Conférence de presse conjointe de MM. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, et Marwan Muasher, ministre jordanien des affaires étrangères, sur la nécessité de trouver une solution politique à la situation du Proche-Orient et sur les relations franco-jordaniennes, Amman, le 7 juillet 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel de M. Dominique Galouzeau de Villepin au Proche-Orient du 5 au 7 juillet 2002

Texte intégral

Je suis heureux d'avoir pu rapidement venir en Jordanie qui est un pays avec lequel nous entretenons des relations de longue amitié et de grande estime. Vous savez tous les liens qui unissent le président de la République, Jacques Chirac, et Sa Majesté le Roi Abdallah II. Je serai heureux de pouvoir rencontrer Sa Majesté dans quelques minutes. Nous avons pu avoir ce matin des entretiens très fructueux ainsi qu'avec le Premier ministre, M. Abou Ragheb, et je suis vraiment très sensible à la qualité de l'accueil et des conversations que j'ai pu avoir ici. Nos entretiens ont porté principalement sur la situation régionale et les relations franco-jordaniennes.
Au terme de ce second déplacement en quelques jours dans la région, vous me permettrez de partager avec vous quelques conclusions. Tout d'abord, la situation au Proche-Orient, dont, je crois qu'unanimement, on peut la considérer dramatique. A Amman, comme lors de mes précédentes étapes, j'ai relevé la très grande compréhension, la très grande préoccupation et la très grande attention de mes interlocuteurs vis-à-vis de la situation actuelle, à la fois l'angoisse du terrorisme, la frustration et l'humiliation liées à l'occupation, les risques d'instabilité qui concernent l'ensemble de ces pays, nous obligent à agir. Il y a un devoir aujourd'hui pour la communauté internationale.
Face à la régression sans précédent qui affecte la région, il y a aujourd'hui une urgence qui est de relancer les efforts de paix. Depuis le 11 septembre, nous savons tous qu'une crise régionale prend évidemment une figure nouvelle. Il y a donc une incitation encore plus grande à agir. Nous partageons avec les dirigeants de la région la conviction que seule une solution politique, aboutissant à un règlement juste qui respecte les droits de chacun, peut répondre aux aspirations des peuples à la sécurité et à une paix durable. Il ne peut y avoir de paix sans sécurité, mais la sécurité seule, nous en avons la conviction, ne peut apporter la paix.
Il y a aujourd'hui une très large convergence sur les éléments à prendre en compte, bien sûr la lutte contre le terrorisme, mais aussi l'arrêt de la colonisation, la fin de l'occupation, et la création, aux côtés de l'Etat d'Israël, d'un Etat palestinien viable et démocratique, sur la base des frontières de 1967. C'est sur ce socle commun consolidé par l'initiative de paix arabe de Beyrouth que nous saluons, la déclaration du Conseil européen de Séville et le dernier discours du président Bush, qu'il nous faut maintenant concrétiser, avec le souci pragmatique de faire avancer les choses, notre vision commune. La communauté internationale doit se mobiliser. S'il appartient bien sûr aux parties seules de se mettre d'accord sur le thème d'un règlement, il est important que la communauté internationale puisse les aider à renouer le dialogue. La France et l'Union européenne qui ont un intérêt très grand à plaider pour la stabilité et à la prospérité de cette région ont bien sûr vocation à prendre toute leur part dans cet effort et j'ai relevé la très grande attente manifestée par mes interlocuteurs vis-à-vis des initiatives de l'Union européenne et des positions françaises.
Pour répondre à cette attente, nous devons soutenir les réformes qui ont été engagées par l'Autorité palestinienne et permettre la tenue aux dates prévues d'élections démocratiques dans les Territoires palestiniens. Ceci suppose la mise en place d'un environnement favorable qui permette ces élections. Il nous revient d'agir auprès de l'ensemble des parties pour y parvenir. Chacun, de ce point de vue, doit bien évidemment faire face à ses responsabilités. Nous pensons que l'idée de conférence internationale serait le meilleur moyen de progresser dans cette direction. Cette conférence devrait aussi déboucher sur une véritable relance des négociations politiques sur l'ensemble des volets, selon des termes de référence et un calendrier précis - l'ensemble des volets, y compris syrien bien sûr et libanais. Elle devrait rassembler, outre les parties, les membres du Quartet et tous les pays concernés de la région.
Nous avons également évoqué la situation iraquienne. La France a deux objectifs concernant l'Iraq : l'amélioration de la situation humanitaire et la sécurité régionale. Pour ce qui est de l'amélioration de la situation humanitaire, le Conseil de sécurité a décidé, avec la résolution 1409, une amélioration du programme "pétrole contre biens humanitaires", et pour ce qui est de la sécurité, le président de la République française a dit que l'Iraq serait bien inspiré d'accepter le retour inconditionnel des inspecteurs du désarmement.
Concernant les relations entre la France et la Jordanie, j'ai redit à mes interlocuteurs tout le prix que nous attachions au bon développement de nos relations. C'est une relation, vous le savez, amicale et chaleureuse qui n'a cessé au cours des dernières décennies de se développer sous l'impulsion de feue Sa Majesté le Roi Hussein et, aujourd'hui, de Sa Majesté le Roi Abdallah II. J'ai rencontré au cours d'une séance de travail très intéressante ce matin, un certain nombre de ministres du gouvernement jordanien, le ministre de l'Eau, le ministre du Plan, le ministre de l'Education, le ministre du Tourisme et des Antiquités. J'ai rencontré aussi, hier, le ministre des Finances avant son départ pour Paris, et tout ceci nous a permis de faire un point très précis de la qualité de notre coopération.
Notre dialogue politique avec la Jordanie revêt une dimension importante : les deux chefs d'Etat, les ministres des Affaires étrangères se concertent régulièrement et la France apprécie à sa juste mesure le rôle stabilisateur de la Jordanie sur la scène régionale, ses positions courageuses et la sagesse de ses dirigeants.
Notre relation repose sur des liens particulièrement denses. Dans le domaine économique, la présence en Jordanie de grands groupes français et l'importance des investissements qu'ils réalisent, témoignent de l'excellente image dont bénéficie le royaume ainsi que de la confiance que la France place dans son avenir. Je rappelle que la France est aujourd'hui le premier investisseur étranger en Jordanie. Sur le plan financier, la France contribue également, que ce soit à titre bilatéral ou en tant que président du Club de Paris, aux efforts internationaux pour aider la Jordanie à alléger le fardeau de sa dette et à relever le défi de son développement. Enfin, la coopération franco-jordanienne se développe en particulier dans le secteur, très important pour la Jordanie, du tourisme où la France participe activement au développement du potentiel du Royaume et à la mise en valeur de son patrimoine culturel.
Q - Après la première tournée au Proche-Orient et celle-ci, vous allez bientôt voir les Russes et les Américains, est-ce que vous allez apporter un message précis à l'attention de ces deux pays ? Est-ce que, plus précisément, le président syrien ou le ministre syrien des Affaires étrangères vous ont demandé de passer un message ?
R - Vous me permettrez, en commençant, de souligner ce qui est, aujourd'hui, ma conviction au terme des entretiens que j'ai pu avoir dans cette région. Evidemment, le principal message que j'ai aujourd'hui à porter, c'est d'abord l'urgence de la situation. On voit bien à quel point la tragédie qui se joue aujourd'hui sur cette terre, entre, d'un côté l'humiliation et l'angoisse qui pèsent du côté palestinien devant l'absence d'avenir, le sentiment aussi de peur et d'angoisse qui règne en Israël face à la menace terroriste, créent une situation qui est pour nous tous une exigence très grande de mobilisation et d'intervention. Dans ce contexte, je dois dire à quel point je suis frappé par la détermination de l'ensemble des partenaires que j'ai rencontrés. Il y a aujourd'hui une position arabe qui s'est exprimée au début de l'année lors du Sommet de Beyrouth et qui marque clairement l'engagement de tous ces Etats à faire avancer la paix. Le sentiment que j'éprouve aujourd'hui, c'est que quoi que l'on fasse - et bien sûr la mobilisation doit être grande pour faire respecter la sécurité, pour faire reculer le terrorisme qui est inacceptable - il est très important de ne pas oublier qu'il ne peut y avoir de véritable sécurité sans paix. Et c'est bien cette primauté du processus politique, du dialogue politique qui doit aujourd'hui reprendre. Il est important bien évidemment que se noue partout la concertation et le dialogue, mais il est important aussi de dégager le cadre qui permettra véritablement de faire avancer les idées. Et je reste convaincu, pour ma part, que la conférence internationale reste l'outil permettant, dans le monde d'aujourd'hui, de l'après 11 septembre, de véritablement débloquer ce processus sachant qu'il y a presque un accord unanime aujourd'hui de la communauté internationale pour considérer qu'au bout de la route il doit y avoir la création d'un Etat palestinien, le plus rapidement possible. L'urgence pèse aujourd'hui très lourdement. Et évidemment cet Etat doit s'établir dans le cadre des frontières de 1967
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juillet 2002)