et des hommes participent à ce travail formidable d'une création continue du commun, sans restriction, sans fermeture, en Afrique, en Amérique, en Europe, en Asie, dans le Pacifique, donnant chair à l'idée que leur destin se joue aussi au-delà des seuls territoires nationaux.
C'est pour toutes ces raisons, notamment, que j'ai accepté de vous accueillir ce soir au Secrétariat d'Etat à l'outre-mer, pour le lancement de l'Année Francophone Internationale 2002 et pour celui du colloque international consacré à l'histoire de la francophonie en Amérique et des échanges avec l'Europe et l'Afrique. Je me réjouis également et évidemment que cette publication fasse une large part aux outre-mers : elle retrace les événements marquants qui ont eu lieu dans les départements et les territoires d'outre-mer, elle insiste avec raison sur les progrès économiques et sociaux qu'ils ont connu en 2001, notamment, on ne le sait pas assez ici, sur la forte croissance et sur la baisse significative du chômage. Le colloque mérite également toute notre attention : l'histoire de la Francophonie permet, je le crois, d'en saisir les enjeux, de comprendre comment se constituent ses réseaux et de mesurer l'importance de ses mutations et de ses évolutions.
Car l'idée de la Francophonie n'a de sens que si, loin des certitudes bornées ou des préjugés faciles, elle ne cesse de s'interroger sur ses propres fondements, sur ses principes, sur ses limites, bref de se réinventer en permanence. C'est en cela, je crois, qu'elle nous tient à cur. Je vous remercie et vous souhaite, une nouvelle fois, la bienvenue en ces murs.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 1e mars 2002)