Texte intégral
Christophe HONDELATTE
Le ministre délégué à l'Enseignement professionnel, Jean-Luc MELENCHON, annonce aujourd'hui une réforme du CAP, pour que le premier niveau de la formation professionnelle soit plus adapté aux réalités du monde du travail. Il est au téléphone pour nous expliquer en avant-première sa réforme. Bonjour, Monsieur MELENCHON.
Jean-Luc MELENCHON, ministre délégué à l'Enseignement professionnel
Le CAP, c'est
Christophe HONDELATTE
Allô ! Voilà, je vous disais bonjour.
Jean-Luc MELENCHON
Oui, je vous répondais bonjour.
Christophe HONDELATTE
Je voudrais qu'on commence, Jean-Luc MELENCHON, par un état des lieux. Si j'ai bien compris, vous trouvez qu'il y a un décalage entre ce qui est enseigné dans les CAP et puis les entreprises ?
Jean-Luc MELENCHON
Oui, c'est-à-dire, voilà, il y avait deux choses à faire. D'abord, un, faire un constat, qui n'a pas forcément toujours plu dans l'Education nationale, c'est que le CAP est bien le diplôme de base des ouvriers qualifiés, des employés du pays. Je le dis, parce que pendant plusieurs années, l'Education nationale a un peu fait la tête, alors que ça reste le premier diplôme passé par les gens dans notre pays. Alors, j'ai commencé par faire rénover le contenu de plus de 60 d'entre eux. Par exemple, tous les CAP du bâtiment ont tous été mis à la page. Mais ça ne suffisait pas. Moi, je voulais réinstaller ça dans le paysage, et donc lui donner plus de force. Donc voilà comment je m'y suis pris. J'ai fait refaire tous les programmes d'enseignements généraux, les matières générales, voyez, les langues, la physique, les mathématiques, pour les adapter au temps dans lequel nous vivons.
Christophe HONDELATTE
Il y avait de vrais décalages ?
Jean-Luc MELENCHON
Oui, oui.
Christophe HONDELATTE
Par exemple ?
Jean-Luc MELENCHON
Il y avait des programmes pardon, j'ai presque honte de le dire, mais il y avait des programmes qui avaient plus de dix ans. Donc ça n'allait pas. Et puis la pédagogie, on a quand même appris maintenant beaucoup de choses, on sait mieux enseigner certaines choses. Il fallait mettre tout ça à la page. Donc tout ça a été refait, bien travaillé, je suis assez content de ce que ça a donné. D'ailleurs, je me suis donné les moyens. J'ai eu un très bon arbitrage budgétaire de la part de Jack LANG. Et par exemple, voyez-vous, dorénavant, on dédoublera les classes de langues dans le CAP, les classes de langues vivantes, l'anglais, l'allemand ou ce qu'on veut, à partir de 16 élèves. C'est-à-dire qu'il y aura des cas, de nombreux cas où j'aurai 8 ou 9 élèves par classe. Donc je suis sûr, à partir de là, d'avoir une bonne pédagogie, un bon apprentissage. Et vous savez, notamment, puisque j'ai pris l'exemple des langues, que dans l'exercice de très nombreux métiers, dans l'hôtellerie, dans le tourisme, mais aussi dans des métiers de l'industrie, la maîtrise d'une langue étrangère est absolument indispensable.
Christophe HONDELATTE
Alors vous parlez
Jean-Luc MELENCHON
Attendez, je n'ai pas fini. Excusez-moi, c'est un peu technique.
Christophe HONDELATTE
Non, non, c'est intéressant.
Jean-Luc MELENCHON
Mais donc, j'ai découpé le diplôme ensuite en petits modules. Et je fais ça pour la raison suivante : D'abord, parce que ça permet à un jeune de passer plusieurs CAP en passant des modules communs. Deuxièmement, parce que ça permet à une personne qui est en formation continue, voyez-vous, qui est obligée d'étaler sa formation continue sur deux ans, de capitaliser ses modules et d'avoir, à la fin, un CAP. Et enfin, ça me permet, en procédant de cette manière-là, de réorganiser y compris la structure des salles de cours, mais là, c'est un petit peu plus compliqué. Et surtout, alors ça c'est la chose, pour moi, la plus importante à cet instant, c'est que dans la validation des acquis de l'expérience, vous savez, ce qui permet d'extraire d'un récit de vie de quelqu'un, on identifie à quel niveau il est. Avec des modules, c'est évidemment beaucoup plus simple à faire. Ce qui veut dire que je vais pouvoir, par la validation des acquis de l'expérience, donner des CAP à des gens qui, du coup, vont pouvoir s'inscrire en formation continue pour aller au niveau supérieur.
Christophe HONDELATTE
Alors il y a une plainte qui était souvent celle des élèves qui sont en CAP, c'est qu'ils travaillaient au lycée sur des machines totalement obsolètes, et quand ils arrivaient dans les entreprises, ce n'était pas du tout les mêmes machines.
Jean-Luc MELENCHON
Oui, écoutez, je ne sais pas, ça, ça date d'il y a un moment. D'abord parce que le parc des machines a été renouvelé à pratiquement 80%. Les Régions ont fait un effort énorme, la taxe d'apprentissage a permis de faire ça. Sur les quatre, cinq dernières années, il y a eu une véritable révolution. J'ai presque envie de vous dire pardon, vous allez croire que je me vante, mais je suis obligé de vous dire que, souvent, j'ai plutôt des machines qui ne sont pas encore dans l'industrie, si bien qu'on est obligé de faire deux formations, sur les machines de demain et sur celles qui sont aujourd'hui répandues. Non, de ce côté-là, il n'y a pas trop de problèmes. Par exemple, il y avait aussi une question de mise en sécurité des équipements. Alors on est passé de 50 à 80%. Non, ce n'est pas de ce côté-là qu'était le problème. Le problème, il était : oui ou non, ce diplôme est-il bien le premier diplôme de qualification professionnelle dans le pays ? Et ça, je crois que c'était l'idée qu'il fallait réhabiliter.
Christophe HONDELATTE
J'en vois un second, moi, problème. C'est que : Est-ce que les parents aujourd'hui sont totalement convaincus que c'est une bonne orientation ? Il y a du chemin à faire, là-dessus.
Jean-Luc MELENCHON
C'est sûr. C'est sûr. Mais il faut dire qu'on n'est pas aidé, parce que d'une manière générale, les valeurs du travail ne sont guère répandues dans la société. On fait peu de pub pour ceux qui travaillent, pour ceux qui font leur travail bien, qui ont une autre qualification. Maintenant, moi, ce que je peux dire, c'est que quand je suis arrivé, j'ai trouvé moins 30 000 inscrits. L'année d'après, on a mobilisé l'ensemble de l'école, on est arrivé à plus 12 000 inscrits. Et je remarque - mais vous voyez, les préjugés sont peut-être dans ma propre maison, ils sont peut-être dans l'Education nationale - c'est que je remarque que, alors qu'on était attelé à cet effort et qu'on a inversé la tendance, je remarque que malgré tout, il y a 300 jeunes - ce n'est pas beaucoup sur la masse, 600 000 et des poussières, mais quand même - à 300 jeunes, le Conseil d'orientation de l'établissement a dit : non, tu n'iras pas en enseignement professionnel, même si tu as envie d'y aller. Alors qu'il l'avait demandé. Donc là, je crois que c'est une incompréhension complète de ce qu'est aujourd'hui la professionnalisation à l'école
Christophe HONDELATTE
Parce que c'est donc l'étape suivante, il faut absolument aller dans les collèges expliquer aux enseignants qu'être orienté en CAP et aux parents.
Jean-Luc MELENCHON
Absolument. Quand on va en CAP, il faut que tout le monde sache ça, quand on va en CAP, ensuite on peut aller à Bac pro. Quand on est à Bac pro, on peut aller à BTS. C'est une filière, maintenant, l'enseignement professionnel. Ce n'est plus comme avant. Vous comprenez, le malheur, c'est que beaucoup de décideurs ont mon âge, c'est-à-dire 50 ans, et qu'ils n'y connaissent rien, et qu'ils en sont restés à la vision de l'enseignement professionnel d'il y a 30 ans, où le travail était taylorisé et où, quand vous alliez dans l'enseignement professionnel, ça s'arrêtait au CAP, il n'y avait plus rien derrière. Donc je crois que beaucoup de mentalités retardent, et ils ne savent pas le contenu des métiers. Aujourd'hui, le moindre ouvrier de maintenance doit avoir des connaissances en capteurs, en optique, en physique enfin, ce sont des savoirs fondamentaux. Et là, il va falloir quand même que tout le monde change un peu de mentalité, parce que nous avons un choc démographique devant nous qui est terrifiant : Dans les dix années qui viennent, il y a 5 millions de personnes qui partent à la retraite. Jamais le pays n'avait reçu un choc démographique pareil. De plus, il y aura 2,5 millions d'emplois créés par la croissance. 7,5 millions, vous vous rendez compte ?
Christophe HONDELATTE
Et on va manquer d'artisans, il faut être clair !
Jean-Luc MELENCHON
Absolument. Il y a des goulots d'étranglement aujourd'hui dans tous les métiers. Dans tous les métiers, depuis le boucher alors on se bat pour trouver un boucher, pour trouver un couvreur mais aussi dans les métiers de l'électronique, de l'électricité, de la mécanique. Tous les métiers qualifiés, nous manquerons de monde.
Christophe HONDELATTE
Moi je sais ce qui fait que les gens n'ont pas envie d'y aller, dans ces métiers-là, Monsieur MELENCHON. C'est qu'il faut travailler beaucoup et que, entre autres, le message envoyé par votre gouvernement, pardon, avec les 35 heures, c'est que, travailler beaucoup, ce n'est plus tellement au programme
Jean-Luc MELENCHON
Là, ça c'est une appréciation purement politique. Travailler beaucoup, ça veut dire travailler intensément et travailler avec qualification.
Christophe HONDELATTE
Non, ça veut dire travailler 50 heures, travailler beaucoup.
Jean-Luc MELENCHON
Non, mais non, je ne suis pas d'accord avec ça, moi. 50 heures
Christophe HONDELATTE
Un boucher, ça travaille 50 heures.
Jean-Luc MELENCHON
Non, non, mais peut-être bien, un boucher il travaille 50 heures, eh bien il faut qu'il travaille 35 heures comme tout le monde. Parce que c'est ça, la vie, vous comprenez. La vie, il faut aussi qu'elle ait une qualité. Et le repos des uns, c'est le travail des autres, voyez-vous. Mon boucher, quand il est en vacances, il monte dans sa voiture, il va dans un hôtel, il va dans du tourisme, il va faire des vacances, donc ça fait travailler d'autres gens. Il ne faut pas avoir une vue mécanique de ces choses-là. Simplement, il nous faut plus de monde qualifié. Il faut donc qu'on en finisse avec une certaine approche du métier, du travail, qu'on regarde de haut, et pour finir, on se demande bien pourquoi, parce que tout le monde travaille au bout du compte. Et ce sont des métiers qui sont mieux payés, évidemment, du fait maintenant de la rareté de la main-d'uvre. Vous savez qu'on me propose 18 000 francs pour un boucher. Vous les gagnez, vous, Monsieur, les 18 000 francs ?
Christophe HONDELATTE
Non, c'est ça l'histoire. Mais il faut le dire, c'est ça qu'il faut dire
Jean-Luc MELENCHON
Mais bien sûr.
Christophe HONDELATTE
Un boucher gagne 18 000 francs par mois.
Jean-Luc MELENCHON
Ecoutez, moi j'ai en main un grand groupe de distribution qui recherche désespérément des bouchers et qui offre 18 000 francs pour ceux qui viennent travailler chez eux. C'est quelque chose.
Christophe HONDELATTE
Vous l'avez dit, ça donnera peut-être des idées
Jean-Luc MELENCHON
J'espère. Merci, en tout cas, de m'avoir permis de le dire.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 15 février 2002)
Le ministre délégué à l'Enseignement professionnel, Jean-Luc MELENCHON, annonce aujourd'hui une réforme du CAP, pour que le premier niveau de la formation professionnelle soit plus adapté aux réalités du monde du travail. Il est au téléphone pour nous expliquer en avant-première sa réforme. Bonjour, Monsieur MELENCHON.
Jean-Luc MELENCHON, ministre délégué à l'Enseignement professionnel
Le CAP, c'est
Christophe HONDELATTE
Allô ! Voilà, je vous disais bonjour.
Jean-Luc MELENCHON
Oui, je vous répondais bonjour.
Christophe HONDELATTE
Je voudrais qu'on commence, Jean-Luc MELENCHON, par un état des lieux. Si j'ai bien compris, vous trouvez qu'il y a un décalage entre ce qui est enseigné dans les CAP et puis les entreprises ?
Jean-Luc MELENCHON
Oui, c'est-à-dire, voilà, il y avait deux choses à faire. D'abord, un, faire un constat, qui n'a pas forcément toujours plu dans l'Education nationale, c'est que le CAP est bien le diplôme de base des ouvriers qualifiés, des employés du pays. Je le dis, parce que pendant plusieurs années, l'Education nationale a un peu fait la tête, alors que ça reste le premier diplôme passé par les gens dans notre pays. Alors, j'ai commencé par faire rénover le contenu de plus de 60 d'entre eux. Par exemple, tous les CAP du bâtiment ont tous été mis à la page. Mais ça ne suffisait pas. Moi, je voulais réinstaller ça dans le paysage, et donc lui donner plus de force. Donc voilà comment je m'y suis pris. J'ai fait refaire tous les programmes d'enseignements généraux, les matières générales, voyez, les langues, la physique, les mathématiques, pour les adapter au temps dans lequel nous vivons.
Christophe HONDELATTE
Il y avait de vrais décalages ?
Jean-Luc MELENCHON
Oui, oui.
Christophe HONDELATTE
Par exemple ?
Jean-Luc MELENCHON
Il y avait des programmes pardon, j'ai presque honte de le dire, mais il y avait des programmes qui avaient plus de dix ans. Donc ça n'allait pas. Et puis la pédagogie, on a quand même appris maintenant beaucoup de choses, on sait mieux enseigner certaines choses. Il fallait mettre tout ça à la page. Donc tout ça a été refait, bien travaillé, je suis assez content de ce que ça a donné. D'ailleurs, je me suis donné les moyens. J'ai eu un très bon arbitrage budgétaire de la part de Jack LANG. Et par exemple, voyez-vous, dorénavant, on dédoublera les classes de langues dans le CAP, les classes de langues vivantes, l'anglais, l'allemand ou ce qu'on veut, à partir de 16 élèves. C'est-à-dire qu'il y aura des cas, de nombreux cas où j'aurai 8 ou 9 élèves par classe. Donc je suis sûr, à partir de là, d'avoir une bonne pédagogie, un bon apprentissage. Et vous savez, notamment, puisque j'ai pris l'exemple des langues, que dans l'exercice de très nombreux métiers, dans l'hôtellerie, dans le tourisme, mais aussi dans des métiers de l'industrie, la maîtrise d'une langue étrangère est absolument indispensable.
Christophe HONDELATTE
Alors vous parlez
Jean-Luc MELENCHON
Attendez, je n'ai pas fini. Excusez-moi, c'est un peu technique.
Christophe HONDELATTE
Non, non, c'est intéressant.
Jean-Luc MELENCHON
Mais donc, j'ai découpé le diplôme ensuite en petits modules. Et je fais ça pour la raison suivante : D'abord, parce que ça permet à un jeune de passer plusieurs CAP en passant des modules communs. Deuxièmement, parce que ça permet à une personne qui est en formation continue, voyez-vous, qui est obligée d'étaler sa formation continue sur deux ans, de capitaliser ses modules et d'avoir, à la fin, un CAP. Et enfin, ça me permet, en procédant de cette manière-là, de réorganiser y compris la structure des salles de cours, mais là, c'est un petit peu plus compliqué. Et surtout, alors ça c'est la chose, pour moi, la plus importante à cet instant, c'est que dans la validation des acquis de l'expérience, vous savez, ce qui permet d'extraire d'un récit de vie de quelqu'un, on identifie à quel niveau il est. Avec des modules, c'est évidemment beaucoup plus simple à faire. Ce qui veut dire que je vais pouvoir, par la validation des acquis de l'expérience, donner des CAP à des gens qui, du coup, vont pouvoir s'inscrire en formation continue pour aller au niveau supérieur.
Christophe HONDELATTE
Alors il y a une plainte qui était souvent celle des élèves qui sont en CAP, c'est qu'ils travaillaient au lycée sur des machines totalement obsolètes, et quand ils arrivaient dans les entreprises, ce n'était pas du tout les mêmes machines.
Jean-Luc MELENCHON
Oui, écoutez, je ne sais pas, ça, ça date d'il y a un moment. D'abord parce que le parc des machines a été renouvelé à pratiquement 80%. Les Régions ont fait un effort énorme, la taxe d'apprentissage a permis de faire ça. Sur les quatre, cinq dernières années, il y a eu une véritable révolution. J'ai presque envie de vous dire pardon, vous allez croire que je me vante, mais je suis obligé de vous dire que, souvent, j'ai plutôt des machines qui ne sont pas encore dans l'industrie, si bien qu'on est obligé de faire deux formations, sur les machines de demain et sur celles qui sont aujourd'hui répandues. Non, de ce côté-là, il n'y a pas trop de problèmes. Par exemple, il y avait aussi une question de mise en sécurité des équipements. Alors on est passé de 50 à 80%. Non, ce n'est pas de ce côté-là qu'était le problème. Le problème, il était : oui ou non, ce diplôme est-il bien le premier diplôme de qualification professionnelle dans le pays ? Et ça, je crois que c'était l'idée qu'il fallait réhabiliter.
Christophe HONDELATTE
J'en vois un second, moi, problème. C'est que : Est-ce que les parents aujourd'hui sont totalement convaincus que c'est une bonne orientation ? Il y a du chemin à faire, là-dessus.
Jean-Luc MELENCHON
C'est sûr. C'est sûr. Mais il faut dire qu'on n'est pas aidé, parce que d'une manière générale, les valeurs du travail ne sont guère répandues dans la société. On fait peu de pub pour ceux qui travaillent, pour ceux qui font leur travail bien, qui ont une autre qualification. Maintenant, moi, ce que je peux dire, c'est que quand je suis arrivé, j'ai trouvé moins 30 000 inscrits. L'année d'après, on a mobilisé l'ensemble de l'école, on est arrivé à plus 12 000 inscrits. Et je remarque - mais vous voyez, les préjugés sont peut-être dans ma propre maison, ils sont peut-être dans l'Education nationale - c'est que je remarque que, alors qu'on était attelé à cet effort et qu'on a inversé la tendance, je remarque que malgré tout, il y a 300 jeunes - ce n'est pas beaucoup sur la masse, 600 000 et des poussières, mais quand même - à 300 jeunes, le Conseil d'orientation de l'établissement a dit : non, tu n'iras pas en enseignement professionnel, même si tu as envie d'y aller. Alors qu'il l'avait demandé. Donc là, je crois que c'est une incompréhension complète de ce qu'est aujourd'hui la professionnalisation à l'école
Christophe HONDELATTE
Parce que c'est donc l'étape suivante, il faut absolument aller dans les collèges expliquer aux enseignants qu'être orienté en CAP et aux parents.
Jean-Luc MELENCHON
Absolument. Quand on va en CAP, il faut que tout le monde sache ça, quand on va en CAP, ensuite on peut aller à Bac pro. Quand on est à Bac pro, on peut aller à BTS. C'est une filière, maintenant, l'enseignement professionnel. Ce n'est plus comme avant. Vous comprenez, le malheur, c'est que beaucoup de décideurs ont mon âge, c'est-à-dire 50 ans, et qu'ils n'y connaissent rien, et qu'ils en sont restés à la vision de l'enseignement professionnel d'il y a 30 ans, où le travail était taylorisé et où, quand vous alliez dans l'enseignement professionnel, ça s'arrêtait au CAP, il n'y avait plus rien derrière. Donc je crois que beaucoup de mentalités retardent, et ils ne savent pas le contenu des métiers. Aujourd'hui, le moindre ouvrier de maintenance doit avoir des connaissances en capteurs, en optique, en physique enfin, ce sont des savoirs fondamentaux. Et là, il va falloir quand même que tout le monde change un peu de mentalité, parce que nous avons un choc démographique devant nous qui est terrifiant : Dans les dix années qui viennent, il y a 5 millions de personnes qui partent à la retraite. Jamais le pays n'avait reçu un choc démographique pareil. De plus, il y aura 2,5 millions d'emplois créés par la croissance. 7,5 millions, vous vous rendez compte ?
Christophe HONDELATTE
Et on va manquer d'artisans, il faut être clair !
Jean-Luc MELENCHON
Absolument. Il y a des goulots d'étranglement aujourd'hui dans tous les métiers. Dans tous les métiers, depuis le boucher alors on se bat pour trouver un boucher, pour trouver un couvreur mais aussi dans les métiers de l'électronique, de l'électricité, de la mécanique. Tous les métiers qualifiés, nous manquerons de monde.
Christophe HONDELATTE
Moi je sais ce qui fait que les gens n'ont pas envie d'y aller, dans ces métiers-là, Monsieur MELENCHON. C'est qu'il faut travailler beaucoup et que, entre autres, le message envoyé par votre gouvernement, pardon, avec les 35 heures, c'est que, travailler beaucoup, ce n'est plus tellement au programme
Jean-Luc MELENCHON
Là, ça c'est une appréciation purement politique. Travailler beaucoup, ça veut dire travailler intensément et travailler avec qualification.
Christophe HONDELATTE
Non, ça veut dire travailler 50 heures, travailler beaucoup.
Jean-Luc MELENCHON
Non, mais non, je ne suis pas d'accord avec ça, moi. 50 heures
Christophe HONDELATTE
Un boucher, ça travaille 50 heures.
Jean-Luc MELENCHON
Non, non, mais peut-être bien, un boucher il travaille 50 heures, eh bien il faut qu'il travaille 35 heures comme tout le monde. Parce que c'est ça, la vie, vous comprenez. La vie, il faut aussi qu'elle ait une qualité. Et le repos des uns, c'est le travail des autres, voyez-vous. Mon boucher, quand il est en vacances, il monte dans sa voiture, il va dans un hôtel, il va dans du tourisme, il va faire des vacances, donc ça fait travailler d'autres gens. Il ne faut pas avoir une vue mécanique de ces choses-là. Simplement, il nous faut plus de monde qualifié. Il faut donc qu'on en finisse avec une certaine approche du métier, du travail, qu'on regarde de haut, et pour finir, on se demande bien pourquoi, parce que tout le monde travaille au bout du compte. Et ce sont des métiers qui sont mieux payés, évidemment, du fait maintenant de la rareté de la main-d'uvre. Vous savez qu'on me propose 18 000 francs pour un boucher. Vous les gagnez, vous, Monsieur, les 18 000 francs ?
Christophe HONDELATTE
Non, c'est ça l'histoire. Mais il faut le dire, c'est ça qu'il faut dire
Jean-Luc MELENCHON
Mais bien sûr.
Christophe HONDELATTE
Un boucher gagne 18 000 francs par mois.
Jean-Luc MELENCHON
Ecoutez, moi j'ai en main un grand groupe de distribution qui recherche désespérément des bouchers et qui offre 18 000 francs pour ceux qui viennent travailler chez eux. C'est quelque chose.
Christophe HONDELATTE
Vous l'avez dit, ça donnera peut-être des idées
Jean-Luc MELENCHON
J'espère. Merci, en tout cas, de m'avoir permis de le dire.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 15 février 2002)