Communiqué du ministère des affaires étrangères en date du 27 août 1987, à propos de la conférence sur le désarmement et le développement.

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Circonstance : Première conférence mondiale sur la relation entre désarmement et développement du 24 aôut au 11 septembre 1987 à New York.

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Texte intégral

QUESTION.- Qu'attend la France de la réunion d'une conférence dont l'initiative lui revient ?
- REPONSE.- Le thème du lien entre désarmement et développement a été évoqué aux Nations unies depuis plus d'un quart de siècle et a fait l'objet de près d'une trentaine de résolutions de l'Assemblée générale.
- La France elle-même a présenté à trois reprises des propositions : en 1955 par M. Edgar Faure, en 1978 par M. Giscard d'Estaing et en 1983 par le Président de la République. Ces propositions n'ont pas reccueilli de consensus pour les raisons que l'on sait. L'initiative prise par la France d'une conférence visait à :
- replacer le débat dans son véritable contexte, celui de la sécurité internationale ;
- progresser dans la voie de la transparence des dépenses militaires, ce qui constitue un préalable à tout mécanisme de transfert financier à partir du désarmement ;
- examiner concrètement les mesures partielles qui pourraient être adoptées d'ici la troisième session extraordinaire sur le désarmement, en 1989, ou ce thème devra naturellement être repris.
- C'est là un ordre du jour très chargé pour un débat sur des questions difficiles dont nous espérons qu'il sera sérieux et lucide.
- QUESTION.- Au-delà des discours, que peut-on attendre de cette conférence ?
- REPONSE.- D'abord ouvrir un débat politique dans des termes qui seraient conformes aux réalités des années 80. Ceci constituerait déjà, en soi, un très grand progrès.
- N'oublions pas qu'il s'agit d'un thème et de propositions qui ont vu le jour dans les années 50, et dont le développement a été ensuite marqué par une vision du tiers monde et des relations Est-Ouest qu'on pouvait encore avoir dans les années 60, mais qui est aujourd'hui dépassée.
- On pensait souvent à l'époque qu'il suffisait d'accroître l'aide pour assurer le développement, d'où l'idée de "casser la tirelire des budgets militaires". On sait aujourd'hui que la réalité est beaucoup plus complexe et que la situation des pays en développement recouvre des réalités très différentes.
- A l'exception des pays les moins avancés, à l'égard desquels le devoir de solidarité est le plus grand, ce qu'attendent aujourd'hui les pays en développement, c'est moins une aide supplémentaire, que surtout une participation accrue à une économie internationale dont la croissance aurait enfin retrouvé son rythme. C'est aussi le refus du protectionnisme, et enfin des solutions à leur endettement qui soient adaptées à leurs difficultés spécifiques et à leurs propres efforts d'ajustement de leurs économies.
QUESTION.- Dans quelle mesure ces idées peuvent-elles déboucher sur des propositions concrètes ?
- REPONSE.- Outre le rappel de notre position sur le mécanisme financier de transfert d'éventuels dividendes du désarmement, dont vous savez qu'elle ne recueille malheureusement pas un consensus, nous avons présenté quatre propositions concrètes.
- La création d'un observatoire des Nations unies sur l'évaluation des dépenses militaires. Il faut mettre un terme à la situation paradoxale qui voit les Nations unies discuter des dépenses militaires sans disposer des instruments pour en établir une évaluation réaliste. On ne peut estimer les dividendes éventuels du désarmement sans disposer d'informations complètes et précises sur le niveau des dépenses militaires des pays les plus armés.
- Nous souhaitons que puissent être enregistrés des progrès dans l'évaluation des économies susceptibles d'être réalisées à la suite d'accords de réduction de désarmement.
- Pourquoi ne pas charger un groupe d'experts de procéder à une première estimation ?
- Pourquoi les pays les plus armés ne chifferaient-ils pas les économies qu'ils attendent eux-mêmes de négociations relatives au désarmement auxquelles ils sont parties ? Nous pensons, par exemple, que les Etats-Unis et l'Union soviétique pourraient communiquer une première évaluation des conséquences économiques d'une réduction de 50 % de leurs arsenaux stratégiques, dont ils ont retenu le principe à Reykjavik, et indiquer comment ils comptent redistribuer vers les pays en développement une part des économies réalisées le cas échéant.
- Nous souhaitons de même que la conférence incite les pays participants à communiquer régulièrement l'évaluation de l'impact de leurs dépenses militaires sur leurs économies.
- Enfin nous avons tenu à donner un contenu concret à l'idée lancée par M. Edgar Faure d'utiliser une petite fraction des forces armées des différents pays, que l'on pourrait qualifier de "soldats pour la paix", à des fins de développement et à des entreprises humanitaires. Cette proposition part du constat d'évidence, qu'en cas de situation d'urgence, les forces armées, en raison de leur organisation même, apparaissent souvent les plus à même de mettre en place le premier dispositif d'aide et de secours.
- On peut même envisager d'aller plus loin, comme l'a fait la France. Une unité médicale spécialisée a ainsi procédé, à la demande de certains pays, à des campagnes de vaccinations, on peut envisager d'autres formes de concours temporaires.
QUESTION.- Le changement d'attitude de la France, quant à l'accueil de la conférence à Paris, est-il lié à la défection des Etats-Unis, ou à un moindre intérêt aujourd'hui du gouvernement français ?
- REPONSE.- Lorsqu'il s'est agi d'envisager l'accueil à Paris, nous avons constaté :
- qu'à l'époque, les travaux du comité préparatoire étaient fort mal engagés, et qu'il n'était même pas assuré que la conférence puisse s'ouvrir dans de bonnes conditions ;
- que la décision américaine pouvait être interprétée comme contestant en quelque sorte aux Nations unies le droit d'évoquer la question du lien entre désarmement et développement : il n'en apparaissait que plus nécessaire que la conférence se tienne au siège même de l'ONU.
- QUESTION.- Le coût de la conférence s'élèvera à environ 1,3 million de dollars. N'y aurait-il pas de manière plus concrète et plus directe d'aider au développement ?
- REPONSE.- C'est là un reproche général qui est souvent fait à l'organisation des Nations unies, notamment de la part de pays qui n'ont aucune difficulté à voir leurs positions reprises dans le monde entier par les médias.
- Compter en 1987 parmi les pays les moins avancés, c'est d'abord, comme nous l'avons souligné dans le discours de la France, être doublement sinistrés au regard de la sécurité et au regard du développement. C'est aussi ne pas être en mesure de s'exprimer pleinement sur la scène internationale. Les Nations unies constituent de ce point de vue une garantie, pour les plus pauvres et les plus faibles, d'être écoutés.