Déclaration de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la réforme de la formation professionnelle, notamment la validation des acquis de l'expérience et la négociation sur la place de la formation avec les partenaires sociaux, Opio le 25 janvier 2002.

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Circonstance : Clôture de la 7ème université d'hiver de la formation professionnelle à Opio le 25 janvier 2002

Texte intégral

C'est la deuxième fois, et très probablement la dernière, que j'ai le plaisir de conclure ces universités d'hiver. C'est donc pour moi l'occasion de porter un regard rétrospectif sur les quatre années qui viennent de s'écouler, sur les progrès accomplis à travers le vaste processus de réforme que j'ai engagé en prenant mes fonctions dans ce gouvernement. Vous me permettrez également de dresser quelques pistes pour l'avenir. Car, chacun d'entre vous en a conscience, nous ne sommes pas au bout de nos efforts pour refonder notre système.
Mais avant de poursuivre, je souhaite adresser mes félicitations à l'équipe de Centre Inffo qui, une fois encore, n'a pas ménagé ses efforts pour la réussite de ces trois journées. J'adresse également tous mes remerciements à celles et à ceux qui ont contribué à la richesse des débats dans les ateliers et les tables rondes.
Ces nombreux ateliers sont l'occasion de dresser, en quelque sorte, "l'état de l'art " dans un domaine où l'échange des bonnes pratiques constitue un facteur indispensable de progrès. C'est aussi un moment de débat, en toute liberté, entre tous ceux qui contribuent au pilotage et à la gestion de l'action collective des dispositifs de formation des adultes. Cette 7ème édition de l'université d'hiver a confirmé l'utilité de ces rencontres.
Je vous invite tout d'abord à mesurer l'ampleur du chemin que nous avons parcouru ensemble. Je le mesure moi-même lorsque je me remémore les discussions autour du livre blanc que j'ai diffusé en mars 1999. La formation professionnelle avait perdu en partie son identité et chacun se demandait comment sortir des débats sur la "tuyauterie", pour reprendre une expression maintes fois entendue. La très large concertation qui s'est engagée, les efforts faits pour se mettre autour d'une table et trouver ensemble des réponses pragmatiques à des questions délicates comme celles du financement de l'apprentissage, de la coordination des acteurs au niveau régional, de la qualité de l'offre de formation (et je pourrai bien d'autres chantiers), tout cela a contribué à redonner sens à la formation professionnelle. On peut, certes, regretter que certains des piliers de la réforme ne soient pas encore dressés.
Mais on doit reconnaître que la formation professionnelle est à nouveau porteuse d'espoir et que les acteurs se sont mis en mouvement pour tenter de traduire dans l'action collective quelques principes aujourd'hui largement partagés. Ce domaine de l'action publique, longtemps considéré comme opaque, voire comme " inréformable ", retrouve progressivement la place qui lui revient dans le fonctionnement de notre société.
Fallait-il presser le mouvement et passer outre certaines résistances au changement qui se sont manifestées, inéluctablement, tout au long de ce processus ? Chaque fois que nous sommes parvenus à définir clairement des objectifs communs, nous avons pressé le pas et posé de nouvelles règles quitte à remettre en cause certains avantage acquis. Mais j'ai la conviction, que le meilleur des dispositifs de formation ne vaut que si la acteurs qui le portent sont disposés à le faire vivre. Je ne regrette donc pas d'avoir privilégié le dialogue et la concertation. Cela ne nous a pas empêché de franchir deux étapes décisives qui constituent à mes yeux des points de non-retour et qui jalonneront la suite du processus de réforme, quels que soient ceux qui en assureront la responsabilité politique dans les années à venir. Je veux parler de la validation des acquis professionnels et de la concertation enfin renouée entre les partenaires sociaux sur la réforme de la loi de 1971.
Tout d'abord, la validation des acquis de l'expérience. Je vous avouerai que, lorsque j'ai engagé ce chantier, je n'appréhendais pas toutes ses répercussions et les bouleversements qu'il était susceptible d'engendrer. Je ne reviendrais pas sur le contenu de ce nouveau droit ; la plupart d'entre vous connaissent le texte adopté par le Parlement et les dispositions réglementaires qui seront adoptées d'ici la fin du mois de février. Je tiens cependant à vous préciser que les décrets VAE seront prêts et seront adressés au Conseil d'Etat la semaine prochaine. Je voudrais souligner les changements radicaux qu'il entraîne tant pour les individus que pour le fonctionnement même de notre système de formation.
Récemment encore j'ai entendu le témoignage de personnes qui s'était engagées dans cette démarche. Ces témoignages sont venus confirmer les axes que j'ai choisi pour la campagne de communication sur la validation des acquis de l'expérience qui débute la semaine prochaine dans l'ensemble de la presse quotidienne régionale : " Transformez votre expérience en diplôme " et " soudain ma vie s'est accélérée ". J'ai encore à l'esprit le cas de cette femme de 35 ans, serveuse dans un restaurant d'entreprise qui nous a dit sa satisfaction que son savoir-faire soit enfin reconnu, sa fierté d être considéré comme une " professionnelle " dans un milieu où les fonctions de service, généralement assurées par des femmes, sont l'objet d'un regard condescendant de la part de ceux qui sont en cuisine. Mais ce qui m'a le plus frappé c'est la confiance retrouvée par cette femme dans sa capacité à progresser. Elle nous a fait part de sa volonté de s'engager dans la préparation d'un CAP de cuisine et son espoir de devenir un jour responsable d'un site de restauration collective. Pour cette personne, la validation des acquis de l'expérience, ce n'est pas seulement la fierté d'un diplôme, c'est l'engagement dans un parcours, la redécouverte du plaisir d'apprendre et de progresser, un élan pour casser le fatalisme d'une situation professionnelle et sociale.
Ce témoignage n'est pas isolé. A la RATP, Chez Vivendi environnement, au club méditerranée, dans des entreprises de construction automobile, à France Télécom, Chez Air France industrie, dans la branche de la plasturgie ou dans celle du bâtiment notamment de l'artisanat et des TPE, et je pourrai citer bien d'autres entreprises ou secteurs professionnels, la " VAE " devient une composante de la gestion des qualifications et des parcours professionnels. L'ANPE, l'AFPA, les ASSEDIC l'intègrent progressivement dans leurs dispositifs d'accompagnement des demandeurs d'emploi. Tous les échos qui me reviennent aujourd'hui le montrent: les acteurs de la formation s'approprient ce nouveau droit et s'appuient sur la validation des acquis pour transformer leur démarche d'orientation, d'accompagnement des parcours professionnels et de construction de l'offre de formation. Je ne sous estime pas les nombreux obstacles qu'il faut encore franchir pour soutenir cet élan : comment améliorer le fonctionnement des réseaux d'accueil et d'information, comment rénover les procédures de validation elle même pour les adapter à un public d'adultes expérimentés, comment donner plus de cohérence et de lisibilité à notre système de certification
Sur tous ces points, des groupes de travail sont déjà en place. La commission nationale des certifications professionnelles qui sera bientôt installée aura à veiller à ce que tous ces chantiers progressent.
Puisqu'il y a ici de nombreux acteurs locaux, je voudrais insister sur la dimension territoriale de cette mobilisation autour de la VAE. Les conseils régionaux ont un rôle majeur à jouer en la matière. La plupart s'y sont déjà engagés. Nous sommes prêts à leur apporter notre appui pour favoriser la mise en place de réseau de " points relais conseil " sur la VAE, localisés dans les organismes en charge de l'accueil du public et reliés à des plate-forme inter-services. Le budget 2002mobilise pour ces objectifs 4,5 millions d'euros.
N'est-ce pas là une occasion de repenser, plus globalement, l'organisation des structures d'orientation et d'information sur la formation professionnelle? Je pense notamment au rôle des CARIF, à la place des centres interinstitutionnels de bilan de compétences, aux "cités des métiers". Parmi les expérimentations que j'ai soutenues depuis deux ans, plusieurs portent sur ce thème. Nous devons prochainement examiner une première évaluation de ces expérimentations.
Ce doit être l'occasion de redéfinir des axes de travail communs avec les conseils régionaux, avec les différentes administrations ou établissements publics concernés et avec les organismes paritaires. Le savoir-faire de Centre Inffo et la qualité de ses services en matière d'information des professionnels de la formation seront certainement très utiles pour mener à bien ce chantier. Je voudrais rappeler que cet organisme est au service de l'ensemble des acteurs, aussi bien régionaux que nationaux, et qu'il est dans ses missions de leur apporter appui et conseil pour améliorer l'information sur la formation.
Je souhaiterais aborder maintenant un autre sujet.
La deuxième étape décisive de notre action est celle qui a été franchie avec la négociation entre les partenaires sociaux. Il vous paraîtra peut être étrange que j'en parle en ces termes alors que cette négociation a été suspendue en décembre dernier, sans date de reprise. Je suis pourtant convaincue que, là aussi, nous avons franchi un point de non-retour. Les organisations patronales et syndicales se sont engagées dans une véritable refondation des règles collectives qui avait été définies au début des années 70. Cela ne pouvait aller sans remettre en cause de nombreux intérêts et sans bousculer des habitudes bien établies. Certains ont préféré la logique du statut quo plutôt que le risque du changement. Comme quoi, le goût du risque n'est pas toujours du coté où on le dit ! Je suis persuadé pour ma part que cette négociation reprendra. D'abord parce qu'elle a permis de réaffirmer le rôle central des partenaires sociaux dans la définition des règles d'accès à la formation pour les salariés. Nul ne conteste la nécessité d'un cadre général de fonctionnement de notre système de formation, défini par la loi. Le moment venu, c'est aux acteurs économiques et sociaux de définir ensemble la place de la formation dans les relations de travail et de trouver les modalités qui permettront de mieux articuler la formation et la progression professionnelle de chacun. La négociation a, de ce point de vue, soulevé des questions essentielles qui ne pourront rester longtemps sans réponse.
Je considère également comme un des acquis de la négociation la volonté exprimée par les partenaires sociaux de donner un contenu concret à la notion de " droit individuel ". Les notions de " plan de développement concerté " et de " projet professionnel individuel " me semblent des pistes fécondes, qui tentent d'adapter l'ambition de la loi de 1971 au contexte économique et social actuel. Elles devraient permettre de satisfaire l'aspiration de nombreux salariés d'être acteurs de leur propre projet de formation et le souhait légitime des organisations syndicales de mettre en place des garanties collectives.
Nous voyons mieux également aujourd'hui comment concilier, je dirai même comment co-construire avec les partenaires sociaux, les deux dimensions indispensables du droit individuel : un droit attaché à la personne, permettant à tous, mais en particulier à ceux qui n'ont pas bénéficié d'une scolarité longue, d'accéder tout au long de leur vie aux connaissances et aux savoir-faire nécessaires à leur épanouissement personnel et professionnel, et un droit ancré dans les relations de travail, facteur de progression et d'autonomie professionnelle.
J'aurais, bien évidemment, apprécié de conduire cette dimension essentielle de la réforme jusqu'à son terme. Mais nous pressentons tous que la construction de ce droit individuel à la formation tout au long de la vie est un véritable choix de société et il n'est pas sans intérêt que ce débat soit posé à la veille d'échéances importantes pour notre vie démocratique. Au moins aurais-je le sentiment d'avoir contribué au cours de ces quatre années à faire en sorte que les termes de ce choix soient clairement posés et d'avoir redonné à la formation la place qui lui revient dans la construction d'une société plus solidaire et plus équitable.
Je sais que tout cela n'aurait pas été possible sans la conviction et les compétences de tous ceux qui ont milité depuis de longues années pour "la formation continue dans le cadre de l'éducation permanente" pour reprendre le titre même de la loi de 1971. Je sais que tout cela n'aurait pas été possible sans la présence de Vincent Merle à mes côtés, sans sa maîtrise du sujet, sans l'estime générale dont il bénéficie.
J'ai trouvé en permanence auprès d'eux écoute, compréhension et volonté de coopérer. J'en mesure d'autant plus le prix que cette fonction ministérielle est loin d'être un "long fleuve tranquille". Je les en remercie d'autant plus chaleureusement; et à tous je souhaite énergie et courage pour continuer la construction de ce bel édifice dont les fondations sont maintenant solides.
(source http://www.centre-inffo.fr, le 28 janvier 2002)