Interview de M. Denis Kessler, vice-président délégué du MEDEF, à LCI le 25 mars 2002, sur les programmes des candidats à l'élection présidentielle 2002 et le "contrat de législature" proposé par le MEDEF.

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NICOLAS BEYTOUT: Après deux mois de silence, le MEDEF a donné son opinion sur les programmes des différents candidats à l'élection présidentielle. Denis Kessler, vous avez donné une conférence de presse aujourd'hui. On a noté que, au cours de cette conférence, Ernest-Antoine Seillière, le président du MEDEF, a expliqué qu'il fallait que la droite ose si elle est aux affaires à partir de juin prochain et que la gauche comprenne. Est-ce que ça veut dire que vous n'êtes satisfait ni de ce qui se passe à droite ni de ce qui se passe à gauche?
DENIS KESSLER: Non. Ca veut dire simplement que nous souhaitons que les réformes soient maintenant entreprises sans tarder, qu'il faut y aller comme on dit et pour cela il faut que, si c'est un gouvernement de droite qu'il ose, c'est-à-dire qu'il surmonte les obstacles qui vont parsemer forcément le chemin qui mènera à ces réformes. Il faut aussi que la gauche, le gouvernement de gauche s'il sortira des urnes, eh bien lui comprenne, comprenne que nous sommes maintenant en économie concurrencée, qu'il faut respecter un certain nombre de critères de compétitivité. Donc voilà notre message: le gouvernement de droite doit oser, un gouvernement de gauche doit, à l'heure actuelle, comprendre.
NICOLAS BEYTOUT: Oui, quand on regarde ce qui se passe en Italie, on se dit qu'un gouvernement qui ose et qui veut entreprendre rapidement et fortement des réformes risque de se heurter assez vite à une contestation populaire assez vigoureuse. Est-ce que ce n'est pas le risque de brûler les étapes?
DENIS KESSLER: Il ne faut pas brûler les étapes. Beaucoup de réformes en France ont été, comme on le sait, différées. Vous savez en France
NICOLAS BEYTOUT: C'est probablement, enfin c'est peut-être en tout cas parce que l'opinion n'est pas forcément toujours prête.
DENIS KESSLER: Non, je crois que bien souvent, on trouve comme prétexte de ne pas faire les réformes en disant, attendez les élections, vous comprenez. Eh bien, les élections vont avoir lieu et puis après nous avons 5 ans, ce qui est véritablement une législature. Nous souhaitons, en ce qui nous concerne, un contrat de législature. Ca, c'est très important, c'est-à-dire: voilà les priorités qui sont affichées, voilà le cadencement
NICOLAS BEYTOUT: Ce serait différent d'un programme?
DENIS KESSLER: Absolument. C'est un contrat de législature qui concerne les partenaires sociaux puisque, comme vous le savez, nous souhaitons que l'on définisse clairement ce qui sera de la responsabilité des partenaires sociaux, ce qui sera de la responsabilité du Parlement et de l'Etat. Tout ceci est une approche nouvelle. En ce qui nous concerne, nous souhaitons jouer le jeu de la réforme. Nous avons dit: que le gouvernement soit de gauche, que le gouvernement soit de droite, le MEDEF est prêt à participer à la réforme de notre pays.
NICOLAS BEYTOUT: Dans les programmes, prenons les deux candidats qui ont quelque chance d'être au deuxième tour, dans les programmes de l'un et de l'autre est-ce que vous avez diagnostiqué des choses qui sont bonnes et d'autres qui ne sont pas bonnes, des choses que vous avez envie d'accompagner, d'autres que vous avez envie de contester?
DENIS KESSLER: Alors, ce qui nous plaît, c'est que beaucoup des idées que nous avons avancées ont été reprises par beaucoup des candidats. Par exemple, la question de l'articulation entre la loi et le contrat
NICOLAS BEYTOUT: Enfin, de manière très différente. Jacques Chirac dit: la loi doit s'effacer en gros devant le contrat et la loi peut venir étendre un accord entre les partenaires sociaux. Lionel Jospin dit l'inverse. Il dit: l'Etat doit être partie prenante à la politique sociale.
DENIS KESSLER: Oui, il y a des différences mais l'idée de trouver une nouvelle articulation entre les partenaires sociaux d'une part et puis le gouvernement d'autre part, eh bien cette idée a émergé à la suite de ce que l'on souhaitait. Autre idée: nous avions absolument souhaité la baisse des prélèvements obligatoires, c'est un impératif pour restaurer la compétitivité du pays, vous avez pu constater que c'est un tournant historique: beaucoup des candidats ont décidé d'inscrire la baisse des impôts à l'ordre du jour. C'est la même chose sur les retraites. Nous avions souhaité une réforme urgente des retraites. Qu'est-ce que l'on constate? Que les deux, d'ailleurs la plupart des candidats, acceptent cette idée maintenant de réformer les retraites.
NICOLAS BEYTOUT: Il y a un sujet sur lequel vous n'êtes pas suivi du tout, par exemple celui de la santé et de la privatisation, même si le mot est un tout petit peu caricatural de la Sécurité sociale. Jacques Chirac déclare demain dans une interview au Quotidien du Médecin que "la santé n'est pas une marchandise et que les professionnels de santé ne sont pas des prestataires de services" et donc il s'oppose à vos projets à vous de mise en concurrence dans certains cas de la couverture maladie.
DENIS KESSLER: Alors, d'abord on constate que la plupart des idées et des propositions du MEDEF ont été plébiscitées par les Français. Un sondage Ipsos le montre. Et notamment la question de savoir s'il faut laisser le libre choix aux Français entre une caisse de Sécurité sociale, une mutuelle, une assurance privée, eh bien la majorité des Français considère que c'est une bonne idée.
NICOLAS BEYTOUT: Oui, mais ça, ça dépend un peu des sondages. De la même manière que vous, vous avez un sondage qui dit que plus de 70 % des Français veulent assouplir les 35 heures, on n'est pas sûr qu'ils aient tous entendu la même question.
DENIS KESSLER: On a bien dit que c'était une proposition du MEDEF donc il n'y a pas d'ambiguïté sur le sens de l'assouplissement. Alors, en ce qui concerne maintenant l'assurance maladie, ce qui est très intéressant, c'est de voir que c'est une tâche aveugle du débat: on n'a pas voulu traiter la question de la réforme l'assurance maladie alors même que, comme vous le savez, nous avons une croissance des dépenses de l'ordre de 6 %, que nous avons un déficit récurrent et que toutes les professions de santé sont à l'heure actuelle dans une situation, j'allais dire, quasiment de rébellion. Donc, nous devons traiter l'assurance maladie, le pouvoir politique n'a pas voulu le faire, nous souhaitons que ce soit à l'ordre du jour, pour la raison simple c'est que nous sommes attachés à la santé de nos salariés et au bon fonctionnement de ce système important qu'est l'assurance maladie.
NICOLAS BEYTOUT: Est-ce que vous avez vu les différents candidats? Tous?
DENIS KESSLER: Nous avons vu quasiment tous les candidats
NICOLAS BEYTOUT: Lequel n'avez-vous pas vu?
DENIS KESSLER: Oh, il y a des rendez-vous qui sont encore programmés d'ici la fin. Le président Ernest-Antoine Seillière a souhaité rencontré Lionel Jospin par exemple. Pour le moment, ce rendez-vous n'a pas encore été établi. Nous souhaitons qu'il le soit
NICOLAS BEYTOUT: Mais il est pris?
DENIS KESSLER: Non. Le rendez-vous n'a pas encore été établi. Nous souhaitons qu'il le soit pour la raison que nous sommes un organisme de la société civile
NICOLAS BEYTOUT: Qu'est-ce que vous voulez faire? Sortir de votre isolement? Parce qu'il y a eu un problème de relation entre le gouvernement et le MEDEF et les partenaires sociaux de façon générale. Aujourd'hui, on a l'impression que vous voulez, pour la période qui s'ouvre, revenir dans le jeu démocratique. C'est ça?
DENIS KESSLER: Nous souhaitons que le gouvernement qui sera mis en place à l'issue des élections comprenne qu'il ne pourra pas réformer ce pays sans la participation des partenaires sociaux
NICOLAS BEYTOUT: Et vous voulez participer à cette réforme
DENIS KESSLER: . Qu'ils soient représentants des employeurs, qu'ils soient représentants des salariés. Et nous disons avec force: nous sommes prêts à le faire, quelle que soit la couleur politique du gouvernement, ce n'est pas notre affaire, mais il y a maintenant urgence. Cinq ans. Il faut que ces cinq ans soient extrêmement utiles, soient extrêmement féconds en matière de réformes parce que c'est une chance historique que nous avons devant nous
NICOLAS BEYTOUT: Vous voulez emmener avec vous les syndicats?
DENIS KESSLER: Ecoutez, nous l'avons déjà démontré. Je vous rappelle que nous avons lancé la Refondation sociale, vous savez qu'il y a des syndicats en France qui sont réformateurs, qui souhaitent comme nous faire avancer les choses
NICOLAS BEYTOUT: Et avec ceux-là, vous avez envie de travailler?
DENIS KESSLER: Bien entendu, nous souhaitons travailler, nous souhaitons, j'allais dire sans doute un nouveau pacs, ce que l'on appelle un contrat de législature avec le gouvernement issu des urnes.
NICOLAS BEYTOUT: Denis Kessler, merci.
(Source http://www.medef.fr, le 27 mars 2002)