Conférence de presse de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur l'accord de défense signé entre la France et le Chili, les essais nucléaires en Inde et le démantèlement du site d'expérimentation du Pacifique, Santiago-du-Chili le 29 mai 1998.

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Circonstance : Visite de M. Richard au Chili le 29 mai 1998-rencontre avec M. Raul Troncoso, ministre de la défense à Santiago du Chili

Texte intégral

J'ai le plaisir de vous présenter le ministre de la Défense de France, en visite au Chili ; une visite prévue depuis un certain temps ; nous avons eu, depuis 8 heures 30 ce matin à l'aéroport, la possibilité d'avoir des conversations sur des thèmes variés qui intéressent nos deux pays en matière de défense. Nous avons échangé des opinions sur des problèmes de sécurité mondiale, régionale et nationale. Nous avons conversé sur les progrès de l'accord sur la défense souscrit en 1996, précisément en avril 1996, entre le Chili et la France, qui signifie tout un programme de coopération en plein développement, et parallèlement, nous avons signé un amendement à cet accord qui a pour objectif la mise en place prochaine d'une commission permanente d'échanges en matière de défense entre le Chili et la France, afin de donner un nouvel élan à la relation bilatérale.
Nous sommes convaincus de l'importance de cet accord. Il s'inscrit dans le cadre de la politique de défense que le Chili a poursuivie jusqu'à présent, en souscrivant le même type d'accord avec d'autres pays, d'Europe et de l'Hémisphère en particulier.
Je voulais souligner cela parce que, évidemment, l'intérêt est centré sur les avions et j'ai le plaisir de dire que c'est un thème que nous avons abordé, bien sûr, mais qui n'a pas été au coeur des conversations que nous avons eues.
ALAIN RICHARD
En vous remerciant de votre présence, j'aimerais tout d'abord souligner l'importance qu'a pour notre coopération de défense l'accord - l'amendement à l'accord technique - que nous avons signé tout à l'heure avec mon collègue le ministre chilien, et l'intention que nous avons de poursuivre et de renforcer les relations de coopération militaire qui existent entre nos deux pays. J'ai également transmis au président Frei, qui a bien voulu me recevoir ce matin, un message du président de la République française, qui souligne les convergences importantes qui existent en matière de politique internationale entre nos deux pays. Les sujets sur lesquels nous travaillons déjà entre les organisations militaires du Chili et de la France sont nombreux et attestent de la grande qualité des relations techniques entre les armées des deux pays - notamment les armées de l'air et les marines ; nous avons également un passé déjà riche de relations industrielles.
Les ambitions supplémentaires que nous inscrivons dans notre nouvel accord sont, justement, de passer à un niveau supérieur dans nos relations, en particulier d'avoir une coopération et des échanges sur les questions stratégiques. Nos deux pays ont exercé - et exercent encore - des responsabilités importantes en matière de maintien de la paix dans les zones en crise, puisque le Chili comme la France sommes des pays qui essayons d'apporter une contribution concrète au traitement et à la résolution des crises internationales, parce que nous croyons à un monde organisé ; nous avons aussi des intérêts communs en matière de sécurité régionale, qu'il s'agisse de la zone d'Amérique latine, qu'il s'agisse aussi de la zone du Pacifique où nous avons des préoccupations communes ; et puis nos deux armées sont en train de poursuivre un processus de modernisation technique et il nous semble que les services chargés des acquisitions, les services chargés de la maintenance, ceux chargés du financement de l'armement dans nos deux pays, peuvent de façon utile améliorer leur connaissance mutuelle et développer des projets en commun.
Et puis, la France, comme vous le savez, est en train d'accomplir une réforme en profondeur de son armée qui devient une armée professionnelle ; ce processus qui est engagé depuis maintenant deux ans entraîne un ensemble de réformes visant à l'efficacité de notre organisation de défense et, comme nous avons de notre côté, un grand respect pour le professionnalisme de la défense chilienne, nous pensons qu'il est également tout à fait fructueux que nous ayons des réflexions comparatives en matière d'organisation militaire. C'est la raison pour laquelle nous mettons au travail cette commission permanente de coopération et c'était donc le sens principal de mon déplacement ici, qui prend sa place dans une progression, dans une continuité de relations de défense entre les deux pays.
Je voudrais en quelques mots exprimer le sens politique qui résume la relation de confiance entre le Chili et la France. D'abord les autorités de notre pays veulent témoigner de leur grand respect pour la tâche difficile de consolidation de la démocratie que mènent aujourd'hui les responsables politiques chiliens. Ensuite nous tenons à souligner l'attitude coopérative et pacifique que mène de façon constante le Chili dans la vie internationale ; le sens de l'autonomie stratégique qui guide toujours la politique de défense chilienne et qui est un point important de rapprochement entre nous ; et puis, la croyance qui nous est commune dans la primauté de la règle de droit dans la vie internationale, qui est, me semble-t-il, une voie de progrès dans laquelle nous avançons ensemble.
QUESTIONS DES JOURNALISTES
Vous avez parlé de continuité dans les relations entre les deux pays dans le domaine de la défense. Dans ce contexte, quelle importance le gouvernement français accorde-t-il à l'achat - ou éventuel achat - de Mirage 2000-5 par l'aviation chilienne? Quelle importance cet achat revêt-il pour les relations entre les deux pays ?
ALAIN RICHARD : Aucune. Nos relations sont des relations politiques, elles sont fondées sur une solidarité de valeurs et d'objectifs. Nous avons eu dans le passé, et encore dans le passé récent, des accords industriels par lesquels le Chili choisissait des matériels français ; il y a eu d'autres situations dans lesquelles le Chili, en pleine responsabilité, choisissait d'autres matériels. L'histoire démontre que cela n'a rien changé à la qualité de nos relations.
Ce qui fait vraiment le fonds commun de nos relations, c'est cette préoccupation d'autonomie de choix dans la durée, donc il serait complètement contradictoire pour nous de faire dépendre la qualité de nos relations de confiance politique d'un choix de matériel, sur une procédure d'acquisition donnée. Et si j'ai un seul autre commentaire à faire sur ce sujet, qui n'a occupé que très peu de temps dans nos conversations, c'est pour souligner la grande rigueur et la grande transparence avec lesquelles l'aviation chilienne et le gouvernement chilien préparent leur choix qui sera un choix, en tous les cas, pleinement justifié.
Les changements récents survenus dans les hauts commandements des forces armées - de l'armée de terre en particulier, et d'autres corps d'armée - ont-ils eu une influence positive dans les relations entre les deux pays et pour la coopération sur le plan militaire ?
ALAIN RICHARD : Sur un plan politique, je l'ai dit, notre pays se réjouit de la transition réussie vers une démocratie stable des autorités chiliennes, nous n'avons aucun autre commentaire à faire sur les événements de la vie intérieure de nos amis chiliens.
Quelle est votre position par rapport aux essais nucléaires récents effectués par le Pakistan et l'Inde, sachant que la France fut le premier pays à reprendre ce type d'essais après une longue période de tranquillité - de paix - dans ce domaine ?
ALAIN RICHARD : Nous avons fait part de notre préoccupation, après le choix de l'Inde de procéder à des essais, et nous avons appelé les partenaires du Club nucléaire, et l'Inde, à rechercher les voies d'une intégration de l'Inde dans les règles de non prolifération. Nous avons déjà eu des contacts, notamment lors de la visite du président en Inde, au mois de janvier, sur ce sujet et la contribution que la France veut apporter est une contribution de conciliation et de recherche de solutions constructives pour assurer la stabilité en matière nucléaire, au niveau mondial.
Le Chili a mis l'accent, particulièrement ces derniers temps, sur son positionnement stratégique dans l'île de Pâques, et ce dans le cadre de la thèse de la présence maritime. Comment voyez-vous cette attitude du Chili ?
ALAIN RICHARD : Pour nous l'essentiel est de constater que le Chili est une des principales puissances navales qui exerce une capacité d'intervention et de respect des règles internationales dans l'espace du Pacifique. Cet espace n'est pas particulièrement menacé d'instabilité, mais c'est un espace très étendu dans lequel existent, comme partout, des contradictions d'intérêts, et du fait de la grande convergence de positions entre le Chili et la France, nous pensons que nous pouvons ensemble contribuer à la prédominance du droit et de la coopération dans la zone du Pacifique.
... Ma question était plus directement de savoir si la France avait des visées sur l'île de Pâques ?
ALAIN RICHARD : Je ne comprends pas votre question : c'est un territoire chilien !
... On parle beaucoup de la manière dont la France gère sa présence en Polynésie, et des spécialistes ont dit que la France avait des intérêts géopolitiques liés à l'île de Pâques. D'où ma question.
ALAIN RICHARD : Je pense que vous avez remarqué que la France a décidé, depuis deux ans, de fermer entièrement ses installations d'expérimentations nucléaires en Polynésie et, la seule des cinq puissances nucléaires, elle a volontairement demandé à l'Agence internationale de l'énergie atomique de faire un contrôle complet de sécurité et d'environnement sur le site des essais et sur ses environs. Si la France a fait ce choix, en ce qui concerne le territoire de Polynésie qui relève de sa souveraineté, ce n'est pas, me semble-t-il, pour avoir des arrière-pensées sur l'utilisation possible du territoire d'autres pays amis.
J'aimerais vous entraîner, monsieur le ministre, sur un terrain un peu moins sérieux, plus ludique. En tant que ministre de la Défense, savez-vous si la sélection française a peur des attaquants chiliens qui ont marqué le plus grand nombre de buts au cours des éliminatoires ?
ALAIN RICHARD : J'essaie d'être compétent en matière de défense, c'est déjà une tâche assez exigeante, je n'ai aucune ambition en matière de commentaires sur des matchs de football auxquels je dois reconnaître que je ne comprends pas grand-chose.
Le seul avantage que j'espère tirer de la Coupe du Monde à Paris, en France, c'est que peut-être, quelques-uns de mes 160 collègues ministres de la Défense, seront intéressés à venir à Paris à ce moment-là, et que j'en profiterai pour avoir avec eux quelques réunions de travail qui ne me prendront pas beaucoup de temps.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 18 septembre 2001)