Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur l'action culturelle de l'Union européenne et notamment les suites du programme Culture 2000, Salamanque le 18 mars 2002.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres européens à Salamanque le 18 mars 2002

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Comme mes collègues l'ont déjà fait ce matin, je souhaiterais tout d'abord vous remercier, vous personnellement, au nom de la délégation française, pour votre aimable invitation dans cette cité ancienne et remarquable qu'est Salamanque, et en particulier l'Université qui accueille nos travaux. Mais je souhaite aussi vous remercier pour le thème que vous avez retenu pour nos travaux, ainsi que pour la façon dont vous envisagez ces travaux, qui me semblent tous deux tout à fait pertinents.
En effet, après dix ans d'action culturelle de l'Union européenne, après les premières réflexions engagées par la Présidence belge dans le cadre des institutions mais aussi dans celui de la société civile, l'effort que vous nous proposez de rationalisation et de structuration de notre pensée commune arrive à point nommé.
Il en va d'autant plus ainsi que des échéances majeures attendent l'Union européenne, qu'il s'agisse de la prochaine conférence intergouvernementale, de la préparation du prochain cadre financier, de la perspective de l'élargissement, ou, plus directement liée à nos préoccupations, de la suite du programme Culture 2000. La réflexion que nous avons ici ensemble ne doit bien sûr pas anticiper sur ces travaux. Mais je crois qu'elle peut utilement contribuer à préparer le terrain, et qu'elle s'inscrit dans le long terme.
C'est pourquoi la France appuie tous vos efforts visant à définir une feuille de route pour les années à venir. Je tiens en particulier à souligner la très grande qualité des documents préparatoires portant notamment sur l'article 151, qui ont été élaborés par vos collaborateurs, Madame la Ministre.
J'en viens aux questions de fond. Comme d'autres avant moi ici et comme la France l'a répété à plusieurs occasions, je veux redire une fois encore toute l'importance que la France accorde à la place de la culture dans l'Union européenne. L'avènement de la monnaie unique est sans aucun doute un symbole majeur qui permet à des millions d'Européens de mieux se reconnaître comme tels. Mais nous sommes convaincus que nous devons multiplier nos efforts communs pour permettre aux différents peuples d'Europe de se reconnaître également dans leurs images, dans leurs musiques, dans leurs livres, bref dans leurs multiples créations. Dans le domaine culturel, et à travers notamment l'action culturelle que nous menons ensemble, les maître-mots doivent rester diversité d'une part, et subsidiarité d'autre part.
J'en viens enfin aux questions spécifiques, nombreuses, que vous nous avez soumises. A ce stade, je souhaite apporter les quelques pistes de réponse suivantes :
- premièrement, il me semble que vous avez raison d'évoquer en même temps, et sans les opposer, une approche " intégrante " et une approche " dérogatoire " de la culture. Pour la France, l'approche intégrante revient à considérer que la culture n'est pas un domaine, un secteur à part, mais bien plutôt une dimension de l'ensemble des actions humaines. C'est pourquoi elle revêt à la fois un aspect commercial et un aspect non commercial, et c'est pourquoi ces deux aspects ne doivent pas être opposés.
En particulier, il nous paraît essentiel de pousser davantage la réflexion et, le cas échéant, de développer des actions communes, en faveur des industries culturelles. Je pense notamment à l'industrie du disque qui a fait l'objet d'un colloque récent.
L'approche dérogatoire, quant à elle, vise à considérer que, dans sa dimension économique ou marchande, la culture ne saurait être considérée de la même manière que les autres activités. Nous avons déjà amorcé ce débat avec, par exemple, la question des aides nationales accordées au cinéma. Je peux témoigner qu'il existe en France une attente forte pour prolonger et élargir cette réflexion, notamment dans le cadre du Traité. C'est cette double approche, intégrante et dérogatoire, qui définit le mieux à mes yeux la façon dont les pays d'Europe, à la différence d'autres pays, appréhendent le rapport à la culture.
- deuxièmement, le corollaire de la subsidiarité est la " valeur ajoutée européenne ". Cette notion, qui peut paraître un peu étrange et que nous cherchons tant à faire émerger, notamment dans le cadre de la mise en uvre de Culture 2000, existe déjà dans des programmes tels que MEDIA. Et, en examinant les projets qui ont été soutenus depuis l'origine par Culture 2000, je crois que nous n'aurions pas de difficulté à identifier cette fameuse " valeur ajoutée européenne ", tout simplement parce que ces actions contribuent à la circulation des créateurs et des oeuvres, essentielle à la préservation et la promotion de la diversité de nos cultures. J'ai le sentiment que nous devons donc nous efforcer d'être pragmatiques dans notre façon d'aborder cette question, qui est véritablement essentielle à la légitimation de notre action collective, d'autant plus qu'elle conditionne aussi la " visibilité " de cette action, sujet dont nous avions beaucoup débattu à Bruges l'année dernière.
- Enfin, les actions que nous menons à l'extérieur de l'Union sont tout aussi importantes que nos actions internes, car elles seules sont de nature à donner une dimension concrète au message de " diversité culturelle " que l'Europe souhaite promouvoir. De ce point de vue, des initiatives existent bien sûr déjà, mais nous pouvons tous témoigner que les attentes sont nombreuses. Nous devons les entendre, et y répondre.
Voilà, Madame la Présidente, ce que je souhaitais dire à ce stade. C'est un défi de taille que nous nous lançons, mais la perspective de la mise en place d'un programme de travail cohérent et structuré - tel que celui que vous nous proposez - constitue une garantie de l'efficacité de nos travaux.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 2 mai 2002)