Texte intégral
R. Sicard.- La rentrée politique, c'est cette semaine, avec les traditionnelles universités d'été. Les Verts tiendront la leur en Vendée, à partir de demain. Mais je voudrais d'abord évoquer le Sommet de Johannesburg, qui va se tenir à partir d'aujourd'hui. C'est un sommet qui regroupe une centaine de chefs d'Etat, pour parler de l'avenir de la planète, de l'environnement, du développement durable. G. Bush n'y sera pas, et si les Américains boudent, cela risque de ne pas aboutir à grand chose ?
- "Cela fait longtemps que les Américains boudent. Ils ne veulent pas appliquer notamment le protocole de Kyoto sur le réchauffement de la planète. Et ils ont réduit, en fait, leur aide aux pays en voie de développement. Ce Sommet de la Terre, qui ne réunit pas d'ailleurs que des chefs d'Etat, mais beaucoup d'organisations non-gouvernementales, celles qui sont sur le terrain et qui voient vraiment la réalité des injustices entre les riches et les pauvres, risque d'être un sommet de l'hypocrisie, parce que l'on va encore paver cet enfer de bonnes intentions et on ne va pas prendre de décisions."
On avait vu il y a dix ans à Rio que l'on avait beaucoup de bonnes intentions, mais pas de décisions...
- "Rio, il y a dix ans, c'était le premier Sommet de la Terre effectivement. C'est là que l'on a pris conscience du fait que, lorsque l'on agit par exemple dans la forêt amazonienne, cela peut avoir des conséquences sur l'ensemble du climat et qu'il y a des phénomènes d'interaction. Et que nous n'avons qu'une seule terre, c'est cela qui a émergé, et je pense que c'est une notion importante. Sauf que l'on n'a pas fait grand chose pour résoudre ces problèmes. Il y a toujours près de 2 milliards d'hommes et de femmes qui vivent avec moins de 1 euro par jour et il y a plus de 1,5 milliard d'hommes, de femmes et d'enfants qui n'ont toujours pas accès à l'eau potable ! Tant que ce monde ne marchera que sur une jambe, tant qu'il y aura autant d'inégalités, ce sera difficile de parler de "développement durable". Il faut que l'on introduise maintenant deux choses très importantes : c'est la notion de "biens communs". Il y des biens sur cette planète, dont les ressources ne sont pas inépuisables, et qui sont l'accès à l'eau et l'énergie, qui appartiennent à l'ensemble de l'humanité et qu'il nous faut donc gérer comme des biens communs. Et puis la deuxième chose, c'est la question de la richesse. Est-on riches, quand on a des millions d'obèses dans son pays ? Ou est-on riches lorsque, par exemple, on a un haut niveau d'accès à l'éducation, un haut niveau de protection de la santé, un haut niveau de connaissances générales ? C'est, je crois, cette question-là qu'il faut remettre à l'ordre du jour maintenant."
J. Chirac, lui, sera présent à Johannesburg. Quel rôle la France peut-elle jouer dans cette affaire ?
- "La France ne peut pas jouer un rôle seule. C'est à l'Europe de jouer son rôle, et à l'Europe de ne pas simplement se contenter de copier le modèle américain, mais de développer un modèle social européen, et de faire de l'Europe un continent qui va augmenter son aide aux pays en voie de développement et qui va rembourser sa dette. Parce que nous avons vis-à-vis de ces pays du Tiers-Monde, vis-à-vis de ces pays pauvres, une lourde dette : c'est la question de la réparation. Est-ce que la réparation ne consisterait pas précisément à rembourser cette dette que nous leur devons, qui a été constitué par la colonisation, le pillage de leurs ressources, l'asservissement ?!"
On rembourserait la dette en annulant la leur par exemple ?
- "Annuler la dette, cela fait partie des propositions que j'avais développées lors de la campagne présidentielle. Mais ce n'est pas simplement cela. Annuler la dette, c'est aussi annuler la dette que nous avons depuis des siècles avec eux. Aujourd'hui, nous continuons à piller les ressources d'un certain nombre de pays d'Afrique ou d'Asie. Nous continuons à exporter notre agriculture vers ces pays du premier Monde, qui tuent les agriculteurs de ces pays, parce que nous subventionnons l'agriculture. Donc, si l'Europe avait un rôle à jouer, ce serait, par exemple, de revoir la PAC et de supprimer un certain nombre de subventions qui favorisent l'agriculture industrielle."
Vous n'allez pas faire plaisir aux agriculteurs...
- "Ni à Monsieur Chirac, qui va beaucoup parler de "développement durable" et de l'humanité, mais qui est quand même le chantre de l'énergie nucléaire, de l'agriculture productiviste, qui est pour les OGM, et qui, jusqu'à maintenant, n'a pas fait grand chose..."
OGM... J. Chirac ne s'est jamais prononcé pour les OGM en France...
- "Si, tout à fait. Il a toujours dit que c'était nécessaire au progrès de l'humanité. Vous avez vu ce que font les Américains aujourd'hui ? Alors qu'il y a des pays comme le Zimbabwe et la Zambie qui sont en situation de famine ? Que font les Etats-Unis ? Ils essaient, pardonnez-moi, cette expression triviale, de "fourguer" leur maïs transgénique à ces pays qui sont en train de crever de faim ! Comme s'ils devaient être les otages de Monsanto ou d'Aventis !"
Venons-en à la politique française. L'université d'été des Verts commence demain, et on a l'impression que chez vous, c'est encore un petit peu les règlements de comptes qui recommencent. Plusieurs leaders des Verts disent que, finalement, D. Voynet devrait passer la main...
- "Non, on n'en est plus à l'heure des règlements de comptes. Et si on était encore là, ce serait grave pour les Verts, au vu de la situation dans laquelle se trouve l'opposition et l'ensemble de la gauche. Je pense que les Verts ont un rôle très important à jouer dans la reconstruction de la gauche politique et sociale. On voit bien quelle est la politique menée par ce Gouvernement, un Gouvernement de droite, une droite conservatrice, qui a fait régresser les libertés avec les lois Sarkozy et Perben, qui ne veut pas augmenter le Smic mais qui préfère réduire l'impôt sur le revenu pour les plus nantis, qui ne régularise pas les sans-papiers ! Bref, je pense qu'aujourd'hui, la gauche a un message à faire passer aux Français, qu'elle doit d'abord se réorganiser, cela veut dire retrouver sa base militante et retrouver surtout ceux qui attendent d'elle une autre politique, plutôt que de se concentrer sur les classes moyennes, ce qui est une chose, et qu'il ne faut pas négliger. Nous devons aussi nous retourner vers ceux qui aujourd'hui sont victimes du travail précaire, de la flexibilité imposée... Des travailleurs pauvres, il y en encore trop dans ce pays. C'est à ceux-là qu'il faut s'adresser."
Mais sur le cas de D. Voynet, vous pensez qu'elle doit rester à son poste de patron des Verts ?
- "C'est le problème de D. Voynet, je ne vais pas répondre à sa place ! Invitez-là et elle vous répondra. Je pense qu'avant de savoir quel est le sort de D. Voynet, et qui sera secrétaire national, nous avons une urgence très prioritaire, qui est d'établir un projet qui soit compréhensible par l'ensemble de la société..."
Vous pensez que les Verts ont été confus jusqu'à maintenant ?
- "Non, je ne sais pas si on a été confus. On n'a pas toujours bien fait passer notre message. J'ai fait passer le score des Verts de 3 à 5 %, cela veut dire que le message s'est amélioré, mais qu'il n'est pas encore suffisant. Parce que nous valons mieux que ça dans la société. Regardez avec le Sommet de la Terre, qui tourne autour de toutes les idées que nous développons depuis près de 30 ans. Il faut en finir avec aussi ce statut de bouc-émissaire. Il y en a un peu ras-le-bol finalement d'être le bouc-émissaire des agriculteurs, des chasseurs, des scientifiques ! Je crois qu'il faut que l'on crée des passerelles avec tous ces secteurs, parce que ce ne sont pas des ennemis. Nous vivons tous ensemble. Et que l'on trouve les moyens de rétablir le dialogue. Mais pour cela, il faut que les Verts affichent un projet qui soit compréhensible par tous."
Vous dites aussi qu'il faut que les Verts se réorganisent, parce que le parti n'est pas du tout efficace ?
- "Oui, bien sûr. Dans une période, durant laquelle nous allons être dans l'opposition pendant cinq ans, avec trois députés au Parlement et peu de possibilités de s'exprimer, personne au Gouvernement, il faut se recentrer sur le parti, le réorganiser, lui donner plus de force. Le réorganiser, cela veut dire, sortir de cette espèce d'obsession de la démocratie qui finit par ne plus être très démocratique. Par exemple, - il y en a pleins d'exemples à donner sur nos limites - connaissez-vous les quatre porte-parole des Verts ? Certainement pas ou peut-être parce que vous suivez l'actualité politique... Quatre porte-parole, cela ne veut rien dire. Nous avons un collège exécutif qui est celui qui doit diriger le parti et qui est l'expression de la proportionnelle. Je crois qu'il faut que l'on dégage une vraie majorité politique, sur des objectifs qui dépassent les deux ans du Congrès. C'est à partir de là qu'il faudra déduire l'organisation du parti."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 août 2002)
- "Cela fait longtemps que les Américains boudent. Ils ne veulent pas appliquer notamment le protocole de Kyoto sur le réchauffement de la planète. Et ils ont réduit, en fait, leur aide aux pays en voie de développement. Ce Sommet de la Terre, qui ne réunit pas d'ailleurs que des chefs d'Etat, mais beaucoup d'organisations non-gouvernementales, celles qui sont sur le terrain et qui voient vraiment la réalité des injustices entre les riches et les pauvres, risque d'être un sommet de l'hypocrisie, parce que l'on va encore paver cet enfer de bonnes intentions et on ne va pas prendre de décisions."
On avait vu il y a dix ans à Rio que l'on avait beaucoup de bonnes intentions, mais pas de décisions...
- "Rio, il y a dix ans, c'était le premier Sommet de la Terre effectivement. C'est là que l'on a pris conscience du fait que, lorsque l'on agit par exemple dans la forêt amazonienne, cela peut avoir des conséquences sur l'ensemble du climat et qu'il y a des phénomènes d'interaction. Et que nous n'avons qu'une seule terre, c'est cela qui a émergé, et je pense que c'est une notion importante. Sauf que l'on n'a pas fait grand chose pour résoudre ces problèmes. Il y a toujours près de 2 milliards d'hommes et de femmes qui vivent avec moins de 1 euro par jour et il y a plus de 1,5 milliard d'hommes, de femmes et d'enfants qui n'ont toujours pas accès à l'eau potable ! Tant que ce monde ne marchera que sur une jambe, tant qu'il y aura autant d'inégalités, ce sera difficile de parler de "développement durable". Il faut que l'on introduise maintenant deux choses très importantes : c'est la notion de "biens communs". Il y des biens sur cette planète, dont les ressources ne sont pas inépuisables, et qui sont l'accès à l'eau et l'énergie, qui appartiennent à l'ensemble de l'humanité et qu'il nous faut donc gérer comme des biens communs. Et puis la deuxième chose, c'est la question de la richesse. Est-on riches, quand on a des millions d'obèses dans son pays ? Ou est-on riches lorsque, par exemple, on a un haut niveau d'accès à l'éducation, un haut niveau de protection de la santé, un haut niveau de connaissances générales ? C'est, je crois, cette question-là qu'il faut remettre à l'ordre du jour maintenant."
J. Chirac, lui, sera présent à Johannesburg. Quel rôle la France peut-elle jouer dans cette affaire ?
- "La France ne peut pas jouer un rôle seule. C'est à l'Europe de jouer son rôle, et à l'Europe de ne pas simplement se contenter de copier le modèle américain, mais de développer un modèle social européen, et de faire de l'Europe un continent qui va augmenter son aide aux pays en voie de développement et qui va rembourser sa dette. Parce que nous avons vis-à-vis de ces pays du Tiers-Monde, vis-à-vis de ces pays pauvres, une lourde dette : c'est la question de la réparation. Est-ce que la réparation ne consisterait pas précisément à rembourser cette dette que nous leur devons, qui a été constitué par la colonisation, le pillage de leurs ressources, l'asservissement ?!"
On rembourserait la dette en annulant la leur par exemple ?
- "Annuler la dette, cela fait partie des propositions que j'avais développées lors de la campagne présidentielle. Mais ce n'est pas simplement cela. Annuler la dette, c'est aussi annuler la dette que nous avons depuis des siècles avec eux. Aujourd'hui, nous continuons à piller les ressources d'un certain nombre de pays d'Afrique ou d'Asie. Nous continuons à exporter notre agriculture vers ces pays du premier Monde, qui tuent les agriculteurs de ces pays, parce que nous subventionnons l'agriculture. Donc, si l'Europe avait un rôle à jouer, ce serait, par exemple, de revoir la PAC et de supprimer un certain nombre de subventions qui favorisent l'agriculture industrielle."
Vous n'allez pas faire plaisir aux agriculteurs...
- "Ni à Monsieur Chirac, qui va beaucoup parler de "développement durable" et de l'humanité, mais qui est quand même le chantre de l'énergie nucléaire, de l'agriculture productiviste, qui est pour les OGM, et qui, jusqu'à maintenant, n'a pas fait grand chose..."
OGM... J. Chirac ne s'est jamais prononcé pour les OGM en France...
- "Si, tout à fait. Il a toujours dit que c'était nécessaire au progrès de l'humanité. Vous avez vu ce que font les Américains aujourd'hui ? Alors qu'il y a des pays comme le Zimbabwe et la Zambie qui sont en situation de famine ? Que font les Etats-Unis ? Ils essaient, pardonnez-moi, cette expression triviale, de "fourguer" leur maïs transgénique à ces pays qui sont en train de crever de faim ! Comme s'ils devaient être les otages de Monsanto ou d'Aventis !"
Venons-en à la politique française. L'université d'été des Verts commence demain, et on a l'impression que chez vous, c'est encore un petit peu les règlements de comptes qui recommencent. Plusieurs leaders des Verts disent que, finalement, D. Voynet devrait passer la main...
- "Non, on n'en est plus à l'heure des règlements de comptes. Et si on était encore là, ce serait grave pour les Verts, au vu de la situation dans laquelle se trouve l'opposition et l'ensemble de la gauche. Je pense que les Verts ont un rôle très important à jouer dans la reconstruction de la gauche politique et sociale. On voit bien quelle est la politique menée par ce Gouvernement, un Gouvernement de droite, une droite conservatrice, qui a fait régresser les libertés avec les lois Sarkozy et Perben, qui ne veut pas augmenter le Smic mais qui préfère réduire l'impôt sur le revenu pour les plus nantis, qui ne régularise pas les sans-papiers ! Bref, je pense qu'aujourd'hui, la gauche a un message à faire passer aux Français, qu'elle doit d'abord se réorganiser, cela veut dire retrouver sa base militante et retrouver surtout ceux qui attendent d'elle une autre politique, plutôt que de se concentrer sur les classes moyennes, ce qui est une chose, et qu'il ne faut pas négliger. Nous devons aussi nous retourner vers ceux qui aujourd'hui sont victimes du travail précaire, de la flexibilité imposée... Des travailleurs pauvres, il y en encore trop dans ce pays. C'est à ceux-là qu'il faut s'adresser."
Mais sur le cas de D. Voynet, vous pensez qu'elle doit rester à son poste de patron des Verts ?
- "C'est le problème de D. Voynet, je ne vais pas répondre à sa place ! Invitez-là et elle vous répondra. Je pense qu'avant de savoir quel est le sort de D. Voynet, et qui sera secrétaire national, nous avons une urgence très prioritaire, qui est d'établir un projet qui soit compréhensible par l'ensemble de la société..."
Vous pensez que les Verts ont été confus jusqu'à maintenant ?
- "Non, je ne sais pas si on a été confus. On n'a pas toujours bien fait passer notre message. J'ai fait passer le score des Verts de 3 à 5 %, cela veut dire que le message s'est amélioré, mais qu'il n'est pas encore suffisant. Parce que nous valons mieux que ça dans la société. Regardez avec le Sommet de la Terre, qui tourne autour de toutes les idées que nous développons depuis près de 30 ans. Il faut en finir avec aussi ce statut de bouc-émissaire. Il y en a un peu ras-le-bol finalement d'être le bouc-émissaire des agriculteurs, des chasseurs, des scientifiques ! Je crois qu'il faut que l'on crée des passerelles avec tous ces secteurs, parce que ce ne sont pas des ennemis. Nous vivons tous ensemble. Et que l'on trouve les moyens de rétablir le dialogue. Mais pour cela, il faut que les Verts affichent un projet qui soit compréhensible par tous."
Vous dites aussi qu'il faut que les Verts se réorganisent, parce que le parti n'est pas du tout efficace ?
- "Oui, bien sûr. Dans une période, durant laquelle nous allons être dans l'opposition pendant cinq ans, avec trois députés au Parlement et peu de possibilités de s'exprimer, personne au Gouvernement, il faut se recentrer sur le parti, le réorganiser, lui donner plus de force. Le réorganiser, cela veut dire, sortir de cette espèce d'obsession de la démocratie qui finit par ne plus être très démocratique. Par exemple, - il y en a pleins d'exemples à donner sur nos limites - connaissez-vous les quatre porte-parole des Verts ? Certainement pas ou peut-être parce que vous suivez l'actualité politique... Quatre porte-parole, cela ne veut rien dire. Nous avons un collège exécutif qui est celui qui doit diriger le parti et qui est l'expression de la proportionnelle. Je crois qu'il faut que l'on dégage une vraie majorité politique, sur des objectifs qui dépassent les deux ans du Congrès. C'est à partir de là qu'il faudra déduire l'organisation du parti."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 août 2002)