Déclaration de M. Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, sur l'engagement de la FSU en faveur d'un droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie, Paris le 1er décembre 2001.

Prononcé le 1er décembre 2001

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture du colloque "Une mission nouvelle pour le service public: l'éducation tout au long de la vie, pour la qualification et sa validation" à Paris les 30 novembre et 1er décembre 2001

Texte intégral

En intervenant à l'issue de ce colloque, je veux exprimer mes remerciements à l'équipe de l'Institut de Recherches qui a beaucoup travaillé pour la réussite de ce colloque. Mais mes remerciements vont aussi à tous ceux qui par leur participation, qu'ils soient ministres, chercheurs, militants,... ont contribué à la qualité et à la richesse des débats.
Je ne souhaite pas à proprement parler tirer des conclusions mais plutôt avancer quelques propositions de la part d'une organisation, la FSU, qui est à la fois l'organisation la plus représentative du champ de l'éducation, de la formation et de l'insertion et une des organisations syndicales représentatives de notre pays.
La FSU est attachée, à la discussion, à la confrontation des points de vue à partir de situations différentes, voire opposées, non pas pour entendre les leçons des autres ou en donner mais bien pour s'enrichir mutuellement or s'il est bien une question à débattre de cette large façon, une question qui est ouverte c'est celle de l'éducation et de la formation tout au long de la vie.
Philippe Méhaut a souligné que le concept était mal stabilisé ; Jean-Luc Mélenchon rappelait que dans un tel cadre il pouvait y avoir des orientations différentes. Je ne qualifierai pas la nôtre mais je veux la cerner sans ambiguïté. Je veux d'abord dire ce que l'éducation et la formation tout au long de la vie n'est pas : elle ne peut être une deuxième chance au sens où on l'entend aujourd'hui pour les jeunes en échec scolaire. En revanche elle doit offrir des possibilités nouvelles de penser des étapes, des revirements, des choix professionnels qui introduiraient de vraies possibilités d'évolution dans des vies qui s'allongent.
Conçue parfois comme le cheval de Troie de la marchandisation au sein du service public, elle peut être au contraire un élément central de l'amélioration de ce service public, d'une réponse ambitieuse aux besoins à la fois des individus et de notre société, d'une extension des droits des salariés. Elle est au coeur d'enjeux essentiels, ce colloque l'a montré : épanouissement individuel, accès de tous à la formation, à l'éducation et à la culture, droits nouveaux à conquérir pour les salariés, démocratie sociale renforcée, évolution du travail, réponses aux besoins nouveaux en qualification. Elle peut donner une force nouvelle à l'ambition qui est depuis longtemps la nôtre pour le système éducatif, développer la formation de la personne au travail, dans la cité, dans sa vie privée, tenir compte des besoins individuels et collectifs. Former l'homme, le travailleur, le citoyen mais en repensant l'articulation des trois termes.
La FSU veut la prendre d'abord comme un droit et continue de s'interroger sur la question des moyens de rendre ce droit effectif.
Et pour cela je voudrais non pas conclure mais verser aux débats cinq propositions :
1) Il s'agit bien ici d'éducation au sens plein du terme, s'inscrivant dans une tradition humaniste qui n'a cessé de s'enrichir et qui s'écarte de la conception instrumentale et utilitariste prônée par le patronat et certaines instances internationales sans pour autant lui délaisser des prérogatives sur l'évolution du travail. L'éducation et la formation tout au long de la vie doivent permettre aux jeunes et plus largement à tous les individus de répondre à leurs besoins de formations, leur permettre de devenir des citoyens maîtrisant leur propre devenir, des acteurs décisifs des transformations sociales à opérer, capables de peser collectivement sur les évolutions économiques, technologiques, sociales et culturelles, capables de faire valoir des droits nouveaux, d'intervenir sur le contenu et l'organisation du travail, de faire reconnaître et évoluer leurs qualifications. Elle doit en faire des individus aptes à mieux maîtriser un monde en perpétuelle évolution dans lequel les savoirs occuperont une place croissante.
2) Il ne peut dès lors s'agir que d'une éducation se déployant tout au long de la vie et qui n'escamote aucun maillon. Dans cette perspective il est indispensable de dépasser l'opposition entre formation initiale et formation permanente. Non seulement les droits nouveaux dont est porteur l'éducation et la formation tout au long de la vie ne peuvent servir de prétexte à réduire les ambitions en matière de formation initiale mais rendre ces droits réellement effectifs implique au contraire de développer une formation initiale de qualité : qui donne à chacun les moyens et le désir de continuer à se former.
Une garantie concomitante du développement de l'éducation et de la formation tout au long de la vie doit, selon nous, être d'acter dans la loi la poursuite de la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans. Il est en même temps essentiel d'inverser la tendance actuelle de régression du taux de jeunes qui accèdent au niveau du baccalauréat, de développer de façon considérable les qualifications supérieures et en même temps de faire reculer de façon décisive le nombre de jeunes sortant du système sans qualification. L'Education et la formation tout au long de la vie a pour condition impérative un effort décisif sur ces questions.
Cela implique notamment de faire évoluer les pratiques enseignantes, de donner aux personnels les moyens de dire comment ils entendent travailler, de construire l'indispensable culture commune mettant en perspective les savoirs et les pratiques disciplinaires, intégrant les savoirs professionnels et technologiques au même titre que les savoirs scientifiques, littéraires, artistiques, philosophiques...
3) Nous proposons de travailler une conception ambitieuse de la formation permanente qui comme la formation initiale se donne complémentairement des objectifs de formation et de développement professionnels, d'épanouissement personnel et culturel, de participation aux débats et aux choix de société. Une telle conception implique notamment une offre de formation diversifiée et de qualité, des pratiques adaptées et renouvelées, un droit ouvert à l'ensemble des salariés sans ambiguïté et un financement des employeurs.
4) L'éducation et la formation tout au long de la vie doit s'insérer dans une perspective : le droit pour tous à l'insertion et à l'accès à l'emploi. Il ne peut donc s'agir que d'une éducation et d'une formation pleinement reconnue socialement. Un tel droit nécessite de maintenir aux diplômes nationaux et qualifications reconnues leur place centrale et incontournable dans la régulation sociale et en même temps de faire vivre la validation des acquis de l'expérience avec toutes les garanties que doit apporter une certification incontestable par le service public à travers des jougs souverains et des règles valables en tous lieux.
C'est à cette double condition que peut se construire un élément clé des droits nouveaux auxquels aspirent les salariés.
Laissez-moi vous dire notre conviction que la validation des acquis de l'expérience, pas seulement professionnelle même si la dimension " travail " est fondamentale, ainsi conçue, constitue une innovation majeure capable de bousculer beaucoup de choses dans nos pratiques, dans le développement des droits, en particulier des femmes.
5) L'éducation et la formation tout au long de la vie doit constituer un droit ouvert et accessible à chaque individu ; il ne doit pas pour autant être laissé à la responsabilité individuelle mais être garanti par la loi et le contrat et son effectivité doit s'appuyer sur l'ouverture du service public à cette demande. C'est pourquoi nous proposons deux idées :
a) un dispositif législatif, concerté avec l'ensemble des partenaires sociaux mais aussi les représentants des formateurs qui garantisse l'effectivité de ce droit.
b) La construction et la consolidation d'un grand service public national intégrant, dans un ensemble cohérent et articulé, à la fois formation initiale, générale, technique et professionnelle, formation continue et validation des acquis. Ce service public construit sur le développement et l'amélioration de l'existant, sous des formes encore à débattre, doit avoir notamment pour finalité de proposer à tous une offre de formation initiale de haut niveau et diversifié, une ingénierie de l'éducation et de la formation tout au long de la vie, une validation incontestable des qualifications. Jouer un rôle pilote dans la formation continue en créant une référence de qualité.
Ces axes que je viens d'esquisser brièvement tracent un chantier d'avenir qui est loin d'être clos. Il revenait à l'Institut de la FSU de contribuer à le défricher et nous éclairer. Mais je suis convaincu qu'il mobilisera de plus en plus tous ceux qui ont été partie prenante de ce colloque et en particulier les différentes forces sociales. Il est indispensable que s'y retrouvent les représentants des personnels en charge de la formation et tous ceux qui ont la responsabilité d'agir pour la défense des salariés, des jeunes, des demandeurs d'emploi. Soyez assurés que la FSU entend bien à ce double titre, d'organisation syndicale et d'organisation la plus représentative des formateurs, s'y impliquer fortement et construire des revendications pour le service public et ses personnels en prenant pleinement en compte les éclairages et questions multiples dégagées par ce colloque.
(source http://www.institut.fsu.fr, le 3 janvier 2002)