Texte intégral
R. Elkrief : Vous êtes un des conseillers politiques du RPR. On parlera peut-être du nouveau grand parti de la majorité présidentielle. J. Chirac a été élu à plus de 82 %. Comment est-ce qu'il va montrer qu'il tient compte dans sa présidence de cette élection massive, de ce vote de tous les camps de la France ?
- "D'abord, il va montrer qu'il se souvient du premier tour, parce qu'au premier tour, nous avons frôlé une catastrophe. Si le FN avait atteint un score beaucoup plus élevé que celui qu'il a aujourd'hui, la France était véritablement menacée d'un conflit permanent à l'intérieur d'elle-même. Elle était menacée d'avoir à l'extérieur une image tout à fait désolante. C'est donc la situation du premier tour qui ne doit pas se reproduire. Ce qu'il y a de bien, c'est que le deuxième tour a voulu dire : "Nous ne voulons plus d'une telle situation". Donc, il faut tenir compte de cette leçon."
Au premier tour, il y a aussi un 19,9 % pour J. Chirac, candidat de la droite...
- "Et un 16 % pour le candidat de la gauche ! Cela veut dire un rejet en réalité de la politique telle qu'elle se fait à ce moment-là. J. Chirac est tenu, premièrement, à faire de l'action. Il me semble que les Français, au moment du premier tour, ont eu le sentiment de l'inaction, qu'on ne répondait pas à leurs aspirations. Donc, il faut répondre à leurs aspirations. Quelles sont leurs aspirations ? Premièrement, c'est un besoin d'autorité - J. Chirac l'a dit -, c'est une manifestation de la sécurité, mais d'une manière générale d'autorité de l'Etat. C'est, deuxièmement, un besoin de cohésion. L'éclatement - 16 candidats au premier tour - et cette espèce de révolte de la société française contre elle-même manifestent des ferments de délitement. On voit bien d'ailleurs à travers la jeunesse ce besoin de cohésion et que notre système d'intégration doit fonctionner beaucoup mieux qu'il ne fonctionne aujourd'hui. C'est un pari très difficile, mais c'est un pari nécessaire. Et puis, un besoin aussi de proximité. Cela veut dire que l'Etat doit se conduire autrement. Jusqu'à maintenant, les gens ont eu le sentiment qu'en face d'eux, dans les grandes décisions, il n'y a pas d'interlocuteur. Il y a une administration anonyme. On a résumé cela avec "ceux d'en-haut" et "ceux d'en-bas"..."
Vous citez J.-P. Raffarin, le favori aujourd'hui pour être à Matignon ?
- "C'est un problème sérieux, ce fait que les Français se sentent éloignés de la décision. Il faut rapprocher la décision des citoyens, c'est pour cela qu'on a aussi besoin de beaucoup de décentralisation pour donner de la proximité."
Ce serait les trois termes, la manière dont J. Chirac montrerait qu'il a entendu, puisqu'il a dit : "J'ai entendu, j'ai compris". Il n'y aura pas un esprit de revanche de 1997, finalement ? Il y a eu une dissolution, il y a eu une perte de pouvoir, et puis, on revient, malgré tout. Il n'y aura pas, pour la gauche, un sentiment peut-être un peu d'humiliation après avoir voté Chirac, de revoir des gens qui avaient été battus ?
- "On ne construit pas l'avenir de son pays sur le sentiment de revanche. Quand on a perdu les élections, que ce soit pour nous en 1997 ou que ce soit la gauche au premier tour, c'est qu'on a commis des erreurs, et c'est qu'on n'a pas répondu aux aspirations de notre pays. Donc, il n'y a pas de revanche à avoir. Il faut essayer au contraire de comprendre ce qui est arrivé pour donner satisfaction. Faire de la politique, c'est servir et c'est servir son peuple. Ce n'est pas avoir un appétit de pouvoir."
Concrètement, les élections législatives vont se préparer très rapidement. M. Boutih, le président de SOS-Racisme, disait hier soir sur les plateaux de télévision : "N'oublions pas et ne revenons pas à la vieille politique". Est-ce qu'après avoir fait front commun pour sauver la famille, on ne va pas voir les deux membres du couple se jeter la vaisselle à la figure ?
- "Non, je ne crois pas. Mais en revanche, on sait aussi que la montée des extrêmes est due à une sorte d'indifférenciation entre la gauche et la droite. L'occasion des élections législatives, peut-être de manière un peu plus pacifique qu'on a vu autrefois, est quand même l'occasion de réinstaller le clivage droite-gauche, de montrer qu'il y a des différences, des différences nobles, des différences légitimes, qui font la démocratie et qui font que chaque camp est respectable, mais qui font aussi que quand on a eu une insatisfaction, on peut essayer de la trouver dans le camp d'en face, et non pas en recourant aux extrêmes."
Donc, vous êtes optimiste sur le ton de cette campagne ?
- "Je crois que ce qui nous est arrivé au premier tour était une leçon pour tout le monde, pour la gauche et pour la droite. C'est le résultat de graves erreurs commises par les responsables de gauche et de droite dans le passé et qui ont conduit quand même tant de gens vers les extrêmes. Si on ajoute ceux de l'extrême droite et ceux de l'extrême gauche, c'est quand même largement préoccupant, et ce n'est pas parce que finalement il y a eu ce vote massif et ambigu en faveur de la République, qu'il faut aujourd'hui oublier le premier tour."
"Ambigu", c'est-à-dire ?
- "Ambigu, parce qu'il y a tous ceux qui simplement ont refusé l'extrême-droite, qui sont attachés aux valeurs de la République, mais qui, en même temps, ne constituent pas un socle pour une majorité politique."
Concrètement, on s'attend à voir surgir très vite le grand parti de la majorité présidentielle, et la fin du RPR et des autres partis. C'est prévu très rapidement, avant le début des élections législatives ?
- "A l'occasion des élections législatives, nous aurons déjà la possibilité d'établir un label commun, avec tous ceux qui le veulent et sans forcer personne. Nous sommes déjà très nombreux à le vouloir. Cela me paraît logique d'ailleurs, parce que depuis vingt ans, ce qu'on appelle "les droites" ont convergé les unes vers les autres. Ce qui différenciait l'UDF, DL, le RPR, s'est beaucoup effacé. L'Europe, par exemple, qui était un fondement de différence entre les deux, maintenant, tout le monde siège à peu près à la même formation au Parlement européen, le PPE. Sur les questions de décentralisation, le RPR qui était très jacobin a fait beaucoup de chemin. Et sur beaucoup de domaines, finalement, nous pensons à peu près la même chose."
Seulement, il y avait les rivalités personnelles qui pouvaient poser problème...
- "Mais c'est la vie, les rivalités personnelles ! Elles ont lieu dans une démocratie, elles ont lieu dans une entreprise. Simplement, il faut des procédures pour les arbitrer. Et donc, il faut que ce grand parti soit un parti démocratique qui permette de régler les ambitions, qui sont légitimes, par des procédures normales."
Concrètement, vous êtes optimiste pour ces législatives pour la droite aujourd'hui ?
- "Elles seront évidemment difficiles, puisque la gauche est animée d'un désir de revanche. Elle en est d'autant plus animée qu'elle a bien su se mobiliser à l'occasion du deuxième tour et elle s'est mobilisée pour un autre candidat que le sien, alors qu'elle n'a pas réussi à se mobiliser sur le sien. C'est évidemment quelque chose d'assez frustrant et on comprend que disposant de cette force, elle ait envie de le faire pour les élections législatives. Mais en même temps, nous, nous appellerons les Français à la cohérence car, d'une certaine manière, ils ont rejeté cinq ans de cohabitation, les cinq ans que nous avons connues en tous les cas. Si la gauche gagnait, on reviendrait vraiment à la case départ. Il n'y aurait eu aucun changement, c'est comme si on n'avait tenu aucun compte du vote du premier tour. Je crois que la cohabitation devrait s'éloigner quand même de l'esprit des Français."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 mai 2002)
- "D'abord, il va montrer qu'il se souvient du premier tour, parce qu'au premier tour, nous avons frôlé une catastrophe. Si le FN avait atteint un score beaucoup plus élevé que celui qu'il a aujourd'hui, la France était véritablement menacée d'un conflit permanent à l'intérieur d'elle-même. Elle était menacée d'avoir à l'extérieur une image tout à fait désolante. C'est donc la situation du premier tour qui ne doit pas se reproduire. Ce qu'il y a de bien, c'est que le deuxième tour a voulu dire : "Nous ne voulons plus d'une telle situation". Donc, il faut tenir compte de cette leçon."
Au premier tour, il y a aussi un 19,9 % pour J. Chirac, candidat de la droite...
- "Et un 16 % pour le candidat de la gauche ! Cela veut dire un rejet en réalité de la politique telle qu'elle se fait à ce moment-là. J. Chirac est tenu, premièrement, à faire de l'action. Il me semble que les Français, au moment du premier tour, ont eu le sentiment de l'inaction, qu'on ne répondait pas à leurs aspirations. Donc, il faut répondre à leurs aspirations. Quelles sont leurs aspirations ? Premièrement, c'est un besoin d'autorité - J. Chirac l'a dit -, c'est une manifestation de la sécurité, mais d'une manière générale d'autorité de l'Etat. C'est, deuxièmement, un besoin de cohésion. L'éclatement - 16 candidats au premier tour - et cette espèce de révolte de la société française contre elle-même manifestent des ferments de délitement. On voit bien d'ailleurs à travers la jeunesse ce besoin de cohésion et que notre système d'intégration doit fonctionner beaucoup mieux qu'il ne fonctionne aujourd'hui. C'est un pari très difficile, mais c'est un pari nécessaire. Et puis, un besoin aussi de proximité. Cela veut dire que l'Etat doit se conduire autrement. Jusqu'à maintenant, les gens ont eu le sentiment qu'en face d'eux, dans les grandes décisions, il n'y a pas d'interlocuteur. Il y a une administration anonyme. On a résumé cela avec "ceux d'en-haut" et "ceux d'en-bas"..."
Vous citez J.-P. Raffarin, le favori aujourd'hui pour être à Matignon ?
- "C'est un problème sérieux, ce fait que les Français se sentent éloignés de la décision. Il faut rapprocher la décision des citoyens, c'est pour cela qu'on a aussi besoin de beaucoup de décentralisation pour donner de la proximité."
Ce serait les trois termes, la manière dont J. Chirac montrerait qu'il a entendu, puisqu'il a dit : "J'ai entendu, j'ai compris". Il n'y aura pas un esprit de revanche de 1997, finalement ? Il y a eu une dissolution, il y a eu une perte de pouvoir, et puis, on revient, malgré tout. Il n'y aura pas, pour la gauche, un sentiment peut-être un peu d'humiliation après avoir voté Chirac, de revoir des gens qui avaient été battus ?
- "On ne construit pas l'avenir de son pays sur le sentiment de revanche. Quand on a perdu les élections, que ce soit pour nous en 1997 ou que ce soit la gauche au premier tour, c'est qu'on a commis des erreurs, et c'est qu'on n'a pas répondu aux aspirations de notre pays. Donc, il n'y a pas de revanche à avoir. Il faut essayer au contraire de comprendre ce qui est arrivé pour donner satisfaction. Faire de la politique, c'est servir et c'est servir son peuple. Ce n'est pas avoir un appétit de pouvoir."
Concrètement, les élections législatives vont se préparer très rapidement. M. Boutih, le président de SOS-Racisme, disait hier soir sur les plateaux de télévision : "N'oublions pas et ne revenons pas à la vieille politique". Est-ce qu'après avoir fait front commun pour sauver la famille, on ne va pas voir les deux membres du couple se jeter la vaisselle à la figure ?
- "Non, je ne crois pas. Mais en revanche, on sait aussi que la montée des extrêmes est due à une sorte d'indifférenciation entre la gauche et la droite. L'occasion des élections législatives, peut-être de manière un peu plus pacifique qu'on a vu autrefois, est quand même l'occasion de réinstaller le clivage droite-gauche, de montrer qu'il y a des différences, des différences nobles, des différences légitimes, qui font la démocratie et qui font que chaque camp est respectable, mais qui font aussi que quand on a eu une insatisfaction, on peut essayer de la trouver dans le camp d'en face, et non pas en recourant aux extrêmes."
Donc, vous êtes optimiste sur le ton de cette campagne ?
- "Je crois que ce qui nous est arrivé au premier tour était une leçon pour tout le monde, pour la gauche et pour la droite. C'est le résultat de graves erreurs commises par les responsables de gauche et de droite dans le passé et qui ont conduit quand même tant de gens vers les extrêmes. Si on ajoute ceux de l'extrême droite et ceux de l'extrême gauche, c'est quand même largement préoccupant, et ce n'est pas parce que finalement il y a eu ce vote massif et ambigu en faveur de la République, qu'il faut aujourd'hui oublier le premier tour."
"Ambigu", c'est-à-dire ?
- "Ambigu, parce qu'il y a tous ceux qui simplement ont refusé l'extrême-droite, qui sont attachés aux valeurs de la République, mais qui, en même temps, ne constituent pas un socle pour une majorité politique."
Concrètement, on s'attend à voir surgir très vite le grand parti de la majorité présidentielle, et la fin du RPR et des autres partis. C'est prévu très rapidement, avant le début des élections législatives ?
- "A l'occasion des élections législatives, nous aurons déjà la possibilité d'établir un label commun, avec tous ceux qui le veulent et sans forcer personne. Nous sommes déjà très nombreux à le vouloir. Cela me paraît logique d'ailleurs, parce que depuis vingt ans, ce qu'on appelle "les droites" ont convergé les unes vers les autres. Ce qui différenciait l'UDF, DL, le RPR, s'est beaucoup effacé. L'Europe, par exemple, qui était un fondement de différence entre les deux, maintenant, tout le monde siège à peu près à la même formation au Parlement européen, le PPE. Sur les questions de décentralisation, le RPR qui était très jacobin a fait beaucoup de chemin. Et sur beaucoup de domaines, finalement, nous pensons à peu près la même chose."
Seulement, il y avait les rivalités personnelles qui pouvaient poser problème...
- "Mais c'est la vie, les rivalités personnelles ! Elles ont lieu dans une démocratie, elles ont lieu dans une entreprise. Simplement, il faut des procédures pour les arbitrer. Et donc, il faut que ce grand parti soit un parti démocratique qui permette de régler les ambitions, qui sont légitimes, par des procédures normales."
Concrètement, vous êtes optimiste pour ces législatives pour la droite aujourd'hui ?
- "Elles seront évidemment difficiles, puisque la gauche est animée d'un désir de revanche. Elle en est d'autant plus animée qu'elle a bien su se mobiliser à l'occasion du deuxième tour et elle s'est mobilisée pour un autre candidat que le sien, alors qu'elle n'a pas réussi à se mobiliser sur le sien. C'est évidemment quelque chose d'assez frustrant et on comprend que disposant de cette force, elle ait envie de le faire pour les élections législatives. Mais en même temps, nous, nous appellerons les Français à la cohérence car, d'une certaine manière, ils ont rejeté cinq ans de cohabitation, les cinq ans que nous avons connues en tous les cas. Si la gauche gagnait, on reviendrait vraiment à la case départ. Il n'y aurait eu aucun changement, c'est comme si on n'avait tenu aucun compte du vote du premier tour. Je crois que la cohabitation devrait s'éloigner quand même de l'esprit des Français."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 mai 2002)