Déclaration de M. Charles Josselin, ministre de la coopération et de la francophonie, sur l'aide de l'Etat en faveur des français expatriés au Chili et sur la francophonie, Santiago le 26 juin 1999.

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Circonstance : Voyage de M. Josselin en Amérique latine du 25 au 30 juin 1999, au Chili les 25 et 26, au Brésil le 27-rencontre avec la communauté française à Santiago le 26 juin.

Texte intégral

Mes chers compatriotes,
J'ai un métier qui ai fait de grands bonheurs et de grosses frustrations. Le bonheur c'est de courir le monde, découvrir de nouveaux pays et de nouvelles personnes aussi. La frustration c'est de rester si peu de temps. Je n'ai que l'espoir de revenir mais quand il s'agit du Chili, on n'est pas sûr de revenir la semaine suivante.
Mais comme j'ai la chance de vous rencontrer, je voudrais sacrifier à la loi du genre et vous dire quelques mots.
Auparavant, je voudrais vous dire que, même si la France parfois vous donne l'impression d'être loin et dans le cas d'espèce ce n'est une figure de style, le gouvernement que je représente est très conscient du rôle irremplaçable que vous jouez, comme image de la France et comme témoignage de la présence française, à l'autre bout du monde. Dans le "monde du bout du monde", je crois que c'est Luis Sepulveda qui le dit et c'est une très belle image quand elle s'applique au Chili.
La coopération française c'est vous qui, pour certains, êtes ici depuis très longtemps, plusieurs générations de français qui ont fait le choix de l'expatriation, celui de tenter l'aventure avec des bonheurs probablement très inégaux. D'autres encore sont arrivés plus récemment et découvrent un pays où ils s'établiront peut-être.
Je pense aussi à ces Chiliens qui sont venus en France trouver refuge pendant une période difficile et un peu sombre de l'histoire chilienne. Je pense à ces familles qui, durement touchées par le sort, ont fait, malgré tout, le choix de revenir. Et j'ai eu l'occasion, tout à l'heure, de recevoir quelques représentants de ces familles de victimes de la répression. J'ai d'ailleurs tenu, avant de vous rencontrer, à m'incliner sur ce petit bureau où André Jarlan a trouvé la mort voici 15 ans.
Mais je voudrais vous dire à toutes et tous qu'avec ces 180 entreprises françaises ici présentes, l'importance que nous reconnaissons au rôle que vous jouez dans ce pays. Et j'ai la conviction qu'il reste encore beaucoup d'opportunités à saisir, de développement à organiser pour consolider cette relation entre la France et le Chili.
Il se trouve que mon voyage à Santiago a coïncidé avec la visite d'une délégation du MEDEF International, conduite par François Périgot.
Une visite qui était programmée aussi en perspective de la visite du président de la République, qui a dû être annulée pour les raisons que savez : celles de notre implication dans la crise au Kosovo qui est train, je crois, de connaître une issue satisfaisante, c'est-à-dire le retour de réfugiés. C'est cet empêchement là qui a privé le président de la République d'une visite au Chili qu'il fera quand son calendrier le lui permettra.
Je voudrais dire, pour m'en tenir à ce plan économique, qu'en dépit des difficultés économiques que connaît actuellement le Chili, et dont je suis sûr que les mesures d'ajustement décidées par le gouvernement vont apporter la solution, la pente sur laquelle se situent les échanges entre France le Chili est extrêmement positive. En quelques années, nous avons vu augmenter nos échanges commerciaux, l'investissement industriel se développe et tout récemment l'implication forte de la Lyonnaise des eaux, - j'en parlais avec son président Jérôme Monod -, dans la privatisation partielle des eaux de Santiago, va d'un coup faire franchir à la France un bond dans le classement par investissements en provenance de pays étrangers. Nous sommes déjà le 2ème fournisseur européen du Chili, je ne doute pas que nous continuerons dans cette direction. J'ajoute que la manière dont le Chili conduit sa transition démocratique est, je crois, aussi de nature à sécuriser nos investisseurs. Il reste à faire pour que les P.M.E. françaises s'impliquent aussi. Je suis convaincu qu'il y a ici des possibilités d'association avec des entreprises locales qu'il faut que nous puissions valoriser. Et, parmi les conditions susceptibles d'encourager ce mouvement, la décision prise par le gouvernement chilien de mettre en chantier une convention pour éviter une double imposition, - j'en ai parlé hier avec le ministre Valdès -, devrait aller dans la bonne direction.
Cette énergie, cette vitalité dont témoignent la communauté française ne doit pas faire oublier la situation de ceux qui sont en difficulté et qui ont davantage besoin de notre attention. Je voudrais vous dire que la protection sociale de nos compatriotes à l'étranger constitue une priorité du gouvernement. L'effort consenti en 1999 pour l'aide directe aux Français en difficulté, mais aussi au titre de l'emploi et de la formation professionnelle, s'est traduit par une augmentation des crédits correspondants de 20 % par rapport à l'année dernière. C'est le meilleur signe que l'on puisse donner de notre attention à ce problème. La Convention de sécurité sociale portant coordination des régimes nationaux pour les risques de vieillesse et d'invalidité, que j'ai eu l'honneur de signer hier aux côtés de Juan Gabriel Valdès, ministre des Affaires étrangères, permettra à nos compatriotes dont les activités se déroulent en France et au Chili de ne plus être pénalisés. Plus largement, le Premier ministre a confié à l'une de vos représentantes, Mme la Sénatrice Ben Guiga, la rédaction d'un rapport sur la situation matérielle des Français à l'étranger qui sont confrontés à l'exclusion. Et, Mme la Ministre de l'Emploi et de la Solidarité a demandé à l'Inspection générale des Affaires sociales de réfléchir à une réforme du régime volontaire d'assurance maladie géré par la Caisse des Français de l'étranger.
Voilà en ce qui concerne la protection sociale. Une autre préoccupation qui vous est commune quelque soit la latitude où vous vivez, c'est évidemment la scolarité de vos enfants. Celle-ci constitue une autre priorité forte du gouvernement. Notre réseau d'établissements scolaires à l'étranger est le plus étendu au monde. La France déploie un effort considérable en faveur des lycées de l'Alliance française, qui sont un élément essentiel de notre présence au Chili, qui permettent aux expatriés français de scolariser leurs enfants, aux jeunes binationaux d'y trouver le moyen de conserver un lien avec notre culture, mais aussi à de nombreux écoliers chiliens d'acquérir et de maîtriser la langue française.
A cet égard, la France attribue des bourses scolaires qui permettent d'appuyer de nombreuses familles désireuses de scolariser leurs enfants dans des établissements dispensant un enseignement en langue française et dont les revenus sont limités. L'enveloppe correspondant a été augmentée l'an dernier de 10 % pour être portée à 217 millions de francs. J'ai parfaitement conscience que nous devrions encore l'augmenter pour rendre compte de besoins qui se manifestent. Je voulais tout de même vous dire que dans un contexte budgétaire contraint, où les augmentations sont le plus souvent de 1 % quand elles existent, que cette augmentation était significative.
Que ce soit sous forme de bourses ou d'allocations de solidarité, ce sont aujourd'hui 8 à 9 % des familles françaises du Chili qui bénéficient d'une aide.
Je voudrais vous assurer que le gouvernement entend poursuivre les efforts entrepris ces dernières années pour améliorer encore la situation des Français de l'étranger.
Je vous le disais, je suis venu à Santiago pour présider la première réunion de la Commission générale franco-chilienne. La décision en avait été prise il y a deux ans, mais c'est la première fois que se concrétisait cette volonté partagée de mettre à plat tout le dossier de nos coopérations qui sont multiformes. Je ne doute pas qu'il s'agit d'une étape importante dans notre relation bilatérale, qui va donner une impulsion nouvelle à une coopération qui est déjà étroite notamment sur le plan politique. J'observe, pour en avoir parler avec mes interlocuteurs hier et le président de la République avec le président Frei le confirmerons demain soir, que sur les grands problèmes du monde, il y a une large identité de vues entre les dirigeants chiliens et les français. C'est vrai aussi sur les plans économique et culturel.
Au delà des conversations politiques, marquées par la confiance et l'amitié, des entretiens économiques, destinés à créer un cadre plus favorable à l'accroissement de nos échanges, je voudrais m'attarder un instant sur la coopération culturelle. C'est un aspect particulier et très fécond de notre coopération. Celle-ci, et nous sommes en parfait accord avec nos correspondants chiliens, a pour ambition de préserver et développer, à travers la promotion de la langue française, une diversité culturelle qui est incontestablement menacée par certains effets négatifs de la mondialisation. Alors, j'entends souvent dire, le français recule. C'est vrai et malheureusement il n'y a pas qu'en Amérique latine que cette observation peut-être faite. On peut la faire aussi en Europe de l'Est et en Europe plus généralement. Dans le même temps, je voudrais vous le dire aussi, on ne peut pas être responsable et désespéré. Il y a une demande de français et de culture française de plus en plus exprimée et dans un nombre croissant de pays. Si la Francophonie en Afrique est très pratiquée dans un certain nombre de pays, les pays non francophones, lusophones, hispanophones, demandent aussi du français. Et je crois qu'il y a dans ce continent latino-américain à la fois une baisse de la pratique du français et une demande de culture française. Alors, il faut que nous arrivions à concilier cela. Je crois qu'il faut d'ailleurs, je l'ai dit aussi à nos interlocuteurs chiliens, que s'ils veulent de la culture française, ils se soucient de donner au français une meilleur place dans l'enseignement en général dispensé aux jeunes Chiliens. L'espoir que nous caressons, si un jour il y avait une deuxième langue étrangère obligatoire, est que le français soit cette seconde langue. J'ai eu, grâce à
M. l'Ambassadeur ce matin, le privilège de prendre un petit déjeuner avec quelques-uns des acteurs importants de la politique culturelle chilienne qu'ils s'agissent de théâtre, de la musique, de l'édition et du patrimoine. J'ai vu qu'il y a là un socle de francophiles sur lequel nous pouvons, je suis sûr, nous appuyer pour aider ce pays à développer sa propre culture et à intégrer davantage de France dans sa politique culturelle.
La Francophonie mériterait sans doute d'être mieux connue par les communautés françaises dans le monde. La Francophonie c'est un concept mais c'est aussi une réalité institutionnelle. Ce sont 52 Etats ou gouvernements, cela veut dire la possibilité de peser dans les instances internationales dès lors que l'on prend le temps de se concerter avant. Si les pays francophones s'expriment d'une même voix à l'OMC ou au FMI, on peut bouger la ligne. C'est donc une institution et son secrétaire général est
M. Boutros Boutros-Ghali, l'ancien secrétaire général des Nations unies. Il y a une Agence de la Francophonie qui est quelque chose d'important, il y a un réseau universitaire francophone et nous essayons, mais il reste beaucoup à faire, de donner à l'audiovisuel extérieur francophone, français, davantage de présence et davantage de qualité. C'est tout le problème de TV5 et RFI. C'est une autre priorité du budget du ministère des Affaires étrangères. Cet audiovisuel extérieur me paraît essentiel pour préserver le lien entre nous.
Tout cela, c'est la tâche de notre ministère et de nos ambassades. Je voudrais remercier M. Gaussot et tous ses équipiers du travail très remarquable qui est accompli ici et dont les conversations que j'ai eues avec les Chiliens ont largement rendu compte. C'est évidemment la tâche des professeurs de français, dont je veux saluer les représentants ici présents, c'est aussi celle des étudiants de nos établissements qui sont aussi des ambassadeurs de la langue française et que je veux remercier.
Mesdames et Messieurs,
Votre communauté constitue un lien précieux entre la France et le Chili. Vous y jouez un rôle tout à fait essentiel pour le rayonnement de notre pays, pour transmettre ses valeurs de paix, de démocratie et de respect de la dignité de la personne.
Merci pour l'aide que vous apportez à faire connaître les atouts et les innovations technologiques de la France et sa créativité artistique. Merci de faire connaître et aimer une France qui veut être ouverte sur le monde, sur la scène mondiale comme au sein de l'Europe, où elle sait faire entendre sa voix et elle saura le faire à Rio au cours de ce sommet important entre l'Europe et l'Amérique latine.
Merci beaucoup.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 1999)