Texte intégral
Ouest France. - Le nouveau gouvernement est désormais bien en place. C'est le moment de faire connaître vos exigences.
Francois Chérèque : " Ce que nous souhaitons c'est qu'il ne se trompe pas d'analyse. Il a une obligation de résultats sur tous les sujets qui ont créé le choc du 21 avril : la réduction des inégalités, le besoin de dialogue et de sécurité dans bien des domaines : professionnel, social, alimentaire, de logement. Le fait que la nouvelle majorité détienne tous les pouvoirs politiques ne doit pas conduire à un sprint législatif contraire aux engagements pris sur le dialogue social. Nous attendons que le gouvernement impulse une " nouvelle donne " entre l'État et les partenaires sociaux et qu'il engage une course de fond dans laquelle les partenaires sociaux doivent trouver un espace de liberté et d'action. Dans cette " nouvelle donne ", le patronat qui, lui aussi, réclame plus de responsabilités, devra faire la preuve qu'il est capable de les assumer, pour déboucher sur des avancées sociales négociées. "
La première mesure sociale du gouvernement concerne un effort en faveur de l'emploi jeune. Vous souscrivez ?
- " L'intention est louable, mais cela suscite déjà une interrogation sur la méthode et un risque sur le résultat. Dans le cadre de la rénovation du dialogue social annoncé, il serait pour le moins souhaitable que les partenaires sociaux puissent négocier entre eux toutes les questions qui se posent : quel type d'emploi, quelle formation, quelle qualification. Comment éviter les effets d'aubaine. Si le contrat envisagé en faveur des jeunes vient concurrencer l'apprentissage et l'alternance, ce sera peut-être intéressant au niveau salaire pour les jeunes aujourd'hui mais que deviendront-ils si, dans cinq ans, ils n'ont pas acquis de qualification ".
La revalorisation du Smic est le dossier le plus immédiat. Comment l'abordez-vous ?
- " Le premier problème est celui de la multiplicité des Smic liée au passage aux 35 heures : cinq niveaux en juillet prochain. Il crée des différences de salaires qui vont jusqu'à 111 euros mensuels, c'est-à-dire l'équivalent d'un 13ème mois ! Nous revendiquons un coup de pouce pouvant aller jusqu'à plus de 6% selon le niveau de Smic, pour revenir le plus vite possible à un Smic unique. La seconde nécessité, c'est de rouvrir les négociations avec le patronat dans les branches professionnelles sur les plus bas salaires pour faire en sorte que les salariés ne restent pas au Smic toute leur vie. Cette négociation doit aussi permettre de relancer la politique salariale après la période de modération qui a suivi la RTT. En intégrant tous les éléments périphériques au salaire : couverture maladie complémentaire, chèque vacances, épargne salariale auxquels de nombreux salariés n'ont pas encore accès ".
Autre dossier central : les retraites. Quelle méthode, quel calendrier, quelles décisions pour réussir la réforme ?
- " L'objectif d'aboutir à l'été 2003 nous convient. Mais si le diagnostic est largement partagé il est sans doute nécessaire de faire beaucoup de pédagogie vis-à-vis des salariés qui méconnaissent encore les enjeux. Je ne suis pas convaincu que tout le monde a conscience que si rien n'est fait les retraites seront de plus en plus basses. Ce qui me paraît important, c'est que le principe de la réforme soit affiché clairement pour tous les régimes et qu'ensuite on ait une méthode de mise en oeuvre adaptée à chaque régime. Annoncer une réforme " clefs en mains " qui s'appliquerait à tout le monde du jour au lendemain, ce serait la voie de l'échec ".
Mais il devrait y avoir un alignement des cotisations du public sur le privé ?
- " Le problème le plus important, c'est le niveau de pension que l'on souhaite obtenir de façon durable pour tous les retraités de demain. C'est à partir de cet objectif préalable que l'on pourra débattre des cotisations, de leur durée, du fonds de réserve. Si on considère la durée de la cotisation comme le centre de la réforme, c'est la meilleure façon de ne pas la réussir. Il y a d'autres paramètres d'inégalités entre les régimes, et même à l'intérieur de certains régimes. La CFDT a un second objectif : garantir la retraite à taux plein à partir de 40 années de cotisations, y compris avant 60 ans ".
La refondation de la Sécurité sociale - du paritarisme - est aussi au centre de vos préoccupations. Sur quels fondements ?
- " L'accord signé avec les médecins généralistes a montré le chemin. Il a permis d'obtenir des contreparties et de faire reconnaître par l'Etat et les professions médicales - ce qui n'était pas garanti - que la Caisse nationale d'assurance maladie était le lieu de négociation. Nous avons relégitimé la Sécu en écartant l'étatisation et la menace, qui existait, de voir les médecins fixer leurs honoraires sans sécurité de remboursement pour les assurés. Nous avons ainsi démontré que la Sécu était bien ancrée dans ses prérogatives, que la CFDT avait eu raison de rester dans sa gestion. Mais il faut naturellement aller plus loin dans la définition des responsabilités, en clarifiant les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux dans la gestion. Ce qui mettra le Medef devant ses responsabilités quant à l'avenir du paritarisme ".
La réforme de l'Etat est-elle également une urgence ?
- " C'est un vrai sujet qui doit être traité, en partant de la redéfinition des missions de l'Etat puis en déterminant les moyens nécessaires à la modernisation des services publics. En commençant par l'annonce d'une baisse des dépenses, le gouvernement met la charrue avant les boeufs ".
La CFDT joue gros sur les prochaines élections prud'homales. Avec quels arguments ?
- " La CFDT pratique depuis des années un syndicalisme de proximité et d'écoute des salariés qui leur apporte des résultats concrets. Cette démarche de proximité sera d'autant plus notre fil conducteur qu'elle correspond aussi, nous semble-t-il, au message envoyé par les Français le 21 avril ".
(Source http://www.cfdt.fr, le 27 juin 2002)