Texte intégral
Le ministre délégué à l'enseignement professionnel visite aujourd'hui à Reims le lycée professionnel Europe. Jean-Luc Mélenchon vient notamment parler du futur lycée des métiers censé former les jeunes qui, dans les dix ans à venir, compenseront le départ de cinq millions de retraités.
Le rectorat de Reims annonce 1145 élèves de plus dans les LP de Champagne-Ardenne en septembre prochain. Celui d'Amiens, + 280 en Picardie. Comment expliquer le regain d'intérêt des jeunes pour l'enseignement professionnel ?
Jean-Luc Mélenchon. - Il y a plusieurs raisons. La première est que le mépris pour l'enseignement professionnel n'existe plus que dans la tête des élites. Combien de décideurs quinquagénaires en sont restés à l'imagerie des années soixante-dix ? Combien savent que l'enseignement professionnelle conduit au bac ? A contrario, les gens, savent qu'un savoir sans certification sociale, donc qui n'est pas reconnu par une qualification, n'est qu'une mystification. Il savent aussi que le niveau de savoir pré-requis par les métiers s'élève de plus en plus et donc que l'enseignement professionnel a une véritable valeur intellectuelle. La troisième raison est le choc démographique sans précédent que notre pays va devoir encaisser dans les dix ans qui viennent : cinq millions de nouveaux retraités, entre deux et trois millions d'emplois créés par la croissance, même molle, au total de 7 à 8 millions d'emplois à occuper alors qu'il ne sortira dans le même temps que 750 000 jeunes du système éducatif. Nous avons donc un devoir impérieux d'optimiser les sortie qualifiantes. D'ailleurs, deux enquêtes récentes démontrent qu'en période de chômage ou de reprise, le diplôme est la garantie de l'embauche.
L'enseignement professionnel continue pourtant à pâtir d'une image péjorative. Comment en sortir ?
Jean-Luc Mélenchon. - L'image, je m'en fiche. Je ne dépenserai pas un franc de pub pour la valoriser. Je ne sais qu'une chose : si le système est performant, les jeunes viendront.
Vous dites qu'il faut revaloriser le travail. Comment les 35 heures qui proposent de travailler moins, peuvent-elles y contribuer ?
Jean-Luc Mélenchon. - Revaloriser le travail, c'est d'abord refuser l'idée irréaliste et très répandue qu'on va bientôt pouvoir s'en passer. Ca ne veut pas dire pour autant qu'on ne doit pas veiller à travailler dans de meilleures conditions. Travailler moins pour travailler tous, c'est une bonne idée. Il n'y a que le baron Seillière pour confondre les 35 heures avec la civilisation des loisirs. Il n'a peut-être jamais rencontré les fédérations de l'hôtellerie, du bricolage ou de la restauration. Pour ces gens-là, les 35 heures, c'est tout simplement plus de travail disponible.
Le futur lycée des métiers est sur les rails. De quoi s'agit-il ?
Jean-Luc Mélenchon. - L'idée est de concentrer en un même établissement toutes les formations autour d'une identité professionnelle forte, du CAP à la licence professionnelle. Il s'agit de faire la démonstration qu'on peut passer de façon fluide, de la voie technologique à la voie professionnelle et trouver sur place, à la fois un centre de formation continue, un centre de validation des acquis et de l'expérience, un centre d'apprentissage public, des formations supérieures type BTS et des licences professionnelles. Les jeunes en échec scolaire, en, réalité, ne le sont pas. C'est le système qui l'est. Proposons-leur des filières qui ne soient pas des impasses et où ils savent que, tous les deux ans, leur formation sera marquée par l'acquisition d'un diplôme qui a une valeur marchande et ça marchera.
Sur quelles structures fonctionne ce lycée des métiers ?
Jean-Luc Mélenchon. - Sur les établissements existants dont l'offre de formation correspondra à la maquette que le ministère a mise en place. Il n'y a rien dans cette maquette dont je ne puisse apporter la démonstration que ça fonctionne déjà. Elle est un label de qualité fondé sur l'expérimentation déjà réussie. Tous les LP ont pour objectif de devenir un lycée des métiers. La vraie question est de savoir combien de temps cela prendra et combien cela coûtera. L'octroi des labels se déroulera par vague. Mais je ne pousse pas à la consommation, je ne suis pas pour la réforme à coups de pied. Il faut y aller méthodiquement.
Les gens d'entreprises doivent-ils être de plus en plus présents au sein des LP au risque de froisser certaines susceptibilités syndicales ?
Jean-Luc Mélenchon. - Il faut décontracter ce débat. D'abord, les professionnels dans les lycées, ce n'est pas possible dans toutes les matières, on le sait. Dans les matières générales et techniques dont nous recrutons les profs, la grande surprise est que nous avons huit candidats pour un poste. Donc pas d'inquiétude de ce côté là. Pour le reste, j'ai offert pour la première fois cette année 200 places rémunérées 7500 F par mois à des professionnels qui veulent devenir profs. Résultats : dix demandes pour une place ! Il existe enfin le système des professeurs associés, c'est-à-dire des professionnels qui interviennent dans les lycées, même si pour l'instant, ça n'a pas vraiment pris. Enfin, à propos du lien entre les profs et les entreprises, j'ajoute que 90 entreprises françaises se sont engagées à prendre des enseignants en stage. L'initiative marche à merveille et vous savez quoi ? Les enseignants font ça gratuitement et pendant leurs vacances ! C'est l'illustration exactement contraire de ce que racontait Allègre !
Imaginons que la France ne parvienne pas à former assez de monde. Faudra-t-il recourir à une nouvelle vague d'immigration ?
Jean-Luc Mélenchon. - Ce serait une aberration totale. La France a 1 250 000 personnes sans qualification au chômage. La priorité, c'est de former ceux là. L'immigration sélective, moi, j'appelle ça le pillage de matière grise dans les pays pauvres. Après ça, ce n'est pas la peine de faire de beaux discours sur la réduction des écarts de développement !
Vous avez lancé deux campagnes contre la violence en établissements professionnels. Seraient-ils plus concernés que d'autres ?
Jean-Luc Mélenchon. - Pas plus, non. Mais j'ai souhaité que l'enseignement professionnel utilise ses propres méthodes. Quand on me dit que 90 % des LP sont tranquilles et donc que ce n'est pas la peine d'en parler, je ne suis pas d'accord. Parlons au contraire de la violence comme d'une matière première de réflexion pédagogique. Il est vrai qu'un jeune en LP a un projet de vie et qu'il est à priori plus stabilisé qu'un autre. Mais ce n'est pas une raison pour s'endormir.
Propos recueillis par Gilles Grandpierre.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 29 janvier 2002)
Le rectorat de Reims annonce 1145 élèves de plus dans les LP de Champagne-Ardenne en septembre prochain. Celui d'Amiens, + 280 en Picardie. Comment expliquer le regain d'intérêt des jeunes pour l'enseignement professionnel ?
Jean-Luc Mélenchon. - Il y a plusieurs raisons. La première est que le mépris pour l'enseignement professionnel n'existe plus que dans la tête des élites. Combien de décideurs quinquagénaires en sont restés à l'imagerie des années soixante-dix ? Combien savent que l'enseignement professionnelle conduit au bac ? A contrario, les gens, savent qu'un savoir sans certification sociale, donc qui n'est pas reconnu par une qualification, n'est qu'une mystification. Il savent aussi que le niveau de savoir pré-requis par les métiers s'élève de plus en plus et donc que l'enseignement professionnel a une véritable valeur intellectuelle. La troisième raison est le choc démographique sans précédent que notre pays va devoir encaisser dans les dix ans qui viennent : cinq millions de nouveaux retraités, entre deux et trois millions d'emplois créés par la croissance, même molle, au total de 7 à 8 millions d'emplois à occuper alors qu'il ne sortira dans le même temps que 750 000 jeunes du système éducatif. Nous avons donc un devoir impérieux d'optimiser les sortie qualifiantes. D'ailleurs, deux enquêtes récentes démontrent qu'en période de chômage ou de reprise, le diplôme est la garantie de l'embauche.
L'enseignement professionnel continue pourtant à pâtir d'une image péjorative. Comment en sortir ?
Jean-Luc Mélenchon. - L'image, je m'en fiche. Je ne dépenserai pas un franc de pub pour la valoriser. Je ne sais qu'une chose : si le système est performant, les jeunes viendront.
Vous dites qu'il faut revaloriser le travail. Comment les 35 heures qui proposent de travailler moins, peuvent-elles y contribuer ?
Jean-Luc Mélenchon. - Revaloriser le travail, c'est d'abord refuser l'idée irréaliste et très répandue qu'on va bientôt pouvoir s'en passer. Ca ne veut pas dire pour autant qu'on ne doit pas veiller à travailler dans de meilleures conditions. Travailler moins pour travailler tous, c'est une bonne idée. Il n'y a que le baron Seillière pour confondre les 35 heures avec la civilisation des loisirs. Il n'a peut-être jamais rencontré les fédérations de l'hôtellerie, du bricolage ou de la restauration. Pour ces gens-là, les 35 heures, c'est tout simplement plus de travail disponible.
Le futur lycée des métiers est sur les rails. De quoi s'agit-il ?
Jean-Luc Mélenchon. - L'idée est de concentrer en un même établissement toutes les formations autour d'une identité professionnelle forte, du CAP à la licence professionnelle. Il s'agit de faire la démonstration qu'on peut passer de façon fluide, de la voie technologique à la voie professionnelle et trouver sur place, à la fois un centre de formation continue, un centre de validation des acquis et de l'expérience, un centre d'apprentissage public, des formations supérieures type BTS et des licences professionnelles. Les jeunes en échec scolaire, en, réalité, ne le sont pas. C'est le système qui l'est. Proposons-leur des filières qui ne soient pas des impasses et où ils savent que, tous les deux ans, leur formation sera marquée par l'acquisition d'un diplôme qui a une valeur marchande et ça marchera.
Sur quelles structures fonctionne ce lycée des métiers ?
Jean-Luc Mélenchon. - Sur les établissements existants dont l'offre de formation correspondra à la maquette que le ministère a mise en place. Il n'y a rien dans cette maquette dont je ne puisse apporter la démonstration que ça fonctionne déjà. Elle est un label de qualité fondé sur l'expérimentation déjà réussie. Tous les LP ont pour objectif de devenir un lycée des métiers. La vraie question est de savoir combien de temps cela prendra et combien cela coûtera. L'octroi des labels se déroulera par vague. Mais je ne pousse pas à la consommation, je ne suis pas pour la réforme à coups de pied. Il faut y aller méthodiquement.
Les gens d'entreprises doivent-ils être de plus en plus présents au sein des LP au risque de froisser certaines susceptibilités syndicales ?
Jean-Luc Mélenchon. - Il faut décontracter ce débat. D'abord, les professionnels dans les lycées, ce n'est pas possible dans toutes les matières, on le sait. Dans les matières générales et techniques dont nous recrutons les profs, la grande surprise est que nous avons huit candidats pour un poste. Donc pas d'inquiétude de ce côté là. Pour le reste, j'ai offert pour la première fois cette année 200 places rémunérées 7500 F par mois à des professionnels qui veulent devenir profs. Résultats : dix demandes pour une place ! Il existe enfin le système des professeurs associés, c'est-à-dire des professionnels qui interviennent dans les lycées, même si pour l'instant, ça n'a pas vraiment pris. Enfin, à propos du lien entre les profs et les entreprises, j'ajoute que 90 entreprises françaises se sont engagées à prendre des enseignants en stage. L'initiative marche à merveille et vous savez quoi ? Les enseignants font ça gratuitement et pendant leurs vacances ! C'est l'illustration exactement contraire de ce que racontait Allègre !
Imaginons que la France ne parvienne pas à former assez de monde. Faudra-t-il recourir à une nouvelle vague d'immigration ?
Jean-Luc Mélenchon. - Ce serait une aberration totale. La France a 1 250 000 personnes sans qualification au chômage. La priorité, c'est de former ceux là. L'immigration sélective, moi, j'appelle ça le pillage de matière grise dans les pays pauvres. Après ça, ce n'est pas la peine de faire de beaux discours sur la réduction des écarts de développement !
Vous avez lancé deux campagnes contre la violence en établissements professionnels. Seraient-ils plus concernés que d'autres ?
Jean-Luc Mélenchon. - Pas plus, non. Mais j'ai souhaité que l'enseignement professionnel utilise ses propres méthodes. Quand on me dit que 90 % des LP sont tranquilles et donc que ce n'est pas la peine d'en parler, je ne suis pas d'accord. Parlons au contraire de la violence comme d'une matière première de réflexion pédagogique. Il est vrai qu'un jeune en LP a un projet de vie et qu'il est à priori plus stabilisé qu'un autre. Mais ce n'est pas une raison pour s'endormir.
Propos recueillis par Gilles Grandpierre.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 29 janvier 2002)