Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, à LCI le 8 février 2002, sur son opposition à une amnistie dans les affaires de financement des partis, ses propositions de campagne et son choix en faveur d'une fédération européenne.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

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Pierre-Luc Séguillon : Depuis 4 ou 5 mois vous êtes toujours à 4,5 %, comment analysez-vous ce qu'on pourrait appeler votre piétinement ?
François Bayrou : La campagne n'est pas encore partie. Elle ne partira vraiment que quand tous les joueurs seront sur la pelouse. Et ça n'est pas le cas aujourd'hui. Cela dit, je n'ai qu'une certitude sur la campagne électorale, c'est qu'elle va nous réserver de très grandes surprises.
PLS : - Etes-vous étonné qu'une partie de l'électorat de droite se retrouve chez Jean-Pierre Chevènement ?
FB : - Non, je ne suis pas surpris parce que tout ce qui est refus de l'Europe, refus de l'euro, refus de l'ouverture, tout cela était aussi bien à droite qu'à gauche, on l'avait bien vu lorsqu'à Maastricht, il avait fallu voter.
PLS : - Pensez-vous que le chef de l'Etat devrait s'expliquer clairement devant les Français sur les pratiques de financement politique passées au RPR ou à la mairie de Paris ?
FB : - Ce sont des dossiers judiciaires utilisés comme grenades dans les jambes de l'autre camp, pour simplifier. Oui, il faut que tout le monde s'explique. Je veux rompre avec ces années noires dans lesquelles, de dossier en dossier, la politique française est tirée vers le fond. J'appelle ça la relève, qu'on se débarrasse de toutes ces affaires.
PLS : - Vous dites : on décrète une amnistie, on n'en parle plus, on tourne la page ?
FB : - Jamais. Je ne voterai jamais une amnistie pour les politiques parce que ce jour-là, les Français seront en situation d'accuser le monde politique de faire sa propre loi et ses propres accommodements pour lui-même. Or ma règle à moi est simple, c'est : la loi est la même pour tous. Et si l'on veut que la loi s'applique avec rigueur à ceux des Français ou à ceux des jeunes Français qui vont des bêtises, il faut accepter qu'elle s'applique avec rigueur aux puissants et à ceux qui votent la loi. Voilà ma position. [...] Je pense que les échecs français viennent de ce que le pouvoir est organisé en France de manière archaïque, concentré, technocratique, indifférente à ce que le terrain et les citoyens peuvent dire. Or un pouvoir moderne, c'est un pouvoir qui a confiance dans le terrain et ce que les citoyens peuvent dire.
PLS : - Si vous êtes élu, qu'allez-vous faire de différent au sujet de l'Europe ?
FB : - Je ferais le choix clair d'aller vers la fédération européenne, c'est-à-dire vers la construction d'un pouvoir politique à côté du pouvoir monétaire que nous avons construit à Maastricht. Quand on a une monnaie, il faut avoir un pouvoir politique en face. Et quand on a un pouvoir politique en face, il faut que ce pouvoir se démocratise.
PLS : - Vous voulez baisser les impôts à 40 % le taux maximum. Comment est-ce que vous financez tout ça ?
FB : - 40 % le taux maximum de l'impôt sur le revenu, mais pour ma part, je pense que ce qu'il faut, c'est d'abord mettre l'accent sur le poids des charges sociales sur le travail. Je propose notamment ce que j'ai appelé les emplois "francs", c'est-à-dire des emplois nouveaux dont les charges sociales seront limitées à 10 % du salaire brut. Et ça, c'est finançable parce que la plupart de ces emplois seront occupés par des gens actuellement au chômage. Il y a donc une meilleure utilisation de ces allocations.
PLS : - Au fond vous pourriez aussi bien gouverner avec une gauche moderniste qu'avec une droite libérale-sociale ?
FB : - Avec Jacques DELORS, j'aurais certainement pu gouverner. Avec Raymond BARRE, sans aucun doute. Avec la gauche d'aujourd'hui sûrement pas. Parce que je n'y reconnais aucune de mes aspirations. C'est une sensibilité de gauche qui est à mes yeux très rétrograde, d'un autre temps et en tout cas profondément inadaptée à la France.
(source http://www.bayrou.net, le 12 février 2002)