Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur la physique théorique et sa place dans le recherche fondamentale, Paris le 22 juillet 2002.

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Circonstance : Conférence internationale de physique théorique à Paris le 22 juillet 2002

Texte intégral

Monsieur le président,
Ladies and gentlemen,
First of all, I would like to thank the organisers of the International Conference on Theoretical Physics, namely l'Union Internationale de Physique Pure et Appliquée and les Sociétés Françaises et européennes de Physique.
I would also like to welcome the numerous foreign scientists who joined us on this occasion and I ask them to forgive me because I have now to switch from English to French.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi un grand honneur de saluer ce matin les quelque 1200 participants de la Conférence Internationale de Physique Théorique organisée par l'Union Internationale de Physique Pure et Appliquée et les Sociétés Françaises et Européennes de Physique, dans cette superbe salle de l'UNESCO, dont le cadre se prête à merveille à cette réunion d'excellence. Que cette assemblée de chercheurs se tienne, à Paris, dans cette enceinte, symbole éclatant de la coopération internationale la plus ouverte et la plus libre, en sciences, et plus largement encore dans tous les domaines de l'esprit et de la culture, est un motif supplémentaire de satisfaction.
Au nom de la France, je souhaite à tous nos amis étrangers, tout particulièrement à ceux qui ont fait l'effort de longs déplacements, la bienvenue dans notre pays. Qu'ils s'y sentent chez eux.
Je remercie vivement les deux sociétés savantes organisatrices de leur choix de lieu et de programme, ainsi que du travail remarquable qu'elles ont accompli pour que votre réunion soit une réussite complète.
Je salue tout particulièrement les plus jeunes d'entre vous dont la présence ici augure d'un avenir riche de promesses. Une rencontre scientifique de cette ampleur leur permettra, dans les meilleures conditions possibles, de s'informer auprès de leurs pairs des progrès les plus récents accomplis dans votre spécialité et de confronter les points de vue. Ils y trouveront aussi, j'en suis sûre, une formidable occasion de nouer des liens personnels fructueux.
Je souhaite souligner la présence de vos nombreux collègues venus d'Afrique, du Proche ou du Moyen-Orient et pour lesquels les conditions de travail dans leurs laboratoires sont souvent moins favorables que celle que nous connaissons en Europe ou dans les pays de longue tradition scientifique. Leurs mérites de participer pleinement à la production scientifique de très haut niveau n'en sont que plus grands et appellent nos encouragements les plus chaleureux. Que soient donc également remerciés les organisateurs de ce colloque qui ont permis, grâce à l'attribution de bourses, la venue de certains d'entre vous.
Cette Conférence ne s'inscrit pas dans une série de rencontres thématiques régulières. Il faut remonter jusqu'en 1968 pour trouver une Conférence du même type. Il s'agit de celle organisée par Abus Salam, physicien pakistanais, prix Nobel 1979.
Cette interruption de plus de 20 années s'explique peut-être par une certaine réticence à accoler, de manière exclusive, l'épithète "théorique" au mot "physique", manifestant ainsi une crainte à souligner la différence d'approche entre théoriciens et expérimentateurs. Ces débats sont aujourd'hui dépassés et chacun sait qu'une telle conception s'inscrirait à contre-courant des synergies indispensables souhaitées par les deux communautés, convaincues qu'elles sont que les vrais progrès en physique viendront d'approches menées en étroite coopération, comportant à la fois le développement de théories et de concepts audacieux, des expériences habiles et lumineuses et des simulations numériques les plus raffinées.
Cette conférence doit, à n'en pas douter, son succès à votre soif d'échanger, entre théoriciens, les outils et les pratiques de votre discipline, tout autant qu'à confronter les débats que vous engagez avec les meilleurs expérimentateurs.
Une aventure intellectuelle prodigieuse dans l'histoire des sciences
La physique théorique représente une des aventures intellectuelles les plus prodigieuses du XXème siècle.
Les grandes étapes de ce pan fascinant de l'histoire des sciences sont bien connues : à la découverte des relativités restreinte et générale au début du XXème siècle succèdent la fondation de la mécanique quantique dans l'immédiat après-guerre puis, en 1956, l'explication de la supraconductivité en matière condensée.
L'Ecole française de physique théorique, quant à elle, a largement contribué au progrès de cette discipline, comme en témoigne, au cours des dernières décennies, l'attribution de prix Nobel, à Louis Néel en 1970 pour sa théorie de l'antiferromagnétisme, à Pierre-Gilles de Gennes en 1991 pour sa théorie de la matière molle, à Claude Cohen-Tannoudji en 1997 pour ses études sur le refroidissement laser.
On ne peut qu'espérer que le XXIème siècle qui s'ouvre devant nous voit se poursuivre l'exploration de champs encore nouveaux.
De beaux défis restent encore à relever pour les années à venir, que ce soient l'unification des interactions élémentaires et de la gravité, l'élaboration d'une théorie cosmologique permettant d'expliquer l'ensemble des observations astronomiques - en particulier le rôle des trous noirs - ou encore l'analyse des propriétés d'enchevêtrement des fonctions d'onde ainsi que de leur propriété de cohérence. Songeons enfin aux interactions électroniques de la matière condensée, à l'origine de la supraconductivité de haute température et du magnétisme.
Plus important encore, il demeure, attractive, fascinante, une frange d'ignorance à la lisière de territoires déjà explorés.
Au-delà de ces découvertes majeures, la physique théorique a forgé des outils de recherche d'une efficacité tout à fait remarquable : elle a oeuvré, en particulier, pour une modélisation aussi simple que possible des phénomènes observés et pour une conceptualisation sous forme de lois élémentaires de divers mécanismes.
C'est précisément ce type de démarche qui pourrait être étendue à des champs disciplinaires nouveaux, plus éloignés de la physique au sens strict, que l'on désigne couramment par l'expression "systèmes complexes" et particulièrement au plus complexe d'entre eux, le vivant. La cellule vivante offre un autre champ de recherche encore neuf. L'explication des mécanismes fondamentaux de la vie suppose, entre autres, une modélisation élaborée et astucieuse des mécanismes de rétroaction dans les assemblages moléculaires.
Des avancées considérables peuvent être attendues de l'application des méthodes de la physique théorique aux champs nouveaux que sont le calcul et l'information quantique ainsi que les nano-objets en interaction.
Les nanotechnologies en plein essor, pour ne prendre que cet exemple, vont certainement mobiliser dans un futur proche un grand nombre de contributions théoriques.
Il en va de même de l'application des méthodes de la physique statistique aux objets fragiles de la matière molle, comme les mousses, les émulsions ou les tas de sable.
Des communautés riches d'une culture scientifique différente attendent de vous une participation active à leurs recherches. Je vous encourage vivement à demeurer à l'écoute des besoins de collaboration qui peuvent s'exprimer et à entreprendre avec enthousiasme cette démarche interdisciplinaire.
Un soutien nécessaire à la recherche fondamentale
Comme d'autres champs de la science, la physique théorique illustre de façon exemplaire la nécessité, dans le cadre d'une politique ambitieuse de recherche, d'apporter un soutien résolu à la recherche fondamentale.
Au-delà de son champ d'investigation propre, elle est appelée à féconder les autres secteurs de la recherche ainsi qu'à proposer des développements aux applications économiques et sociales.
La physique théorique, par la notoriété que font rejaillir sur elle ses représentants les plus éminents, et surtout en vertu de sa nature même, intrigue et fascine tout à la fois. Son rayonnement s'étend bien au-delà de la seule communauté des chercheurs.
C'est pourquoi la diffusion auprès des jeunes, filles et garçons, de cette image attirante de la physique pourrait constituer un puissant attracteur en direction des carrières scientifiques. C'est un point qui me tient particulièrement à coeur.
Je forme le voeu que ce colloque soit pour vous tous l'occasion de travaux et d'échanges fructueux. Puisse le dynamisme qu'on voit s'exprimer dans ces journées de travail témoigner avec éloquence de l'excellence de la communauté scientifique.
Ladies and gentlemen,
I do hope that this meeting will give rise to promising work and fruitful synergies. May your dynamism testify to the excellence of the scientific communauty.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 23 juillet 2002)