Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement et porte parole du gouvernement, à BFM le 20 septembre 2002, sur la politique économique et le projet de budget pour 2003.

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Média : BFM

Texte intégral

B. Botella - L'Afssa vient de donner à l'instant son feu vert à la levée de l'embargo sur le boeuf britannique ; le Gouvernement va suivre ?
- "Elle vient aujourd'hui même de rendre officiel son rapport. C'est évidemment un sujet très sensible et important. L'opinion publique est particulièrement vigilante sur tout ce qui concerne la santé, et en particulier la sécurité alimentaire. Le Gouvernement aussi et donc, nous allons prendre connaissance en détail de ce rapport avant de prendre une décision."'
Deuxième info de la matinée : Le Figaro dit que vous allez augmenter le tabac de 15 % l'an prochain ; vous confirmez ?
- "La presse écrit beaucoup de choses depuis plusieurs semaines - ce qui est normale en cette période de pré-annonces budgétaires - un peu dans tous les sens. Le grand rendez-vous que fixe le Gouvernement à la Nation, c'est le Conseil des ministres de mercredi prochain, où nous allons présenter les grandes lignes du budget et ensuite, en débattre au Parlement. Il sera temps à ce moment-là de donner tous les détails. La seule chose que je peux vous dire, c'est que les engagements que nous avons pris devant les Français seront tenus, notamment pour ce qui concerne les baisses d'impôts et des charges, pour ce qui concerne les priorités réservées à la sécurité, à la justice, à la défense et à enclencher ce grand mouvement de modernisation de l'Etat et de décentralisation. Il y a de quoi faire pour moderniser notre pays dans les prochains mois."
Tout cela dépendra aussi de la conjoncture économique. La Bourse de Paris poursuit sa chute, on est passé sous les 3.000 points hier. Est-ce que cela vous inquiète pour la suite, est-ce que cela ne risque pas de peser lourdement sur la croissance à terme ?
- "Personne ne peut se réjouir de la situation un peu chaotique des Bourses internationales. On en connaît les explications : d'abord, ce sont les incertitudes de la situation économique internationale, c'est aussi l'évolution des valeurs technologiques. Tous ces éléments sont connus. Le rôle d'un gouvernement est de mener une politique économique qui soit cohérente avec la situation économique. De ce point de vue, il me semble que les orientations que nous prenons sont les bonnes, qu'il s'agisse de stimuler le pouvoir d'achat, où il est indispensable de faire en sorte que la demande, la consommation en particulier, soient préservées et toutes les mesures que nous prenons en matière de baisse d'impôts sur les ménages, en matière d'augmentation progressive du Smic dans des proportions très importantes sur les trois années qui viennent. C'est évidemment, pour les salariés modestes, un élément de stimulation de la consommation. La baisse des charges que nous engageons dans le même temps, c'est la baisse du coût du travail et donc une stimulation en faveur de l'emploi. Et puis l'assouplissement des 35 heures est un élément très important - notamment pour les PME qui sont créatrices d'emplois - de stimulation."
Ce n'est pas l'avis de L. Fabius, qui, hier soir, disait que le Gouvernement n'avait pas de politique de l'emploi.
- "L. Fabius a, comme beaucoup de ses amis, cette espèce de tentation naturelle qui consiste à dire, dès lors que ce n'est pas lui qui le fait, que ce n'est pas bon. Aujourd'hui, nous avons un peu changé d'époque et nous sommes d'abord là, non pas pour critiquer les autres, mais pour essayer de faire avancer les choses dans le bon sens et pour servir la France. Or aujourd'hui, personne ne peut nier qu'il ne faut pas baisser les prélèvements obligatoires qui ont été beaucoup trop augmentés durant les cinq dernières années, assouplir les conditions de rémunération, de pouvoir d'achat qui a été complètement gelé pendant les cinq dernières années. Voilà sur quoi nous travaillons."
C'est cela et seulement cela qui peut relancer les embauches et faire diminuer le chômage ?
- "Il faut absolument le faire, sinon on va vraiment perturber le cycle économique. Il est vraiment indispensable d'agir à la fois sur la demande et sur l'offre, de stimuler le pouvoir d'achat d'un côté et en même temps de faciliter de toutes les manières possibles l'embauche par la baisse du coût du travail ; par également quelques mesures pour modifier la loi de modernisation sociale de madame Guigou, qui est en fait une machine à bloquer complètement les entreprises et - c'est cela le risque - à accélérer les dépôts de bilan. Il faut que nous prenions des mesures dans ce domaine."
Malgré la mauvaise conjoncture boursière, le Gouvernement compte privatiser Air France à l'automne, peut-être ouvrir le capital d'EDF ; est-ce que ce n'est pas brader les entreprises publiques en les privatisant, en mettant sur le marché des actions en cette période ?
- "Ce qui est important, c'est de prendre ce type de décision d'abord dans l'intérêt de l'entreprise concernée. Il ne faut pas se tromper de débat : les ouvertures de capital que le Gouvernement a prévues d'engager, le sont dans l'idée que les entreprises doivent pouvoir avoir le meilleur statut, la meilleure situation capitalistique pour se développer, y compris dans une conjoncture difficile."
Est-ce que vous n'avez pas besoin de cet argent pour boucler votre budget de l'an prochain ? Vous êtes tout de même coincés par cela.
- "Pour répondre à votre question, sur le choix du bon moment, il va de soi que l'Etat est soucieux de faire les choses dans le bon ordre et dans les meilleures conditions possibles. C'est aujourd'hui la raison pour laquelle les calendriers ne sont pas précisément fixés. Les études sont en cours et l'Etat, aidé de ses conseils financiers, fera le meilleur choix au meilleur moment dans l'intérêt, certes, de l'Etat, mais aussi - je le répète et j'insiste - dans l'intérêt de l'entreprise."
Le budget présenté la semaine prochaine sera établi sur une hypothèse de croissance autour de 2,5. Vous persistez à prévoir toujours 2,5 pour l'année prochaine ?
- "Réponse le 25, le jour du Conseil des ministres. Nous aurons l'occasion de rentrer dans le détail avec A. Lambert et F. Mer. Nous avons le souci de présenter un budget qui soit le plus conforme possible aux informations dont nous disposons dans cette période."
Il sera forcément corrigé l'an prochain, c'est d'ailleurs le lot de la plupart des budgets...
- "Bien sûr, mais avec une différence : en ce qui concerne le suivi de la conjoncture, nous souhaitons, contrairement à ce qui a été fait l'an dernier par Monsieur Fabius, faire en sorte que ces estimations ne soient pas masquées, surévaluées pour justifier l'explosion des dépenses publiques qu'avait voulu faire monsieur Jospin. Le deuxième élément, c'est que tout cela procède d'une autre manière de gérer les dépenses publiques. Vous verrez que la philosophie qu'est la nôtre, c'est de ne plus parler d'effet d'annonce, comme cela a été trop souvent le cas pendant des années, mais en réalité, de logique d'exécution, de résultat, comme dans n'importe quelle entreprise d'ailleurs. Ce n'est pas tout de faire un budget prévisionnel, il faut s'assurer de coller à la réalité de l'exécution des dépenses. Vous verrez que de ce point de vue, il y a de quoi gérer les dépenses publiques et les crédits publics en général de manière beaucoup plus moderne."
En cas de dégradation de la situation économique, est-ce que l'on peut envisager que le Gouvernement laisse filer les déficits ou est-ce que vous couperez dans la dépense publique ? D'autres pays européens disent : "Pourquoi ne pas laisser filer le déficit, il ne faut pas plomber nos économies, on peut laisser filer un peu le déficit".
- "Cela n'a jamais été dans l'esprit que Gouvernement d'imaginer utiliser le déficit budgétaire comme un levier de politique économique. Certainement pas ! Nous regrettons bien sûr que le Gouvernement précédent n'ait pas profité des cinq années de croissance pour réduire le déficit budgétaire, cela aurait été d'une plus grande sagesse. Nous héritons d'une situation, comme l'audit l'a montré, qui est bien difficile mais en même temps, nous prenons nos responsabilités. La baisse des prélèvements obligatoires est pour nous un objectif tout à fait majeur, vous le savez, c'est une priorité pour stimuler l'économie. Nous avons identifié des dépenses publiques prioritaires. Pour les autres secteurs, nous allons moderniser la manière dont l'Etat fonctionne. Dans des secteurs très importants de l'administration publique, nous pensons qu'il y a manière de faire une administration plus efficace et pas forcément plus coûteuse. Il est hors de question que cela se fasse en augmentant les déficits."
Demain, le RPR disparaît pour se fondre dans l'UMP. Il était temps ?
- "C'est surtout une étape historique extraordinaire pour notre pays et pour son histoire politique. Pour la première fois, nous allons résoudre ce qui a probablement été la source première de notre faiblesse durant ces dernières années, c'est la dispersion de la droite et du centre en France. L'idée de constituer ce grand mouvement politique, qui n'est pas une addition de différentes tendances, c'est beaucoup plus que cela et je le vois à travers la dynamique que constitue la nouvelle génération qui arrive en politique. Ce qui va se passer avec la fondation de l'UMP dans les prochaines semaines est un événement tout à fait majeur et une force politique que les Français attendent."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2002)