Interview de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche à Europe 1 le 28 octobre 1999, sur la décision de la France de maintenir l'embargo sur la viande bovine britannique et la position de la France sur la sécurité sanitaire des aliments.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Monsieur le Ministre de l'Agriculture bonsoir.
Je voudrais vous demander où nous en sommes à Bruxelles car vous savez que c'est un peu partout en France l'émotion, nous savons qu'un comité a été réuni et pour l'instant le score c'est 5-3-2 chez les vétérinaires. Cinq qui trouvent que les arguments français sont nouveaux mais pas déterminants, trois qui trouvent que ces arguments sont déterminants et deux qui pour l'instant s'abstiennent donc on ne sait toujours pas, est-ce que vous en savez plus vous, ce qui va se passer et s'il va y avoir maintien de l'embargo ?
R - Ca, c'était le score du match de lundi, c'est-à-dire des experts spécialisés dans les maladies de l'encéphalopathie spongiforme bovine et donc ces experts ont transmis un rapport mitigé au comité scientifique directeur. Ce comité scientifique directeur va travailler et transmettra un rapport à la Commission européenne qui, elle, aura à prendre ses responsabilités politiques. Je considère que tant que ces travaux ne sont pas achevés, il est trop tôt pour porter un jugement politique, ce qui m'intéresse c'est que les arguments français ont été considérés comme des éléments nouveaux et parmi ceux qui se sont exprimés, certains ont dit que ce n'était pas déterminant mais les médecins, tous les médecins du comité d'experts, eux, ont considéré que c'était des arguments déterminants.
Q - Mais qu'est-ce que vous allez faire Monsieur le Ministre au cas où finalement on ne suit pas jusqu'au bout les arguments français, à savoir qu'il va falloir laisser rentrer la viande anglaise chez nous...
R - Je ne veux pas répondre sur le sujet tant que cette réunion n'est pas achevée, tant que la Commission n'aura pas pris une décision politique au gouvernement européen. Donc j'attends très sereinement l'achèvement de cette discussion et on verra. Il me semble qu'il est très difficile de dire aux Français, c'est-à-dire aux scientifiques français qui ont émis un avis indépendant de leur dire, il n'y a pas de risque et de nous forcer à rouvrir les frontières. J'ai le sentiment que, d'ailleurs, la Commission n'est pas dans cet état d'esprit.
Q - Trois chaînes de supermarchés en Grande-Bretagne boycottent des produits français. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que le danger de cette affaire, quand les relations franco-britanniques ne sont pas toujours au beau fixe, c'est que, quelle que soit la décision, il y a une sorte d'embargo sur nos produits ou en tout cas un boycott sur nos produits parce que nous décidons un embargo sur leur viande ?
R - La réalité, c'est que aujourd'hui, nous avons simplement refusé de lever l'embargo. Je vous signale que nous ne sommes pas les seuls puisque les Allemands en ont fait autant pour l'instant et que, à mon sens, il n'y a pas de sentiment germanophobe qui s'exprime aujourd'hui en Angleterre et donc c'est nous faire beaucoup d'honneur mais en même temps c'est peut-être se focaliser sur un seul pays. Nous posons le problème en terme de protection de la santé des consommateurs et non pas en terme de rapport de force ou de protectionnisme. Je déplore cette montée de francophobie en Angleterre, j'estime qu'elle est tout à fait déplacée parce qu'elle a des relents xénophobes et j'espère que les choses vont se calmer parce que ce ne sont pas les meilleures conditions pour résoudre ce problème. C'est une crise dans l'Europe et une crise entre la France et la Grande-Bretagne. Cette crise, la France ne l'a pas voulue, ce sont des scientifiques français qui nous ont en fait avisé d'un risque persistant, nous n'avons pas voulu cette crise, nous ne nous complaisons pas dans cette crise et nous voulons en sortir le plus vite possible. Mais pour en sortir il va falloir dialoguer. Pour dialoguer, il vaut mieux éviter les quolibets et les anathèmes./.
DIPLOMATIE P.O. RIVASSEAU
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 novembre 1999)