Texte intégral
Bonjour. Bienvenue sur le plateau de "Sans interdit" où comme chaque semaine nous allons débattre en toute liberté. Aujourd'hui, j'aimerais que nous parlions d'institutions françaises et européennes. A l'heure où Jacques Chirac fête son cinquième anniversaire à l'Elysée, relançant ainsi le débat sur la durée du mandat présidentiel et à l'heure aussi où la France va bientôt prendre la présidence de l'Europe , beaucoup de questions se posent à nouveau sur l'avenir des institutions françaises et européennes et l'équilibre des pouvoirs au sein de la France et au sein de l'Union. Notre grand invité politique de la semaine, Charles Pasqua, Président du Rassemblement Pour la France, candidat à l'élection présidentielle et qui a déjà
Seul déclaré.
Seul déclaré et qui a annoncé la couleur sous laquelle cette campagne allait se passer, c'est l'abrogation du traité de Maastricht.
Notamment.
Monsieur Pasqua, vous, qui jusqu'ici en tout cas, êtes un partisan du septennat- les Français ont l'impression qu'on donne trop de pouvoir et trop longtemps à un président. Alors, il y a deux manières de réduire cet état de fait, soit réduire le mandat, soit réduire ses pouvoirs. Est ce que vous, lors de votre campagne présidentielle, vous maintiendrez votre opinion sur le septennat ou est ce que vous êtes aussi en train d'évoluer comme beaucoup d'acteurs politiques français, y compris au RPR, vos anciens collègues du RPR. Je pense à Alain Juppé qui se prononce pour le quinquennat, pourtant très proche du chef de l'Etat. On dirait qu'il a un peu envie d'abréger le mandat de son patron. Est ce que vous , vous êtes toujours pour le septennat?
Je crois que le propre d'un responsable politique doit être de se déterminer en fonction de l'analyse qu'il fait et de la conception qu'il a de l'intérêt national et non pas en fonction de l'air du temps. Ce n'est pas parce qu'il y a des sondages qui semblent indiquer que les Français préfèreraient plutôt le quinquennat qu'il faut être pour le quinquennat.
Je crois qu'il faut se poser d'autres questions et notamment je dis tout de suite que je ne suis pas favorable au quinquennat. Je suis pour un septennat non renouvelable qui laisse le temps nécessaire au président de la République élu d'engager un certain nombre de réformes et de les conduire tranquillement à leur terme sans avoir, au moins deux ans avant l'échéance, la préoccupation de sa réélection.
Je mesure bien les difficultés de tous ces systèmes. Mais en réalité, la réduction du mandat présidentiel à cinq ans n'aurait de sens que si dans le même temps on révisait profondément la Constitution et l'équilibre des pouvoirs. Autrement dit, si on allait vraiment vers un régime présidentiel. Cela supposerait en réalité sous une forme ou sous une autre la disparition du poste de Premier ministre et davantage de responsabilités pour le président de la République. Cela voudrait dire qu'on supprimerait le droit de dissolution au président de la République mais que, dans le même temps, il aurait un droit de veto un peu comme cela se fait aux Etats-Unis puisque les partisans de la réduction du mandat présidentiel sont souvent les mêmes qui sont pour une américanisation du système et je ne crois pas que cela soit bon. Autre argument, l'argument que l'on avance, c'est de dire si on ramenait le mandat à cinq ans, on pourrait s'arranger pour qu'il y ait concordance entre l'élection du président de la République et d'une majorité de façon à mettre un terme à la cohabitation qui est un système que la plupart des responsables politiques considèrent comme portant trop au compromis et par conséquent diluant aussi un peu les responsabilités, voilà.
Il y a les solutions radicales qui consistent à dire il faut qu'il n'y ait plus qu'une seule élection gouvernementale comme les autres, alors soit à l'américaine et c'est que vous évoquiez, c'est le système dit du régime présidentiel. C'est ce que propose Balladur mais c'est une idée proposée par beaucoup, je veux dire aujourd'hui c'est celle là. Ou bien, il y a la solution inverse, c'est à dire qu'il n'y ait que l'élection parlementaire qui soit gouvernementale.
Alors, le problème est de faire avaler cela en France parce que les gens tiennent cela comme un droit d'élire leur président. La seule faisabilité, et encore il faudrait les convaincre, ce serait au lieur d'élire le président , d'élire le Premier ministre parce que sinon, ils n'accepteront jamais. Mais en attendant, il n'y a qu'une solution partielle, provisoire que l'on peut essayer et puis si cela ne suffit pas, on fera les étapes supplémentaires qui est le quinquennat.
La loi existe, il suffit de la ratifier et il faut le faire aux élections législatives parce que, comme nous sommes dans un calendrier électoral dans lequel les législatives sont avant la présidentielle et que ce qui a été voté par l'Assemblée et le Sénat en 1973, c'est l'application pour l'élection présidentielle qui suit la promulgation de la loi, on peut profiter de la bizarrerie de 2002 pour faire voter les Français directement par référendum la réforme Pompidou, donc le quinquennat qu'ils veulent au second tout, enfin au premier ou au second tour peu importe de l'élection législative pour que cela s'applique.
Et ensuite par la voie du Congrès.
Oui, mais alors là, çà va mettre trois plombes.
C'est beaucoup plus rapide.
Et puis, vous n'êtes pas contre le référendum, vous quand même.
Ah, moi pas du tout. Mais là, je réponds aux propositions de nature technique que vous faites. Pour moi, naturellement, il ne peut pas y avoir de réforme constitutionnelle sans ratification par le peuple français.
D'accord, c'était juste une précision intellectuelle.
Est ce que vous admettez qu'il y a un problème dans ce pays d'équilibre des pouvoirs et d'alternance de type d'équilibre des pouvoirs et qu'il vaudrait mieux unifier la manière de gouverner? Et quelles solutions à ce moment là vous prôneriez? Vous voulez garder le septennat avec un seul mandat possible mais cela ne résoudra pas le problème
Non, mais il y a deux aspects à la question que nous débattons. Il y a la convocation des électeurs aux urnes aux échéances normales. Un président de la République qui voit une majorité qui lui est hostile élue par les Français a une possibilité très simple de régulariser les choses, c'est de démissionner. Et la logique des institutions dans la 5ème République, c'est cela, c'est de remettre son mandat devant les Français.
On dit que vous êtes un naïf Mitterrand ne l'a pas fait. Chirac ne l'a pas fait. Moi je veux bien croire que Charles Pasqua le fera mais enfin, jusqu'à présent, la norme, c'est que, quand les présidents sont confrontés à cette situation, ils ne le font pas.
L'honnêteté politiqueil ne peut pas y avoir maintien aux responsabilités de l'Etat si on est désavoué par le peuple.
Eh bien, il n'y a eu que çà.
Et bien, je regrette que les conséquences n'aient pas été tirées.
Mais la conséquence que l'on doit tirer de votre regret, c'est que les hommes politiques étant ce qu'ils sont et en plus les Français les soutenant dans ce comportement curieux en effet, ce n'est pas une solution qui se présentera.
Je pense qu'il faut mettre de l'éthique dans la vie politique et y compris que les femmes et les hommes politiques combattent, affichent des opinions même si elles sont en rupture avec l'opinion publique.
Cela veut dire aussi que l'on prenne des engagements clairs devant les Français et qu'une fois élu, on les tienne.
Alors on sait déjà que vous serez candidat à l'élection présidentielle. On ne sait pas vraiment qui sera le couple gauche/droite classique parce que l'on se demande si le chef du camp battu pourra être vraiment le candidat à l'élection présidentielle. Quel est votre avis? Est ce que Lionel Jospin, battu aux législatives, pourrait être candidat? Et Jacques Chirac? Est ce que l'un ou l'autre devra s'effacer?
Je pense que celui qui conduira son camp et qui enregistrera une défaite aura beaucoup de mal trois mois après à se présenter aux élections présidentielles. Celui qui aura conduit son camp au succès n'aura pas forcément toutes les garanties de l'emporter.
Cà, on ne peut pas dire le contraire.
Cela paraît logique.
Je mettrais une toute petite nuance. Je pense que si la gauche perd les élections législatives, Jospin peut quand même être candidat à la présidentielle mais qu'il ne le voudra pas. Je pense que, si la droite perd les législatives, Chirac veut être candidat à l'élection présidentielle et je ne suis pas sûr qu'il peut
Tout dépendra aussi de la nature et de la force de l'engagement. Le Premier ministre évidemment s'engagera à fond en faveur de sa majorité. L'opposition de droite est dans une autre situation. Actuellement, au niveau du projet, elle a un encéphalogramme plat. Il faut bien noter par contre que les résultats électoraux sont convenables.
Ce n'est pas à vous que je dirais qu'il y a une très grande constante en France et que les variations portent sur les marges, c'est clair. Mais il faudra bien tout de même qu'elle ait un projet.
Or, pour le moment, je constate que ni de la part de Monsieur Jospin, ni de la part de l'opposition - peut être le président de la République devra bien dire comment il voit les choses - mais d'aucun de ces côtés il n'y a de projet d'avenir clair.
Personne n'est en mesure de dire aux Français voilà ma vision de l'avenir, voilà ce que j'en pense, voilà ce qu'il faut faire, voilà ce que je vous prose. Il faudra bien que cela vienne.
Charles Pasqua, vous n'êtes pas pour une constitution d'Europe politique mais est ce que vous n'admettez pas que, par exemple, si l'euro plonge aujourd'hui, c'est par manque de visibilité? Laurent Fabius vient de dire dans "le Nouvel Observateur" que c'est par manque d'unité politique que l'euro a des problèmes, en dehors du fait qu'il ya des différences de taux d'intérêt et de croissance entre la zone américaine et la zone européenne. Quand même, est ce qu'il n'y a pas un problème d'unification politique, d'une manière ou d'une autre? Est ce qu'il ne faut quand même pas avancer plutôt que de reculer?
D'abord, nul ne conteste et notamment moi que l'Europe doive s'organiser si elle veut exister et peser. En réalité, nous n'avons jamais posé la question aux Européens du type d'Europe qu'ils souhaitaient. Et aucun Etat ne l'a proposé.
Le choix est entre trois systèmes: une Europe fondée sur la coopération des Etats nations - c'est la confédération, disons, en gros - une Europe fédérale, c'était en gros le système voulu un peu par les démocrates chrétiens d'abord et puis par les Allemands, et enfin une zone de libre échange. Il ne faut pas se faire d'illusions. Le système vers lequel nous allons est l'élargissement de l'Europe, c'est la condamnation, la disparition de l'Europe telle qu'elle a été conçue au départ. C'est à dire l'Europe à six, le Traité de Rome, tout cela sera totalement dépassé.
Cela, vous le regrettez vous semblez
Je le regrette ou je ne le regrette pas, je constate
Non mais vous êtes favorable à une grande Europe?
Moi, je suis favorable à une Europe élargie, il n'y a pas de problème
Donc, vous êtes pour sa mort?
Non, je ne suis pas tout cela est une question de volonté. Il s'agit de savoir ce que l'on veut faire. On a mis la charrue avant les bufs. Quel est le responsable politique normalement constitué qui pouvait penser que la création d'une monnaie européenne ferait progresser l'union de l'Europe? Alors qu'il n'y avait pas de pouvoir politique?
Cela a assuré une certaine prospérité depuis quelques mois, et même quelques années
La prospérité aurait probablement été la même, même sans la monnaie unique. Avant la monnaie unique, il n'y avait pas tellement de différence
Chez les souverainistes: quand ça va mal, c'est à cause de l'Europe. Quand ça va bien, c'est grâce à la France!
Non! Ne caricaturez pas.
Je résume!
Moi je ne caricature pas vos positions, alors ne caricaturez pas les miennes. Je constate simplement que l'euro a été créé pour des raisons politiques, vous le savez aussi bien que moi, et non pas pour des raisons économiques et monétaires. C'est parce que Mitterrand était contre la réunification de l'Allemagne et que pour le rassurer, Khol a dit "je vais apporter le Mark dans la corbeille", voilà comment les choses se sont faites. Et on a paré l'euro d'un certain nombre de vertus. Comme dans le même temps, il n'y a pas de pouvoir politique capable de s'exprimer au travers de l'Europe - ce pouvoir politique existe s'il le voulait bien, c'est le Conseil européen - parce qu'il est formé des chefs d'Etats élus au suffrage universel ou des chefs de gouvernement élus par leur majorité parlementaire. Donc, ce sont vraiment les représentants des peuples. Or, vous voyez bien la crise de l'euro actuelle et est ce que vous avez entendu un chef de l'Etat ou de gouvernement s'exprimer? Personne ne dit rien du tout. Alors, il y a Monsieur Duisenberg, on ne sait pas d'ailleurs trop ce qu'il veut dire, on a du mal à le comprendre
Qui même lui ne dit rien!
Quand il parle de toute façon, on ne comprend rien. Comme il n'y a pas de pouvoir politique , et que les investisseurs étrangers, les institutionnels, etc ne savent pas comment les choses peuvent évoluer, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils se détournent de l'euro!
Vous voulez abroger le Traité de Maastricht, l'euro avec je suppose, est ce que c'est possible ou est ce que c'est juste un thème de campagne?
Non, moi je considère que le Traité de Maastricht est un mauvais Traité, négocié et signé à un mauvais moment. On voit bien qu'en réalité, à partir du moment où l'on a transféré la souveraineté monétaire nationale à une banque européenne sans pouvoir politique pour assurer une contrepartie, on voit bien les résultats que cela donne! Il faut revenir sur ce système
On est allé trop loin pour pouvoir revenir sur ce Traité quand même!
Il faut revenir
Aujourd'hui, vous avez au sein de la zone euro, dernière enquête euro baromètre publiée il y a huit jours, vous avez les deux tiers des citoyens européens de la zone euro qui approuvent la monnaie unique. Il y a un seul pays où cela s'est dégradé, c'est la Finlande. Et d'ailleurs curieusement, pendant la présidence finlandaise et partout ailleurs, cette adhésion à l'euro s'est renforcée.
Personne ne l'utilise! Les gens sont tellement favorables que personne ne l'utilise!
Mais attendez, personne ne l'utilise, il faut attendre le 1er janvier 2002 pour que chacun puisse l'utiliser
Non, mais d'ores et déjà, on peut faire un certain nombre de paiements en euros. Dans aucun pays cela se pratique.
Aujourd'hui, vous avez en France 65% des Français qui sont partisans de l'euro. Je sais bien, vous allez accuser les sondages. Laissons les sondages de côté. Les Français se sont prononcés par référendum. Un référendum dans un contexte politique extrêmement mauvais dans lequel on était avec une gauche exsangue, présenté par un président de la République quand même avec un très faible soutien.
Mais malgré cela, malgré la très vibrante campagne que vous avez faite, avec Philippe Seguin et quelques autres, contre le Traité de Maastricht, malgré cela, ce Traité a été adopté par référendum par le peuple français. Il a été adopté et son point principal est l'euro. Et vous voulez remettre cela en cause. Alors moi je ne comprends pas. Quand est ce que le peuple a raison? Quand il est d'accord avec Charles Pasqua, il a raison, et quand il n'est pas d'accord il a tort?
Pour moi, le peuple a toujours raison. Mais ce que le peuple a fait, il peut le défaire, s'il considère que tel est son intérêt. Nous reparlerons de tout cela en 2002, quand on expliquera aux Français ce qui va se passer. On va supprimer le franc, on va passer à l'euro dans les chaumières, etcnous en reparlerons et cela se fera trois mois avant les élections législatives. Rendez vous à ce moment là.
Alors, en attendant, beaucoup de beaux esprits C'est vrai que c'est un bon calendrier pour vous comme les trois premiers mois vont être des mois un petit peu délicats
Ce n'est pas moi qui l'ai
Non, mais je ne vous accuse pas d'avoir fabriqué le Traité de Maastricht pour avoir des élections favorables. Je dis juste que c'est vrai qu'il y a une difficulté parce que l'on sait bien que le passage va être difficile. Donc, on ne va pas revoir cela en janvier ou en février 2002, on va revoir cela ici ou ailleurs en octobre 2002.
Vous souhaitiez ajouter quelque chose
Je voudrais dire simplement, je voudrais rappeler toutes les critiques qui ont été faites sur l'Europe au moment du référendum de Maastricht. Je ne parle pas des nôtres, je parle de celles qui ont été faites par le président Mitterrand, par le chancelier Khol, par Jacques Chirac, par tous les dirigeants européens de l'époque qui ont reconnu que l'Europe souffrait d'un déficit démocratique, qu'il n'y avait pas assez de participation des peuples à la construction européenne et que tout cela allait changer. Après Maastricht , nous avons eu Amsterdam et rien n'a changé. Nous avons toujours à Bruxelles, une technocratie qui a tendance à se mêler de tout. Nous n'avons jamais arbitré entre les différents types d'organisations de l'Europe et nous n'avons jamais consulté les peuples européens. Donc, ce que je pense, c'est que les chances de voir la CIG aboutir à un résultat positif quant à l'organisation de l'Europe, à mon avis, ces chances sont faibles parce que peu de pays accepteront d'abandonner définitivement ce qui leur reste de souveraineté et notamment les petits pays. J'ai pu expérimenter en rencontrant un certain nombre de dirigeants de ces pays. Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse de ce qui se décidera à la fin de cette année ou de ce qui se fera dans un an, dans deux ans, dans trois ans, ou dans cinq ans, il faudra bien définir un type de construction européenne dans laquelle il y ait un pouvoir politique soumis au verdict et au contrôle du peuple, et qui soit réellement investi d'une manière démocratique. Cela n'existe pas à l'heure actuelle et n'est proposé par personne.
Il faut consulter les peuples et par rapport à un projet.
Moi, je n'ai jamais été contre un système de coopération et de délégation de pouvoir, je ne suis pas du tout hostile à cela. Tout à l'heure, vous parliez de Schengen, c'est moi qui l'ai fait ratifier, Schengen!
Justement, Jacques Delors pour cause qu'un petit nombre de pays puisse avancer plus vite que les autres, dans une démarche presque fédérative, il appelle cela un noyau dur, est ce que c'est une bonne solution pour avancer et quand même sur certains sujets, faire une Europe plus performante que celle qui va se diluer à 27 pays! Ce n'est pas une solution?
Oui, oui, le noyau dur!
C'est différent de l'autre solution et je crois que la solution de Delors a le mérite d'être une solution claire, d'être une solution forte, mais je la vois totalement irréalisable. Pourquoi? D'abord parce que trop peu d'Etats seraient favorables. Et deuxièmement parce que nous avons déjà une dissociation. Nous avons les Britanniques qui veulent bien faire une Europe de la défense mais qui ne veulent pas aujourd'hui et probablement pour longtemps venir dans l'euro et qui ne veulent pas aujourd'hui ni demain ni après demain venir dans une Europe plus intégrée. Qu'est ce qu'on fait avec l'Europe de la défense? On fait une Europe de la défense à côté de cette petite fédération européenne? Nous avons l'euro, l'euro qui est aujourd'hui à 11. Nous allons faire une fédération européenne qui ne coïncidera pas avec la zone monétaire unique? Donc, je pense que l'idée de Delors est une idée abstraite, qui n'a pas de chance de se réaliser, qui a le mérite de relancer le débat mais qui n'a pas de chance de se réaliser parce qu'il faut clarifier l'Europe, qu'il faut une constitution européenne, au sens d'avoir un texte clair, lisible, qui définisse les modes d'attribution du pouvoir et les partages de pouvoirs, que les gens puissent comprendre, que ce texte comprenne une charte des droits fondamentaux en effet.
Et d'ailleurs, si on avait un peu d'ambition politique, que ce texte soit soumis, moi j'aimerais que la création d'une nouvelle constitution européenne, avec cette charte, avec ses tarifications, avec une distinction de toutes les normes fondamentales, et qu'on les soumette le même jour à approbation par les peuples d'Europe, avec comme condition la majorité de l'ensemble des citoyens et une majorité d'Etats pour que cela entre en vigueur.
A l'heure actuelle, ne vous leurrez pas! C'est uniquement du ressort de la commission européenne et du Conseil européen. La réalité est là. Ce n'est pas le Parlement européen!
A écouter les hommes politiques, ils seraient tous d'accord pour plus de démocratie, plus de consultation des citoyens. Pourquoi est ce que cela ne se fait jamais? Et deux gouvernements qui se mettent d'accord, cela ne se fait pas non plus? Est ce qu'au fond, secrètement, les gouvernements n'en ont aucune envies? Est ce que ce n'est pas cela?
Il y a une autre raison, c'est que l'espoir que l'Europe avait fait naître d'un bel avenir et d'un grand avenir, est une idée désormais dans l'esprit des gens un petit peu vieillotte et dépassée. Car la mondialisation est allée beaucoup plus vite que la construction européenne, et les gens se projettent à un autre niveau.
Alors là, mon désaccord avec vous est très profond.
Tant mieux, je suis rassuré.
Tant mieux, cela dépend. Moi, je ne suis pas par principe rassuré si je suis en désaccord avec vous
Oui, on peut se rencontrer. Alors, pour quoi n'êtes vous pas d'accord?
Je pense que très profondément les grandes raisons d'être de l'Europe, c'est d'abord la paix. Avec des Etats qui n'ont cessé de se faire la guerre. Deuxièmement, la prospérité pour tous. Troisièmement, le respect des droits de l'homme, le développement des droits de l'homme et de la démocratie. Je crois que sur ces trois points, les gens en ont conscience et c'est pour cela qu'ils sont pro européens et sur ces trois points, l'Europe est un vrai succès!
Ce n'est pas l'Europe qui a fait la paix!
Tout dépend en définitive de la volonté des hommes.
Eh, bien ce sera le mot de la fin. Merci d'avoir été là.
Merci.
(source http://www.rpfie.org, le 5 mai 2000)
Seul déclaré.
Seul déclaré et qui a annoncé la couleur sous laquelle cette campagne allait se passer, c'est l'abrogation du traité de Maastricht.
Notamment.
Monsieur Pasqua, vous, qui jusqu'ici en tout cas, êtes un partisan du septennat- les Français ont l'impression qu'on donne trop de pouvoir et trop longtemps à un président. Alors, il y a deux manières de réduire cet état de fait, soit réduire le mandat, soit réduire ses pouvoirs. Est ce que vous, lors de votre campagne présidentielle, vous maintiendrez votre opinion sur le septennat ou est ce que vous êtes aussi en train d'évoluer comme beaucoup d'acteurs politiques français, y compris au RPR, vos anciens collègues du RPR. Je pense à Alain Juppé qui se prononce pour le quinquennat, pourtant très proche du chef de l'Etat. On dirait qu'il a un peu envie d'abréger le mandat de son patron. Est ce que vous , vous êtes toujours pour le septennat?
Je crois que le propre d'un responsable politique doit être de se déterminer en fonction de l'analyse qu'il fait et de la conception qu'il a de l'intérêt national et non pas en fonction de l'air du temps. Ce n'est pas parce qu'il y a des sondages qui semblent indiquer que les Français préfèreraient plutôt le quinquennat qu'il faut être pour le quinquennat.
Je crois qu'il faut se poser d'autres questions et notamment je dis tout de suite que je ne suis pas favorable au quinquennat. Je suis pour un septennat non renouvelable qui laisse le temps nécessaire au président de la République élu d'engager un certain nombre de réformes et de les conduire tranquillement à leur terme sans avoir, au moins deux ans avant l'échéance, la préoccupation de sa réélection.
Je mesure bien les difficultés de tous ces systèmes. Mais en réalité, la réduction du mandat présidentiel à cinq ans n'aurait de sens que si dans le même temps on révisait profondément la Constitution et l'équilibre des pouvoirs. Autrement dit, si on allait vraiment vers un régime présidentiel. Cela supposerait en réalité sous une forme ou sous une autre la disparition du poste de Premier ministre et davantage de responsabilités pour le président de la République. Cela voudrait dire qu'on supprimerait le droit de dissolution au président de la République mais que, dans le même temps, il aurait un droit de veto un peu comme cela se fait aux Etats-Unis puisque les partisans de la réduction du mandat présidentiel sont souvent les mêmes qui sont pour une américanisation du système et je ne crois pas que cela soit bon. Autre argument, l'argument que l'on avance, c'est de dire si on ramenait le mandat à cinq ans, on pourrait s'arranger pour qu'il y ait concordance entre l'élection du président de la République et d'une majorité de façon à mettre un terme à la cohabitation qui est un système que la plupart des responsables politiques considèrent comme portant trop au compromis et par conséquent diluant aussi un peu les responsabilités, voilà.
Il y a les solutions radicales qui consistent à dire il faut qu'il n'y ait plus qu'une seule élection gouvernementale comme les autres, alors soit à l'américaine et c'est que vous évoquiez, c'est le système dit du régime présidentiel. C'est ce que propose Balladur mais c'est une idée proposée par beaucoup, je veux dire aujourd'hui c'est celle là. Ou bien, il y a la solution inverse, c'est à dire qu'il n'y ait que l'élection parlementaire qui soit gouvernementale.
Alors, le problème est de faire avaler cela en France parce que les gens tiennent cela comme un droit d'élire leur président. La seule faisabilité, et encore il faudrait les convaincre, ce serait au lieur d'élire le président , d'élire le Premier ministre parce que sinon, ils n'accepteront jamais. Mais en attendant, il n'y a qu'une solution partielle, provisoire que l'on peut essayer et puis si cela ne suffit pas, on fera les étapes supplémentaires qui est le quinquennat.
La loi existe, il suffit de la ratifier et il faut le faire aux élections législatives parce que, comme nous sommes dans un calendrier électoral dans lequel les législatives sont avant la présidentielle et que ce qui a été voté par l'Assemblée et le Sénat en 1973, c'est l'application pour l'élection présidentielle qui suit la promulgation de la loi, on peut profiter de la bizarrerie de 2002 pour faire voter les Français directement par référendum la réforme Pompidou, donc le quinquennat qu'ils veulent au second tout, enfin au premier ou au second tour peu importe de l'élection législative pour que cela s'applique.
Et ensuite par la voie du Congrès.
Oui, mais alors là, çà va mettre trois plombes.
C'est beaucoup plus rapide.
Et puis, vous n'êtes pas contre le référendum, vous quand même.
Ah, moi pas du tout. Mais là, je réponds aux propositions de nature technique que vous faites. Pour moi, naturellement, il ne peut pas y avoir de réforme constitutionnelle sans ratification par le peuple français.
D'accord, c'était juste une précision intellectuelle.
Est ce que vous admettez qu'il y a un problème dans ce pays d'équilibre des pouvoirs et d'alternance de type d'équilibre des pouvoirs et qu'il vaudrait mieux unifier la manière de gouverner? Et quelles solutions à ce moment là vous prôneriez? Vous voulez garder le septennat avec un seul mandat possible mais cela ne résoudra pas le problème
Non, mais il y a deux aspects à la question que nous débattons. Il y a la convocation des électeurs aux urnes aux échéances normales. Un président de la République qui voit une majorité qui lui est hostile élue par les Français a une possibilité très simple de régulariser les choses, c'est de démissionner. Et la logique des institutions dans la 5ème République, c'est cela, c'est de remettre son mandat devant les Français.
On dit que vous êtes un naïf Mitterrand ne l'a pas fait. Chirac ne l'a pas fait. Moi je veux bien croire que Charles Pasqua le fera mais enfin, jusqu'à présent, la norme, c'est que, quand les présidents sont confrontés à cette situation, ils ne le font pas.
L'honnêteté politiqueil ne peut pas y avoir maintien aux responsabilités de l'Etat si on est désavoué par le peuple.
Eh bien, il n'y a eu que çà.
Et bien, je regrette que les conséquences n'aient pas été tirées.
Mais la conséquence que l'on doit tirer de votre regret, c'est que les hommes politiques étant ce qu'ils sont et en plus les Français les soutenant dans ce comportement curieux en effet, ce n'est pas une solution qui se présentera.
Je pense qu'il faut mettre de l'éthique dans la vie politique et y compris que les femmes et les hommes politiques combattent, affichent des opinions même si elles sont en rupture avec l'opinion publique.
Cela veut dire aussi que l'on prenne des engagements clairs devant les Français et qu'une fois élu, on les tienne.
Alors on sait déjà que vous serez candidat à l'élection présidentielle. On ne sait pas vraiment qui sera le couple gauche/droite classique parce que l'on se demande si le chef du camp battu pourra être vraiment le candidat à l'élection présidentielle. Quel est votre avis? Est ce que Lionel Jospin, battu aux législatives, pourrait être candidat? Et Jacques Chirac? Est ce que l'un ou l'autre devra s'effacer?
Je pense que celui qui conduira son camp et qui enregistrera une défaite aura beaucoup de mal trois mois après à se présenter aux élections présidentielles. Celui qui aura conduit son camp au succès n'aura pas forcément toutes les garanties de l'emporter.
Cà, on ne peut pas dire le contraire.
Cela paraît logique.
Je mettrais une toute petite nuance. Je pense que si la gauche perd les élections législatives, Jospin peut quand même être candidat à la présidentielle mais qu'il ne le voudra pas. Je pense que, si la droite perd les législatives, Chirac veut être candidat à l'élection présidentielle et je ne suis pas sûr qu'il peut
Tout dépendra aussi de la nature et de la force de l'engagement. Le Premier ministre évidemment s'engagera à fond en faveur de sa majorité. L'opposition de droite est dans une autre situation. Actuellement, au niveau du projet, elle a un encéphalogramme plat. Il faut bien noter par contre que les résultats électoraux sont convenables.
Ce n'est pas à vous que je dirais qu'il y a une très grande constante en France et que les variations portent sur les marges, c'est clair. Mais il faudra bien tout de même qu'elle ait un projet.
Or, pour le moment, je constate que ni de la part de Monsieur Jospin, ni de la part de l'opposition - peut être le président de la République devra bien dire comment il voit les choses - mais d'aucun de ces côtés il n'y a de projet d'avenir clair.
Personne n'est en mesure de dire aux Français voilà ma vision de l'avenir, voilà ce que j'en pense, voilà ce qu'il faut faire, voilà ce que je vous prose. Il faudra bien que cela vienne.
Charles Pasqua, vous n'êtes pas pour une constitution d'Europe politique mais est ce que vous n'admettez pas que, par exemple, si l'euro plonge aujourd'hui, c'est par manque de visibilité? Laurent Fabius vient de dire dans "le Nouvel Observateur" que c'est par manque d'unité politique que l'euro a des problèmes, en dehors du fait qu'il ya des différences de taux d'intérêt et de croissance entre la zone américaine et la zone européenne. Quand même, est ce qu'il n'y a pas un problème d'unification politique, d'une manière ou d'une autre? Est ce qu'il ne faut quand même pas avancer plutôt que de reculer?
D'abord, nul ne conteste et notamment moi que l'Europe doive s'organiser si elle veut exister et peser. En réalité, nous n'avons jamais posé la question aux Européens du type d'Europe qu'ils souhaitaient. Et aucun Etat ne l'a proposé.
Le choix est entre trois systèmes: une Europe fondée sur la coopération des Etats nations - c'est la confédération, disons, en gros - une Europe fédérale, c'était en gros le système voulu un peu par les démocrates chrétiens d'abord et puis par les Allemands, et enfin une zone de libre échange. Il ne faut pas se faire d'illusions. Le système vers lequel nous allons est l'élargissement de l'Europe, c'est la condamnation, la disparition de l'Europe telle qu'elle a été conçue au départ. C'est à dire l'Europe à six, le Traité de Rome, tout cela sera totalement dépassé.
Cela, vous le regrettez vous semblez
Je le regrette ou je ne le regrette pas, je constate
Non mais vous êtes favorable à une grande Europe?
Moi, je suis favorable à une Europe élargie, il n'y a pas de problème
Donc, vous êtes pour sa mort?
Non, je ne suis pas tout cela est une question de volonté. Il s'agit de savoir ce que l'on veut faire. On a mis la charrue avant les bufs. Quel est le responsable politique normalement constitué qui pouvait penser que la création d'une monnaie européenne ferait progresser l'union de l'Europe? Alors qu'il n'y avait pas de pouvoir politique?
Cela a assuré une certaine prospérité depuis quelques mois, et même quelques années
La prospérité aurait probablement été la même, même sans la monnaie unique. Avant la monnaie unique, il n'y avait pas tellement de différence
Chez les souverainistes: quand ça va mal, c'est à cause de l'Europe. Quand ça va bien, c'est grâce à la France!
Non! Ne caricaturez pas.
Je résume!
Moi je ne caricature pas vos positions, alors ne caricaturez pas les miennes. Je constate simplement que l'euro a été créé pour des raisons politiques, vous le savez aussi bien que moi, et non pas pour des raisons économiques et monétaires. C'est parce que Mitterrand était contre la réunification de l'Allemagne et que pour le rassurer, Khol a dit "je vais apporter le Mark dans la corbeille", voilà comment les choses se sont faites. Et on a paré l'euro d'un certain nombre de vertus. Comme dans le même temps, il n'y a pas de pouvoir politique capable de s'exprimer au travers de l'Europe - ce pouvoir politique existe s'il le voulait bien, c'est le Conseil européen - parce qu'il est formé des chefs d'Etats élus au suffrage universel ou des chefs de gouvernement élus par leur majorité parlementaire. Donc, ce sont vraiment les représentants des peuples. Or, vous voyez bien la crise de l'euro actuelle et est ce que vous avez entendu un chef de l'Etat ou de gouvernement s'exprimer? Personne ne dit rien du tout. Alors, il y a Monsieur Duisenberg, on ne sait pas d'ailleurs trop ce qu'il veut dire, on a du mal à le comprendre
Qui même lui ne dit rien!
Quand il parle de toute façon, on ne comprend rien. Comme il n'y a pas de pouvoir politique , et que les investisseurs étrangers, les institutionnels, etc ne savent pas comment les choses peuvent évoluer, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils se détournent de l'euro!
Vous voulez abroger le Traité de Maastricht, l'euro avec je suppose, est ce que c'est possible ou est ce que c'est juste un thème de campagne?
Non, moi je considère que le Traité de Maastricht est un mauvais Traité, négocié et signé à un mauvais moment. On voit bien qu'en réalité, à partir du moment où l'on a transféré la souveraineté monétaire nationale à une banque européenne sans pouvoir politique pour assurer une contrepartie, on voit bien les résultats que cela donne! Il faut revenir sur ce système
On est allé trop loin pour pouvoir revenir sur ce Traité quand même!
Il faut revenir
Aujourd'hui, vous avez au sein de la zone euro, dernière enquête euro baromètre publiée il y a huit jours, vous avez les deux tiers des citoyens européens de la zone euro qui approuvent la monnaie unique. Il y a un seul pays où cela s'est dégradé, c'est la Finlande. Et d'ailleurs curieusement, pendant la présidence finlandaise et partout ailleurs, cette adhésion à l'euro s'est renforcée.
Personne ne l'utilise! Les gens sont tellement favorables que personne ne l'utilise!
Mais attendez, personne ne l'utilise, il faut attendre le 1er janvier 2002 pour que chacun puisse l'utiliser
Non, mais d'ores et déjà, on peut faire un certain nombre de paiements en euros. Dans aucun pays cela se pratique.
Aujourd'hui, vous avez en France 65% des Français qui sont partisans de l'euro. Je sais bien, vous allez accuser les sondages. Laissons les sondages de côté. Les Français se sont prononcés par référendum. Un référendum dans un contexte politique extrêmement mauvais dans lequel on était avec une gauche exsangue, présenté par un président de la République quand même avec un très faible soutien.
Mais malgré cela, malgré la très vibrante campagne que vous avez faite, avec Philippe Seguin et quelques autres, contre le Traité de Maastricht, malgré cela, ce Traité a été adopté par référendum par le peuple français. Il a été adopté et son point principal est l'euro. Et vous voulez remettre cela en cause. Alors moi je ne comprends pas. Quand est ce que le peuple a raison? Quand il est d'accord avec Charles Pasqua, il a raison, et quand il n'est pas d'accord il a tort?
Pour moi, le peuple a toujours raison. Mais ce que le peuple a fait, il peut le défaire, s'il considère que tel est son intérêt. Nous reparlerons de tout cela en 2002, quand on expliquera aux Français ce qui va se passer. On va supprimer le franc, on va passer à l'euro dans les chaumières, etcnous en reparlerons et cela se fera trois mois avant les élections législatives. Rendez vous à ce moment là.
Alors, en attendant, beaucoup de beaux esprits C'est vrai que c'est un bon calendrier pour vous comme les trois premiers mois vont être des mois un petit peu délicats
Ce n'est pas moi qui l'ai
Non, mais je ne vous accuse pas d'avoir fabriqué le Traité de Maastricht pour avoir des élections favorables. Je dis juste que c'est vrai qu'il y a une difficulté parce que l'on sait bien que le passage va être difficile. Donc, on ne va pas revoir cela en janvier ou en février 2002, on va revoir cela ici ou ailleurs en octobre 2002.
Vous souhaitiez ajouter quelque chose
Je voudrais dire simplement, je voudrais rappeler toutes les critiques qui ont été faites sur l'Europe au moment du référendum de Maastricht. Je ne parle pas des nôtres, je parle de celles qui ont été faites par le président Mitterrand, par le chancelier Khol, par Jacques Chirac, par tous les dirigeants européens de l'époque qui ont reconnu que l'Europe souffrait d'un déficit démocratique, qu'il n'y avait pas assez de participation des peuples à la construction européenne et que tout cela allait changer. Après Maastricht , nous avons eu Amsterdam et rien n'a changé. Nous avons toujours à Bruxelles, une technocratie qui a tendance à se mêler de tout. Nous n'avons jamais arbitré entre les différents types d'organisations de l'Europe et nous n'avons jamais consulté les peuples européens. Donc, ce que je pense, c'est que les chances de voir la CIG aboutir à un résultat positif quant à l'organisation de l'Europe, à mon avis, ces chances sont faibles parce que peu de pays accepteront d'abandonner définitivement ce qui leur reste de souveraineté et notamment les petits pays. J'ai pu expérimenter en rencontrant un certain nombre de dirigeants de ces pays. Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse de ce qui se décidera à la fin de cette année ou de ce qui se fera dans un an, dans deux ans, dans trois ans, ou dans cinq ans, il faudra bien définir un type de construction européenne dans laquelle il y ait un pouvoir politique soumis au verdict et au contrôle du peuple, et qui soit réellement investi d'une manière démocratique. Cela n'existe pas à l'heure actuelle et n'est proposé par personne.
Il faut consulter les peuples et par rapport à un projet.
Moi, je n'ai jamais été contre un système de coopération et de délégation de pouvoir, je ne suis pas du tout hostile à cela. Tout à l'heure, vous parliez de Schengen, c'est moi qui l'ai fait ratifier, Schengen!
Justement, Jacques Delors pour cause qu'un petit nombre de pays puisse avancer plus vite que les autres, dans une démarche presque fédérative, il appelle cela un noyau dur, est ce que c'est une bonne solution pour avancer et quand même sur certains sujets, faire une Europe plus performante que celle qui va se diluer à 27 pays! Ce n'est pas une solution?
Oui, oui, le noyau dur!
C'est différent de l'autre solution et je crois que la solution de Delors a le mérite d'être une solution claire, d'être une solution forte, mais je la vois totalement irréalisable. Pourquoi? D'abord parce que trop peu d'Etats seraient favorables. Et deuxièmement parce que nous avons déjà une dissociation. Nous avons les Britanniques qui veulent bien faire une Europe de la défense mais qui ne veulent pas aujourd'hui et probablement pour longtemps venir dans l'euro et qui ne veulent pas aujourd'hui ni demain ni après demain venir dans une Europe plus intégrée. Qu'est ce qu'on fait avec l'Europe de la défense? On fait une Europe de la défense à côté de cette petite fédération européenne? Nous avons l'euro, l'euro qui est aujourd'hui à 11. Nous allons faire une fédération européenne qui ne coïncidera pas avec la zone monétaire unique? Donc, je pense que l'idée de Delors est une idée abstraite, qui n'a pas de chance de se réaliser, qui a le mérite de relancer le débat mais qui n'a pas de chance de se réaliser parce qu'il faut clarifier l'Europe, qu'il faut une constitution européenne, au sens d'avoir un texte clair, lisible, qui définisse les modes d'attribution du pouvoir et les partages de pouvoirs, que les gens puissent comprendre, que ce texte comprenne une charte des droits fondamentaux en effet.
Et d'ailleurs, si on avait un peu d'ambition politique, que ce texte soit soumis, moi j'aimerais que la création d'une nouvelle constitution européenne, avec cette charte, avec ses tarifications, avec une distinction de toutes les normes fondamentales, et qu'on les soumette le même jour à approbation par les peuples d'Europe, avec comme condition la majorité de l'ensemble des citoyens et une majorité d'Etats pour que cela entre en vigueur.
A l'heure actuelle, ne vous leurrez pas! C'est uniquement du ressort de la commission européenne et du Conseil européen. La réalité est là. Ce n'est pas le Parlement européen!
A écouter les hommes politiques, ils seraient tous d'accord pour plus de démocratie, plus de consultation des citoyens. Pourquoi est ce que cela ne se fait jamais? Et deux gouvernements qui se mettent d'accord, cela ne se fait pas non plus? Est ce qu'au fond, secrètement, les gouvernements n'en ont aucune envies? Est ce que ce n'est pas cela?
Il y a une autre raison, c'est que l'espoir que l'Europe avait fait naître d'un bel avenir et d'un grand avenir, est une idée désormais dans l'esprit des gens un petit peu vieillotte et dépassée. Car la mondialisation est allée beaucoup plus vite que la construction européenne, et les gens se projettent à un autre niveau.
Alors là, mon désaccord avec vous est très profond.
Tant mieux, je suis rassuré.
Tant mieux, cela dépend. Moi, je ne suis pas par principe rassuré si je suis en désaccord avec vous
Oui, on peut se rencontrer. Alors, pour quoi n'êtes vous pas d'accord?
Je pense que très profondément les grandes raisons d'être de l'Europe, c'est d'abord la paix. Avec des Etats qui n'ont cessé de se faire la guerre. Deuxièmement, la prospérité pour tous. Troisièmement, le respect des droits de l'homme, le développement des droits de l'homme et de la démocratie. Je crois que sur ces trois points, les gens en ont conscience et c'est pour cela qu'ils sont pro européens et sur ces trois points, l'Europe est un vrai succès!
Ce n'est pas l'Europe qui a fait la paix!
Tout dépend en définitive de la volonté des hommes.
Eh, bien ce sera le mot de la fin. Merci d'avoir été là.
Merci.
(source http://www.rpfie.org, le 5 mai 2000)