Texte intégral
Si nous sommes aujourd'hui ensemble pour mener cette campagne pour les élections européennes, c'est que bien des choses ont changé. Les évolutions qui se sont produites en France dans le champ politique, en Europe dans la manière de concevoir la construction européenne, sont de très grande ampleur.
Bien sûr, nous n'avons pas porté les mêmes jugements sur le traité de Maastricht et sur celui d'Amsterdam qui en est l'ultime prolongement. Inutile de dissimuler ces divergences. Mais devant le nouveau paysage français et européen, nous avons fait le choix de nous tourner vers l'avenir. Qu'allons nous faire de la construction européenne aujourd'hui en suspens ? Comment nous orienter vraiment vers la croissance et l'emploi après des années consacrées à un monétarisme pourvoyeur de chômage ? Comment articuler les nations, qui sont le cadre de la démocratie, et l'Union européenne ? Comment bâtir une Europe européenne qui progressivement s'émancipe de la tutelle américaine ? Et cette question, vous le savez, est aujourd'hui cruciale. Comment promouvoir dans nos pays d'Europe un modèle social original forgé par plus de cent ans de combats du mouvement ouvrier et ne pas brader ce legs sur l'autel d'un libéralisme sans règle ?
A toutes ces questions nous avons constaté que nous apportions des réponses semblables. L'emploi et la croissance, la citoyenneté, le rôle de la France et de l'Europe dans le monde, la démocratie : ce sont les quatre grands thèmes de l'accord politique que nous avons conclu , le Mouvement des Citoyens et le Parti Socialiste.
Car si notre liste réunit des sensibilités différentes, elle est fondée sur un accord politique de fond. Ce n'est pas une juxtaposition de positions diverses ou contradictoires, c'est l'expression d'une convergence sur l'essentiel.
Cet accord est soudé par la réalité. Tous les chefs de gouvernement européens qui avaient signé le traité de Maastricht ont quitté la scène : désormais la question n'est plus d'organiser la rigueur pour faire la monnaie unique. Elle est de coordonner la relance pour réduire le chômage.
L'emploi est maintenant au premier rang. Nous pensons que cet objectif doit à présent figurer dans les statuts de la Banque centrale européenne au même rang que la lutte contre l'inflation, aujourd'hui disparue. Ce sera un outil pour peser sur les choix.
Le pilotage des politiques économiques doit revenir aux représentants des gouvernements élus et non à la Banque Centrale, c'est affaire de démocratie. Plus que d'un pacte de stabilité, l'Europe a besoin aujourd'hui d'organiser la croissance pour l'emploi. Enfin, une parité réaliste de l'euro avec le dollar est nécessaire pour nos industries.
Ces choix qu'ensemble nous avons mis en avant en juin 1997, pour lesquels les Français nous ont accordé leur confiance, nous devons les porter à Strasbourg. Je me réjouis de voir qu'avec notre liste, une large partie de la majorité réunie autour de Lionel Jospin est unie pour mener ce combat. Divisés, nous serions impuissants au parlement européen. Unis nous pourrons faire entendre la voix de la gauche française, qui a formé à Paris le pôle le plus progressiste, à ce jour au pouvoir en Europe occidentale.
Mais si nous avons pu nous rassembler, c'est aussi parce qu'une des grandes questions qui nous séparait, celle des rapports entre la nation et l'Europe, a évolué très vite en Europe. Les illusions qui laissaient croire aux citoyens que l'Europe se bâtirait sur les ruines des nations se sont évanouies. En Allemagne, avec Gerhard Schroeder, avec la réforme du droit de la nationalité, en Grande-Bretagne, où on cherche à concilier l'idée européenne et l'idée que les britanniques se font de leur nation, mais aussi en France, partout les idées ont avancé.
Parce qu'elles sont le cadre de la démocratie, l'Europe sera une Union d'Etats-nations, puisant dans leur force propre l'élan nécessaire. Chacune de ces nations apportera à l'ensemble sa couleur, son histoire, sa sensibilité, ses préférences. L'Allemagne, gage de stabilité pour l'ouverture vers l'Est, l'Espagne ouvrant les chemins de l'Amérique latine, l'Italie et la Grèce rappelant la dimension méditerranéenne, la France à la fois atlantique et si proche de l'Afrique et du monde arabo-musulman?
Loin de nier ces originalités, loin d'abaisser les nations, l'Europe doit constituer leur foyer naturel, précisément en raison de sa civilisation de tolérance et de diversité. Nous le savons, toutes les tentatives d'imposer à l'Europe un modèle unique se sont achevées en catastrophes humaines. Nous devons ainsi envisager un grand projet : construire un monde multipolaire et pacifique et une Europe européenne de l'Atlantique à la Russie.
La crise au Kossovo souligne l'immensité de la tâche. Comment peut-on parler d'Europe devant le tableau de la réalité d'avril 1999 : une capitale européenne bombardée pour la première fois depuis 1945, des épurations ethniques et des exactions, des populations chassées vers l'exode.
Devant la catastrophe humanitaire en marche, devant le risque de déstabilisation de la région, devant le risque de voir placer un coin entre l'Europe et la Russie, nous avons en commun la volonté de faire retour au plus vite à la solution politique. L'enjeu c'est de faire coexister dans les Balkans des peuples divers et moins différents qu'on ne le croit, de faire coexister au Kossovo les Albanais et les Serbes. Il n'est pas d'autre moyen de sortie de la crise que politique. L'histoire de l'Europe nous le montre : les accords négociés, même difficiles, les arrangements même imparfaits valent mieux que les tragédies humaines.
Par le G8, par le Groupe de contact dont est partie prenante la Russie, nous devons réintroduire le Conseil de Sécurité des Nations Unies dans la recherche d'une solution diplomatique. L'objectif politique, c'est l'envoi au Kossovo de casques bleus de l'ONU, la cessation des bombardements et la cessation des exactions, le retour chez eux des Albanais qui ont dû quitter le Kossovo.
C'est l'intérêt de la France. C'est l'intérêt de l'Europe, dès lors qu'on conçoit son avenir, non comme une annexe de l'empire américain, mais comme une entité autonome, capable de contribuer à un monde multipolaire et de poursuivre un dialogue utile avec la Russie.
Comme chacun de vous, j'ai constaté avec rage que la dépendance avait un prix énorme. Le recours à l'OTAN se paie au prix de la maîtrise américaine sur tout le processus. Or le règlement de cette crise européenne ne doit pas échapper aux Européens. L'autonomie stratégique de l'Europe qu'ensemble nous appelons de nos v?ux reste à construire. Elle est indispensable.
L'Europe que nous appelons de nos v?ux n'est pas une forteresse. Elle doit être ouverte à l'Est, favoriser les évolutions nécessaires en Russie, car elle a besoin de cette force d'équilibre.
Elle doit aussi être ouverte au Sud. Assignons lui ensemble l'objectif d'un co-développement non seulement entre les deux rives de la Méditerranée mais entre l'Europe et l'Afrique, entre l'Europe et l'Amérique latine.
Le principal enjeu de l'internationalisme aujourd'hui, c'est l'action concrète en faveur du développement des pays du Sud. Les aider à construire des Etats qui soient des Etats de droit, dégager desd marges par rapport aux lois imploacables du marché mondial, comme le font les accords de Lomé, voilà deux points forts qui font clivage entre les libéraux et nous.
Nous avons besoin d'imagination pour établir de nouveaux rapports entre l'Europe et les pays du Sud. Ni forteresse, ni destination obligée de tous ceux qui fuient la misère pour se transformer en main d'?uvre clandestine. Entre les deux, il faut instituer des passages, des passerelles. Faire en sorte que les migrations, dont les flux doivent être maîtrisées, servent le développement des pays d'origine, au lieu de rythmer le pillage des pays du sud et la clochardisation dans les pays du Nord. Oui, loin des tiers-mondismes de façade comme de l'égoïsme de l'homme blanc masqué en fardeau, le co-développement doit être la forme nouvelle de la solidarité pour les années à venir.
Enfin, ce qui nous réunit, c'est une conception élevée de la citoyenneté et de la démocratie.
Les libéraux voudraient opposer la République et l'Europe, pour mieu xringardiser la République. ?Nous tenons au contraire du pari inverse : on seulement l'Europe aura à respecter la forme républicaine que s'est donnée la France, mais beaucoup des exigences républicaines peuvent prendre corps au sein de l'Europe à construire.
Je pense évidemment à une certaine conception de l'égalité, au sens de l'intérêt public, à l'existence et à la promotion des services publics, au rôle que nous confions à l'Ecole mais aussi à des valeurs comme la laïcité et la citoyenneté.
La citoyenneté, c'est un ensemble indissociable de droits et de devoirs. C'est aussi une appartenance, un lien avec une nation, qui est de nature politique, fondé sur le vouloir-vivre ensemble et qui n'a rien à voir avec le droit du sang, la naissance ou l'origine. C'est une conception résolument moderne, respectueuse des individus et qui est aux antipodes de toute conception ethnique.
L' exaltation ethnique de la nation a conduit aux plus grands malheurs en Europe. Elle nourrit aujourd'hui des drames dans l'ex-Yougoslavie, parce qu'avec la disparition de la fédération yougoslave se sont réveillés les monstres : les identités ethniques régressives.
Et bien, à nos yeux, pour combattre vraiment la nation ethnique, il ne faut pas nier la nation, mais lui opposer la nation citoyenne. Celle qui rassemble des femmes et des hommes sans distinction d'origine, de religion, d'appartenance. Pour la République, il n'y a ni blancs, ni jaunes, ni noirs, ni catholiques,, ni athés, ni juifs, ni musulmans : il n'y a que des citoyens libres et égaux en droits.
Avec quelle joie nous avons vu nos amis socio-démocrates allemands reprendre cette conception de la nationalité qui fait sauter le verrou et ouvre les portes d'une Europe des peuples, capables de vive ensemble, capables de répondre aux défis des migrations.
Pour proposer cette idée de la citoyenneté en Europe il faut la faire vivre chez nous.
Qu'est ce qu'être citoyen face au chômage, à l'exclusion ? Qu'est ce qu'être citoyen pour les deux millions de jeunes Français issus de l'immigration et qui se heurtent aux discriminations, qui ont du mal à trouver leur place dans la société ? Comment pourra-t-on faire admettre à ces jeunes délaissés qu'ils participent d'un "NOUS" collectif si à chaque fois qu'ils se présentent pour un emploi on leur dit non parce qu'ils s'appellent Mohamed ou parce qu'ils sont noirs?
Nous avons une grande responsabilité historique face à ces jeunes et nous devons faire ?uvre de pédagogie. Il faut le leur dire : la citoyenneté c'est un combat. La citoyenneté c'est leur combat. Nous devons être à leurs côtés. Dans notre campagne, nous devons placer cet accès de tous à la citoyenneté au c?ur e nos propositions.
Voilà, à mes yeux, le fil rouge qui doit guider notre campagne aujourd'hui, notre action demain au parlement européen ; faire vivre la citoyenneté en France comme dans la construction européenne.
Il faut politiser l'Europe, ne pas craindre les clivages, s'ils font prendre conscience des choix qui se présentent à nous, que nous vivions en France, en Italie, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Construire en Europe un espace public de débat est la tâche de nos générations : c'est l'existence de cet espace commun qui permettra de bâtir une Europe fondée sur la démocratie. Il n'y a pas de raccourci. Les raccourcis sont souvent des impostures. Mais il y a là une perspective réaliste : construire l'Europe des peuples et des nations est sans doute difficile mais c'est la meilleure chance d'aboutir.
Je suis heureux que nous menions cette campagne ensemble parce qu'il n'y a qu'ici, dans cette équipe, que ces questions sont posées , que ces perspectives sont tracées. Trop de gens évitent les questions difficiles pour ne pas avoir à les trancher ; trop de listes sombrent dans la démagogie ; trop de gens additionnent pour ne pas avoir à choisir. Notre accord repose sur une base politique, il prolonge pour le parlement européen les choix qui nous unissent à l'Assemblée Nationale. Il donne à la gauche son vrai visage, réunit ses sensibilités et se donne les moyens de convaincre et de gagner.
Tournons nous vers l'avenir, donnons à la gauche française les moyens de peser à Strasbourg, donnons toutes ses chances à une France républicaine, généreuse, porteuse de projets, pour réorienter la construction européenne. Et nous rencontrerons la confiance de nos concitoyens.
(Source http://www.mdc-france.org/positions/poseurope_ante.html, le 21 mars 2002)
Bien sûr, nous n'avons pas porté les mêmes jugements sur le traité de Maastricht et sur celui d'Amsterdam qui en est l'ultime prolongement. Inutile de dissimuler ces divergences. Mais devant le nouveau paysage français et européen, nous avons fait le choix de nous tourner vers l'avenir. Qu'allons nous faire de la construction européenne aujourd'hui en suspens ? Comment nous orienter vraiment vers la croissance et l'emploi après des années consacrées à un monétarisme pourvoyeur de chômage ? Comment articuler les nations, qui sont le cadre de la démocratie, et l'Union européenne ? Comment bâtir une Europe européenne qui progressivement s'émancipe de la tutelle américaine ? Et cette question, vous le savez, est aujourd'hui cruciale. Comment promouvoir dans nos pays d'Europe un modèle social original forgé par plus de cent ans de combats du mouvement ouvrier et ne pas brader ce legs sur l'autel d'un libéralisme sans règle ?
A toutes ces questions nous avons constaté que nous apportions des réponses semblables. L'emploi et la croissance, la citoyenneté, le rôle de la France et de l'Europe dans le monde, la démocratie : ce sont les quatre grands thèmes de l'accord politique que nous avons conclu , le Mouvement des Citoyens et le Parti Socialiste.
Car si notre liste réunit des sensibilités différentes, elle est fondée sur un accord politique de fond. Ce n'est pas une juxtaposition de positions diverses ou contradictoires, c'est l'expression d'une convergence sur l'essentiel.
Cet accord est soudé par la réalité. Tous les chefs de gouvernement européens qui avaient signé le traité de Maastricht ont quitté la scène : désormais la question n'est plus d'organiser la rigueur pour faire la monnaie unique. Elle est de coordonner la relance pour réduire le chômage.
L'emploi est maintenant au premier rang. Nous pensons que cet objectif doit à présent figurer dans les statuts de la Banque centrale européenne au même rang que la lutte contre l'inflation, aujourd'hui disparue. Ce sera un outil pour peser sur les choix.
Le pilotage des politiques économiques doit revenir aux représentants des gouvernements élus et non à la Banque Centrale, c'est affaire de démocratie. Plus que d'un pacte de stabilité, l'Europe a besoin aujourd'hui d'organiser la croissance pour l'emploi. Enfin, une parité réaliste de l'euro avec le dollar est nécessaire pour nos industries.
Ces choix qu'ensemble nous avons mis en avant en juin 1997, pour lesquels les Français nous ont accordé leur confiance, nous devons les porter à Strasbourg. Je me réjouis de voir qu'avec notre liste, une large partie de la majorité réunie autour de Lionel Jospin est unie pour mener ce combat. Divisés, nous serions impuissants au parlement européen. Unis nous pourrons faire entendre la voix de la gauche française, qui a formé à Paris le pôle le plus progressiste, à ce jour au pouvoir en Europe occidentale.
Mais si nous avons pu nous rassembler, c'est aussi parce qu'une des grandes questions qui nous séparait, celle des rapports entre la nation et l'Europe, a évolué très vite en Europe. Les illusions qui laissaient croire aux citoyens que l'Europe se bâtirait sur les ruines des nations se sont évanouies. En Allemagne, avec Gerhard Schroeder, avec la réforme du droit de la nationalité, en Grande-Bretagne, où on cherche à concilier l'idée européenne et l'idée que les britanniques se font de leur nation, mais aussi en France, partout les idées ont avancé.
Parce qu'elles sont le cadre de la démocratie, l'Europe sera une Union d'Etats-nations, puisant dans leur force propre l'élan nécessaire. Chacune de ces nations apportera à l'ensemble sa couleur, son histoire, sa sensibilité, ses préférences. L'Allemagne, gage de stabilité pour l'ouverture vers l'Est, l'Espagne ouvrant les chemins de l'Amérique latine, l'Italie et la Grèce rappelant la dimension méditerranéenne, la France à la fois atlantique et si proche de l'Afrique et du monde arabo-musulman?
Loin de nier ces originalités, loin d'abaisser les nations, l'Europe doit constituer leur foyer naturel, précisément en raison de sa civilisation de tolérance et de diversité. Nous le savons, toutes les tentatives d'imposer à l'Europe un modèle unique se sont achevées en catastrophes humaines. Nous devons ainsi envisager un grand projet : construire un monde multipolaire et pacifique et une Europe européenne de l'Atlantique à la Russie.
La crise au Kossovo souligne l'immensité de la tâche. Comment peut-on parler d'Europe devant le tableau de la réalité d'avril 1999 : une capitale européenne bombardée pour la première fois depuis 1945, des épurations ethniques et des exactions, des populations chassées vers l'exode.
Devant la catastrophe humanitaire en marche, devant le risque de déstabilisation de la région, devant le risque de voir placer un coin entre l'Europe et la Russie, nous avons en commun la volonté de faire retour au plus vite à la solution politique. L'enjeu c'est de faire coexister dans les Balkans des peuples divers et moins différents qu'on ne le croit, de faire coexister au Kossovo les Albanais et les Serbes. Il n'est pas d'autre moyen de sortie de la crise que politique. L'histoire de l'Europe nous le montre : les accords négociés, même difficiles, les arrangements même imparfaits valent mieux que les tragédies humaines.
Par le G8, par le Groupe de contact dont est partie prenante la Russie, nous devons réintroduire le Conseil de Sécurité des Nations Unies dans la recherche d'une solution diplomatique. L'objectif politique, c'est l'envoi au Kossovo de casques bleus de l'ONU, la cessation des bombardements et la cessation des exactions, le retour chez eux des Albanais qui ont dû quitter le Kossovo.
C'est l'intérêt de la France. C'est l'intérêt de l'Europe, dès lors qu'on conçoit son avenir, non comme une annexe de l'empire américain, mais comme une entité autonome, capable de contribuer à un monde multipolaire et de poursuivre un dialogue utile avec la Russie.
Comme chacun de vous, j'ai constaté avec rage que la dépendance avait un prix énorme. Le recours à l'OTAN se paie au prix de la maîtrise américaine sur tout le processus. Or le règlement de cette crise européenne ne doit pas échapper aux Européens. L'autonomie stratégique de l'Europe qu'ensemble nous appelons de nos v?ux reste à construire. Elle est indispensable.
L'Europe que nous appelons de nos v?ux n'est pas une forteresse. Elle doit être ouverte à l'Est, favoriser les évolutions nécessaires en Russie, car elle a besoin de cette force d'équilibre.
Elle doit aussi être ouverte au Sud. Assignons lui ensemble l'objectif d'un co-développement non seulement entre les deux rives de la Méditerranée mais entre l'Europe et l'Afrique, entre l'Europe et l'Amérique latine.
Le principal enjeu de l'internationalisme aujourd'hui, c'est l'action concrète en faveur du développement des pays du Sud. Les aider à construire des Etats qui soient des Etats de droit, dégager desd marges par rapport aux lois imploacables du marché mondial, comme le font les accords de Lomé, voilà deux points forts qui font clivage entre les libéraux et nous.
Nous avons besoin d'imagination pour établir de nouveaux rapports entre l'Europe et les pays du Sud. Ni forteresse, ni destination obligée de tous ceux qui fuient la misère pour se transformer en main d'?uvre clandestine. Entre les deux, il faut instituer des passages, des passerelles. Faire en sorte que les migrations, dont les flux doivent être maîtrisées, servent le développement des pays d'origine, au lieu de rythmer le pillage des pays du sud et la clochardisation dans les pays du Nord. Oui, loin des tiers-mondismes de façade comme de l'égoïsme de l'homme blanc masqué en fardeau, le co-développement doit être la forme nouvelle de la solidarité pour les années à venir.
Enfin, ce qui nous réunit, c'est une conception élevée de la citoyenneté et de la démocratie.
Les libéraux voudraient opposer la République et l'Europe, pour mieu xringardiser la République. ?Nous tenons au contraire du pari inverse : on seulement l'Europe aura à respecter la forme républicaine que s'est donnée la France, mais beaucoup des exigences républicaines peuvent prendre corps au sein de l'Europe à construire.
Je pense évidemment à une certaine conception de l'égalité, au sens de l'intérêt public, à l'existence et à la promotion des services publics, au rôle que nous confions à l'Ecole mais aussi à des valeurs comme la laïcité et la citoyenneté.
La citoyenneté, c'est un ensemble indissociable de droits et de devoirs. C'est aussi une appartenance, un lien avec une nation, qui est de nature politique, fondé sur le vouloir-vivre ensemble et qui n'a rien à voir avec le droit du sang, la naissance ou l'origine. C'est une conception résolument moderne, respectueuse des individus et qui est aux antipodes de toute conception ethnique.
L' exaltation ethnique de la nation a conduit aux plus grands malheurs en Europe. Elle nourrit aujourd'hui des drames dans l'ex-Yougoslavie, parce qu'avec la disparition de la fédération yougoslave se sont réveillés les monstres : les identités ethniques régressives.
Et bien, à nos yeux, pour combattre vraiment la nation ethnique, il ne faut pas nier la nation, mais lui opposer la nation citoyenne. Celle qui rassemble des femmes et des hommes sans distinction d'origine, de religion, d'appartenance. Pour la République, il n'y a ni blancs, ni jaunes, ni noirs, ni catholiques,, ni athés, ni juifs, ni musulmans : il n'y a que des citoyens libres et égaux en droits.
Avec quelle joie nous avons vu nos amis socio-démocrates allemands reprendre cette conception de la nationalité qui fait sauter le verrou et ouvre les portes d'une Europe des peuples, capables de vive ensemble, capables de répondre aux défis des migrations.
Pour proposer cette idée de la citoyenneté en Europe il faut la faire vivre chez nous.
Qu'est ce qu'être citoyen face au chômage, à l'exclusion ? Qu'est ce qu'être citoyen pour les deux millions de jeunes Français issus de l'immigration et qui se heurtent aux discriminations, qui ont du mal à trouver leur place dans la société ? Comment pourra-t-on faire admettre à ces jeunes délaissés qu'ils participent d'un "NOUS" collectif si à chaque fois qu'ils se présentent pour un emploi on leur dit non parce qu'ils s'appellent Mohamed ou parce qu'ils sont noirs?
Nous avons une grande responsabilité historique face à ces jeunes et nous devons faire ?uvre de pédagogie. Il faut le leur dire : la citoyenneté c'est un combat. La citoyenneté c'est leur combat. Nous devons être à leurs côtés. Dans notre campagne, nous devons placer cet accès de tous à la citoyenneté au c?ur e nos propositions.
Voilà, à mes yeux, le fil rouge qui doit guider notre campagne aujourd'hui, notre action demain au parlement européen ; faire vivre la citoyenneté en France comme dans la construction européenne.
Il faut politiser l'Europe, ne pas craindre les clivages, s'ils font prendre conscience des choix qui se présentent à nous, que nous vivions en France, en Italie, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Construire en Europe un espace public de débat est la tâche de nos générations : c'est l'existence de cet espace commun qui permettra de bâtir une Europe fondée sur la démocratie. Il n'y a pas de raccourci. Les raccourcis sont souvent des impostures. Mais il y a là une perspective réaliste : construire l'Europe des peuples et des nations est sans doute difficile mais c'est la meilleure chance d'aboutir.
Je suis heureux que nous menions cette campagne ensemble parce qu'il n'y a qu'ici, dans cette équipe, que ces questions sont posées , que ces perspectives sont tracées. Trop de gens évitent les questions difficiles pour ne pas avoir à les trancher ; trop de listes sombrent dans la démagogie ; trop de gens additionnent pour ne pas avoir à choisir. Notre accord repose sur une base politique, il prolonge pour le parlement européen les choix qui nous unissent à l'Assemblée Nationale. Il donne à la gauche son vrai visage, réunit ses sensibilités et se donne les moyens de convaincre et de gagner.
Tournons nous vers l'avenir, donnons à la gauche française les moyens de peser à Strasbourg, donnons toutes ses chances à une France républicaine, généreuse, porteuse de projets, pour réorienter la construction européenne. Et nous rencontrerons la confiance de nos concitoyens.
(Source http://www.mdc-france.org/positions/poseurope_ante.html, le 21 mars 2002)