Interview de M. Jean Saint-Josse, président de Chasse, Pêche, Nature et Tradition et candidat à l'élection présidentielle à La Chaîne info le 21 mars 2002, sur son refus de donner des consignes de vote pour le deuxième tour, ses propositions pour faire une loi d'aménagement du territoire et sur la sécurité et sur la préparation des élections législatives.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Vous êtes candidat de Chasse, pêche, nature et tradition. Aux européennes, vous avez surpris tout le monde par le score de votre liste - plus de 6 %. Là, vous êtes crédité de 1,5 % à 3 % dans les sondages. C'est un peu moins bien. C'est plus difficile comme campagne ?
- "Non, mais je ne crois pas aux sondages de toute façon. En 1999, on nous expliquait qu'on allait faire 1 %. On a fait sept fois plus. Alors, aujourd'hui, à 3 %, sept fois plus cela peut faire 21 %."
Donc, vous allez être élu ?!
- "Non, je n'ai pas la prétention d'être président de la République."
Qu'allez-vous faire de vos voix ? Vous allez faire comme A. Laguiller ?
- "Je pars d'un principe qui est très simple : les Françaises et les Français qui iront voter pour moi au premier tour - et c'est le bon sens - ne veulent pas voter pour les autres candidats. Puisqu'il en reste deux de ceux-là au second tour, ils ne voudront pas, non plus, ceux-là. Donc, je ne donnerai aucune consigne de vote."
C'est sûr ?
- "Absolument. Je suis un homme de parole. Je ne suis pas un politique."
C'est vous qui le dites : à partir du moment où on est élu, on peut considérer qu'on l'est quand même ? Vous êtes un élu local, avant même d'être un élu national...
- "C'est important, parce qu'on est prêt des racines et prêt des problèmes quotidiens des gens."
Quand vous dites que vous ne donnerez pas de consignes de vote, on dit aussi qu'au premier tour, on choisit, et qu'au deuxième tour, on rassemble.
- "Non, au deuxième tour, on élimine. Puisqu'il n'en reste que deux, on élimine l'avant dernier souvent."
On verra. Vous avez fait campagne sur la chasse. C'est votre vraie raison d'être. Et, là, votre thème, c'est plutôt la ruralité. Que mettez-vous dans la ruralité ? Vous voulez mettre non pas les villes à la campagne, mais la campagne à la ville ?
- "Non, pas tout à fait. Au départ, c'était vraiment un mouvement réactif, car la chasse a été malmenée. On n'a peut-être pas su bien l'expliquer, mais la chasse n'est qu'un élément de la ruralité et de l'espace. Le gros problème, aujourd'hui, c'est qu'il y a 80 % de gens qui vivent sur 20 % du territoire. Cela crée des problèmes dans les villes parce qu'on entasse les gens. Donc, ce sont des problèmes de promiscuité, de convivialité. A la campagne aussi, on a les mêmes problèmes, puisqu'on a 20 % des gens sur 80 % du territoire. Quelle est la femme qui voudra venir dans ce territoire, si demain il n'y a plus de halte garderie, puis de Poste, plus de gendarmerie ? C'est cet équilibre que nous voulons refaire."
Vous avez la solution ?
- "Il faut faire une grande loi d'aménagement du territoire, et surtout mettre en avant le service public. Il est inadmissible que le service public ne desserve pas la moindre personne dans les campagnes. Le service public est au service de tout le monde."
La sécurité, vous en parliez : J. Chirac, L. Jospin, et J.-P. Chevènement ont des remèdes contre l'insécurité. Est-ce que vous y avez vraiment réfléchit, en dehors du fait de dire qu'il faut mettre des gendarmeries partout ?
- "S'ils avaient eu les remèdes, cela se saurait."
Ils ont des propositions.
- "La plupart de ces candidats ont gouverné la France les uns et les autres. Ils n'avaient qu'à mettre en place toutes ces belles idées. Ils ne vont quand même pas faire croire aux Français qu'ils vont, l'année prochaine, parce qu'ils vont être élus, mettre en place un certain nombre de solutions ? Il ne faut pas se moquer du monde. Ce n'est pas correct."
Est-ce que vous vous avez des propositions précises ?
- "J'ai un certain nombre d'idées sur la question."
A savoir ?
- "C'est vrai qu'au niveau de la sécurité, il faut sanctionner, quand il y a faute. Et ensuite, il faut que l'on se pose collectivement et individuellement un certain nombre de questions. Moi, je suis un élu local dans une petite commune de 1.300 habitants. Quand les jeunes me "taguent" une salle de sports, ou qu'ils cassent une vitre de salle des fêtes, j'ai peut-être une première question à me poser : qu'est-ce que j'ai fait pour éviter qu'ils fassent cela ? Est-ce qu'ils ont un travail, est-ce qu'ils ont des loisirs, est-ce qu'on n'est pas un petit peu tous responsable de cette situation ? Je crois que c'est cela l'important. On ne les a peut-être pas écoutés. En ne les écoutant pas, on n'a rien fait pour eux. Et donc, moi, je me sens responsable. Mais que tout le monde se dise responsable et ne rejette pas la pierre immédiatement en disant qu'il faut x gendarmes de plus. Si les gendarmes, on leur donnait moins de papiers à faire, moins de paperasserie, ils seraient peut-être plus sur le terrain."
Cela suffirait ?
- "Non cela ne suffirait pas, mais il faut responsabiliser les gens. Dans un immeuble, si les gens se disaient "bonjour" déjà, s'il y avait moins d'isolement, je vous assure que les problèmes baisseraient. Si dans les lycées, au lieu d'avoir un lycée de 2.500 jeunes, on mettait en place des lycées de 250 ou 300 jeunes, on les appellerait d'abord peut-être par leurs nom ou prénom. Il y aurait moins de racket, moins de drogue, moins de violence. L'insécurité vient de la violence qui est partout. C'est violent d'être RMIste, c'est violent de regarder ce que l'on voit à la télé, c'est violent d'être Smicard, violent d'être chômeur. C'est tout cela qui crée l'insécurité."
Une fois que vous avez les causes, il faut les remèdes ?
- "Sûrement, mais je dis qu'il faut d'abord responsabiliser les gens, ouvrir en grand tout un tas de structures, de centres où les gens puissent se rencontrer. Dès qu'il y a dialogue, il y a moins de conflits."
Que proposez-vous pour les retraites ? Est-ce qu'il faut allonger la durée des cotisations ?
- "Le problème est qu'avec le système que nous avons sur la retraite, ce sont ceux qui travaillent qui payent pour ceux qui sont à la retraite."
Cela s'appelle la répartition...
- "Plus la population vieillie - et tant mieux -, plus il y a de retraités et plus on a de chômeurs d'un autre côté. Comment va-t-on faire ? Je n'en sais rien. 2.500.000 chômeurs, ce n'est quand même pas moi qui les ait créés. Parce que quand on me dit, aujourd'hui, qu'il faut éviter le chômage, ceux qui sont en charge de l'Etat ou qui ont été en charge de l'Etat ont créé le chômage et l'insécurité. Il ne faut pas me le demander, à moi, qui sort du rang. Mon père était marché ambulant et j'ai commencé par faire les marchés. J'ai galéré et je sais ce que cela veut dire. Il ne faut pas me demander, à moi, qui n'a pas la prétention d'être président de la République, de régler tous les problèmes qu'il y a en France, alors que ceux qui doivent les régler ne l'ont pas fait."
Vous n'avez pas l'intention d'être président de la République, mais vous voulez devenir député ? Vous êtes député européen et vous voudriez bien devenir député français ?
- "Je poursuis trois objectifs : le premier est effectivement de passer un message sur nos valeurs - aménagement du territoire, égalité des chances, service public, préserver les traditions, une Europe des différences et une écologie humaine. Ce sont les axes. Créer une politique de proximité. Deuxième objectif : réaliser un score supérieur à celui des élections européennes - 1,2 millions votes. J'espère que l'on fera plus. Je lance un appel aux Françaises et aux Français de nous rejoindre. J'en profite. Troisièmement, effectivement, présenter des candidats à l'élection législative. Parce qu'à la présidentielle, celui qui va être élu président de la République, s'il n'a pas une majorité à l'Assemblée nationale, il inaugurera les chrysanthèmes. Il a de la chance, car il va faire deux ans de moins, car on est passé du septennat au quinquennat. Mais le pouvoir est à l'Assemblée nationale. Nous aurons donc des candidats à l'Assemblée nationale."
Est-ce que vous feriez comme N. Mamère qui dit : "Si je n'ai pas 5 % des voix, je retourne au journalisme" ? Est-ce que vous rentreriez chez vous, si vous ne faisiez pas 5 % des voix ?
- "Effectivement, si je ne fais pas - je ne parle pas en pourcentage mais par rapport aux nombres d'exprimés - 1,2 millions voix, je me remettrai complètement en cause. Premièrement, mon message ne serait pas passé et je n'aurai pas pu convaincre, je n'aurai pas pu mobiliser et donc ce serait un échec."
Est-ce que vous empêchez des maires qui sont proches de vous de donner leur signature à C. Lepage ou à d'autres candidats ?
- "Je n'empêche rien. Je n'ai pas cette prétention. Pour être candidat à l'élection, il faut deux choses : être citoyen français et avoir 500 signatures d'élus. Je suis français et j'ai les signatures. Après, tous les maires sont libres de faire ce qu'ils veulent. Que les candidats qui pleurent, aujourd'hui, de ne pas avoir les signatures, se posent la question : "Pourquoi n'ai-je pas les signatures ? Peut-être que je n'ai rien fait de plus". N'oublions pas qu'il y a 30.000 communes de moins de 2.500 habitants en France, sur 36.664 communes. Ces maires-là veulent qu'on s'exprime pour eux. Ils sont délaissés. On leur donne beaucoup de responsabilités, on ne leur donne aucun moyen. Ils souhaitent que je puisse le dire. Alors, je le dis avec mon coeur, tout simplement."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 mars 2002)