Texte intégral
Vous.- le savez mieux que nous : ces dernières semaines, les plans sociaux sont de plus en plus nombreux. Alors, parlons directement : les suppressions d'emplois se multiplient - quelques exemples : Alcatel, Hewlett Packard, Infogrames, Aventis, GemPlus, Daewoo, etc... De nombreux secteurs sont touchés : les services électroniques, des abattoirs, des pêcheries, l'automobile, la chaussure... Pourquoi ?
- "Parce que la conjoncture internationale est mauvaise, parce que nous subissons le contrecoup d'une crise boursière qui a évidemment des conséquences sur l'emploi, parce qu'il y a une situation internationale tendue qui inquiète les entreprises. Ceci étant, il faut relativiser les choses : on a une relative stabilisation du chômage en septembre et surtout, on a une consommation des Français qui tient très fort et qui peut laisser espérer une reprise à moyen terme. Mais on a à faire face à des ajustements dans l'industrie, notamment dans l'industrie électronique, l'industrie des télécommunications, qui sont des ajustements sérieux et qui sont la suite de la bulle des nouvelles technologies qui a explosé et qui produit des dégâts."
Est-ce que le chômage va augmenter dans les prochaines semaines et dans les prochains mois ?
- "Le chômage augmente de manière régulière depuis plus d'un an. Nous sommes, dans tous les pays européens, sur une progression du chômage qui est liée à la baisse de la croissance."
Cela va progresser ?
- "Oui, à moyen terme, je n'ai pas d'autres prévisions à faire. La courbe du chômage, depuis 20 ans, est complètement parallèle à la courbe de la croissance."
F. Chérèque, le nouveau numéro un de la CFDT, dit ce matin dans Le Parisien, que l'emploi est la grosse faiblesse du Gouvernement. Est-ce la grosse faiblesse du Gouvernement ?
- "Nous avons une différence d'approche fondamentale en matière d'emploi avec plusieurs organisations syndicales et plusieurs formations politiques. Pour beaucoup, la politique de l'emploi, c'est une politique d'aide à l'emploi, une politique d'emplois aidés, d'emplois dans le secteur public et c'était la réduction du temps de travail. Nous, nous considérons que cette politique a échoué et nous en voulons pour preuve le fait que le taux de chômage français est plus élevé que celui de la plupart des pays européens, malgré la réduction du temps de travail et malgré le recours massif aux emplois aidés. Les autres n'ont pas utilisé ces méthodes et ils ont un taux de chômage moins élevé. Donc, nous pensons que la priorité est de libérer les entreprises, d'essayer d'abaisser le coût du travail en diminuant les charges qui pèsent, notamment sur les bas salaires, en remontant le pouvoir d'achat des Français avec l'augmentation du Smic que nous sommes en train de mettre en oeuvre. Ce n'est pas une politique de l'emploi aidé ou de la réduction du temps de travail, ce qui explique qu'il y a, entre nous, sur ce sujet, un désaccord."
Confirmez-vous la nomination de C. Viet comme délégué interministériel chargé d'animer la cellule de veille destinée à prévenir et gérer les plans sociaux ?
- "Absolument, il sera chargé de mettre en place une vraie coordination entre les services de l'Etat, qui était insuffisante, au plan national, reproduite dans chaque région, de manière à ce que tous les acteurs du développement, les services de l'Etat, les collectivités locales, les organisations syndicales puissent participer à la gestion des plans sociaux et surtout au reclassement et à la réindustrialisation des bassins. Nous ne pensons pas qu'on interdit les licenciements ; une entreprise qui doit d'adapter, il faut qu'elle s'adapte. Mais nous pensons qu'il y a mieux à faire pour reclasser les salariés et pour les aider à retrouver du travail."
C. Viet, ancien dirigeant de La Poste...
- "C'est en effet un homme qui a été directeur général de La Poste."
Est-ce qu'il aura les moyens pour son action ?
- "Les moyens existent : ce sont des moyens humains, la conjonction des énergies, c'est le dialogue avec les organisations syndicales. On a des exemples - j'en ai vécus plusieurs dans ma région - de réindustrialisation réussie, parce que les acteurs se sont entendu, parce que droite, gauche, patronat, tout le monde s'est mis autour de la table pour travailler, il y a eu un climat qui a attiré les investisseurs. Et puis, il y a d'autres exemples de crise mal gérée, où la violence et le désespoir ont donné d'une région une image désastreuse ; ensuite, les industriels et les investisseurs n'y vont plus. C'est donc autour de ces idées que nous voulons travailler. Ce n'est pas une question de moyens financiers, c'est une question de conjonction des énergies, de coordination, de volonté."
Mais quand on voit ce qui se passe à la SNCF, où on essaye de mettre un système d'alerte sociale, on a toutes les peines, parce que les syndicats rechignent à s'engager sur ce terrain.
- "C'est un sujet très différent la SNCF, on n'est pas dans le secteur marchand !"
Oui, on est d'accord, mais en parlant du dialogue social...
- "Dans la plupart des cas, les syndicats sont demandeurs de cette structure qui permet d'avoir, pour elles, des interlocuteurs immédiats. On improvise trop dans ces crises et beaucoup sont très médiatiques ; je veux dire par là que parce qu'une entreprise a un nom qui est connu ou parce qu'elle se situe dans un bassin qui est sensible, on va en parler et cela va devenir un événement national... A côté de ça, il y a des tas d'entreprises qui ont des difficultés, qui licencient du personnel dans le silence le plus total. Cette structure est aussi là pour essayer de rétablir une équité dans le traitement de ces dossiers."
Quand sera-t-elle en place ?
- "Monsieur Viet reçoit aujourd'hui sa lettre de mission ; il va prendre quelques jours pour réfléchir à l'organisation qu'il souhaite lettre en place. Donc, elle sera opérationnelle dans les toutes prochaines semaines."
Le projet de réforme des 35 heures sera voté, il n'y a pas de doute, à l'Assemblée. Combien d'emplois seront générés par l'assouplissement des 35 heures et la baisse des charges patronales ?
- "C'est une question que la gauche pose et je me suis toujours refusé à y répondre pour une raison simple : c'est que la gauche a toujours eu de l'emploi une vision administrative. Alors la gauche annonce au moment des emplois-jeunes, de la réduction du temps de travail 700.000 créations d'emplois, 1 million de créations d'emplois qui ne se vérifient jamais, parce que l'emploi, c'est la croissance. Et moi, je ne sais pas ce que sera la croissance en 2004 ou en 2005 ; je ne sais pas quelle sera la situation économique. Ce que j'essaye de faire, c'est de mettre la France en situation d'avoir la croissance la plus élevée pour créer des emplois. Par ailleurs, la gauche est très mal placée pour poser cette question, parce que la vérité, c'est que les 35 heures n'ont pas créé d'emplois. En réalité, les 35 heures ont pesé sur l'économie française et ont donné ce résultat que j'évoquais tout à l'heure : nous sommes le douzième pays européen en matière de chômage ; il n'y a derrière nous que le Portugal, la Finlande et l'Espagne."
Dans le projet de loi, un amendement est passé inaperçu : l'astreinte à domicile sera considérée comme un jour de repos ?
- "Ce n'est pas passé inaperçu !"
On n'en a pas tellement parlé ; c'est l'UDF qui a fait voter cet amendement...
- "Il y a une difficulté sur l'astreinte - il ne s'agit pas de toutes les astreintes. Le texte dit que les astreintes pendant lesquelles les salariés peuvent librement vaquer à leurs occupations, ne peuvent pas être considérées comme un temps de travail. On voit bien qu'aujourd'hui, qu'avec le développement d'un certain nombre de nouveaux métiers et le développement des nouvelles technologies, il y a des astreintes qui sont différentes les unes des autres : certaines sont très lourdes, d'autres ne le sont pas du tout. L'objectif est de préciser le régime des astreintes, lorsque vous êtes libres de vaquer à vos occupations."
Est-ce qu'un jour on repassera aux 39 heures ?
- "L'objectif n'est pas d'augmenter le temps de travail. La réduction du temps de travail va dans le sens de l'Histoire, mais cette réduction doit être progressive, négociée, elle ne doit pas s'adapter de la même façon et en même temps dans tous les secteurs. La grande erreur des lois Aubry est d'avoir voulu imposer cette réduction du temps de travail à tout le monde, dans les mêmes délais, avec un effort financier de la collectivité gigantesque, pour l'imposer aux entreprises ou la faire passer. Mais la réduction du temps de travail va dans le sens de l'Histoire et donc, on ne va pas travailler 39 heures demain."
Franchement, êtes-vous inquiet devant cette progression du chômage ?
- "Je suis préoccupé par la situation économique internationale. Cela fait un an que l'on tire la sonnette d'alarme, cela fait un an que l'on dit que le chômage a repris dans notre pays et que toutes les méthodes utilisées ont échouées. Mon objectif est de favoriser la croissance, il n'y a pas d'autre solution. L'emploi se crée dans les entreprises..."
Et par la consommation...
- "Il y a la consommation, avec l'augmentation du Smic et la baisse des impôts, il y a l'assouplissement des 35 heures pour faire en sorte que la France soit un territoire un peu moins étrange pour les investisseurs. Car quand vous essayez d'expliquer aujourd'hui à un investisseur anglais, allemand, américains qu'il faut venir investir en France, il est un peu intrigué par nos spécificités. Et puis, en essayant de peser sur la situation [inaudible] française, c'est aussi un des éléments de la recherche d'une situation internationale qui permette la croissance."
Deuxième partie - 8h45 :
Vous parliez de baisse des impôts tout à l'heure. Elle sera alignée sur la croissance, disait, hier, le ministre de l'Economie et des Finances, ajoutant que s'il n'y a pas de croissance, il n'y aura pas de baisse des impôts ou il y en aura une moindre.
- "Il faut évidemment adapter le rythme des baisses d'impôts à la fois aux recettes et aux contraintes européennes qui sont les nôtres. Mais dans notre esprit, la baisse des impôts est là pour soutenir la croissance. Donc, il faut commencer par baisser les impôts, si on veut avoir une croissance satisfaisante."
Si je comprends bien, vous corrigez le ministre du Budget ?
- "Je rappelle ce qu'a dit le président de la République."
Parlons retraites. Rendez-vous au premier semestre de 2003 ?
- "Absolument."
D'abord, est-ce que le droit à la retraite des 40 ans de cotisation est un objectif pour vous ?
- "Oui, c'est un objectif, mais c'est un objectif qui s'intègre dans un ensemble général. On va ouvrir une grande négociation au début de 2003, pour poser les grands principes, les règles générales, qui s'appliqueront à tous les Français : les règles d'équité, de sécurité, c'est-à-dire un haut niveau de revenu de remplacement, et puis des règles de liberté, que chacun puisse un peu choisir les conditions dans lesquelles il veut préparer sa retraite et l'âge à laquelle il veut la prendre. Nous allons engager deux négociations parallèles, une dans le secteur public, une dans le secteur privé, avec les mêmes principes et un objectif pour arriver à un début de réforme. Les retraites, c'est un sujet de long terme, il y aura beaucoup de réformes sur ce sujet, mais ce qu'il faut, c'est, maintenant, commencer, poser les principes et amorcer les réformes pour le mois de juin prochain."
Et comment mettre tout le monde sur un plan d'égalité ?
- "Il y a deux questions. La première question, c'est comment pérenniser les retraites ? Comment faire en sorte que, dans un pays où il va y avoir plus de gens à la retraite et moins d'actifs, chacun puisse avoir une retraite d'un bon niveau. Cela suppose de jouer sur les durées de cotisation, sur les dates de départ. Il y a beaucoup de gens qui souhaiteraient pouvoir partir après 60 ans. Il ne s'agit pas de revenir sur l'âge légal de départ à la retraite, mais de donner plus de choix. Il y a la question des compléments de retraite. Aujourd'hui, dans notre pays, plus vous êtes riche, plus vous pouvez préparer votre retraite, moins vous avez de moyens financiers, moins vous avez de droits même à compléter cette retraite. Et puis, il y a la question de l'équité entre les régimes. Cela fait beaucoup de sujets. Mais je suis persuadé qu'il y a maintenant en France les éléments presque d'un consensus, en tout cas d'une très large majorité autour de cette réforme."
Vous ouvrirez le débat sur les régimes spéciaux de retraite ?
- "Tous les débats seront ouverts. Simplement, on les ouvrira le moment venu, c'est-à-dire qu'on va commencer par les principes généraux, et puis ensuite, on va engager les deux négociations parallèles, et puis on traitera les régimes spéciaux au vu de la réforme générale et des principes qu'on veut appliquer, en tenant compte des situations. Il ne s'agit pas de nier les situations particulières d'un certain nombre de salariés en France, leurs conditions de travail. Quand on compare, par exemple, le secteur public et le secteur privé, il faut tout comparer : il faut comparer la réalité des rémunérations, les régimes indemnitaires, les primes. Tout cela est plus compliqué qu'il n'y paraît."
C'est un terrain sur lequel il faut être prudent ?
- "C'est surtout un terrain sur lequel les Français sont extrêmement sensibles, parce que c'est fondamental pour eux."
Les salariés du privé vont financer une partie des retraites du public, qu'est-ce que cela veut dire ?
- "C'est faux !"
C'est la présidente de la CNAV qui dit cela...
- "Je suis content que vous posiez la question ! Il y a dans notre système, un dispositif qu'on appelle la compensation démographique. Cela veut dire que les régimes jeunes payent pour les régimes plus âgés où il y a moins de cotisants et plus de retraités. Donc, une nouvelle fois - cela existe depuis 1974 -, on a opéré effectivement un transfert de la Caisse d'assurance vieillesse vers les régimes des professions libérales des artisans et des commerçants. Ce sont eux qui vont - parce que leur régime est très déficitaire - recevoir un soutien par ce transfert. La Caisse des agents des collectivités locales et la Caisse des agents de l'Etat voient, du fait de cette décision, leurs compensations - c'est-à-dire l'argent qu'elles versent aux régimes qui sont déficitaires - baisser un peu, mais elles continuent à aider les régimes déficitaires. C'est une mesure très classique, une mesure technique, qui n'augure en rien de la réforme des retraites que nous allons faire, qui montre simplement par sa complexité que le système doit être complètement remis à plat, car aujourd'hui, personne ne s'y retrouve plus et même pour les services qui gèrent aujourd'hui ces financements, la tuyauterie est devenue très complexe."
Si je vous dis que la France des bas salaires gagne à peine plus que celle qui survit grâce à l'assistanat, vous me répondez quoi ?
- "Que c'est sans doute la raison principale de la crise politique et sociale que nous connaissons et qui s'est traduite par le résultat du premier tour de l'élection présidentielle. J'ai fait 70 déplacements pendant la campagne présidentielle, c'est un sujet dont j'ai mesuré à quel point il était vraiment au coeur de préoccupations des Français. C'est pour cela que nous voulons augmenter de manière importante le Smic, pour essayer de créer un différentiel plus important entre les revenus d'assistance et les revenus du travail. C'est pour cela que nous voulons réformer le RMI pour essayer de le tourner vers l'activité, pour faire un revenu minimum d'activité autant que faire ce peut."
Le versement du RMI sera conditionné à une activité ?
- "On est en train de réfléchir à une réforme qui aurait deux objectifs : le premier est de décentraliser beaucoup plus la gestion du RMI, sur le département, pour leur permettre de gérer de manière plus proche les choses, et la deuxième idée est effectivement d'essayer de voir comment demander, même si c'est parfois symbolique, une activité en échange d'un revenu."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 octobre 2002)
- "Parce que la conjoncture internationale est mauvaise, parce que nous subissons le contrecoup d'une crise boursière qui a évidemment des conséquences sur l'emploi, parce qu'il y a une situation internationale tendue qui inquiète les entreprises. Ceci étant, il faut relativiser les choses : on a une relative stabilisation du chômage en septembre et surtout, on a une consommation des Français qui tient très fort et qui peut laisser espérer une reprise à moyen terme. Mais on a à faire face à des ajustements dans l'industrie, notamment dans l'industrie électronique, l'industrie des télécommunications, qui sont des ajustements sérieux et qui sont la suite de la bulle des nouvelles technologies qui a explosé et qui produit des dégâts."
Est-ce que le chômage va augmenter dans les prochaines semaines et dans les prochains mois ?
- "Le chômage augmente de manière régulière depuis plus d'un an. Nous sommes, dans tous les pays européens, sur une progression du chômage qui est liée à la baisse de la croissance."
Cela va progresser ?
- "Oui, à moyen terme, je n'ai pas d'autres prévisions à faire. La courbe du chômage, depuis 20 ans, est complètement parallèle à la courbe de la croissance."
F. Chérèque, le nouveau numéro un de la CFDT, dit ce matin dans Le Parisien, que l'emploi est la grosse faiblesse du Gouvernement. Est-ce la grosse faiblesse du Gouvernement ?
- "Nous avons une différence d'approche fondamentale en matière d'emploi avec plusieurs organisations syndicales et plusieurs formations politiques. Pour beaucoup, la politique de l'emploi, c'est une politique d'aide à l'emploi, une politique d'emplois aidés, d'emplois dans le secteur public et c'était la réduction du temps de travail. Nous, nous considérons que cette politique a échoué et nous en voulons pour preuve le fait que le taux de chômage français est plus élevé que celui de la plupart des pays européens, malgré la réduction du temps de travail et malgré le recours massif aux emplois aidés. Les autres n'ont pas utilisé ces méthodes et ils ont un taux de chômage moins élevé. Donc, nous pensons que la priorité est de libérer les entreprises, d'essayer d'abaisser le coût du travail en diminuant les charges qui pèsent, notamment sur les bas salaires, en remontant le pouvoir d'achat des Français avec l'augmentation du Smic que nous sommes en train de mettre en oeuvre. Ce n'est pas une politique de l'emploi aidé ou de la réduction du temps de travail, ce qui explique qu'il y a, entre nous, sur ce sujet, un désaccord."
Confirmez-vous la nomination de C. Viet comme délégué interministériel chargé d'animer la cellule de veille destinée à prévenir et gérer les plans sociaux ?
- "Absolument, il sera chargé de mettre en place une vraie coordination entre les services de l'Etat, qui était insuffisante, au plan national, reproduite dans chaque région, de manière à ce que tous les acteurs du développement, les services de l'Etat, les collectivités locales, les organisations syndicales puissent participer à la gestion des plans sociaux et surtout au reclassement et à la réindustrialisation des bassins. Nous ne pensons pas qu'on interdit les licenciements ; une entreprise qui doit d'adapter, il faut qu'elle s'adapte. Mais nous pensons qu'il y a mieux à faire pour reclasser les salariés et pour les aider à retrouver du travail."
C. Viet, ancien dirigeant de La Poste...
- "C'est en effet un homme qui a été directeur général de La Poste."
Est-ce qu'il aura les moyens pour son action ?
- "Les moyens existent : ce sont des moyens humains, la conjonction des énergies, c'est le dialogue avec les organisations syndicales. On a des exemples - j'en ai vécus plusieurs dans ma région - de réindustrialisation réussie, parce que les acteurs se sont entendu, parce que droite, gauche, patronat, tout le monde s'est mis autour de la table pour travailler, il y a eu un climat qui a attiré les investisseurs. Et puis, il y a d'autres exemples de crise mal gérée, où la violence et le désespoir ont donné d'une région une image désastreuse ; ensuite, les industriels et les investisseurs n'y vont plus. C'est donc autour de ces idées que nous voulons travailler. Ce n'est pas une question de moyens financiers, c'est une question de conjonction des énergies, de coordination, de volonté."
Mais quand on voit ce qui se passe à la SNCF, où on essaye de mettre un système d'alerte sociale, on a toutes les peines, parce que les syndicats rechignent à s'engager sur ce terrain.
- "C'est un sujet très différent la SNCF, on n'est pas dans le secteur marchand !"
Oui, on est d'accord, mais en parlant du dialogue social...
- "Dans la plupart des cas, les syndicats sont demandeurs de cette structure qui permet d'avoir, pour elles, des interlocuteurs immédiats. On improvise trop dans ces crises et beaucoup sont très médiatiques ; je veux dire par là que parce qu'une entreprise a un nom qui est connu ou parce qu'elle se situe dans un bassin qui est sensible, on va en parler et cela va devenir un événement national... A côté de ça, il y a des tas d'entreprises qui ont des difficultés, qui licencient du personnel dans le silence le plus total. Cette structure est aussi là pour essayer de rétablir une équité dans le traitement de ces dossiers."
Quand sera-t-elle en place ?
- "Monsieur Viet reçoit aujourd'hui sa lettre de mission ; il va prendre quelques jours pour réfléchir à l'organisation qu'il souhaite lettre en place. Donc, elle sera opérationnelle dans les toutes prochaines semaines."
Le projet de réforme des 35 heures sera voté, il n'y a pas de doute, à l'Assemblée. Combien d'emplois seront générés par l'assouplissement des 35 heures et la baisse des charges patronales ?
- "C'est une question que la gauche pose et je me suis toujours refusé à y répondre pour une raison simple : c'est que la gauche a toujours eu de l'emploi une vision administrative. Alors la gauche annonce au moment des emplois-jeunes, de la réduction du temps de travail 700.000 créations d'emplois, 1 million de créations d'emplois qui ne se vérifient jamais, parce que l'emploi, c'est la croissance. Et moi, je ne sais pas ce que sera la croissance en 2004 ou en 2005 ; je ne sais pas quelle sera la situation économique. Ce que j'essaye de faire, c'est de mettre la France en situation d'avoir la croissance la plus élevée pour créer des emplois. Par ailleurs, la gauche est très mal placée pour poser cette question, parce que la vérité, c'est que les 35 heures n'ont pas créé d'emplois. En réalité, les 35 heures ont pesé sur l'économie française et ont donné ce résultat que j'évoquais tout à l'heure : nous sommes le douzième pays européen en matière de chômage ; il n'y a derrière nous que le Portugal, la Finlande et l'Espagne."
Dans le projet de loi, un amendement est passé inaperçu : l'astreinte à domicile sera considérée comme un jour de repos ?
- "Ce n'est pas passé inaperçu !"
On n'en a pas tellement parlé ; c'est l'UDF qui a fait voter cet amendement...
- "Il y a une difficulté sur l'astreinte - il ne s'agit pas de toutes les astreintes. Le texte dit que les astreintes pendant lesquelles les salariés peuvent librement vaquer à leurs occupations, ne peuvent pas être considérées comme un temps de travail. On voit bien qu'aujourd'hui, qu'avec le développement d'un certain nombre de nouveaux métiers et le développement des nouvelles technologies, il y a des astreintes qui sont différentes les unes des autres : certaines sont très lourdes, d'autres ne le sont pas du tout. L'objectif est de préciser le régime des astreintes, lorsque vous êtes libres de vaquer à vos occupations."
Est-ce qu'un jour on repassera aux 39 heures ?
- "L'objectif n'est pas d'augmenter le temps de travail. La réduction du temps de travail va dans le sens de l'Histoire, mais cette réduction doit être progressive, négociée, elle ne doit pas s'adapter de la même façon et en même temps dans tous les secteurs. La grande erreur des lois Aubry est d'avoir voulu imposer cette réduction du temps de travail à tout le monde, dans les mêmes délais, avec un effort financier de la collectivité gigantesque, pour l'imposer aux entreprises ou la faire passer. Mais la réduction du temps de travail va dans le sens de l'Histoire et donc, on ne va pas travailler 39 heures demain."
Franchement, êtes-vous inquiet devant cette progression du chômage ?
- "Je suis préoccupé par la situation économique internationale. Cela fait un an que l'on tire la sonnette d'alarme, cela fait un an que l'on dit que le chômage a repris dans notre pays et que toutes les méthodes utilisées ont échouées. Mon objectif est de favoriser la croissance, il n'y a pas d'autre solution. L'emploi se crée dans les entreprises..."
Et par la consommation...
- "Il y a la consommation, avec l'augmentation du Smic et la baisse des impôts, il y a l'assouplissement des 35 heures pour faire en sorte que la France soit un territoire un peu moins étrange pour les investisseurs. Car quand vous essayez d'expliquer aujourd'hui à un investisseur anglais, allemand, américains qu'il faut venir investir en France, il est un peu intrigué par nos spécificités. Et puis, en essayant de peser sur la situation [inaudible] française, c'est aussi un des éléments de la recherche d'une situation internationale qui permette la croissance."
Deuxième partie - 8h45 :
Vous parliez de baisse des impôts tout à l'heure. Elle sera alignée sur la croissance, disait, hier, le ministre de l'Economie et des Finances, ajoutant que s'il n'y a pas de croissance, il n'y aura pas de baisse des impôts ou il y en aura une moindre.
- "Il faut évidemment adapter le rythme des baisses d'impôts à la fois aux recettes et aux contraintes européennes qui sont les nôtres. Mais dans notre esprit, la baisse des impôts est là pour soutenir la croissance. Donc, il faut commencer par baisser les impôts, si on veut avoir une croissance satisfaisante."
Si je comprends bien, vous corrigez le ministre du Budget ?
- "Je rappelle ce qu'a dit le président de la République."
Parlons retraites. Rendez-vous au premier semestre de 2003 ?
- "Absolument."
D'abord, est-ce que le droit à la retraite des 40 ans de cotisation est un objectif pour vous ?
- "Oui, c'est un objectif, mais c'est un objectif qui s'intègre dans un ensemble général. On va ouvrir une grande négociation au début de 2003, pour poser les grands principes, les règles générales, qui s'appliqueront à tous les Français : les règles d'équité, de sécurité, c'est-à-dire un haut niveau de revenu de remplacement, et puis des règles de liberté, que chacun puisse un peu choisir les conditions dans lesquelles il veut préparer sa retraite et l'âge à laquelle il veut la prendre. Nous allons engager deux négociations parallèles, une dans le secteur public, une dans le secteur privé, avec les mêmes principes et un objectif pour arriver à un début de réforme. Les retraites, c'est un sujet de long terme, il y aura beaucoup de réformes sur ce sujet, mais ce qu'il faut, c'est, maintenant, commencer, poser les principes et amorcer les réformes pour le mois de juin prochain."
Et comment mettre tout le monde sur un plan d'égalité ?
- "Il y a deux questions. La première question, c'est comment pérenniser les retraites ? Comment faire en sorte que, dans un pays où il va y avoir plus de gens à la retraite et moins d'actifs, chacun puisse avoir une retraite d'un bon niveau. Cela suppose de jouer sur les durées de cotisation, sur les dates de départ. Il y a beaucoup de gens qui souhaiteraient pouvoir partir après 60 ans. Il ne s'agit pas de revenir sur l'âge légal de départ à la retraite, mais de donner plus de choix. Il y a la question des compléments de retraite. Aujourd'hui, dans notre pays, plus vous êtes riche, plus vous pouvez préparer votre retraite, moins vous avez de moyens financiers, moins vous avez de droits même à compléter cette retraite. Et puis, il y a la question de l'équité entre les régimes. Cela fait beaucoup de sujets. Mais je suis persuadé qu'il y a maintenant en France les éléments presque d'un consensus, en tout cas d'une très large majorité autour de cette réforme."
Vous ouvrirez le débat sur les régimes spéciaux de retraite ?
- "Tous les débats seront ouverts. Simplement, on les ouvrira le moment venu, c'est-à-dire qu'on va commencer par les principes généraux, et puis ensuite, on va engager les deux négociations parallèles, et puis on traitera les régimes spéciaux au vu de la réforme générale et des principes qu'on veut appliquer, en tenant compte des situations. Il ne s'agit pas de nier les situations particulières d'un certain nombre de salariés en France, leurs conditions de travail. Quand on compare, par exemple, le secteur public et le secteur privé, il faut tout comparer : il faut comparer la réalité des rémunérations, les régimes indemnitaires, les primes. Tout cela est plus compliqué qu'il n'y paraît."
C'est un terrain sur lequel il faut être prudent ?
- "C'est surtout un terrain sur lequel les Français sont extrêmement sensibles, parce que c'est fondamental pour eux."
Les salariés du privé vont financer une partie des retraites du public, qu'est-ce que cela veut dire ?
- "C'est faux !"
C'est la présidente de la CNAV qui dit cela...
- "Je suis content que vous posiez la question ! Il y a dans notre système, un dispositif qu'on appelle la compensation démographique. Cela veut dire que les régimes jeunes payent pour les régimes plus âgés où il y a moins de cotisants et plus de retraités. Donc, une nouvelle fois - cela existe depuis 1974 -, on a opéré effectivement un transfert de la Caisse d'assurance vieillesse vers les régimes des professions libérales des artisans et des commerçants. Ce sont eux qui vont - parce que leur régime est très déficitaire - recevoir un soutien par ce transfert. La Caisse des agents des collectivités locales et la Caisse des agents de l'Etat voient, du fait de cette décision, leurs compensations - c'est-à-dire l'argent qu'elles versent aux régimes qui sont déficitaires - baisser un peu, mais elles continuent à aider les régimes déficitaires. C'est une mesure très classique, une mesure technique, qui n'augure en rien de la réforme des retraites que nous allons faire, qui montre simplement par sa complexité que le système doit être complètement remis à plat, car aujourd'hui, personne ne s'y retrouve plus et même pour les services qui gèrent aujourd'hui ces financements, la tuyauterie est devenue très complexe."
Si je vous dis que la France des bas salaires gagne à peine plus que celle qui survit grâce à l'assistanat, vous me répondez quoi ?
- "Que c'est sans doute la raison principale de la crise politique et sociale que nous connaissons et qui s'est traduite par le résultat du premier tour de l'élection présidentielle. J'ai fait 70 déplacements pendant la campagne présidentielle, c'est un sujet dont j'ai mesuré à quel point il était vraiment au coeur de préoccupations des Français. C'est pour cela que nous voulons augmenter de manière importante le Smic, pour essayer de créer un différentiel plus important entre les revenus d'assistance et les revenus du travail. C'est pour cela que nous voulons réformer le RMI pour essayer de le tourner vers l'activité, pour faire un revenu minimum d'activité autant que faire ce peut."
Le versement du RMI sera conditionné à une activité ?
- "On est en train de réfléchir à une réforme qui aurait deux objectifs : le premier est de décentraliser beaucoup plus la gestion du RMI, sur le département, pour leur permettre de gérer de manière plus proche les choses, et la deuxième idée est effectivement d'essayer de voir comment demander, même si c'est parfois symbolique, une activité en échange d'un revenu."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 octobre 2002)