Texte intégral
Q - Qu'est-ce que la France doit changer, compte tenu de la situation, à sa politique au Proche-Orient ?
R - Je pense surtout que, ce qui est important, c'est qu'il y ait une prise en compte globale de ce qui se passe là-bas - une situation absolument dramatique - et que la communauté internationale, dans son ensemble - les Etats-Unis, les Européens, les Français côte à côte - soit capable de faire entendre le langage de la raison aux uns et aux autres. Ce langage de la raison est à la fois très simple et très compliqué à mettre en uvre : c'est de dire à Ariel Sharon que l'occupation des Territoires occupés est une absurdité qui mène à l'impasse, y compris pour Israël ; et c'est de demander, comme l'a fait Hubert Védrine, à Yasser Arafat de se mettre à la hauteur de la situation historique, d'être capable de juguler le terrorisme avec un objectif, et un seul, qui est contenu dans la résolution fondamentale des Nations unies - la résolution 1397 - de parvenir à faire vivre deux Etats, un Etat israélien et un Etat palestinien, côte à côte, dans des frontières sûres et reconnues. La France doit être partie de ce processus. Elle l'est.
Q - C'est ce que vous attendez du voyage de Colin Powell dans la zone ?
R - Le réengagement américain, ne nous le cachons pas, est très important. De la même façon que le désengagement américain était l'explication d'une sorte de chèque en blanc qu'avait pris Israël. Et Colin Powell doit, là-bas, faire entendre cette voix avec beaucoup de force : la voix de la raison et aussi la voix d'une certaine forme d'autorité par rapport à cette région du monde.
Q - Vous êtes ministre des Affaires européennes. Pourquoi la diplomatie de l'Union européenne est-elle si absente ?
R - Peut-être malheureusement parce qu'elle n'a pas toujours été suffisamment unie sur ces sujets-là. Mais je la crois au contraire assez forte. Vous savez que Javier Solana et le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Pique, qui est le président du Conseil actuel, étaient au Proche-Orient. Mais, en même temps, il ne faut pas sans arrêt dire "l'Europe, l'Europe, l'Europe". L'Europe est une puissance en devenir ; elle a une cohérence qu'elle est en train de bâtir. On sait aussi que, au Proche-Orient, la voix américaine est, sinon prépondérante, du moins très importante.
Q - Avec les tensions au Liban sud, est-ce qu'on ne peut pas craindre un nouveau front au nord d'Israël, puis un embrasement général demain ?
R - C'est vrai que la situation actuelle est potentiellement explosive : raison de plus pour la maîtriser, et la maîtriser vite.
Q - Et vous considérez que Tony Blair a été irresponsable en menaçant l'Iraq ?
R - Vous savez, ce n'est pas la première fois que l'Iraq est menacé. C'est une rumeur qui court depuis des années et particulièrement depuis quelques mois. Je crois qu'il faut se concentrer sur la situation du Proche-Orient.
Q - Oui, mais Tony Blair est carrément passé au stade de la menace maintenant.
R - Pour ma part, je suis concentré sur ce qui se produit, sur ces événements dramatiques en Palestine. Et je pense que, si on trouve là une solution, l'ensemble de la zone, et d'ailleurs l'ensemble du monde, retrouveront une sérénité beaucoup plus grande.
Q - La situation au Proche-Orient a des répercussions en France. Est-ce que vous craignez des affrontements dans les semaines à venir entre communautés juive et arabo-musulmane dans notre pays ?
R - Je ne raisonne pas exactement comme cela, dans la mesure où, bien sûr, il existe des communautés et, bien sûr, il existe des sympathies. Il y a des gens qui se reconnaissent dans Israël ou qui soutiennent Israël ; d'autres qui soutiennent la création d'un Etat palestinien. Il y a un certain nombre de gens qui pensent les deux à la fois, car il ne s'agit pas d'être pro-israélien ou pro-palestinien, mais d'être pour le camp de la paix. Et je souhaite que la France se conduise comme ce qu'elle est, c'est-à-dire une grande République laïque qui n'accepte pas le communautarisme. Des communautés avec lesquelles il faut dialoguer, des sympathies ? Oui. Le communautarisme ? Non. Et je ne crois pas qu'il faille que le conflit du Proche-Orient se transpose, d'une façon ou d'une autre, sur notre sol.
Il faut que les uns et les autres aient le sens, à la fois, de la solidarité avec ce qu'ils croient et de la responsabilité. Mais je veux dire aussi, de la façon la plus claire, que quand on s'attaque à des lieux de culte juifs, à des biens juifs, à des personnes, quand on voit la résurgence d'actes antisémites - même si je n'approuve absolument pas ceux qui disent que la France est antisémite ou qui font des comparaisons, par exemple, avec la nuit de cristal ou avec la situation de l'entre deux guerres -, on touche la communauté nationale. Toucher la communauté juive, c'est toucher la communauté nationale.
Q - Et vous ne craignez pas que ce soit le fait d'un nouvel islamisme français ?
R - Je crois que ce sont les mêmes que ceux qui commettent des dégradations dans les banlieues. Mais il est vrai, en même temps, que le fait que cela se tourne vers les Juifs, compte tenu de l'histoire, peut avoir quelque chose de préoccupant.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 avril 2002)
R - Je pense surtout que, ce qui est important, c'est qu'il y ait une prise en compte globale de ce qui se passe là-bas - une situation absolument dramatique - et que la communauté internationale, dans son ensemble - les Etats-Unis, les Européens, les Français côte à côte - soit capable de faire entendre le langage de la raison aux uns et aux autres. Ce langage de la raison est à la fois très simple et très compliqué à mettre en uvre : c'est de dire à Ariel Sharon que l'occupation des Territoires occupés est une absurdité qui mène à l'impasse, y compris pour Israël ; et c'est de demander, comme l'a fait Hubert Védrine, à Yasser Arafat de se mettre à la hauteur de la situation historique, d'être capable de juguler le terrorisme avec un objectif, et un seul, qui est contenu dans la résolution fondamentale des Nations unies - la résolution 1397 - de parvenir à faire vivre deux Etats, un Etat israélien et un Etat palestinien, côte à côte, dans des frontières sûres et reconnues. La France doit être partie de ce processus. Elle l'est.
Q - C'est ce que vous attendez du voyage de Colin Powell dans la zone ?
R - Le réengagement américain, ne nous le cachons pas, est très important. De la même façon que le désengagement américain était l'explication d'une sorte de chèque en blanc qu'avait pris Israël. Et Colin Powell doit, là-bas, faire entendre cette voix avec beaucoup de force : la voix de la raison et aussi la voix d'une certaine forme d'autorité par rapport à cette région du monde.
Q - Vous êtes ministre des Affaires européennes. Pourquoi la diplomatie de l'Union européenne est-elle si absente ?
R - Peut-être malheureusement parce qu'elle n'a pas toujours été suffisamment unie sur ces sujets-là. Mais je la crois au contraire assez forte. Vous savez que Javier Solana et le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Pique, qui est le président du Conseil actuel, étaient au Proche-Orient. Mais, en même temps, il ne faut pas sans arrêt dire "l'Europe, l'Europe, l'Europe". L'Europe est une puissance en devenir ; elle a une cohérence qu'elle est en train de bâtir. On sait aussi que, au Proche-Orient, la voix américaine est, sinon prépondérante, du moins très importante.
Q - Avec les tensions au Liban sud, est-ce qu'on ne peut pas craindre un nouveau front au nord d'Israël, puis un embrasement général demain ?
R - C'est vrai que la situation actuelle est potentiellement explosive : raison de plus pour la maîtriser, et la maîtriser vite.
Q - Et vous considérez que Tony Blair a été irresponsable en menaçant l'Iraq ?
R - Vous savez, ce n'est pas la première fois que l'Iraq est menacé. C'est une rumeur qui court depuis des années et particulièrement depuis quelques mois. Je crois qu'il faut se concentrer sur la situation du Proche-Orient.
Q - Oui, mais Tony Blair est carrément passé au stade de la menace maintenant.
R - Pour ma part, je suis concentré sur ce qui se produit, sur ces événements dramatiques en Palestine. Et je pense que, si on trouve là une solution, l'ensemble de la zone, et d'ailleurs l'ensemble du monde, retrouveront une sérénité beaucoup plus grande.
Q - La situation au Proche-Orient a des répercussions en France. Est-ce que vous craignez des affrontements dans les semaines à venir entre communautés juive et arabo-musulmane dans notre pays ?
R - Je ne raisonne pas exactement comme cela, dans la mesure où, bien sûr, il existe des communautés et, bien sûr, il existe des sympathies. Il y a des gens qui se reconnaissent dans Israël ou qui soutiennent Israël ; d'autres qui soutiennent la création d'un Etat palestinien. Il y a un certain nombre de gens qui pensent les deux à la fois, car il ne s'agit pas d'être pro-israélien ou pro-palestinien, mais d'être pour le camp de la paix. Et je souhaite que la France se conduise comme ce qu'elle est, c'est-à-dire une grande République laïque qui n'accepte pas le communautarisme. Des communautés avec lesquelles il faut dialoguer, des sympathies ? Oui. Le communautarisme ? Non. Et je ne crois pas qu'il faille que le conflit du Proche-Orient se transpose, d'une façon ou d'une autre, sur notre sol.
Il faut que les uns et les autres aient le sens, à la fois, de la solidarité avec ce qu'ils croient et de la responsabilité. Mais je veux dire aussi, de la façon la plus claire, que quand on s'attaque à des lieux de culte juifs, à des biens juifs, à des personnes, quand on voit la résurgence d'actes antisémites - même si je n'approuve absolument pas ceux qui disent que la France est antisémite ou qui font des comparaisons, par exemple, avec la nuit de cristal ou avec la situation de l'entre deux guerres -, on touche la communauté nationale. Toucher la communauté juive, c'est toucher la communauté nationale.
Q - Et vous ne craignez pas que ce soit le fait d'un nouvel islamisme français ?
R - Je crois que ce sont les mêmes que ceux qui commettent des dégradations dans les banlieues. Mais il est vrai, en même temps, que le fait que cela se tourne vers les Juifs, compte tenu de l'histoire, peut avoir quelque chose de préoccupant.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 avril 2002)