Texte intégral
R. Elkrief : Pour vous, le débat entre J.-M. Le Pen et J. Chirac doit-il avoir lieu à tout prix ?
- "Le débat sur des idées politiques, c'est quelque chose de normal. La question que je me pose, c'est : est-il possible d'avoir un débat digne simplement de la démocratie et un débat sur des idées avec monsieur Le Pen ?"
Vous craignez des attaques personnelles sur les affaires...
- "J'ai déjà vu monsieur Le Pen dans des débats, et je l'ai vu manier davantage l'injure, l'insulte que les idées. C'est donc la question que je me pose."
L'idée d'un débat à l'américaine, avec des journalistes qui poseraient les questions et les candidats derrière un pupitre qui répondraient plutôt aux journalistes qu'à l'autre candidat, qu'en pensez-vous ?
- "Si le débat a lieu, je pense effectivement qu'il faudra les techniques qui garantissent au maximum la dignité et le caractère démocratique de ce face-à-face."
On le saura quand à votre avis ?
- "Je ne sais pas, dans les jours qui viennent..."
Hier, J. Chirac a appelé au rassemblement. Evidemment, rassemblement contre J.-M. Le Pen pour le deuxième tour, mais aussi au rassemblement à l'intérieur de son propre camp de la famille de la droite. Mais après cette réunion, on a eu plusieurs sons de cloche. Je vais vous citer F. Fillon ou A. Juppé qui sont sortis de cette réunion en disant qu'[on] lance un grand parti de droite moderne. F. Bayrou, au contraire, est sorti en disant : "Pas du tout, il s'agit d'une majorité présidentielle organisée". Est-ce que cela veut dire que J. Chirac a dit à chacun ce qu'il voulait entendre ?
- "Non. J. Chirac a effectivement parlé du rassemblement, le rassemblement sur des valeurs pour le deuxième tour de l'élection présidentielle, le rassemblement sur un programme, sur des projets d'action en ce qui concerne les élections législatives et ensuite le Gouvernement. Les Français ont manifesté très fortement leur mécontentement contre l'inaction qu'ils avaient constatée sur des sujets les intéressant directement : l'insécurité, les retraites, etc... Et donc il est important d'agir, et pour agir, il faut être rassemblés."
Concrètement, un grand parti de droite moderne, comme pour A. Juppé, ou majorité organisée ?
- "Pour répondre au fait que malgré tout, vous avez pratiquement un Français sur deux qui s'est réfugié dans l'abstention ou dans un vote extrémiste, ce qui montre une fracture entre le monde politique et les citoyens, il faut effectivement cesser tout ce qui est petite querelle et autres. Et il faut essayer de réunir le plus largement possible. Depuis longtemps, je l'ai dit, je suis favorable à un grand parti moderne démocratique, à la refondation du RPR. Le RPR en sera le coeur naturellement, mais c'est un grand rassemblement des mouvements gaullistes, centristes, libéraux, radicaux indépendants. Tous ceux qui veulent venir dans ce parti sont les bienvenus. Il y en a qui ne le souhaitent pas, je le dis également depuis longtemps..."
Vous pensez à F. Bayrou par exemple ?
- "Oui, bien sûr, mais d'autres aussi, si bien qu'un tel parti ne peut pas être un parti unique. Et ce que je souhaite pour ma part, c'est donc au-delà de ce parti, qu'il puisse y avoir un système fédéral, confédéral qui permette de regrouper tous ceux qui partagent l'essentiel de la même vision de la France et de l'évolution européenne."
Pour résumer, si je comprends bien, vous dites : pas question d'un parti unique, mais plutôt une sorte de fédération, un grand parti qui regroupe toutes les sensibilités...
- "Je suis très pragmatique. On ne peut pas faire un parti unique tout seul. A partir du moment où certains, qui pourtant sont proches de nous sur le plan des idées, ne souhaitent pas rentrer dans un parti unique, il faut essayer de trouver une structure qui permette effectivement de les rassembler."
Vous ne m'en voulez pas si je vous dis qu'on a l'impression que vous appuyez un peu sur F. Bayrou contre A. Juppé, qui voudrait peut-être prendre un leadership, et que vous voudriez garder le vôtre en vous appuyant sur ceux qui refusent cette idée...
- "Nous ne sommes pas aujourd'hui à un moment où ce sont les questions de personnes ou les querelles de personnes qui doivent prévaloir. En tous les cas, vous le savez, depuis que je suis à la tête du RPR, où il y a eu beaucoup de querelles de personnes, je me suis efforcée de les apaiser et je souhaite faire exactement la même chose au sein de l'opposition. Laissons de côté les ambitions personnelles."
L'opposition ou la majorité ?
- "De la future majorité... Laissons les oppositions de personnes. Aujourd'hui, la situation est grave et importante pour le pays et pour les Français. Regardons l'image de la France à l'étranger. Nous nous apercevons dans les réactions journalistiques qu'il y a beaucoup à faire. Alors, avançons et avançons sérieusement en oubliant nos petits egos pour essayer de penser à l'intérêt général."
Justement, L. Jospin, qui a été défait, s'est retiré de la vie politique immédiatement. Cela a été plutôt applaudi pour la dignité de ce comportement. C'est une première dans la vie politique française, parce que souvent on a vu des leaders politiques qui ont perdu et qui sont restés...
- "On en a vus également qui avaient gagné et qui pourtant, sont partis. Il y a eu au cours de ces dernières années plusieurs parlementaires, anciens ministres, voire ministres qui ont décidé d'arrêter la vie politique..."
Pas pour les mêmes raisons. Là, on est dans une défaite électorale... Cela crée un précédent. On le voit dans beaucoup d'autres pays européens : quand un parti perd, le leader s'en va... En France, on a moins l'habitude de ce type de comportement. Est-ce que désormais, ce sera le comportement, qui est peut-être une des nouvelles manières de faire de la politique aussi, ou est-ce que vous pensez que c'est un peu l'affaire personnelle de L. Jospin ?
- "C'est l'affaire personnelle de chacun. L. Jospin a pris cette décision, d'autres pourraient prendre la même ou une autre, peu importe. Vous ne pouvez pas non plus dire que dès qu'il y a une défaite, la personne doit s'écarter. Une vie politique est faite de victoires, mais elle est faite aussi de défaites. Et je crois que parfois, on apprend beaucoup dans la défaite. Cela dépend évidemment ensuite des circonstances, de l'âge de la carrière politique déjà accomplie."
Vous qui l'avez beaucoup attaqué - c'était un peu votre rôle de présidente du RPR -, qu'est-ce que vous avez ressenti quand vous avez entendu son petit topo, vu son chiffre et ses réactions ?
- "Son discours était un discours digne. On peut regretter qu'il n'y ait pas eu certaines choses dans son contenu..."
Vous regrettez qu'il n'ait pas appelé à voter J. Chirac...
- "Peu importe. Simplement, c'était effectivement le discours digne de quelqu'un qui venait de subir une très lourde défaite..."
Les manifestations contre le Front national se multiplient. Vous trouvez que c'est une bonne chose ou pas ?
- "Il faut faire très attention à la récupération qui peut être faite de certaines images."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 avril 2002)
- "Le débat sur des idées politiques, c'est quelque chose de normal. La question que je me pose, c'est : est-il possible d'avoir un débat digne simplement de la démocratie et un débat sur des idées avec monsieur Le Pen ?"
Vous craignez des attaques personnelles sur les affaires...
- "J'ai déjà vu monsieur Le Pen dans des débats, et je l'ai vu manier davantage l'injure, l'insulte que les idées. C'est donc la question que je me pose."
L'idée d'un débat à l'américaine, avec des journalistes qui poseraient les questions et les candidats derrière un pupitre qui répondraient plutôt aux journalistes qu'à l'autre candidat, qu'en pensez-vous ?
- "Si le débat a lieu, je pense effectivement qu'il faudra les techniques qui garantissent au maximum la dignité et le caractère démocratique de ce face-à-face."
On le saura quand à votre avis ?
- "Je ne sais pas, dans les jours qui viennent..."
Hier, J. Chirac a appelé au rassemblement. Evidemment, rassemblement contre J.-M. Le Pen pour le deuxième tour, mais aussi au rassemblement à l'intérieur de son propre camp de la famille de la droite. Mais après cette réunion, on a eu plusieurs sons de cloche. Je vais vous citer F. Fillon ou A. Juppé qui sont sortis de cette réunion en disant qu'[on] lance un grand parti de droite moderne. F. Bayrou, au contraire, est sorti en disant : "Pas du tout, il s'agit d'une majorité présidentielle organisée". Est-ce que cela veut dire que J. Chirac a dit à chacun ce qu'il voulait entendre ?
- "Non. J. Chirac a effectivement parlé du rassemblement, le rassemblement sur des valeurs pour le deuxième tour de l'élection présidentielle, le rassemblement sur un programme, sur des projets d'action en ce qui concerne les élections législatives et ensuite le Gouvernement. Les Français ont manifesté très fortement leur mécontentement contre l'inaction qu'ils avaient constatée sur des sujets les intéressant directement : l'insécurité, les retraites, etc... Et donc il est important d'agir, et pour agir, il faut être rassemblés."
Concrètement, un grand parti de droite moderne, comme pour A. Juppé, ou majorité organisée ?
- "Pour répondre au fait que malgré tout, vous avez pratiquement un Français sur deux qui s'est réfugié dans l'abstention ou dans un vote extrémiste, ce qui montre une fracture entre le monde politique et les citoyens, il faut effectivement cesser tout ce qui est petite querelle et autres. Et il faut essayer de réunir le plus largement possible. Depuis longtemps, je l'ai dit, je suis favorable à un grand parti moderne démocratique, à la refondation du RPR. Le RPR en sera le coeur naturellement, mais c'est un grand rassemblement des mouvements gaullistes, centristes, libéraux, radicaux indépendants. Tous ceux qui veulent venir dans ce parti sont les bienvenus. Il y en a qui ne le souhaitent pas, je le dis également depuis longtemps..."
Vous pensez à F. Bayrou par exemple ?
- "Oui, bien sûr, mais d'autres aussi, si bien qu'un tel parti ne peut pas être un parti unique. Et ce que je souhaite pour ma part, c'est donc au-delà de ce parti, qu'il puisse y avoir un système fédéral, confédéral qui permette de regrouper tous ceux qui partagent l'essentiel de la même vision de la France et de l'évolution européenne."
Pour résumer, si je comprends bien, vous dites : pas question d'un parti unique, mais plutôt une sorte de fédération, un grand parti qui regroupe toutes les sensibilités...
- "Je suis très pragmatique. On ne peut pas faire un parti unique tout seul. A partir du moment où certains, qui pourtant sont proches de nous sur le plan des idées, ne souhaitent pas rentrer dans un parti unique, il faut essayer de trouver une structure qui permette effectivement de les rassembler."
Vous ne m'en voulez pas si je vous dis qu'on a l'impression que vous appuyez un peu sur F. Bayrou contre A. Juppé, qui voudrait peut-être prendre un leadership, et que vous voudriez garder le vôtre en vous appuyant sur ceux qui refusent cette idée...
- "Nous ne sommes pas aujourd'hui à un moment où ce sont les questions de personnes ou les querelles de personnes qui doivent prévaloir. En tous les cas, vous le savez, depuis que je suis à la tête du RPR, où il y a eu beaucoup de querelles de personnes, je me suis efforcée de les apaiser et je souhaite faire exactement la même chose au sein de l'opposition. Laissons de côté les ambitions personnelles."
L'opposition ou la majorité ?
- "De la future majorité... Laissons les oppositions de personnes. Aujourd'hui, la situation est grave et importante pour le pays et pour les Français. Regardons l'image de la France à l'étranger. Nous nous apercevons dans les réactions journalistiques qu'il y a beaucoup à faire. Alors, avançons et avançons sérieusement en oubliant nos petits egos pour essayer de penser à l'intérêt général."
Justement, L. Jospin, qui a été défait, s'est retiré de la vie politique immédiatement. Cela a été plutôt applaudi pour la dignité de ce comportement. C'est une première dans la vie politique française, parce que souvent on a vu des leaders politiques qui ont perdu et qui sont restés...
- "On en a vus également qui avaient gagné et qui pourtant, sont partis. Il y a eu au cours de ces dernières années plusieurs parlementaires, anciens ministres, voire ministres qui ont décidé d'arrêter la vie politique..."
Pas pour les mêmes raisons. Là, on est dans une défaite électorale... Cela crée un précédent. On le voit dans beaucoup d'autres pays européens : quand un parti perd, le leader s'en va... En France, on a moins l'habitude de ce type de comportement. Est-ce que désormais, ce sera le comportement, qui est peut-être une des nouvelles manières de faire de la politique aussi, ou est-ce que vous pensez que c'est un peu l'affaire personnelle de L. Jospin ?
- "C'est l'affaire personnelle de chacun. L. Jospin a pris cette décision, d'autres pourraient prendre la même ou une autre, peu importe. Vous ne pouvez pas non plus dire que dès qu'il y a une défaite, la personne doit s'écarter. Une vie politique est faite de victoires, mais elle est faite aussi de défaites. Et je crois que parfois, on apprend beaucoup dans la défaite. Cela dépend évidemment ensuite des circonstances, de l'âge de la carrière politique déjà accomplie."
Vous qui l'avez beaucoup attaqué - c'était un peu votre rôle de présidente du RPR -, qu'est-ce que vous avez ressenti quand vous avez entendu son petit topo, vu son chiffre et ses réactions ?
- "Son discours était un discours digne. On peut regretter qu'il n'y ait pas eu certaines choses dans son contenu..."
Vous regrettez qu'il n'ait pas appelé à voter J. Chirac...
- "Peu importe. Simplement, c'était effectivement le discours digne de quelqu'un qui venait de subir une très lourde défaite..."
Les manifestations contre le Front national se multiplient. Vous trouvez que c'est une bonne chose ou pas ?
- "Il faut faire très attention à la récupération qui peut être faite de certaines images."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 avril 2002)