Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale et candidat à l'élection présidentielle, à RTL le 10 avril 2002, sur ses prises de position sur le conflit du Proche-Orient et sur son programme électoral.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief - Vous avez pris des positions sur le Proche-Orient qui condamnaient assez clairement Y. Arafat, qui étaient peut-être plus favorables à l'Etat d'Israël. Il y a eu une dizaine de morts dans un attentat ce matin ; cela veut-il dire que l'opération d'A. Sharon est d'ores et déjà un grave échec ?
- "Non. Ma position sur le Proche-Orient est dans la droite ligne des conséquences du 11 septembre. Il y a une menace très grave qui pèse sur la paix, sur l'idée même de notre civilisation, qui est le terrorisme aveugle et les bombes humaines, qui ont des bases d'entraînement, qui reçoivent de l'argent de l'extérieur et qui existent effectivement en Palestine. Il faut rappeler que ce terrorisme-là n'a pas pour objet de faire pression pour obtenir la paix. Beaucoup de gamins dans les banlieues prennent facilement fait et cause pour la vaillante résistance palestinienne contre la méchante armée israélienne. Je souhaite que les Palestiniens aient le plus rapidement possible un Etat garanti dans leurs frontières, un Etat démocratique, un Etat prospère, qu'ils aient des logements, qu'ils puissent aller à l'école. Je souhaite tout cela, mais je constate que ces terroristes palestiniens veulent faire obstacle à la paix, et si possible, à l'existence même de l'Etat d'Israël. Il n'y a donc pas de paix possible sans stopper les actions terroristes. On aurait pu penser qu'Arafat pouvait le faire mais il n'a pas voulu, il n'a pas su, n'a pas pu le faire. Et donc, d'une certaine façon, ceci conduit à essayer de mener un certain nombre d'opérations militaires policières."
Mais l'attentat de ce matin démontre peut-être que cette opération militaire d'A. Sharon ne donne pas de résultat, puisqu'elle était censée éviter les attentats...
- "Démonter un terrorisme après tant de passions, tant de haine, cela va prendre un temps fou. Mais vouloir la paix, c'est d'abord dénoncer fermement le terrorisme, c'est démanteler le terrorisme. J'espère que derrière, pour connaître un peu la région, une nouvelle génération de Palestiniens, peut-être aussi du côté israélien, sera capable de faire la paix. Permettez-moi d'ajouter une chose extrêmement importante - parce qu'il ne faut pas que nous importions sur notre territoire national cette haine et ce conflit - : il me parait extrêmement important qu'aujourd'hui, les intellectuels, les artistes, les hommes politiques se mobilisent pour organiser des rencontres, des manifestations, des concerts où on retrouve un peu tout le monde, toute cette jeunesse un peu bigarrée française, pour pouvoir dire qu'ils ont envie de vivre ensemble, qu'ils ont la chance de vivre en France et qu'ils veulent par-dessus tout la paix."
Revenons à la campagne électorale française et à votre programme. Vous vous présentez comme le plus réformateur, presque le seul. Et notamment sur la réforme de l'Etat, vous dites n'entendre personne d'autre, que vous êtes le seul à avoir des propositions. C'est peut-être tout simplement parce qu'avec moins de 5 % des intentions de vote, vous ne prenez pas trop le risque de vous coltiner les syndicats de fonctionnaires dans trois semaines ou un mois ?!
- "D'abord, il est vrai que je suis le seul candidat à l'élection présidentielle à présenter franchement un programme de rupture avec le socialisme et aussi avec une certaine forme de sociale-technocratie qui nous a étouffée pendant si longtemps."
Vous voulez dire que J. Chirac ne rompt pas avec le socialisme, ne rompt avec la sociale-technocratie ?
- "Pendant des dizaines d'années, nous avons, sous des formes diverses, tous progressé, les uns et les autres, mais nous avons quand même été dominés par une certaine forme de sociale-démocratie. On est au XXIème siècle, tout change : la nouvelle économie, un nouveau monde, une nouvelle société, une formidable aspiration à la liberté et, dans le même temps, un besoin d'autorité de l'Etat. Je ne propose pas une réforme qui n'ait été expérimentée, mise en oeuvre avec succès, chez nos partenaires étrangers. Dans la vie politique française, j'ai, me semble-t-il, une certaine crédibilité pour dire cela. Pourquoi ? Parce que dans tous les postes que j'ai pu exercer, j'ai moi-même mis en oeuvre des réformes..."
A Bercy, quand vous étiez ministre des Finances sous A. Juppé ?
- "Oui, à Bercy, pardonnez-moi, j'ai rompu avec la fuite en avant dans l'endettement qui était une catastrophe nationale et qui entraînait des taux d'intérêt extrêmement élevés et qui étouffait l'économie."
Vous n'avez pas engagé de réforme des fonctionnaires de Bercy, en tout cas ! Vous n'en avez pas vraiment eu le temps, c'est sûr !
- "Je n'en ai pas vraiment eu le temps. Ceci m'amène aussi à un problème de crédibilité, parce que je m'étais engagé à une réforme fiscale et lorsqu'elle m'est apparue impossible, j'ai préféré partir, montrant que je tenais plus à mes convictions, à mes engagements qu'à mon poste. Je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas capable de faire chez nous les réformes qui sont entreprises partout autour de nous."
Donnez-nous un exemple précis sur la réforme de l'Etat, qui serait possible sans grève dans les rues, sans insatisfaction qui bloque les services de l'Etat, enfin, sans problème.
- "Quelque chose d'extrêmement important : l'école. On en parle très peu et c'est un grand système bloqué. Vous avez vu Allègre échouer avec un grand projet de réforme. C'est vrai que les grands projets de réforme ne marchent pas. Alors, quand on n'est pas capable de faire de grands projets de réforme d'en haut, il faut faire des petits projets d'en bas. Mon projet est très simple : un statut d'établissement autonome pour les chefs d'établissements, les enseignants qui le souhaitent. De façon à ce qu'on leur laisse une très grande liberté de moyen. J'évalue le résultat - c'est le contraire de ce que l'on fait à l'heure actuelle : on se moque un peu du résultat, en revanche, quelle contrainte sur les moyens ! Donc, je leur laisse une très grande liberté de moyens pour adapter les horaires, pour recruter, pour former leur équipe enseignante, pour recruter des soutiens extérieurs, pour organiser des partenariats. Ce que je dis, c'est ce qui se fait en Angleterre, en Hollande, en Italie, en Espagne ; c'est ce qui doit se faire en France. C'est une réforme qui se fera à son rythme, au rythme où les enseignants le voudront, où les parents le souhaiteront. Mais enfin, on va pouvoir faire bouger l'école ! Et si j'ajoute à cela la liberté des parents de choisir l'école de leurs enfants, je vous assure que, notamment dans ces quartiers, ces cités aujourd'hui oubliées, où il y a des écoles ghettos, accolées à des cités ghettos..."
Ce serait une des solutions selon vous ?
- "C'est une des solutions absolument nécessaires, parce que quand on parle de la délinquance et de la nécessité de faire reculer la violence, il y a toujours au début un échec scolaire."
J. Chirac est en tête des sondage, L. Jospin patine ; vous n'êtes pas surpris ?
- "L. Jospin a montré qu'il n'avait pas de projet. Je suis très frappé par le désert de ses propositions. Je ne vois donc pas comment L. Jospin peut être élu. Mais j'ajoute que la droite peut être battue. Elle a toujours été élue aux dernières élections avec de l'audace, l'audace réformatrice - en 1986, en 1993, en 1995. Aujourd'hui, le programme de J. Chirac - c'est un choix - est au plus au centre. C'est donc la raison de ma candidature qui permet d'ajouter au premier tour une très forte volonté de réforme et de changement. Faire peser ces réformes au premier tour, c'est permettre de faire un grand rassemblement au second tour, qui représente la vraie chance de battre les socialistes."

(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 avril 2002)