Texte intégral
A. Hausser - Vous étiez récemment en Israël où vous avez rencontré les autorités israéliennes et Y. Arafat..
- "A Ramallah."
Sharon dit ce matin que Y. Arafat n'a pas rempli les conditions pour se rendre au sommet de Beyrouth. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
- "Si on veut donner une chance à la paix, il faut que le sommet de Beyrouth ait lieu et qu'il mobilise l'ensemble des leaders arabes autour d'une proposition de solution palestinienne. C'est très important pour l'avenir. C'est une des propositions disponibles. Je regrette que l'Europe ne soit pas au premier plan de ceux qui jouent les garants et les cautions. Si l'Europe existait, elle serait à l'égal des Etats-Unis et peut-être de la Ligue arabe, parmi ceux qui disent : "Voilà, nous garantissons que les négociations seront de bonne foi. Nous garantissons que les conclusions de ces négociations seront respectées". Pour l'instant, ce n'est pas le cas. La Ligue arabe a un rôle précieux à jouer. Naturellement, le sommet de Beyrouth sans Y. Arafat n'aurait pas le même sens qu'avec Y. Arafat. S'il va à Beyrouth, il sera engagé par les propositions qui seront celles de la Ligue arabe. Voilà pourquoi je pense que cela devrait évoluer dans ce sens dans l'intérêt même de ceux qui veulent la paix pour Israël."
Cela peut encore bouger ?
- "Oui, je pense que cela peut bouger. Il y a dans ces affaires un aspect d'affirmation politique et puis un bras de fer, et sans doute en-dessous des réalités qui sont plus nuancées."
Avant d'en venir à la campagne, une affaire plus européenne qui est l'ouverture du Tunnel du Mont-Blanc, une ouverture différée par la France, ce qui met les Italiens en colère. Comprenez-vous la colère des Italiens ou davantage les habitants de la vallée de Chamonix ?
- "Il faut aussi songer aux habitants de la vallée de Maurienne et à ceux qui, au tunnel de Fréjus, reçoivent tous les camions qui passent à cet endroit. Je trouve qu'il faut équilibrer les positions. De deux choses l'une : ou bien le tunnel est sûr, et alors on peut le rouvrir, ou bien il ne l'est pas et alors il ne faut pas le rouvrir. Mais la question qui se pose, comme l'a rappelé le commissaire européen, c'est uniquement la question de la sûreté et c'est cette question-là qui doit trouver sa réponse."
D'après vous, ce sont les préoccupations électoralistes qui font repousser la date de réouverture aux camions ?
- "Oui, il y a de cela, sûrement."
On en vient à la présidentielle. Il n'y aura pas de débat télévisé entre tous les candidats avant le premier tour. Franchement, y croyiez-vous ?
- "Bien sûr, j'y crois. Et je trouve même que votre travail à vous, les médias, aurait été de l'organiser."
Ce n'est pas faute de l'avoir proposé.
- "Ne le proposez pas, imposez-le. Je veux dire que vous n'avez pas à subir, tranquillement et les bras croisés, la manière dont la campagne électorale est organisée au gré des candidats. Vous avez, pardonnez-moi de vous le dire - c'est avec sympathie - une responsabilité civique. Les médias, c'est, en France, ce qui équilibre les excès des pouvoirs. C'est par vous normalement que ces excès doivent être combattus. Eh bien, organisez le débat. Il n'y a rien de plus simple que cela."
C'est ce que vous croyez.
- "Mais non. N'ayez pas peur de votre ombre. Prenez vos responsabilités. Mettez-vous trois ou quatre chaînes, un pool de grandes chaînes de radios et de télévisions et dites : nous organisons le débat tel jour à telle heure. Il y aura une chaise et un pupitre pour chacun. Et vienne qui veut. Et laissez vides les chaises de ceux qui ne veulent pas venir. Mais il n'y a rien de plus simple pour que les citoyens se retrouvent. Vous savez bien qu'ils ont beaucoup de réserves et de soupçons à l'égard de ce qu'ils appellent ou sentent comme le "système politico-médiatique". Ils pensent qu'on est dans une espèce d'intimité un peu incestueuse. Montrez que ce n'est pas le cas. Faites un travail très simple : vous montez un plateau, vous mettez un pupitre, vous laissez vide la chaise de ceux qui ne viendront pas, et je vous promets qu'alors, tous viendront. Mais prenez vos responsabilités. C'est votre mission démocratique."
On va essayer. Est-ce que les 500 signatures, c'est un excès de pouvoir aussi ?
- "Non, c'est un filtre, il en faut bien un, parce qu'autrement, on aurait 90 ou 95 personnes qui se présentent. Donc, il faut un filtre. Est-ce que ce filtre est le meilleur ? Je ne sais pas. On verra dans quelques jours."
Vous diriez que si J.-M. Le Pen n'arrivait pas à obtenir ses 500 signatures, ce ne serait pas le bon filtre ?
- "Je dis que, démocratiquement, ce qui semble normal, c'est que les candidats qui représentent des grands courants d'opinion soient présents."
Est-ce que vous iriez jusqu'à encourager des maires UDF à prêter leur signature ?
- "Non, je ne fais pas de trafic. Je n'en fais pas dans ce domaine et je n'en fais pas dans d'autres. Les signatures de maires ne nous appartiennent pas et on le voit bien. On n'attend pas de nous que, sous la table, on passe des signatures aux uns et aux autres, ou qu'on fasse des pressions en sens inverse, comme j'ai l'impression que cela se pratique. Je trouve que ce qu'il y a de plus anormal, c'est en effet les pressions exercées dans un sens ou dans l'autre."
Vous voulez dire les pressions contre ...
- "J'ai dit ce que j'avais à dire."
En ce qui concerne les grands thèmes de la campagne - il y a l'insécurité, il y a la liberté, les crédits, les baisses d'impôts, etc. J. Chirac hier à Amnéville, a dénoncé un étatisme insidieux. Il s'en est aussi pris au Gouvernement à cause de l'insuffisance des crédits pour la défense qui auraient baissé depuis cinq ans.
- "Il a prononcé des mots extrêmement durs contre le Gouvernement en matière de défense. Une réflexion me venait à l'esprit : il était, est, comme président de la République, chef des armées. Pourquoi ne s'est-il pas adressé à la nation depuis cinq ans en disant : on est en train de nuire à la défense de la France ? Pourquoi n'est-il pas venu à la télévision parler aux Français et leur expliquer le tort qu'on était en train de faire à la défense ? La vérité est que pendant cinq ans, il a supporté et même accepté, et sans doute donné son accord, à l'ensemble des décisions qui ont été prises. Sortir de ce système de consensus, de connivence peut-être, au bout de cinq ans, cela ne me paraît pas être très crédible aux yeux des Français."
Quand L. Jospin dit que fumer un joint chez soi c'est moins grave que de boire de l'alcool avant de conduire, vous partagez ce point de vue ?
- "Les gens qui ont de l'argent, un équilibre de vie, une situation, parlent de ce sujet à leur aise. C'est plus facile lorsqu'on est reconnu dans la vie et lorsqu'on est avec les moyens nécessaires de dire que le cannabis ce n'est rien. Mais quand on est un enfant de 10 ou 12 ans, qu'on commence à fumer ses premiers joints, qu'on est d'un milieu social très fragile, qu'on n'a pas de repère dans la vie et qu'on se trouve dans une cave de cité, alors le joint n'a pas la même signification. Et moi, je n'aime pas qu'on parle de ce sujet avec ce ton léger."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 mars 2002)
- "A Ramallah."
Sharon dit ce matin que Y. Arafat n'a pas rempli les conditions pour se rendre au sommet de Beyrouth. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
- "Si on veut donner une chance à la paix, il faut que le sommet de Beyrouth ait lieu et qu'il mobilise l'ensemble des leaders arabes autour d'une proposition de solution palestinienne. C'est très important pour l'avenir. C'est une des propositions disponibles. Je regrette que l'Europe ne soit pas au premier plan de ceux qui jouent les garants et les cautions. Si l'Europe existait, elle serait à l'égal des Etats-Unis et peut-être de la Ligue arabe, parmi ceux qui disent : "Voilà, nous garantissons que les négociations seront de bonne foi. Nous garantissons que les conclusions de ces négociations seront respectées". Pour l'instant, ce n'est pas le cas. La Ligue arabe a un rôle précieux à jouer. Naturellement, le sommet de Beyrouth sans Y. Arafat n'aurait pas le même sens qu'avec Y. Arafat. S'il va à Beyrouth, il sera engagé par les propositions qui seront celles de la Ligue arabe. Voilà pourquoi je pense que cela devrait évoluer dans ce sens dans l'intérêt même de ceux qui veulent la paix pour Israël."
Cela peut encore bouger ?
- "Oui, je pense que cela peut bouger. Il y a dans ces affaires un aspect d'affirmation politique et puis un bras de fer, et sans doute en-dessous des réalités qui sont plus nuancées."
Avant d'en venir à la campagne, une affaire plus européenne qui est l'ouverture du Tunnel du Mont-Blanc, une ouverture différée par la France, ce qui met les Italiens en colère. Comprenez-vous la colère des Italiens ou davantage les habitants de la vallée de Chamonix ?
- "Il faut aussi songer aux habitants de la vallée de Maurienne et à ceux qui, au tunnel de Fréjus, reçoivent tous les camions qui passent à cet endroit. Je trouve qu'il faut équilibrer les positions. De deux choses l'une : ou bien le tunnel est sûr, et alors on peut le rouvrir, ou bien il ne l'est pas et alors il ne faut pas le rouvrir. Mais la question qui se pose, comme l'a rappelé le commissaire européen, c'est uniquement la question de la sûreté et c'est cette question-là qui doit trouver sa réponse."
D'après vous, ce sont les préoccupations électoralistes qui font repousser la date de réouverture aux camions ?
- "Oui, il y a de cela, sûrement."
On en vient à la présidentielle. Il n'y aura pas de débat télévisé entre tous les candidats avant le premier tour. Franchement, y croyiez-vous ?
- "Bien sûr, j'y crois. Et je trouve même que votre travail à vous, les médias, aurait été de l'organiser."
Ce n'est pas faute de l'avoir proposé.
- "Ne le proposez pas, imposez-le. Je veux dire que vous n'avez pas à subir, tranquillement et les bras croisés, la manière dont la campagne électorale est organisée au gré des candidats. Vous avez, pardonnez-moi de vous le dire - c'est avec sympathie - une responsabilité civique. Les médias, c'est, en France, ce qui équilibre les excès des pouvoirs. C'est par vous normalement que ces excès doivent être combattus. Eh bien, organisez le débat. Il n'y a rien de plus simple que cela."
C'est ce que vous croyez.
- "Mais non. N'ayez pas peur de votre ombre. Prenez vos responsabilités. Mettez-vous trois ou quatre chaînes, un pool de grandes chaînes de radios et de télévisions et dites : nous organisons le débat tel jour à telle heure. Il y aura une chaise et un pupitre pour chacun. Et vienne qui veut. Et laissez vides les chaises de ceux qui ne veulent pas venir. Mais il n'y a rien de plus simple pour que les citoyens se retrouvent. Vous savez bien qu'ils ont beaucoup de réserves et de soupçons à l'égard de ce qu'ils appellent ou sentent comme le "système politico-médiatique". Ils pensent qu'on est dans une espèce d'intimité un peu incestueuse. Montrez que ce n'est pas le cas. Faites un travail très simple : vous montez un plateau, vous mettez un pupitre, vous laissez vide la chaise de ceux qui ne viendront pas, et je vous promets qu'alors, tous viendront. Mais prenez vos responsabilités. C'est votre mission démocratique."
On va essayer. Est-ce que les 500 signatures, c'est un excès de pouvoir aussi ?
- "Non, c'est un filtre, il en faut bien un, parce qu'autrement, on aurait 90 ou 95 personnes qui se présentent. Donc, il faut un filtre. Est-ce que ce filtre est le meilleur ? Je ne sais pas. On verra dans quelques jours."
Vous diriez que si J.-M. Le Pen n'arrivait pas à obtenir ses 500 signatures, ce ne serait pas le bon filtre ?
- "Je dis que, démocratiquement, ce qui semble normal, c'est que les candidats qui représentent des grands courants d'opinion soient présents."
Est-ce que vous iriez jusqu'à encourager des maires UDF à prêter leur signature ?
- "Non, je ne fais pas de trafic. Je n'en fais pas dans ce domaine et je n'en fais pas dans d'autres. Les signatures de maires ne nous appartiennent pas et on le voit bien. On n'attend pas de nous que, sous la table, on passe des signatures aux uns et aux autres, ou qu'on fasse des pressions en sens inverse, comme j'ai l'impression que cela se pratique. Je trouve que ce qu'il y a de plus anormal, c'est en effet les pressions exercées dans un sens ou dans l'autre."
Vous voulez dire les pressions contre ...
- "J'ai dit ce que j'avais à dire."
En ce qui concerne les grands thèmes de la campagne - il y a l'insécurité, il y a la liberté, les crédits, les baisses d'impôts, etc. J. Chirac hier à Amnéville, a dénoncé un étatisme insidieux. Il s'en est aussi pris au Gouvernement à cause de l'insuffisance des crédits pour la défense qui auraient baissé depuis cinq ans.
- "Il a prononcé des mots extrêmement durs contre le Gouvernement en matière de défense. Une réflexion me venait à l'esprit : il était, est, comme président de la République, chef des armées. Pourquoi ne s'est-il pas adressé à la nation depuis cinq ans en disant : on est en train de nuire à la défense de la France ? Pourquoi n'est-il pas venu à la télévision parler aux Français et leur expliquer le tort qu'on était en train de faire à la défense ? La vérité est que pendant cinq ans, il a supporté et même accepté, et sans doute donné son accord, à l'ensemble des décisions qui ont été prises. Sortir de ce système de consensus, de connivence peut-être, au bout de cinq ans, cela ne me paraît pas être très crédible aux yeux des Français."
Quand L. Jospin dit que fumer un joint chez soi c'est moins grave que de boire de l'alcool avant de conduire, vous partagez ce point de vue ?
- "Les gens qui ont de l'argent, un équilibre de vie, une situation, parlent de ce sujet à leur aise. C'est plus facile lorsqu'on est reconnu dans la vie et lorsqu'on est avec les moyens nécessaires de dire que le cannabis ce n'est rien. Mais quand on est un enfant de 10 ou 12 ans, qu'on commence à fumer ses premiers joints, qu'on est d'un milieu social très fragile, qu'on n'a pas de repère dans la vie et qu'on se trouve dans une cave de cité, alors le joint n'a pas la même signification. Et moi, je n'aime pas qu'on parle de ce sujet avec ce ton léger."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 mars 2002)